Betty Blues (Dillies)

Betty Blues
Dillies © Paquet – 2003

Little Rice Duck est jeune homme qui gagne sa vie en jouant de la trompette dans les clubs de jazz. Chaque soir, il transcende son public. Parmi les spectateurs, Betty, la femme de sa vie qui, à l’instar de l’auditorium, reste absente, comme insensible aux émotions que Rice communique via ses mélodies. La jeune femme passe ses soirées au bar, à boire du champagne. Elle se laisse draguer et offre ses charmes à quiconque épongerait sa soif de champagne. Un soir, elle accepte même de partir avec un riche inconnu. L’idylle ne durera qu’une nuit et lorsque Betty se réveille, la mémoire encore embuée des vapeurs de l’alcool but la veille, elle ne réalise pas tout de suite la situation. Son bourgeois la couvre de présents, promet de lui décrocher la lune avec ses milliards… Betty ne parvient pas à dire non à tout cela.

De son côté, Rice est terrassé par le départ de Betty. Il noie son chagrin dans l’alcool durant une nuit de beuverie. Betty était sa raison de vivre, sans elle… cela ne vaut pas le coup de continuer. Il jette sa trompette du haut d’un pont et monte dans le premier train qui passe.


Avec Rice, le lecteur participe à un road-movie touchant. Renaud Dillies scénarise cette histoire avec beaucoup de tendresse et de poésie. Son duo de personnages principaux est livré en pâture au destin, leurs sentiments sont piétinés par les aléas de la vie. D’un côté, une jeune femme se débat avec elle-même. Influençable, incapable de prendre une quelconque initiative, elle s’enfonce dans son mal-être et se laisse porter par cette nouvelle relation qu’elle investit bien peu. Partagée entre le fait de profiter de cette nouvelle vie luxueuse et l’envie de retrouver ses propres repères, Betty va rester passive la majeure partie de l’histoire pendant que Rice se débat avec la souffrance que lui cause le départ de Betty. Sans un sou en poche, sans même un petit baluchon, le frêle canard part à l’aventure sur les routes.

L’univers graphique de Renaud Dillies est le même d’un album à l’autre, il y a un petit air de « déjà-vu » pour les chanceux qui connaitraient déjà Abélard. Pourtant, je ne ressens aucune lassitude à parcourir ces pages même si le récit s’articule autour des mêmes thèmes : les sentiments, la musique, la fuite. Une fuite choisie par le poussin Abélard qui rêvait de voir d’autres paysages que ceux de son marais… une fuite spontanée, irréfléchie, pour le canard Rice qui part sur un coup de tête. Au bout du chemin, la quête de soi, la découverte des autres, le rejet des rituels et des préjugés. Les passerelles entre les deux récits sont nombreuses, à commencer par la forte ressemblance physique entre ces deux frêles héros ; on pourrait croire à l’étirement d’un même monde, on pourrait s’attendre à entre-apercevoir Abélard au détour d’un chemin. Malgré tout, les deux scénarios ne donnent aucune impression de copier/coller. Une douce poésie teinte aussi délicatement le récit de Betty Blues que les couleurs d’Anne-Claire Jouvray créant une réelle émotion et de l’empathie chez le lecteur. Difficile de ne pas fondre pour ces personnages, difficile de ne pas les aimer, difficile enfin de ne pas faire siennes leurs réflexions sur le sens de la vie et le monde qui les entoure. Intolérance, respect de l’environnement, amitié, sens des valeurs, alcoolisme… un univers anthropomorphique très juste, très vivant.

Roaarrr ChallengePrix du premier album à Angoulème en 2004, Prix du dessin à Sérignan en 2004, Prix Abracadabulles au Havre d’Olonne en 2004, cette chronique me permet de participer une nouvelle fois au Roaarrr Challenge.

PictoOKPictoOKUne lecture coup de cœur, un album tendre et émouvant que je recommande.

Une lecture commune que j’ai partagée en compagnie d’Yvan, OliV, Joëlle et Chtimie. Je vous invite à découvrir leurs chroniques.

Extraits :

« C’est ainsi que commença mon histoire. Mon exaltation musicale avait pris le pas sur Betty. Elle se sentait seule et moi je passais le plus clair de mon temps à tenter de sortir la note juste… l’accord parfait. Elle s’est cassée, elle m’a brisé » (Betty Blues).

