Hautes oeuvres (Hache)

Hautes oeuvres
Hache © La Boîte à bulles – 2008

Nous sommes en 1757 à Paris.

Charles-Henri Sanson est un piètre exécuteur des hautes œuvres de Paris. Il faut dire qu’initialement, ce n’était pas lui qui devait s’occuper de cette tâche mais le bourreau officiel, ayant une monstrueuse gueule de bois, il s’est fait porter pâle. Sanson le remplace donc au pied levé et va officier sur la personne de Damiens jugé pour sa tentative de régicide sur le Roi Louis XV.

Cette exécution en place publique est décidément soumise à bien des impondérables et le bourreau en sera profondément marqué.

Petite uchronie que cet album OVNI nous propose. Un moyen de revisiter cet épisode de l’Histoire de France (Hop !! petit lien vers la bio de Damiens et celle de Sanson) sous un regard complètement déjanté. Simon Hache (pseudo à usage unique ??) signe plus couramment « Simon Hureau » (Tout doit disparaître et Parole de… pour les plus connus). Certains d’entre vous le connaissent sous « Monsieur H » puisque j’ai vu passer à de nombreuses reprises sur les blog un avis sur La vieille dame qui n’avait jamais joué au tennis et autres nouvelles qui font du bien. Quoiqu’il en soit, je lis ce monsieur pour la première fois et la rencontre me semble saugrenue.

Au niveau graphique, j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir cet ouvrage qui se moque un peu des conventions. Les cases ne cloisonnent pas le récit, les personnages évoluent librement du fait de cette mise en page originale qui rend l’ensemble très vivant. Le dessin est fin, minutieux, détaillant leurs traits et les détails de leurs costumes alors que les décors sont plus ou moins laissés à l’abandon. Quelques passages seulement nous apporteront les détails d’un intérieur bourgeois ou d’une cuisine d’une maison ouvrière mais globalement, les éléments des fonds de cases sont ponctuels, leur présence est ornementale. Des passages assez gores s’immiscent ça et là et dépeignent parfaitement l’effet que cette pénible exécution a sur l’ensemble des protagonistes. On ressent la curiosité malsaine et l’amusement de certain, l’écœurement ou la stupéfaction des autres. Pour nous, lecteur, cette mise en page aérée atténue l’ambiance oppressante et contribue à donner à l’ensemble un air de vieillot qui se marie très bien à l’intrigue, campant une « ambiance d’époque » fidèle à des vieux films en costume mettant en scène cette période historique.

Je suis plus mesurée pour le récit. Nous sommes accueillis par Limul Goma, un personnage qui se présente d’emblée comme le narrateur. Ce collectionneur d’objets anciens souhaite nous raconter cet épisode de l’Histoire en s’aidant pour cela des pièces de sa collection qui viendront illustrer ses propos. Il est raffiné, a le soucis du détail et de l’anecdote et impose une note humoristique, voire sarcastique à l’album. Le ton est enjoué, léger et convivial, nous lui emboitons le pas facilement cependant, il ne sera pas le seul narrateur. Par moment, il laissera la parole à Charles-Henri Sanson lui-même qui racontera le trouble qu’a jeté sur lui cette exécution cauchemardesque. Charles-Henri s’adresse à sa grand-mère à qui il raconte l’événement. La vieille pose les questions justes, il faut dire qu’elle est rodée sur la question puisque chez les Sanson, on est bourreau de père en fils. A d’autres moments, la narration glisse également sur une jeune souillon dévergondée et nymphomane qui nous parle de Damiens et nous ferait presque prendre pitié pour le sort qui lui est réservé. Cette pauvrette n’est autre que la future Comtesse du Barry. Le ton du récit est tantôt raffiné tantôt familier en fonction que l’on se place coté bourgeoisie ou coté petit peuple. Les personnages y sont effrontés à souhait, spontanés, incisifs et volages.

L’avantage immédiat d’avoir plusieurs narrateurs est que cela nous apporte trois regards complémentaires sur les faits (sachant que c’est une uchronie puisqu’historiquement, Sanson intervient pour faire cesser cette exécution désastreuse alors qu’ici, il y participe et s’acharne sur sa victime). L’occasion de croiser subrepticement d’autres figures historiques comme Guillotin. Mais globalement, même si le récit ne nous échappe pas, il est trop éparpillé. Bien qu’amusée, je suis restée assez extérieur à cet album. Autre époque autres mœurs… bizarre tout de même.

PictoOKSpéciale lecture que voilà, ni complètement convaincue ni complètement désintéressée. Le ton humoristique teint de sarcasme donne une odeur de stupre et un air de dédain à la noblesse pendant que les gens du peuple sentent le graillon et la transpiration. Un peuple de débauche et friand de curiosité malsaine mais sur ce point, nous leur ressemblons assez…

Ce qu’ils en disent sur Du9.

Hautes Œuvres

« Petit traité d’humanisme à la française »

One Shot

Éditeur : La Boîte à bulles

Collection : Contre-pied

Dessinateur / Scénariste : Simon HACHE

Dépôt légal : juin 2008

ISBN : 978-2-84953-059-7

Bulles bulles bulles…

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Hautes œuvres – Hache © La Boîte à bulles – 2008

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

11 réflexions sur « Hautes oeuvres (Hache) »

  1. J’aime bien le dessin et puis, l’histoire m’a l’air quand même assez intéressante, même si je suis loin de connaitre cette époque, qui n’est pas vraiment ma préférée. Mais je crois qu’il faudra que je suggère cet achat à la biblio … ils ne l’ont pas !

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    1. l’histoire est intéressante, c’est certain. De toutes les critiques que j’ai lues, les lecteurs mettaient étaient assez satisfaits quant à la question des multiples narrateurs. C’est vrai que d’avoir accès à plusieurs regards sur les faits est un plus. Moi ça m’a perdue. A chacun de se faire sa propre idée je pense…

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  2. Le graphisme me plait beaucoup, un dessin libre pas réglé dans des cases… c’est pas mal !
    Quand à l’histoire ma foi je pense comme toi Mo’, faut le lire pour ce faire sa propre idée sur cette histoire de trois narrateur… ça m’intrigue un peu !

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