Le Collectionneur (Toppi)

Le Collectionneur, intégrale
Toppi © Mosquito – 2010

« On ne sait qui il est, on ne sait d’où il vient. Il arrive de nulle part ; là même où il retournera. Son destin, à la fin, est toujours de partir : il fait volte-face, nous présente son dos, s’éloigne et se perd dans le désert. Il n’aura fait que passer, traversant le monde comme un nuage plombé, un ange assassin, un songe cruel. Il n’aura été qu’un rêve entêtant. Deux épais pinceaux soigneusement peignés en guise de moustache, des cheveux longs recouverts d’un inamovible chapeau, une cravate noire sous un gilet sans manches blanc, une veste aux longs pans, un pantalon filiforme et des bottes de gaucho : voici, tel qu’en lui-même, le Collectionneur. Son sobriquet lui sert de masque : nul ne sait qui il est. Le Collectionneur n’a pas de nom, sinon des noms d’emprunt ; il n’a pas d’âge, pas d’ancêtres, pas de port d’attache connu. Il joue toujours personnel, il fait cavalier seul, c’est un solitaire qui attend son heure dans l’ombre ; et qui ne table que sur soi. A poor lonesome cow-boy, en somme. Sauf qu’il n’est pas vraiment cow-boy ; et pas poor du tout. (…) Face à l’arrogance occidentale, le Collectionneur prend donc le parti des peuples opprimés. S’il se sent bien avec eux, c’est notamment qu’il partage leur foi chamanique. Eux comme lui croient en des forces immémoriales, qui régissent le monde et dépassent de beaucoup l’entendement des hommes. Comme eux, il table sur la magie. Tous les objets de sa collection recèlent d’ailleurs une charge surnaturelle : le joyau mongol est une larme figée, métamorphosée en perle, laquelle, une fois l’an, donne à voir l’image d’un cheval ; le sceptre de Muiredeagh, véritable baguette magique, est l’attribut d’un « roi qui soulevait des pierres comme le vent balaye les feuilles » ; l’obélisque abyssin institue de facto celui qui le touche en Négus d’Éthiopie ; le calumet de pierre rouge permet de lire l’avenir dans la fumée qui s’en échappe ; et le collier de Padmasumbawa procure à son détenteur d’immenses pouvoirs sur les objets et sur les êtres« . Voilà en quelques mots résumé l’univers du Collectionneur. Ces propos sont extraits de la préface de l’Intégrale du Collectionneur rédigée par Jean-Louis Roux.

Je tairais le nom de celle par qui tout commença et qui me fit découvrir il y a quelques mois déjà le grand auteur qu’est Sergio Toppi.  Ensuite, si vous me dites que vous voulez gagner du temps pour lire de vos propres yeux ses avis sur Toppi, je dis d’accord… allez voir chez Choco !!

Après avoir été séduite par Sharaz-De, plus mesurée sur Tanka, c’est au tour du Collectionneur. Ce voyage m’a beaucoup plus et m’a emmené du Missouri à l’Australie en passant par le Tibet à la fin du 19ème siècle. On voyage à travers le monde, on rencontre des tribus d’indigènes éparpillées ça et là dans des lieux désertiques et en proie à des chefs barbares ou des généraux occidentaux qui partagent un même objectif : celui d’étendre leur domination et construire un territoire toujours plus grand. Certains sont avides de pouvoirs et sanguinaires, d’autres se contentent d’obéir aux ordres… beaucoup ont perdu la raison. Le Collectionneur désapprouve. En bon samaritain, il défend les opprimés, mais c’est plus une manière déguisée de déplacer à sa manière des pions sur l’échiquier. Car il ne sert que ses intérêts et certaines alliances lui permettront d’atteindre son but. Il met les autres en dette vis-à-vis de lui pour atteindre les objets convoités et ainsi compléter sa collection. Un tour du monde captivant en présence de ce personnage à la verve agréable et à la dégaine de dandy. Il fait mouche, ne s’encombre pas de futilités, témoigne d’une confiance en lui impressionnante et s’arme parfois de magie pour vaincre un adversaire encombrant. Rien ne peut le faire changer d’avis… tout au plus les événements lui feront retarder le moment de son acquisition. Son monde est fait d’une solitude choisie et d’aventure permanente.

