Le Bureau des complots (Mahot)

Le Bureau des complots
Mahot © Guy Delcourt Productions – 2012

Dans les bureaux d’une Agence anonyme, situés dans la Tour 7 du World Trade Center, on veille au grain. La tâche est ardue. Fomenter un assassinat de président, s’assurer que les relations internationales soient tendues à souhait ou qu’une petite famine terrasse une part conséquente de la population sur telle ou telle partie du globe… Et tout cela pour asseoir les intérêts de… tss tss tss… il va vous falloir lire l’album pour savoir cela !!

Derrière tout cela, œuvrent quatre agents. Ces experts manipulent les médias. Ces menteurs professionnels manient aussi facilement une truelle qu’une charge d’explosifs… Henry est l’un d’eux.

« Je ne sais pas quand les choses ont mal tourné. Enfant, ma mère me répétait sans cesse que je ne devais pas mentir. Et par esprit de contradiction, j’en ai fait mon métier. L’Agence qui m’emploie n’est pas référencée sur Internet, mon nom et mon visage ne vous diront rien et pourtant, je peux tout savoir sur vous. Je fais partie des rares hommes qui savent de quoi demain sera fait… ».

A travailler sur ce type de contrat, il y a certains privilèges comme celui de savoir quand il ne faut pas prendre l’avion et où il ne faut pas aller en vacances. A la tête de l’équipe, Kramer, le boss, qui est en lien permanent avec les commanditaires et coordonne les équipes. Donald et Susan sont les collègues d’Henry. Chacun met son savoir-faire à la disposition du Bureau des Complots.

1999 : Nouveau contrat. L’objectif est de taille : parvenir à coordonner le crash simultané de 4 avions.

Les cibles : les deux tours du World Trade Center, Le Pentagone et le Capitole.

La date : le 11 septembre 2001…

L’album attaque fort avec un tel postulat de départ !

Dès la première planche, les tours du World Trade Center en proie aux flammes s’étalent sous nos yeux. La voix-off d’Henry – personnage cynique et désabusé – présente de manière distanciée le rôle de son Agence et sa fonction. On perçoit initialement une certaine distance avec les personnages qui semblent déshumanisés. Leurs voix sont lointaines, lapidaires. Elles quitteront leur tonalité monocorde (sauf Susan qui tape dans les aigus ^^) à mesure qu’on s’enfonce dans la lecture.

Rapidement, le lecteur se prend au jeu et les variations auditives apparaissent. On plaint la jeune femme qui doit collaborer avec Henry, on adopte le Boss qui semble totalement déjanté et qui estampille l’ambiance de l’album d’un humour « so british ». Donald fait penser à l’éternel pote, compétent, fidèle… en un mot : fiable. Et on s’attache à Henry qui, à l’instar de la construction narrative, impose un décalage permanent entre la gravité de la situation et la manière dont il la vit. Il banalise, minimise, ironise… il pousse tout à la dérision.

Le scénario m’a fait penser à une vidéo que j’avais vue il y a quelques années. Elle dénonçait une machination et développait point par point les arguments prouvant ses dires.

Pour le lecteur, la présence d’Henry est profitable puisqu’il nous aide à accepter le postulat de départ et la manière dont le sujet est traité. Le projet de Jérémy Mahot était ambitieux car faire rire avec les Attentats du 11 septembre n’est pas à la portée de tout le monde.

Pourtant, ça fonctionne ici très bien. En jouant à fond le côté loufoque de la situation, en faisant circuler les personnages sur les moments clés du récit et en utilisant constamment le second degré, il parvient à donner une vision finalement très pertinente de ce drame. Donald offre un éclairage sur l’aspect technique de l’attentat, Susan porte le discours de l’opinion publique quant au côté dramatique de la situation (c’est aussi le seul personnage qui témoigne une crise de conscience), Henry s’assure que l’ensemble ait un rendu cohérent (sa présence assure également au scénario de rester dans le registre du burlesque). Kramer est le chef fantoche, un peu puérile… on se demande pendant un bon moment comment il a pu arriver à un tel niveau de responsabilité, s’effaçant parfois derrière Henry. Il donne souvent un côté potache à l’atmosphère. Quoi qu’il en soit, ce quatuor est très bien huilé.

