Kiki de Montparnasse (Bocquet & Catel)

Kiki de Montparnasse
Bocquet – Catel © Casterman – 2007

Paris, période de l’Entre-deux-guerres.

Une femme belle et audacieuse. Elle sera la muse et la compagne de Man Ray durant plusieurs années, elle travaille comme modèle auprès de Maurice Utrillo, Foujita, Maurice Mendjisky (voir Wikipedia :))… côtoie Pablo Picasso, André Breton, Jean Cocteau… il s’agit d’Alice Prin alias « Kiki », la Reine de Montparnasse.

Les deux premiers chapitres ont l’espièglerie de l’enfance. De la finesse est présente dans la description de cette jeune fille qui surprend déjà par sa spontanéité et sa perception des choses, des gens.

« On ne peut pas savoir quelle tristesse peut envahir le cœur d’un enfant qui n’a pas de père, dont la mère est au loin et dont la seule tendresse vient d’une grand-mère » (extrait de la chronologie de Kiki insérée en bonus de l’album ; source : les Souvenirs de Kiki qui recueillent ses mémoires). Cette gosse-là m’a fait le même effet que lorsque j’ai vu La Môme interprétée par Marion Cotillard, un personnage rustre mais si touchant qu’on lui passe ses frasques et ses caprices. L’impression reste la même lorsqu’elle vit une nouvelle rupture en 1913, elle a alors 12 ans. De nombreuses ruptures sont parsemées dans sa vie d’artiste et de femme.

Mais si Kiki est la muse d’une génération qui cherche à évacuer la gueule de bois de la Grande Guerre, elle est avant tout une des premières femmes émancipées de ce siècle. Au-delà de la liberté sexuelle et sentimentale qu’elle accorde, Kiki s’impose par une liberté de ton, de parole et de pensée qui ne relève d’aucune école autre que celle de la vie

peut-on lire sur le site de Catel.

De tout cela, je ne connaissais rien du tout, excepté certains artistes connus. Cela faisait même plusieurs années que je ne m’étais pas penchée sur cette période, je me souviens aussi des cours d’Histoire du Collège ou du Lycée où il était question de la vie artistique des Années folles, celle des années 1930… le contexte politico-économique.

En me relisant, je me rends compte qu’on pourrait facilement croire que j’ai savouré ce titre. Mais ce n’est pas le cas. J’ai aimé l’ambiance, j’ai adopté cette femme qui m’a beaucoup fait penser à Edith Piaf : elles sont presque de la même génération, chacune avec son homme, les amis qui passent naturellement de la sphère privée à la sphère professionnelle sans ambiguïté et les drogues : alcool, stupéfiants. Les airs de Piaf m’ont accompagnée durant la lecture, d’autant plus que les dessins de Catel font écho à la manière dont Piaf chantait sa ville : Paris.

Pourtant… pourtant, une fois encore la découpe en courts chapitres. 30 chapitres (!!) pour 368 pages… ce qui fait une moyenne de 12 pages par chapitre !!! C’est beaucoup trop court pour moi, cela donne le rythme adéquat au récit mais en contrepartie, cela saccade la lecture. On repart en douceur au début de chaque chapitre, la mélodie s’emporte et le lecteur est embarqué par l’ambiance Kiki : les bals, les projections, les cafés en terrasse… et de nouveau la même cassure et le même mouvement de musique.

Pourtant… même les 42 pages de bonus -comprenant une chronologie de Kiki, des notices biographiques des artistes croisés dans l’album et une bibliographie des ouvrages consultés par Catel & Bocquet pour réaliser Kiki de Montparnasse– que j’ai lues dans leur intégralité ne me font pas revenir sur ce sentiment d’une lecture en demi-teinte. La présence de chapitres à foison me gêne, même constat récurrent et fait récemment sur Les Faux visages.

Roaarrr ChallengePourtant… une dernière fois, les dessins de Catel servent à merveille cette biographie. Cet album a reçu le Fauve FNAC-SNCF – Prix du public à Angoulême en 2008.

Une lecture que je partage avec Mango et les lecteurs du mercredi

MangoJ’ai lu l’album dans sa totalité. Sans rechigner dans la lecture, sans rechigner lorsqu’il s’agissait de poser le livre pour ranger ou dormir. Déjà, la lecture se délite, ma mémoire focalise sur plusieurs moments qui m’ont marqué, mais cette étrange contentement de me dire que je peux le ranger à sa place dans la bibliothèque sans envie de le relire. Quoique… à l’écriture de cet article et toujours en compagnie d’Edith, je me dis que la sensation que m’a laissée cette lecture ne peut que se bonifier…

La chronique de Lunch, de Lorraine et de Gridou.

Un blog consacre une de ses Catégories à Kiki.

Extraits :

« Faut qu’tu saches ma princesse… les princes charmants, ça existe que dans les contes. Dans la vraie vie, ‘y a que des crapauds » (Kiki de Montparnasse).