Agile, rusé, têtu, on l’accompagne avec plaisirs dans des paysages impressionnants que Toppi crée avec talent à l’encre de Chine. Les jeux de hachures mettent en valeur les perspectives et les jeux d’ombres, les traits s’entrelacent et donne à chaque personnage un charisme certain et un côté mystérieux qui force au respect de chacun des individus de cet univers, y compris les plus fourbes. Ce monde est familier et étrange. Une impression de grands espaces en ressort, les montagnes sont colossales,les forets luxuriantes. On découvre l’immensité des territoires désertiques.

Conseillé par Choco, cette lecture intègre le Challenge « PAL sèches »

Un voyage graphique assuré et une fascination pour ce personnage intelligent et subtile.

Les avis de Choco sur Le joyau mongol et Le sceptre de Muiredeagh.

Extrait :

« Je voudrais qu’une chose soit claire : il ne faudrait pas, cher ami, m’assimiler aux collectionneurs ordinaires qui remplissent leurs galeries d’objets disparates choisis pour leur ancienneté, leur valeur marchande, leur beauté intrinsèque. Beaucoup de ces gens n’éprouvent pas de difficulté pour faire contempler leurs trésors. Je ne suis pas de ceux-là. Je ne collectionne que des objets qui revêtent pour moi une signification particulière, des objets qui ont « vécu », protagonistes d’histoires que moi seul connais grâce à mes recherches. Une fois que je les ais obtenus, je me les réserve. Plus personne ne les verra » (Le Collectionneur).

Le Collectionneur

Intégrale regroupant 5 albums :

1. Le Calumet de pierre rouge

2. L’Obélisque abyssin

3. Le Joyau mongol

4. Le Sceptre de Muiredeagh

5. Le Collier de Padmasumbawa

Éditeur : Mosquito

Dessinateur / Scénariste : Sergio TOPPI

Dépôt légal : décembre 2010

Bulles bulles bulles…

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Le Collectionneur – Toppi © Mosquito – 2010

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

25 réflexions sur « Le Collectionneur (Toppi) »

  1. Moi non plus, ce n’est pas du tout le genre de bande dessinée qui m’attire. Mais il faut avouer que la qualité des dessins (on dirait des gravures) est bien là !

    J’aime

  2. Je ne vais pas faire avancer le débat, mais Toppi, c’est vraiment la magie de l’image…
    J’ai eu la chance de le rencontrer au Festival BD de Solliès-Ville : un petit bonhomme tout modeste qui ne paie pas de mine.
    Ca le rend encore plus grand à mes yeux…

    J’aime

  3. Bonjour à tous,
    J’espère que ce message n’apparaîtra pas trop déplacé, mais je voulais vous faire part de notre exposition Sergio Toppi, à l’occasion de la parution du Collectionneur en intégrale.
    30 planches et dessins originaux seront exposés dans notre librairie du 14 de la rue Serpente, dans le 6 eme arrondissement de Paris, à partir du jeudi 16 décembre. Ce jeudi là, nous organisons une soirée durant laquelle l’éditeur et un spécialiste vous parleront du travail de Sergio Toppi. Les originaux ne sont pas à vendre. Mais ils méritent que l’on s’y attarde longuement.
    N’hésitez pas à passer, vous êtes tous bienvenus.

    J’aime

  4. « celle par qui tout commença »… j’adore quand tu parles de moi comme ça ^^
    Superbe billet, je ne saurais dire mieux !
    Un jour j’ai failli offrir un original de Toppi à un ami… maintenant c’est pour moi que je le voudrais 🙂
    J’avais repéré l’expo… elle tourne aussi ailleurs mais pas jusque dans le sud…

    J’aime

    1. oui, elle ne descend pas jusqu’à nous cette expo… sniff J’ai failli monter à Pari le 16 juste pour ça mais ça fait cher la sortie quand même. Je me suis mise à Battaglia tiens !^^

      J’aime

    1. Le prix percute oui. Après, c’est une belle intégrale de 5 titres. Il y a « Sharaz-De » aussi, peut-être plus abordable niveau prix (intégrale d’un diptyque) et ça reste mon album-référence concernant cet auteur. Enfin, c’est vrai que les ouvrages Mosquito sont chers mais bon… ce sont des beaux objets aussi 😉

      J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.