L’histoire est rythmée malgré l’aspect invariable des planches (3 bandes de 2 cases). Le scénario suit un fil chronologique et remonte progressivement jusqu’à la période des faits. Entre temps, on prend connaissance de toutes les étapes de mise en place du projet :

… il faudra aussi voir avec nos taupes au Gouvernement pour empêcher le travail des services de renseignements. On va se faire repérer sinon. Ils sont nuls, mais pas à ce point.

Coté graphique : le minimalisme à l’excès. Les personnages ressemblent à des bittes d’amarrage dont les capacités physiques (mouvements) sont assez limitées. De même, on est face à un panel assez restreint d’expressions faciales : froncements ou des soulèvements de sourcils pour marquer les réactions principales (étonnement, désaccord…) et bouche en cœur pour repérer quel est le personnage qui a la parole. Ce côté aseptisé des visuels réalisés à l’ordinateur ne m’a pas gênée car cela porte le comique de situation, colle bien à la tonalité et au côté décalé des échanges. J’ai trouvé que cela servait bien le comique de situation.

Quoiqu’il en soit, Au contraire, il sert les propos de l’album.

Une lecture que je partage avec Mango à l’occasion de ce mercredi BD

Allez découvrir les lectures des autres lecteurs !

PictoOKLa tension monte crescendo jusqu’au dénouement fatidique du 11 septembre.

Un album intéressant qui m’a fait replonger dans une théorie à laquelle je n’étais pas restée insensible à l’époque de sa diffusion. Le regard incisif et ironique qu’il porte sur ces Instances qui feraient la pluie et le beau temps sur la planète m’a amusée.

La vidéo de présentation de l’album :

A voir aussi : la page Facebook de l’album et cette interview de l’auteur.

Les chroniques : Laureline Karaboudjan, Zaelle, Fabien B (sur Actualitté).

Je remercie Jérémy Mahot qui a attiré mon attention sur cet album. Un grand merci !

Le bureau des complots

Challenge Petit Bac
Catégorie Objet

One shot

Éditeur : Delcourt

Collection : Shampooing

Dessinateur / Scénariste : Jérémy MAHOT

Dépôt légal : septembre 2012

ISBN : 978-2-7560-2885-9

Bulles bulles bulles…

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Le bureau des complots – Mahot © Guy Delcourt Productions – 2012

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

31 réflexions sur « Le Bureau des complots (Mahot) »

    1. Très original oui ! J’ai vraiment passé un bon moment de lecture. Je ne pensais pas accrocher avec ce « genre » de graphisme en fait 😉

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  1. Drôle de pari relevé par cet auteur que je ne connais pas du tout. Graphiquement, j’avoue que j’aurais sans doute beaucoup de mal. Mais comme j’aime en général beaucoup les personnages cyniques et désabusés…

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    1. Je pense que tu connais mon goût pour les graphismes très « personnels », très « racés » comme ceux de Comès ou de Toppi. Ce n’était donc pas évident pour moi d’accepter cette ambiance et ce type de visuels. Mais ils servent très bien le récit, renforcent le sarcasme des dialogues etc… J’ai donc passé un moment très agréable en compagnie de cet album.
      Je l’ai dit dans ma chronique, l’ouvrage m’a fait penser à une vidéo que j’avais vue il y a 7 ou 8 ans, mais je n’ai pas trouvé que Jérémy Mahot nous servait du réchauffé. Il joue en permanence du décalage entre la situation décrite et le positionnement de ses personnages, ce qui donne vraiment une raison d’être à ce récit

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  2. Je reste perplexe! Le parti pris graphique et la thèse du complot… j’ai du mal! Mais je dois au moins voir l’album pour pouvoir juger!

