Essex County (Lemire)

Essex County
Lemire © Futuropolis – 2010

Canada, Ontario dans le Comté d’Essex.

Un endroit sur terre où la vie suit son cours, comme si le temps était suspendu. Un monde rural isolé où les plus jeunes rêvent de voir Toronto (ville tentatrice, symbole d’effervescence et d’avenir prometteur) et les plus vieux profitent de la sérénité de la bourgade qui les a vu naître, grandir puis vieillir. Un quotidien fait de labeur, de désillusions, de petits instants de bonheur parfois volés, de secrets de famille qu’on garde pour soi, comme un acide qui ronge.  Ici, on se contente de choses simples comme l’entraide, la solidarité ou un simple sourire.

C’est dans cet endroit si anodin que vivent Lester le super-héros, Jimmy, Lou, Annie et tant d’autres.

Je n’avais jamais remarqué cet album pourtant consistant (496 pages) jusqu’à ce que mon libraire me le conseille. La fiche éditeur de l’album nous présente l’ouvrage ainsi :

« Si la littérature nous a habitué aux sagas familiales rurales, ce n’est pas le cas de la bande dessinée. À travers la vie de braves gens, au fin fond d’une petite région agricole de l’Ontario, Jeff Lemire nous dépeint un tableau universel, celui des histoires de village et des secrets qui peuvent s’y développer ».

Le site de Futuropolis propose également une courte interview de l’auteur.

Avec Essex County, Jeff Lemire nous fait découvrir la vie quotidienne dans le Comté d’Essex. Il est lui-même originaire de cette région rurale et s’est inspiré de personnes qu’il a côtoyé par le passé pour créer ses personnages. A travers leurs différents regards, l’artiste nous fait découvrir autant de façons de vivre dans cette province… et autant de manières de la rejeter ou de l’accepter. Les saisons rythment les habitudes de chacun. Les jeunes gens se captivent pour le sport, rêvent de gloire… des idéaux souvent brisés mais le temps se charge d’effacer les pires souvenirs. Des vocations, des contraintes, des héritages… autant de prétextes pour y rester, y revenir ou y penser avec la nostalgie de la terre natale. Une nostalgie que l’on ressent d’ailleurs dans les cinq chapitres de l’album. Le récit de ces vies routinières est doté d’une grande humanité. Pour le lecteur, chaque chapitre est l’occasion de découvrir un nouveau personnage pour un court moment de sa vie ou pour le film de son existence. On se balade donc sur une période d’environ un demi-siècle en effectuant des va-et-viens permanent entre présent et passé. La narration est subtile et fluide. Au fil des chapitres, Jeff Lemire tisse des liens entre ses différents personnages, chacun d’entre eux étant tour à tour personnage central ou secondaire de l’histoire.

Essex County n’est donc pas un recueil de nouvelles mais une histoire globale, des vies éparpillées en apparence qui forment en fait une petite communauté. Certains de ses membres ne se sont côtoyé que pendant une minute ou deux, d’autres ne se sont pas vus pendant plus de 25 ans… Essex County est une superbe fresque humaine, un récit émouvant.

Le dessin est parfois maladroit ou imprécis mais il sonne juste. Pas de « belles gueules » ou de « taille parfaite », ces individus ont un physique assez commun. C’est un peu comme si l’auteur avait peaufiné ses décors sans se soucier de l’apparence ses personnages. Leurs grands yeux tristes m’ont fait fondre, leurs propos réservés et leurs non-dits m’ont touché. A cela s’ajoute l’épaisseur du trait, tantôt charbonneux tantôt juste esquissé permettant aux ambiances de changer au gré des saisons et de l’état d’esprit des personnages. Ces codes graphiques nous permettent de faire rapidement le distinguo entre réalité, rêve et souvenir.

Une lecture que je partage avec Mango et les participants aux

MangoPictoOKPictoOKUne chronique sociale teinte de mélancolie et de tendresse mêlées. Un univers graphique très agréable.

Une adaptation cinématographique pour bientôt ?

« Dossier Jeff Lemire » chez Univers comics : Partie 1 et Partie 2.

Les avis de BenzineMag, Hop Blog, Yvan et Kactusss.

Extrait :

« C’est un peu comme quand on somnole. J’ai encore des moments de lucidité. Mon esprit se fixe soudain et je me rappelle qui je suis, où je suis, aussi clairement qu’avant. (…) Ces moments de lucidité sont hélas terriblement fugitifs » (Essex County).

Essex County

Ontario – Canada

One Shot

Éditeur : Futuropolis

Dessinateur / Scénariste : Jeff LEMIRE

Dépôt légal : avril 2010

ISBN : 9782754802352

Bulles bulles bulles…

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Essex County – Lemire © Futuropolis – 2010

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

36 réflexions sur « Essex County (Lemire) »

  1. Je l’ai feuilleté plusieur fois et je n’ai lu que de bonnes critiques mais je crois que c’est son épaisseur qui m’a refroidi. C’est ballot mais j’ai du mal avec les pavés en BD !

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    1. Les couleurs de la couverture ne sont pas aidantes non plus. Essayes d’y jeter un œil si tu as l’occasion, cet album est excellent 😉

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  2. Je l’avais repéré mais vu le prix, sans trop savoir ce que ça valait, j’avais préféré attendre (surtout que mon homme me faisait son regard noir genre « tu as intérêt à reposer cet album tout de suite » ! mdr !). En le feuilletant, cela m’avait vaguement paru un peu décousu, comme histoire, mais maintenant je comprends mieux pourquoi j’ai ressenti ça 😉

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    1. J’ai tiqué sur le prix aussi mais mon libraire était tellement sûr de son conseil que… ahem… faible femme je suis ^^ Après lecture, je ne regrette pas. C’est un faux recueil de nouvelle en fait. Jeff Lemire fait des recoupements de ci de là… mais chuttt…. à toi de le découvrir 😉

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    1. Je pense aussi que cela te plairait… à la base, je cherchais « Fun Home » (je le cherche depuis ta chronique, il est introuvable !! :cry:)

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  3. Tiens, je ne connaissais pas du tout ! Assez tentée je dois dire, malgré le pavé ! J’espère pouvoir la trouver un jour en médiathèque histoire de me faire une idée !

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    1. C’est vrai que lorsqu’on la tient en main la première fois, elle ne fait pas vraiment envie. Je pense que si je m’étais retrouvée seule face à cet album, je l’aurais reposé. Là, il y avait un truc dans les yeux de mon libraire qui a effacé mes réticences 🙂

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  4. Une belle découverte, pas forcément simple au début parce qu’on ne sait pas trop où l’auteur nous emmène (Nouvelles? Parties décousues?) mais qui devient très vite très touchant et plein d’humanité.

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    1. Oui, j’ai adoré cet album aussi. Il ressemble un peu à une boite de Pandore… dès que tu as commencé, tu en sors merveille sur merveille (dis donc, je me distingue en métaphores diverses et variées aujourd’hui ^^)

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