Les funérailles de Luce (Springer)

Les funérailles de Luce
Springer © Vents d’Ouest – 2008

Luce est une petite fille de 6 ans. Elle passe quelques jours chez son grand-père maternel. Entre les jeux, la récolte matinale des œufs, les moments de complicité avec son Papi et l’aide qu’elle lui apporte au marché (il y vend des légumes), l’enfance de Luce semble heureuse. Un jour pourtant, alors qu’elle est perdue dans l’observation de la lente marche d’une coccinelle, Luce aperçoit un étrange spectacle au milieu de la foule : une petite fille voilée avance en tenant la main d’un homme nu, à l’allure presque primitive.

C’est l’ouverture du mois consacré à la thématique de La Mort sur kbd (en cours durant ce mois de juillet) qui a réactivé mon envie de lire cet album. Mensuellement, nous retenons autant d’albums que de dimanches dans le mois en cours… Les Funérailles de Luce n’avait pas été retenu malgré des conseils plus alléchants les uns que les autres.

Fond d’écran Luce

Sept pages muettes nous accueillent dans cet album, sept pages durant lesquels nous observons une petite fille se préparer pour sortir. Ce silence narratif opère généralement assez facilement sur moi, fascinée par la pudeur de l’auteur à dévoiler ses personnages… Le lecteur entre donc sur la pointe des pieds dans cet album, charmé par la fillette. Tout au long de l’album, ses questions enfantines ont contribué à me faire fondre.

Dans les yeux de Luce pétillent l’innocence de l’enfance, l’amour qu’elle porte à son grand-père et un petit côté espiègle. Le dessin croque regard et expressions à pleine dent. Rapidement, j’ai ressenti de la sympathie vis-à-vis du duo enfant/grand-parent bien épaulé par le jeu des personnages secondaires.

Confiant et jovial, le lecteur avance dans cette épopée enfantine jusqu’à l’apparition de ce couple étrange : la fillette voilée (seule autre enfant de l’album) et cet homme obscur… La présence de ce nouveau duo est d’autant plus inquiétante que la foule l’ignore, excepté Luce. Dès leur apparition, l’équilibre de l’album change radicalement. Leur présence a jeté le trouble et les apartés ponctuels auprès de certains personnages secondaires suffisent à maintenir la tension. En effet, on les suit un instant dans leur quotidien mais le fait de partir avec ces tiers a accentué l’inquiétude que j’avais de voir Luce quitter le récit. Enfin, les dialogues s’effacent souvent, laissant au lecteur tout le loisir d’observer cet univers que Benoît Springer a dessiné avec naturel et de réalisme. Les graphismes fourmillent de détails et diffusent une chaleur familière (j’ais ressenti la même à la lecture d’Un air de paradis d’Arnaud Quéré ou des Petits ruisseaux de Rabaté). Chaque élément des visuels est à sa place et contribue à rendre cet univers palpable et réaliste.

Sur les conseils d’Yvan, de Mitchul et de David (les liens de leurs chroniques respectives sont accessibles en cliquant sur leurs pseudos), cette lecture intègre le Challenge PAL Sèches

Une lecture que j’ai souhaité partager avec Mango et les participants aux

Mango

PictoOKTrès bel album qui se savoure comme un sucre d’orge et laisse un gout de nostalgie en bouche. 80 pages qui se lisent bien trop vite et un album qui se referme bien tristement sur une enfant qui perd un pan de son innocence qui disparait, une blessure ouverte…

Plusieurs espaces virtuels pour découvrir cet auteur : son site (en sursis), son blog (lien inséré comme à l’accoutumée dans les références d’album ci-dessous… cliquer sur le nom de l’auteur pour y accéder), un art-book virtuel.

Les avis (supplémentaires) de MonsieurO et de Kactusss.

Extraits :

« – C’est quoi un cercueil ?
– Une grosse boîte.
– Et il sera tout seul dans sa boîte ?
– Ben oui.
– Il va s’ennuyer ! » (Les funérailles de Luce).