« – Vous allez poser ici.
– Je me déshabille ?
– Non, ce n’est pas la peine.
– Je peux si vous voulez. Il fait chaud ici.
– C’est votre visage qui m’intéresse. Mettez-vous de profil.
– Avec ma gueule à couper le vent ?
– Elle est à couper le souffle… Comme une déesse Grecque » (Kiki de Montparnasse).

« D’ailleurs s’il me demandait de jurer fidélité et toutes ces fadaises, peut-être bien que je me laisserais faire. Toute à lui, rien qu’à lui. C’est pas forcément contre ma nature. Mais pareil dans l’autre sens. Tout à moi, juste à moi. C’est la moindre des choses qu’on soit dans la même prison » (Kiki de Montparnasse).

Kiki de Montparnasse

Challenge Petit Bac
Catégorie Objet

Éditeur : Casterman

Collection : Écritures

Dessinateur : CATEL

Scénariste : José-Louis BOCQUET

Dépôt légal : mars 2007

ISBN : 2203396210

Bulles bulles bulles…

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Kiki de Montparnasse – Bocquet – Catel © Casterman – 2007

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

36 réflexions sur « Kiki de Montparnasse (Bocquet & Catel) »

    1. Je suis assez ambigue sur cette lecture. Je le reconnais volontiers. J’ai plus adhéré à l’ambiance et aux personnages qu’à la manière dont l’album était construit. Ce second point m’a gênée durant la lecture

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  1. J’ai beaucoup appris sur cette période et ce milieu en lisant cet album et c’est sûrement ce qui m’a le plus plu. Cette Kiki a eu une vie peu commune et donc forcément intéressante. Par contre, je n’ai aucun souvenir de la découpe en chapitres, comme quoi, cela n’a pas du me gêner 😉

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    1. Je crois qu’en ce moment, je cherche de la fluidité dans ms lectures. J’ai l’impression de me répéter d’une chronique à l’autre concernant les ouvrages et leur construction. Mais bon, ça m’a agacée ici, ce va et vient permanent qui nous empêche de tourbillonner au même rythme que Kiki

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  2. Moi je suis bien tentée par contre car je ne connais pas cette femme ! Et je remarque que toutes les deux nous présentons aujourd’hui une BD sur Montmartre et sa bohème ! 😉

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    1. J’ai pourtant eu du mal à construire cet écrit et faire la part des choses entre le fond et la forme. Ravie d’avoir piqué ta curiosité cependant 😉

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  3. Tu me surprendras encore longtemps comme ça !!! 😉
    Un bien beau billet , allé, je clique sur « Play » , me laisse embarqué par la foule , je ne freine pas la roulette de ma souriiiis et parfois celle ci semble s’évader sur les bulles bulles bulles 🙂

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  4. J’aime énormément cette période de l’entre-deux guerres, le destin de cette femme a l’air passionnant… Dommage que ton ressenti soit si mitigé, je le note quand même dans un coin de ma tête, d’autant plus que j’ai souvent croisé cet album dans les bacs ! –

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    1. Oui, son parcours est passionnant et cette période de l’histoire m’a toujours captivée. Les gens semblaient si vivants malgré leurs difficultés !!! Mon grief tient essentiellement à la découpe en chapitres. Ils sont bien trop courts, je trouve que ça nuit à la fluidité du récit même s’il ne souffre pas de confusions, pas de flash-backs alambiqués etc. J’espère que j’aurais l’occasion de lire ta critique un jour ou l’autre 😉

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    1. Mdr. J’ai moi aussi mis très longtemps à venir à cet album pour cette raison. Lorraine me l’avait conseillé fin 2009, j’avais toujours pris connaissance des chroniques mises en ligne depuis cette période et je restais toujours dubitative. OliV a présenté sa chronique lundi dernier, peut-être son écrit t’aidera-t-il à y voir plus clair ?… et une petite synthèse pour bientot ?? 😉

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    1. Oui, c’est le genre d’albums pour lesquels il est nécessaire de se faire son propre avis. Ici, le défaut principal que je lui reproche n’est pas réellement une gêne pour beaucoup de lecteurs. Donc à voir…

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    1. C’est marrant ça, je ne t’imaginais pas du tout en « rat de bibliothèque » Yvan ^^ Je te voyais plutôt « librairie ». C’est amusant les représentations qu’on se fait des uns et des autres. Bon, sur ce commentaire hautement constructif, je m’en vais me préparer pour aller travailler ^^

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  5. Si le rythme de la narration est aussi saccadé avec des cloisonnements aussi nombreux que tu le notes, je crois que je ne m’embarquerai pas dans cette histoire d’autant plus que les dessins ne me plaisent pas tellement mais ceci dit , si je la vois à la bibliothèque, il se peut aussi que je la choisisse pour me faire une idée.

