Le Complot – L’Histoire secrète des Protocoles des Sages de Sion (Eisner)

Le Complot - L'histoire secrète des Protocoles des Sages de Sion
Eisner © Grasset – 2005

« Comment un texte inventé de toutes pièces peut-il circuler depuis cent ans et provoquer des revirements politiques fracassants ? Will Eisner retrace avec génie toute l’histoire de ce « complot juif » inventé au début du XXème siècle pour attiser l’antisémitisme régnant en Europe et en Russie : les Protocoles des Sages de Sion justifient les pires intentions, et leur diffusion connaît un succès retentissant avant et pendant la première Guerre mondiale. Un journaliste britannique du Times découvre la supercherie en 1921 : les Protocoles sont une copie presque conforme d’un obscur traité anti-bonapartiste, les Dialogues aux enfers entre Machiavel et Montesquieu, écrit par un dissident français en exil. Les « auteurs » des Protocoles n’ont eu qu’à remplacer les bonapartistes par les Juifs et le mot « France » par « le monde »…

On connaît donc la vérité mais rien n’y fait : les Protocoles sont utilisés par Hitler, le Ku Klux Klan et trouvent encore aujourd’hui des millions de lecteurs dans les pays arabes. Surpris par le destin insolite de ce plagiat, Eisner nous raconte son histoire avec un coup de crayon très expressif, drôle et noir, ironique et inquiétant. Par des cadrages audacieux et d’impressionnantes pages titres, Eisner provoque la curiosité du lecteur ; on lit avec plaisir une bande dessinée passionnante, sans oublier ce que dénonce Eisner : un mensonge qui sert la haine et l’antisémitisme » (synopsis éditeur).

Cent trente-cinq pages, c’est ce qu’a consacré Will Eisner pour rendre compte de ses recherches concernant l’une des plus grandes escroqueries faites au peuple juif. Cent trente-cinq pages c’est à la fois beaucoup pour aborder tous les événements de cette malversation, c’est ambitieux de solliciter un lecteur et lui demander de se concentrer sur cet afflux de dates, de noms et d’éléments associés au complot des Protocoles de Sion. Mais centre-trente-cinq pages, c’est aussi bien maigre quand on voit les multiples rebondissements de cette histoire !

Tout commence en 1864 avec la publication du Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu par Joly. A l’époque, qui aurait pensé que ce pamphlet destiné à dénoncer l’esprit manipulateur de Louis Napoléon III aurait une seconde vie ? Joly est parvenu à faire publier son ouvrage en Belgique et à le faire passer clandestinement en France, mais la Police a rapidement découvert ses activités. La majeure partie des exemplaires ont été saisis puis détruits, Joly a été incarcérés. Quarante ans plus tard, Mathieu Golovinski est secrètement missionné par un aristocrate russe qui lui demande de trouver un subterfuge pour faire croire au tsar que les juifs veulent provoquer une Révolution en Russie pour renverser le régime en place. Un exemplaire du Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu est remis à ce moment-là à Golovinski qui va se contenter de quelques reformulations pour remettre l’écrit au goût du jour.

C’était en 1898…en 2005, on ne compte plus
le nombre d’éditions et de traductions dont ce faux a fait l’objet.

« J’ai passé ma vie à mettre le dessin au service de la narration. Avec l’acceptation généralisée de ce vecteur de la littérature populaire, l’occasion de présente d’attaquer de front cette propagande dans un langage plus accessible » écrit Will Eisner en préface. Le défi n’était pourtant pas évident à relever. L’auteur a consacré plus de 20 années de recherches à ce sujet qui le touche personnellement. Mais l’homme est habile et plonge rapidement son lecteur au cœur du récit. On traverse les époques à une facilité déconcertante, on accueille les nouveaux protagonistes avec autant d’aisance que l’on accueille les nouveaux rebondissements qu’ils provoquent.

De Napoléon III au Tsar Nicolas II, de Hitler à Henry Ford, le lecteur ne perd jamais de vue son sujet et passe d’un pays à l’autre de manière très fluide. Seul le passage qui met en parallèle le texte de Joly et le texte des Protocoles accroche demande une attention conséquente, mais le fait que ces écrits soient repris mots pour mots permet à chacun de mesurer la troublante ressemblance entre ces textes.

