Blue (Grant)

Grant © Ankama – 2012
Grant © Ankama – 2012

L’histoire se passe à Bolton, ville fictive de la côte Est australienne.

Bolton est une ville-champignon qui s’est construite autour de son usine. Attractive à plus d’un titre pour les ouvriers qui pensaient y trouver une sorte d’Eldorado qui devait leur assurer un avenir heureux. Alors que le rêve commence à s’écorner, Christian, Verne et Muck, du haut de leurs 13 ans, préfèrent passer leurs journées à surfer plutôt que d’aller à l’école. C’est aussi à cette époque que « les gens bleus » commencent à s’installer à Bolton.

« – Comment on est censé les appeler ?
– Je sais pas. Juste « les gens bleus ».
– C’est pas un peu raciste. Ou quoi ?
– Peut-être. Mais ils sont bleus. Comment ça peut être raciste si c’est vrai ?
– Ils sont comme les négros ?
– Nan. Les négros sont différents. Les gens bleus sont plus comme les rebeus. Ou les bouffeurs de curry.
– Connerie ! Ce gamin avait rien à voir avec un bouffeur de curry. Il ressemblait plus à un nabot-rigène ».

A travers le quotidien de ces trois « potes », Pat Grant nous parle du racisme. Mais ce constat-là, on le fait tardivement. Tout d’abord parce que les deux premières histoires courtes – sorte de préambule au récit principal qui suit – nous égarent un peu sur les intentions de l’auteur. Recueil de nouvelles ? Non… petite mise en jambes (je dirais) qui ne sert qu’à situer l’ambiance et le ton de l’histoire, ainsi que ses personnages.

Je n’ai qu’un seul grief à l’égard de cet album : le franc parler de cette petite bande de jeunes qui à la longue lasse un peu. L’argot utilisé est souvent graveleux mais assez significatif de gamins en pleine puberté et qui ne cherchent finalement qu’à impressionner leurs pairs.

En revanche, le style graphique de Pat Grant m’a séduite. Les trois couleurs utilisées (noir / bleu / marron) créent une atmosphère sereine et agréable. On profite ainsi pleinement des illustrations et on y voit passer avec plaisir les trognes déformées des personnages. Le graphisme fourmille de détails divers : les tags sur un mur, les affiches publicitaires, les vagues… l’écume. Beaucoup de mouvement dans cette expression graphique et beaucoup de rondeur qui atténuent finalement la gravité des événements. Le format à l’italienne permet quant à lui de profiter de superbes illustrations panoramiques.

Grant © Ankama – 2012
Grant © Ankama – 2012

Enfin, le scénario en deux temps où les événements et la manière dont on les découvre sont influencés par la présence de Christian, personnage principal du récit. L’espace narratif se consacre majoritairement au quotidien atypique de cet adolescent. En effet, si le point commun de ces jeunes est leur attrait pour le surf… on les voit finalement très affairés à s’occuper à toute sorte de passe-temps sauf au surf ! Courageux mais pas téméraires, ces gamins boutonneux ont développés un sens aiguisé de l’esquive et de l’excuse bidon. La voix-off offre quant à elle une toute autre portée aux dialogues. Plus mesurée et teintée de nostalgie, elle donne un regard plus mature sur les événements. Les apparitions furtives de Christian alors qu’il est adulte nous donnent un éclairage sur l’évolution de la vie à Bolton et nous permet de comprendre que l’arrivée des étrangers, les « gens bleus », ne s’est pas faite sans heurts dans la communauté. Un clivage ethnique d’autant plus exacerbé qu’aujourd’hui, Bolton est frappé de plein fouet par la crise économique (chômage, précarité, insalubrité…).

Dans les bonus de l’album (à lire absolument !), Pat Grant affirme l’influence que Stand by me (Stephen King) a eu sur son histoire. Celle-ci puise aussi bien dans un registre fictif que dans les anecdotes autobiographiques.