« Je m’étais dit que, peut-être, je descendrais au terminus… Histoire de mettre de la distance entre Betty et moi… Vous pouvez appeler ça prendre la fuite… Moi, je dirais plutôt essayer de trouver de l’espoir dans l’insupportable« … (Betty Blues).

Betty Blues

Challenge Petit Bac
Catégorie Prénom

Éditeur: Paquet

Dessinateur / Scénariste: Renaud DILLIES

Dépôt légal : septembre 2003

ISBN : 9782940334179

Bulles bulles bulles…

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Betty blues – Dillies © Paquet – 2003

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

26 réflexions sur « Betty Blues (Dillies) »

  1. J’ai bien aimé cette phrase :  » Au bout du chemin, la quête de soi, la découverte des autres, le rejet des rituels et des préjugés.  » Tout est résumé …
    Un agréable bout de chemin partagé ici et là, Merci à toi.

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    1. Les dialogues sont fins et très justes. J’avais déjà bien apprécié cette qualité dans Abélard (bien que Dillies ne soit pas au scénario) mais que ce soit dans Abélard et dans Betty Blues, je trouve que ses illustrations donnent vraiment la touche de poésie qui convient à ces univers

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  2. Tu donnes vraiment envie d’aller y regarder de plus près. Autant pour Bulles et Nacelle ton avis était assez mitigé autant ici, on a envie de te suivre les yeux fermés.

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    1. Sur quelques passages, j’ai tout de même trouvé dommage le fait d’avoir de fortes réminiscences d’Abélard (physiquement, les personnages sont proches… leurs démarches respectives le sont également je trouve)… mais il n’y a pas à dire, j’ai dévoré cet album-là aussi avidement que j’avais dévoré le diptyque que Dillies avait réalisé avec Hautière.

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  3. Moi aussi j’avais noté cette citation “Je m’étais dit que, peut-être, je descendrais au terminus… Histoire de mettre de la distance entre Betty et moi… Vous pouvez appeler ça prendre la fuite… Moi, je dirais plutôt essayer de trouver de l’espoir dans l’insupportable“… (Betty Blues).

    Pour moi c’est tout l’esprit de ce livre !
    Merci d’avoir proposé ce partenariat.

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    1. C’est que j’avais très envie de lire cet album mais même lorsqu’il était tout en haut de ma pile, je trouvais quand même le moyen de partir dans la découverte d’une autre BD avant ! ^^
      J’aime beaucoup ce genre de personnages à la fois audacieux et fragiles.

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    1. C’est vrai qu’il y a des dessinateurs qui ont un style, une touche si personnelle qu’on reconnait tout de suite quand on est face à un de leurs albums. J’espère que Betty blues te plaira 😉

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  4. L’un de ses plus beaux albums.
    Quand je parlais de simplicité récemment quand j’émettais quelques critiques sur Habibi, c’était exactement à ce genre d’albums que je pensais. Très simple dans son déroulement mais d’une très grande finesse. Un très beau texte accompagné de merveilleux dessin. Un prix mérité !
    Mélodie au crépuscule est un peu plus complexe mais tout aussi fort.

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    1. « Mélodie au crépuscule »… oui, j’ai déjà noté 😛
      Et effectivement, ton commentaire fait écho à l’avis de Theoma sur Habibi ; le récit est dense et sappe en grande partie l’émotion que pourrait ressentir le lecteur. Pourtant, on ne peut pas reprocher à Thompson d’avoir dépossédé ses personnages de sincérité, d’honnêteté et d’humanité. Mais les références sont si nombreuses qu’on ne peut pas s’immiscer complètement dans le récit. Dans Betty Blues, c’est tout l’inverse. Le dénouement de cet album, quelle lecture en as-tu faite ? Pour moi, l’épopée s’arrete-là…

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  5. Malgré les similitudes, j’ai apprécié cette lecture car il est difficile de ne pas craquer pour les personnages et pour les idées qu’ils véhiculent ! Je pense que je l’aurai encore plus apprécié si je l’avais lu à l’époque de sa parution … du coup, le délai entre ce titre et Abélard aurait été important et j’aurais été moins « influencée » dans mes impressions 😉

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    1. Tout à fait d’accord avec ton point de vue 😉
      David me conseille un dernier titre de Dillies, je vais juste attendre un peu histoire de ne pas faire des comparaisons hâtives entre les récits

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