Ma maman est en Amérique, elle a rencontré Buffalo Bill (Regnaud & Bravo)

Ma Maman est en Amérique, elle a rencontré Buffalo Bill
Regnaud – Bravo © Gallimard – 2007

Septembre 1970. C’est la rentrée des classes. Pour Jean, elle est un peu particulière puisqu’il rentre en CP : « C’est le premier jour à l’école des grands » dit-il et ce n’est pas facile. Il ne retrouve aucun de ses copains de maternelle car son école était sur un autre quartier. Et puis arrive le moment des présentations et la première vraie angoisse  car la maîtresse veut connaître la profession de leurs parents : « je suis tout rouge, j’étouffe de chaleur. Qu’est-ce que je vais répondre qu’elle fait, ma maman ? Ça bourdonne dans mes oreilles et mes tempes me font mal. C’est déjà le tour de mon voisin ! ».

Finalement, Jean parviendra à répondre à la question. Mais qui est-ce petit bonhomme au juste ?

Et où est sa maman ?

Ce one-shot de 120 pages nous permet d’accompagner Jean (Regnaud) pendant quatre mois. Pour lui, c’est une période de transition. Il quitte définitivement le monde de la petite-enfance et les réponses expéditives à ses nombreux « Pourquoi ? » ne le rassurent plus. Un petit garçon très curieux et plein de vie qui a besoin de comprendre les secrets des adultes, car leurs conversations à demi-mots le mettent mal à l’aise. Le monde imaginaire dans lequel il se réfugie encore ne parvient plus à apaiser complètement ses questionnements et ses inquiétudes.

On le voit donc fouiller, interroger son entourage proche ou amical pour comprendre la raison de l’absence de sa mère. Peu à peu, il apprend à mettre les mots justes sur ses émotions bien qu’il tâtonne encore. Le ton du récit est juste, rempli d’une fraicheur enfantine. Jean Regnaud a trouvé un très bon équilibre pour nous rendre compte de ce regard d’enfant sur le monde des adultes. La fine frontière entre monde réel et monde imaginaire donne une ambiance originale à cet album, la voix-off de l’enfant permet d’aborder les non-dits, le rapport à l’absence et à la mort de manière ludique, pertinente, sans pathos. On investit Jean sans ressentir le besoin de le prendre sous notre aile car il est très bien entouré et s’en sort plutôt bien. Une place bien agréable pour le lecteur qui peut tantôt se saisir de la gravité du sujet tout en profitant du côté pétillant de ce témoignage. A aucun moment, je n’ai été écrasée par le poids du tabou familial dont on comprend rapidement la raison. De fait, on s’attache aux personnages : à Jean pour commencer, à sa nounou qui fait office de figure maternelle, à son petit frère, à la petite voisine qui le prend sous son aile et qui nous met sur la voie quant au motif de ce tabou familial… Jean quant à lui tâtonnera jusqu’au dénouement de l’album pour comprendre de quoi il en retourne. J’ai été soufflée par la fluidité du récit et la facilité avec laquelle les auteurs nous mettent sur la piste tout en laissant Jean nager entre les nombreux non-dits et incompréhensions.

Roaarrr ChallengeIl n’y a pas que le fond de l’album qui m’ait convaincu. Pour illustrer ce récit rythmé raconté au présent et découpé en 14 chapitres, le dessin d’Emile Bravo choisit la simplicité. Rond, coloré… point n’est besoin de trop en faire lorsqu’on sert de tels propos. Il laisse passer affect et sensibilité. Cette ambiance respire la fraicheur. L’album est Lauréat 2007 du Prix Ligue de l’enseignement pour le jeune public du Festival BD Boum (Blois).

Il y a une bonne alchimie entre le travail du dessinateur et du scénariste… un album qui fait mouche.

Un album qui m’a été conseillé par Yvan. Cet avis intègre le Challenge PAL Sèches

Une lecture que je partage avec Mango et les participants aux

Mango

PictoOKPictoOKConquise par cette lecture où tendresse et humour se donnent la réplique. Une belle découverte qui me donne envie de découvrir les univers de ces auteurs.

Info toute fraiche : un projet d’adaptation cinématographique est en cours !

Classé parmi les 5 Essentiels d’Angoulême en 2008.

Les avis : Yvan, Les lectures de Marie.

Extrait :

« On s’ennuie si fort que le temps n’avance pas » (Ma maman est en Amérique, elle a rencontré Buffalo Bill).