 » Je crois que tout ce que nous faisons dans notre vie a pour seul but de rendre notre mort supportable. Et le seul moyen d’y arriver est d’oublier qu’on le fait pour ça. Quelle ironie n’est-ce pas ? » (Les funérailles de Luce).

Les Funérailles de Luce

One shot

Éditeur : Vents d’Ouest

Collection : Intégra

Dessinateur / Scénariste : Benoit SPRINGER

Dépôt légal : janvier 2008

ISBN : 9782749303581

Bulles bulles bulles…

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Les funérailles de Luce – Springer © Vents d’Ouest – 2008

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

30 réflexions sur « Les funérailles de Luce (Springer) »

    1. 😆
      Soit ! ^^ Tu as déjà lu « La vie de Norman » de Stan Silas ?? Norman est un tueur en série pas tout à fait comme les autres… ^^

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  1. Je l’avais lu au moment de sa sortie et je me rapelle avoir été très impressionné par le traitement graphique que Spinger appliquait au scénario. Sur la même thématique, je préfère le Trois ombres de Pedrosa mais ça reste quand même très bon.

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    1. « Trois ombres » m’a également procuré plus de plaisir de lecture, mais peut-être est-ce parce que l’album est plus imposant. Sur « Les funérailles de Luce », j’ai vraiment été surprise d’arriver aussi vite à la fin de l’album. On a le temps d’investir les personnages, mais c’est vrai que j’aurais aimé accompagner Luce encore un peu. Dans « Trois ombres » en revanche, l’histoire offre une morale plus construire, une boucle est bouclée pour le père alors que pour Luce, elle est tout juste amorcée

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      1. Comparer « Trois ombres » et cet album je trouve que c’est un peu rapide. Ok ça parle de la mort mais le sujet n’est pas le même. L’un c’est le travail du deuil du père, l’autre la découverte de la notion de mort et la perte de l’innocence. L’un est une aventure, l’autre est « une tranche de vie ».
        Personnellement, j’ai préféré Les Funérailles que je trouve très accompli graphiquement et également très fin en matière de scénario. Il en appelle à la symbolique mais beaucoup moins que Cyril Pedrosa. Même si ma lecture est loin, j’ai gardé un souvenir très doux de cette petite fille. Certes la lecture est rapide mais c’est parce qu’on est pris dans le récit et je ne pense pas nécessairement qu’il en aurait fallu plus. On évite de tourner en rond. La message est passé sans pour autant trop en dire. Et c’est vrai : l’aventure commence pour la petite Luce.

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        1. Alors je suis d’accord et pas d’accord avec toi David ^^
          D’accord pour dire qu’effectivement, les univers des deux albums sont totalement aux antipodes.
          Pas d’accord car je les trouve justement très complémentaires sur le thème de la mort et de ce fait très proches dans la manière de traiter le sujet. D’un coté, « Trois ombres » ou la nécessité d’un père de se perdre dans des chimères et des mythes pour accepter la mort de son fils, d’un autre « Luce » et son univers très réaliste. L’un comme l’autre démontrent à quel point le travail de deuil est une question douloureuse, que son acceptation emprunte un chemin sinueux, et cela est valable pour les petits comme pour les grands. Peut-être la boucle se boucle-t-elle plus rapidement pour le père (adulte et donc logiquement plus sensé ou en tout cas, un personnage en capacité de relativiser plus rapidement les choses) alors qu’elle s’ouvre pour Luce qui a encore tout à apprendre de la vie

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          1. Bon, globalement nous sommes d’accord quoi ! Champagne !