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    1. Il faudra que tu te pousses à lire les premières planches, Mango. Si tu te contentes de feuilleter l’album, je te connais… tu le reposeras. Sensibilises-toi aux personnages, pousses au moins sur une dizaine de pages et fais-toi ton opinion ensuite 😉

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    1. Il faut tenter la lecture de toute façon. J’imaginais bien que les commentaires porteraient majoritairement sur le graphisme mais là. Ce serait dommage de le sortir de son contexte ; comme pour les autres albums, il forme vraiment un tout avec le scénario 😉 En tout cas, c’est vraiment prégnant sur cet ouvrage

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  3. c’est un complot où bien, j’ai lu cet album le week-end dernier !!! … et, j’ai préféré faire la chronique sur La Gröcha que sur Le bureau des complots… Maintenant j’ai bien aimé cette lecture, le scénar et les dessins ^^

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  4. Ah oui, je suis partante ! Le sujet me plait, et les planches aussi bizarrement alors que ce n’est pas vraiment ce qui m’attire d’habitude. J’ai bien envie de le lire.

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  5. Bonjour tout le monde, je suis l’auteur. D’abord, un gros merci à Mo’ pour sa critique, je suis content qu’elle ait apprécié. Ensuite, eh bien je conseille à tout le monde de lire le livre (même debout à la Fnac) car c’est le sujet qui est le plus intéressant dedans. Mon graphisme d’informaticien psycho-rigide me sert surtout à raconter des histoires et le défi que je me donne, est de rendre humain des formes géométriques. Pour ceux qui détestent, ne regardez surtout pas les planches des Frères Zimmer, mon précédent livre, car le style est encore plus minimaliste. Voilà !

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    1. Bonsoir !
      J’ai eu du mal à accepter le graphisme mais une fois qu’on est plongé dans la lecture, c’est assez difficile d’imaginer qu’un autre dessin puisse servir aussi bien de tels propos. Cette « brochette » de personnages est intéressante, j’ai passé un bon moment en leur compagnie. Et je suis finalement très étonnée d’avoir fait ce constat ! ^^
      Cet ouvrage me montre qu’une fois de plus, il faut passer outre le ressenti que les visuels peuvent induire et laisser sa chance au message que l’auteur souhaite faire passer.
      Merci à vous pour ces retours 🙂

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  6. C’est vrai que je suis pas très fan du trait psycho-rigide mais si on devait s’arrêter à ça pour une BD hein 🙂
    Le propos me plaît franchement, je me note ça sur ma liste et je feuillèterai chez mon libraire à mon prochain passage.

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    1. Le style est particulier. D’autant plus que chaque page propose invariablement la même présentation de 3 bandes de 2 cases. Je ne pense pas que feuilleter suffise. Il faut prendre le temps de lire quelques pages pour s’imprégner de l’ambiance, du degré d’humour. En tout cas, je le redis : j’ai bien apprécié. Je n’ai pas pu m’empêcher d’éclater de rires sur certains passages du coup, ça suscite aussi la curiosité du Golgoth (qui – au passage – envisage de reprendre le clavier pour écrire une chronique… le temps que le projet mature et je pense que d’ici un semestre, vous devriez pouvoir en profiter :lol:).

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      1. Ce serait chouette ça de relire ton homme. Il s’était bien débrouillé l’autre fois… et si en plus on a bientôt une chronique de ta grand-mère, c’est génial ! 😀

        Sinon le gaufrier c’est aussi l’idée de pas trop s’embêter avec le découpage. C’est un peu minimaliste finalement, mais si j’ai bien compris : le point fort de l’album c’est plutôt l’intrigue.

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        1. AH je ne vous ai pas prévenu !! Ma grand-mère se désiste finalement 😛
          Le point fort du « Bureau des complots » est effectivement du coté narratif. Enfin, c’est mon modeste avis 😉

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            1. 😆
              Les vendanges viennent juste de s’achever. Ça fait pas mal de boulot… donc le « Tintin » tombe assez mal compte tenu de la période ^^ 😛

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            2. Absolument… il va falloir mener l’enquete !
              Et toi, tu as eu le temps de jeter un œil sur cet album au fait ?

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