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    1. Oui, cet effet donné par la découpe sèche en chapitre varie vraiment d’un lecteur à l’autre. Quoiqu’il en soit, le récit ne perd pas tellement en fluidité. C’est plus une question de rythme et à ce niveau, ce n’est qu’une question d’affinité personnelle. Pour ma art, je n’aime pas mais je ne souhaite imposer ce ressenti à personne 😉 J’espère que j’aurais l’occasion de te lire sur Kiki
      PS : Mango, il y a un soucis sur le lien pointé sous ton pseudo

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  6. C’est drôle. J’en garde toujours un super souvenir de cette lecture, appris beaucoup de choses aussi, comme toi, sur l’époque, sur la femme. Et aucun souvenir de cette construction saccadée, et pourtant je suis souvent gênée par les découpages tortueux de chapitres…

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  7. Tiens, je suis surprise de cette avis en demi-teinte. Peut-être que je vais me lancer quand même 😉 Le côté muse photographique m’intéresse !

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    1. Il n’est pas très facile d’accès cet album tout de même. Le dessin tout d’abord… il m’a tenue en respect pendant plus d’un an. Et puis, je reviens régulièrement sur la question de cette découpe frénétique en chapitres et même avec un peu de recul, l’impression reste toujours la même : ça m’a réellement gêné pendant la lecture. Allez… passes à la lecture et dis-nous ce que tu penses de cet album ^^

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  8. Les deux auteurs sortent un nouvel album dans la même collection le 14 mars. Ils retracent cette fois-ci la vie d’Olympe de Gouge, l’une des premières féministes qui a fini guillotiné en 1793. un pavé de 400 pages, je ne sais pas si je vais me laisser tenter…

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    1. Moi non plus… mais je pense que ma curiosité va se charger de choisir à ma place 😆 Les jours qui passent m’éloignent de cette lecture et pourtant, l’ambiance de cet album est toujours très présente à mon esprit.

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  9. Bonjour Mo’,

    Je viens de découvrir Catel en lisant « Ainsi soit Benoîte Groult » et c’est en cherchant des avis et infos sur ses autres romans graphiques que j’ai lu sur votre article ci-dessus. Dans « Ainsi soit Benoîte Groult », j’ai ressenti la même gêne liée à des chapitres très courts, qui bizarrement déstructurent un peu le récit (et malheureusement pas l’inverse). Malgré cela j’ai aimé ce roman graphique car j’y ai découvert une grande dame et son histoire parfois grave mais retranscrite par Catel avec humour et légèreté; car les lieux que celle-ci affectionnait sont très présents et merveilleusement bien retranscrit par Catel; et car cet album raconte en même temps sa propre genèse et celle de l’amitié entre l’auteure et son sujet. Si vous ne l’avez pas lu, je vous le recommande.

    Coline

    PS: C’est mon tout 1er commentaire sur votre site bien que je vous lise depuis plus de deux ans. J’en profite donc pour vous féliciter pour votre blog et vos articles que je consulte régulièrement avant achat de nouvelles BDs.

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    1. Bonjour Coline. Merci pour votre commentaire et merci pour les retours !!
      Une amie m’a conseillé à plusieurs reprises l’album sur Benoîte Groult. J’imagine tout à fait l’intérêt que suscite le travail réalisé par ce duo d’auteurs. Le propos est intéressant, il fait mouche et pour avoir également du « Olympe de Gouges », j’aime la manière dont ils utilisent et font ressentir la personnalité de chacune de ces femmes. On sent vraiment que le rythme narratif de chaque ouvrage dépend du caractère de ces femmes aux parcours de vie impressionnants.
      Je me rappelle que ces coupures permanentes imposées par un découpage en chapitre m’avait agacée durant la lecture. Je l’avais moins ressenti quand j’avais lu Olympe. Mieux préparée à leur manière de construire une histoire ou est-ce que ce récit était plus propice à un découpage en chapitre ? Je ne sais pas.
      Vous relancez en tout cas mon envie de découvrir « Ainsi soit Benoîte Groult ». J’essayerai de me le procurer prochainement
      Très bonne lecture à vous et au plaisir de pouvoir de nouveau échanger avec vous.
      (avez-vous un espace destiné à recueillir vos avis sur vos lectures ? un site ?…)

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  10. Bonjour Mo’, Merci pour votre réponse. Peut-être tenterai-je alors la lecture d' »Olympe de Gouges » avant celle de « Kiki de Montparnasse ». J’ai vu que Catel avait également « croqué » la vie de Joséphine Baker (sorti en septembre). Le choix sera donc compliqué!
    Avec une amie, nous partageons depuis peu nos lectures et avis ici: http://www.lesepicurieuses.fr
    A bientôt
    Coline

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    1. J’ai vu aussi pour « Joséphine Baker »… Le choix sera compliqué, je confirme 😀
      Merci pour le lien. Très bonne journée à vous 🙂

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