            Toutefois (rangez les flûtes), je n’ai pas dit qu’il n’était pas complémentaire, j’ai juste dit que je trouve « rapide » de les comparer.
            Ils parlent certes du thème de la mort mais pas du tout du même point de vue et pour ma part d’une façon très différente.
            Si dans les premiers temps j’ai trouvé Trois ombres très fort, sur le long terme, je suis plus dubitatif. Les accumulations successives de métaphores sont extrêmement lourdes. On me répondra que c’est un conte… mais sur ce coup-là, je conseillerai alors l’Histoire d’une mère d’Andersen (adapté ou pas en BD). Pour ma part, j’y trouve beaucoup plus de sens… Je dois être le seul bédéphile à penser ça mais bon… Je ne vais pas développer sinon je risque de faire une chronique (et je préfère faire ça sur IDDBD ^^).

            En revanche, le souvenir que je garde de Luce est toujours très positif car j’ai trouvé un réel équilibre entre une utilisation parcimonieuse du symbole et le sujet, traité avec beaucoup de pudeur.

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            1. Oui, oui, on est d’accord (je ressors les flûtes) : c’est un peu rapide de les comparer !
              Ensuite, concernant l’empreinte que laisse Luce… je ne peux pas dire mais je peux parler de celle que m’a laissé « Trois ombres » si tu veux 🙂 Le récit m’a marqué, peut-être parce que l’album est resté longtemps chez moi avant que je ne l’ouvre, peut être parce que j’ai eu besoin de ce temps de préparation à lecture (grosses appréhensions par rapport à ce que j’allais y trouver… peut-être parce que je n’ose même pas imaginer ce que c’est que de perdre son enfant)… mais j’ai bien aimé, et les émotions véhiculées pendant lecture sont encore intact quand je pense à cet album

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  2. Un sujet pour le moins original ! Je crois que je vais me laisser tenter par curiosité car elle a l’air tout de même dérangeante cette BD et c’est ce que j’aime !

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  3. J’ai pris note de ce titre. Merci Mo. A propos de la mort, je viens de lire un roman graphique que j’ai beaucoup aimé « Le sauvage » de David Almond et Dave McKean. Ce n’est pas une nouveauté mais pour moi, ce fut une découverte.

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    1. Voire « Welcome to the Death Club » pour corriger l’orientation de « Norman » qui ne traite pas réellement du même sujet. Mais en tout cas, c’est vrai que j’imagine mal Sara sur ce type de lecture ^^

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  4. Je continue d’affirmer que cet album est une denrée rare. Beaucoup de finesse, beaucoup de poésie et un auteur qui montre de très grandes qualités que j’ai découvert grâce à cet album. Depuis, j’ai lu un recueil de récit qui m’avait bien plus (3 ardoises je crois). C’était vraiment mon coup de cœur de la rentrée 2009.

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  5. Comme je te le disais dans un autre commentaire, j’ai beaucoup aimé cet album et graphiquement et scénaristiquement. Comme le souligne David, énormément de finesse et de non-dits fort bien exploités ici. Passionnant votre échange sur le lien avec « les trois ombres ». pour ma part, je n’avais fait aucun rapprochement entre les 2… On parle de mort certes mais l’angle de vue n’est en effet pas du tout le même. Mais mes lectures sont loin et ces 2 chouettes albums mériteraient d’être relu et d’avoir une chronique sur mon blog 🙂

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    1. Non, mais vous avez raison David et toi : on parle de mort, mais l’amorce et l’univers sont totalement différentes ! Mais bon… ils y a des passerelles à faire 😛
      (note de l’auteur : cette réflexion est entièrement destinée à prouver qu’un certain changement s’opère en moi. Même si j’aime la mauvaise foi… il m’arrive de reconnaitre aussi des trucs parfois… mais bon… ^^)

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  6. Tiens, c’est étonnant car j’ai complètement fait l’impasse sur cet album … je ne me rappelle même pas l’avoir vu alors que le dessin me plait bien et que le thème est intéressant ! En plus, il est à la biblio mais il est rangé au nom de l’auteur au lieu d’être avec les one-shots d’où le fait que je ne l’ai pas repéré ! Autant dire qu’il va faire partie de mes prochaines lectures !

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