Le dessin de Will Eisner est réalise et descriptif. Exit les envolées graphiques que nous avions pu rencontrer dans Un Pacte avec Dieu, exit la poésie… car décidément, le sujet ne s’y prête pas. Pourtant, une fois encore, c’est avec beaucoup de plaisir que j’ai contemplé son travail.

Une lecture que je partage avec Mango à l’occasion de ce mercredi BD

Allez découvrir les lectures des autres lecteurs !

PictoOKDifficile de ne pas se révolter en lisant un tel ouvrage. Difficile de contenir ce dégoût face à cette duperie. Quelle honte de voir que certains hommes n’hésitent pas à recourir à de telles pratiques pour arriver à leurs fins. Une lecture chaudement recommandée.

Les chroniques : Cécile, Zazimuth, Theoma, Violette.

Extraits :

« Chaque fois qu’on apprend à un groupe à en haïr un autre, on forge un mensonge pour attiser la haine et justifier un complot. La cible est facile à trouver parce que l’ennemi est toujours l’autre » (Le complot – L’histoire secrète des Protocoles des Sages de Sion).

«  – Mais pourquoi ? Pourquoi ? Alors que tout le monde sait que les Protocoles sont un faux… Pourquoi restent-ils si largement publiés ?
– Parce que c’est une arme de tromperie massive ! » (Le complot – L’histoire secrète des Protocoles des Sages de Sion).

Le complot : L’histoire secrète des Protocoles des Sages de Sion

Challenge Petit Bac
Catégorie Fonction

One shot

Éditeur : Grasset

Collection : Littérature étrangère

Dessinateur / Scénariste : Will EISNER

Dépôt légal : novembre 2005

ISBN : 978-2-24668-601-9

Bulles bulles bulles…

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Le complot – Eisner © Grasset – 2005

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

19 réflexions sur « Le Complot – L’Histoire secrète des Protocoles des Sages de Sion (Eisner) »

  1. J’en ai beaucoup entendu parler mais je ne connaissais pas vraiment cette histoire! Ce sera l’occasion de mieux la découvrir en lisant cet ouvrage.qui rétablit la vérité et s’appuie sur des recherches et des sources sûres.

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    1. J’ai fouillé le blog d’Emmyne car j’étais persuadée qu’elle avait rédigé une critique. Un très bel album. Ce que raconte Eisner est révoltant !

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    1. Je doute d’être très objective concernant Eisner. Depuis la première fois où j’ai posé les yeux sur un de ses albums, j’ai été séduite. Je crois qu’il me sera difficile de changer d’état d’esprit le concernant 😉

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  2. Je ne connaissais absolument pas cette histoire. Comme je suis attirée par tous les ouvrages romancés mettant en scène un fait historique, cet album n’échappe pas à la règle et j’en prends bonne note. Merci pour ce billet !

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    1. Sacrée histoire oui, du genre de récit qui met les nerfs ! D’autant qu’aujourd’hui encore, il y a de nouvelles traductions et que l’ouvrage est diffusé sans vergogne dans certains pays !

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    1. Ah tu verras, ses œuvres sont superbes ! Je suis très loin d’avoir lu toute sa biblio mais à part « Fagin le Juif » que je ne suis pas parvenue à terminer (je retenterais tout de même), j’ai toujours été transportée par cette harmonie entre ses propos et ses dessins.

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    1. En quelque sorte oui. C’est l’instrumentalisation d’un écrit au profit d’intérêts économico-politiques. Le livre s’ouvre sur cette citation que j’ai reprise dans mon article : « Chaque fois qu’on apprend à un groupe à en haïr un autre, on forge un mensonge pour attiser la haine et justifier un complot. La cible est facile à trouver parce que l’ennemi est toujours l’autre ». L’histoire du peuple juif est douloureuse et la haine de certains peuples à leur égard est nourrie par des théories complètement fanatiques. Et le pire c’est que lorsqu’on regarde la situation actuelle et qu’on voit leurs agissements dans le conflit israelo-palestinien, cela ne peut que renforcer la haine farouche à leur égard. Je ne comprends pas comment ils peuvent reproduire toutes les horreurs auxquelles ils ont été confrontés

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    1. Oui, c’est ça le pire. Et pour ne rien arranger, Will Eisner dresse un constat édifiant du nombre de traductions qui sont – à ce jour – publiées partout dans le monde. Ce « complot » a encore de beaux jours devant lui malheureusement

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