Ma maman est en Amérique, elle a rencontré Buffalo Bill

One Shot

Editeur : Gallimard

Collection : Jeunesse

Dessinateur : Émile BRAVO

Scénariste : Jean REGNAUD

Dépôt légal : mai 2007

ISBN : 9782070572991

Bulles bulles bulles…

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Ma maman est en Amérique, elle a rencontré Buffalo Bill – Regnaud – Bravo © Gallimard – 2007

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

47 réflexions sur « Ma maman est en Amérique, elle a rencontré Buffalo Bill (Regnaud & Bravo) »

  1. Un énorme coup de coeur pour moi aussi au moment de la sortie de cet album. Et puis, rien à faire, le trait d’Emile Bravo me fait craquer à chaque album. Vraiment à recommander d’urgence !

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    1. Ça ne m’étonne pas, j’avais beaucoup d’appréhensions aussi, notamment par rapport à Emile Bravo (que je ne connais pas au final, je le confinais dans le registre « ligne claire qui ne m’intéresse pas » ^^ Laisses-toi tenter par cette lecture si tu en as l’occasion 😉

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  2. Cela fait un moment qu’il traine dans ma PAL … mon homme l’a lu mais il me reste encore à m’y plonger dedans ! Je sais qu’il avait bien aimé mais comme ça fait un moment qu’il l’a lu, je ne me rappelle plus vraiment pourquoi !

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    1. Amusant ton retour et celui de Théoma. Je ne sais pas ce qui nous a poussées toutes les trois à reléguer cette lecture dans le registre « à lire mais rien de pressant ». Mon Golgoth n’a pas voulu s’y mettre en revanche… même pas feuilleté 😦

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    1. c’est un album tout public effectivement et je ne pense pas que quelqu’un puisse être en reste avec cet album. Par curiosité, j’irais voir si ma biblio le propose en album jeunesse

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    1. je ne m’étais pas attardé sur les avis concernant cet album… j’ai découvert récemment que certains blogueurs en avaient parlé. Jusqu’à présent, je m’étais appliquée à éviter Emile Bravo. Je suis ravie de cette découverte… de bonnes lectures en perspective ^^

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  3. J’avais croisé ce titre à plusieurs reprises en farfouillant sur le net mais visiblement je n’avais rien compris au film! Je n’avais pas réalisé que c’était une BD et je croyais que c’était un livre pour enfants. Apparemment non?
    A te lire, je suis bien tentée de le prendre pour moi en tout cas.

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    1. Oui, l’histoire est accessible pour des enfants également… et pour les grands, c’est un régal. J’ai hésité à proposer la lecture à Monsieur Lutin et puis je ne me sentais pas (^pas l’envie) de faire face à la déferlante de questions qu’il m’aurait posées. On a d’autres séries qui partent de ce postulat, sans compter certains dessins animés…

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  4. Oh oui ! J’ai adoré celui là ! C’est le premier album illustré par Emile Bravo que j’ai lu. Et depuis, j’ai découvert la série Jules. Je suis un vrai fan !

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    1. J’ai très envie de découvrir ses autres publications. J’espère que j’aimerais autant. Quoiqu’il en soit, je pars confiante ^^

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  5. Une BD aussi pleine de fraîcheur, c’est rare et ça fait du bien. Je la lirai.

    Quelle bonne idée ce tableau de tes auteurs favoris réunis ainsi. Je n’en aurais reconnu aucun!

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    1. Un « j’ai aimé mais sans plus » en quelque sorte ^^
      Le traitement du sujet m’a beaucoup plu en tout cas. La découpe en chapitre évite les longueurs inutiles, on sait juste ce qu’il faut, on nous évite le larmoyant… Tout en tendresse et en finesse.

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    1. Je comprends parfaitement ton appréhension à l’égard du dessin (j’avais la même ^^). Je dirais qu’il complète bien la narration. Je ne suis pas capable de dire si tu peux accrocher avec cet album 😦

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    1. J’ai fouillé tes archives à la recherche d’un article sur cet album. Je ne sais pas pourquoi, il me semblait l’avoir vu passer chez toi 🙂

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  6. Alors contrairement à toi et beaucoup des commentaires laissés ici (je ne les ai pas tous lu), je n’ai pas vraiment accroché. J’ai été lassé par l’innocence/l’incompréhension de l’enfant face à un monde qui en tant que lectrice me semblait trop évident. Le trait était trop tiré d’un côté ou de l’autre, ne permettant pas un équilibre à mes yeux.