Tout ce qui est dans ma bande dessinée Blue, c’est des conneries. Par exemple, il n’y a pas de ville du nom de Bolton. Du moins pas sur la côte est. Et ce n’est pas là qu’il y a eu des visites d’étrangers bizarres à la peau bleue. (…) Mais en même temps, tout est vrai. J’ai bien volé des cigarettes à mon père. J’ai bien séché les cours pour aller faire du surf avec mes amis. Et il y avait bien un chemin broussailleux qui passait au-dessus du ruisseau, sous la voie ferrée et descendait jusqu’à la plage »

(propos de l’auteur dans les bonus de l’album).

PictoOKUne découverte très agréable.

C’est également l’occasion de saluer la qualité de la ligne éditoriale d’Ankama qui livre une fois encore un objet absolument magnifique doté d’une couverture rigide et toilée superbe.

Les chroniques de PaKa et de Biscotte Mulotte.

Le site dédié à l’album.

Du côté des challenges :

Petit Bac 2013 / Couleur : bleu

Tour du monde en 8 ans : Australie

Challenge TourDuMonde PetitBac

Blue

One shot

Editeur : Ankama

Dessinateur / Scénariste : Pat GRANT

Dépôt légal : novembre 2012

ISBN : 978-2-35910-357-1

Bulles bulles bulles…

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Blue – Grant © Ankama – 2012

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

12 réflexions sur « Blue (Grant) »

  1. Content de lire ton avis sur cet album qui m’interpellait beaucoup quand je l’ai vu apparaître dans le catalogue d’Ankama. J’aurais aimé le feuilleté mais pas moyen de mettre la main dessus, du coup j’attendais que quelqu’un (de fiable^^) m’en dise plus. Du coup je crois qu’il me tenterait bien.

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    1. Prends peut-être un autre avis avant de concrétiser ton achat ^^ Mon Golgoth l’a lu et je le cite « au niveau ambiance graphique, j’ai bien aimé. Après, au niveau de l’histoire : je reste sur ma faim, très largement. Et soit je n’ai rien compris, soit je ne comprends pas ce que ma femme a vu pour faire la chronique qu’elle a faite. Disons que (ffff = bruit de narines qui souffle de l’air [visiblement, c’est important de le préciser ! ^^]) je pensais qu’on verrait une évolution des rapports des gens, une réflexion sur le racisme et en fait ça nous parle de deux jours dans la vie de quelqu’un, à 40 ans d’écart et ce qui m’a vraiment dérangé c’est que je n’ai pas compris si cela dénonçait le racisme ou si c’était une apologie du racisme ».

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  2. J’ai reçu cet album en partenariat avec Babelio et je pense à peu près comme toi. Séduite par l’objet livre très beau et le graphisme, un peu perdue au début dans l’histoire, intéressée par la thématique et la réflexion. Je pense que c’est un livre à relire.

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    1. L’objet est magnifique. Pour le moment, je suis parvenue à le mettre en valeur dans ma bibliothèque. A relire pour moi aussi, j’étais un peu déroutée en sortant de la lecture du prologue. Je relirais dans quelques temps histoire de profiter de cette lecture en connaissance de cause 😉

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  3. Encore un qui a l’air chouette ! Le graphisme me plaît, et d’après ce que tu en dis, l’histoire pourrait m’intéresser également…

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    1. Cool, on aura l’occasion d’en reparler dans ce cas. Pour le moment, j’en ai pas mal parlé avec Mister Golgoth et nos avis divergent légèrement ^^

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    1. J’ai eu la démarche inverse : le dessin m’a mise à l’aise immédiatement alors que le récit m’a désorientée en début de lecture. A tenter en tout cas. Si tu as l’occasion d’avoir le livre en main, regardes aussi du côté de la partie « bonus ». L’auteur s’est fendu d’un texte sur l’évolution certains concepts de la bande dessinée et le contenu est très intéressant 😉

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