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    1. Peu de lecteurs ont lu (dans ceux qui ont commenté).
      Je comprends parfaitement le regard que tu peux poser sur cet album ensuite, je pense que j’ai décalé mon « regard d’adulte » pour le transposer à celui de l’enfant. Le fait de vivre au quotidien avec Monsieur Lutin (5 ans) m’a bien aidé. Je trouve que le « rendu » du questionnement de l’enfant est bien mis en valeur ici. Je comprends le positionnement du père de vouloir protéger ses fils et les laisser dans l’ignorance.

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  7. Comme Jérome, j’ai eu aussi un coup de coeur pour cet album à sa sortie. Tout en pudeur et en sensibilité. Bizarre, ta réticence envers ce monsieur Bravo, il est pourtant justement réputé pour ses albums jeunesse autrement plus intéressants que les autres niaiseries habituelles pour enfants.

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    1. C’est là tout le problème avec mon rapport aux albums jeunesse. J’ai tendance à les mettre tous dans le même sac (et Jérôme a déjà largement contribué au fait que je retire peu à peu mes œillères)… un peu comme toi et les comics en somme 😈 Gniarf gniarf gniarf ^^
      Bref, je crois que j’ai pas mal de choses à lire en jeunesse pour finir le travail amorcé 😉

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    1. Oui, complètement !!
      Pourtant, je n’ai pas le même rapport aux albums jeunesse quand je prends un ouvrage pour moi ou quand je le prends pour mon fils. J’ai tendance à avoir beaucoup d’appréhension quand je décide de me lancer seule dans une lecture jeunesse. Peur d’y retrouver des clichés, un côté rose bonbon, une narration survolée et des petits personnages blonds aux grands yeux bleus. Seule dans une lecture jeunesse, j’ai peur de m’ennuyer. Je vais être critique, souhaitant également savoir si, dans un jour ou dans un an je vais pouvoir mettre l’album dans les mains de Monsieur Lutin.
      Quand on décide de se lancer à deux dans une lecture (avec mon bonhomme), on choisit l’album ensemble. Que ce soit en librairie ou en bibliothèque, on le feuillète ensemble, on regarde de quoi il parle, quelle est l’ambiance etc. Ce n’est pas la même démarche. C’est très clair dans ma tête mais j’ai un mal fou à l’expliquer ! J’ai très envie de lui faire découvrir plein de choses, mais je voudrais qu’il ait un rapport assez « autonome » à ses lectures et pas seulement que je lui colle des albums dans les mains pour qu’il les lise. Est-ce que je parviens à me faire comprendre ??!! 😕

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  8. J’ai le même rapport que toi aux lectures jeunesse. J’aurais dû mal à me tourner vers un livre jeunesse spontanément, pour les mêmes raisons que toi, et je les abordes toujours dans l’optique de voir si ça pourra intéresser ma bestiole. Et pourtant, quand j’achète des livres pour lui, parfois je les dévore à peine sortie de la librairie.
    Pour le choix des lectures, en revanche, je procède un peu différemment. On fait des descentes en librairie, où il squatte le rayon jeunesse pendant des heures, feuillete ce qui lui plaît, et repart avec ce qu’il a choisi (dans la limite de la quantité que je l’ai autorisé à prendre, évidemment). Et puis je fais des achats par moi-même, pour compléter ce qu’on n’a pas trouvé ensemble mais aussi pour lui proposer des trucs susceptibles de lui élargir un peu ses horizons et essayer de trouver de nouvelles pistes qu’il aura envie d’explorer.

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    1. Je m’appuie énormément sur mon libraire quand j’achète des albums à Monsieur Lutin. Je suis généralement seule pour l’achat en revanche, pour l’emprunt, je n’imagine pas prendre les albums sans lui… il faudrait peut-être que je revoie ma manière de fonctionner 😕

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  9. Ah non, pas du tout! Et j’ai l’impression qu’on fonctionne de façon assez semblable en fin de compte.
    Je n’emmène pas ma bestiole en bibliothèque parce que je ne suis pas branchée bibliothèques moi-même, préférant entasser les livres chez moi, mais il y va tous les mois avec l’école. C’est la première année qu’il a le droit de choisir lui-même les livres qu’il emprunte. Je trouve ça génial et je regrette qu’il n’ait pas eu la possibilité de le faire avant, parce qu’il est tout fier de lui et c’est la première année qu’il en revient avec des livres qui lui correspondent et qu’il a envie de lire. Et des fois je pioche des idées intéressantes dans ses choix. Je suis tout à fait pour les laisser choisir! Je pense juste utile de les guider un peu à certains moments.

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    1. En tout cas, je trouve ça chouette ces moments de lecture avec eux. Je suis contente d’être parvenue à lui transmettre cette passion, j’espère que son accroche sera la même avec les romans !

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