Hurlements en coulisses (Moynot)

Moynot © Futuropolis - 2013
Moynot © Futuropolis – 2013

Juin 2011. Emmanuel Moynot part à la rencontre des Hurlements d’Léo, un groupe de la scène rock alternatif française. L’auteur va suivre ces huit troubadours pendant 5 mois, de juin à novembre 2011, et ainsi couvrir leur tournée estivale.

De festival en festival, les liens vont progressivement se nouer entre l’auteur et le groupe. Sur le site de l’éditeur, on peut lire : « Tensions, incompréhensions, coups de gueules, mais aussi fous rires et déconnades. Une aventure humaine et musicale, sur la route et la scène »… un état d’esprit dans lequel je ne me suis pas retrouvée !

Pourtant, j’étais très enjouée au départ à l’idée de lire cet album : il s’intéresse à un groupe de j’apprécie énormément et que j’ai découvert (sans grande originalité) suite à l’album Un Air, deux familles que Les Hurlements avaient réalisés avec Les Ogres de Barback (autre groupe que j’adore sans aucune modération). J’associe les Hurlements à cette mouvance musicale qui diffuse généreusement ses rythmes endiablés, sa bonne humeur et sa convivialité, le tout étant servi par des textes poétiques et engagés.

J’étais donc impatiente de retrouver la vivacité de leur univers musical qui nous embarque dans des mélodies entrainantes au son des guitares, accordéon, trompettes, percussions…

Mais Ô déception, cet entrain est presque inexistant dans cet ouvrage.

Certes, quelques mélodies ont accompagné ma lecture. Bordel de luxe, Le P’tit Monsieur en gris… Pourtant, il me semble que pour un lecteur qui ne connaîtrait pas leur veine musicale, rien dans l’album ne permet de ressentir l’entrain qui contamine peu à peu celui qui les écoute.

Plus qu’une immersion dans le groupe, ce récit s’intéresse davantage à la rencontre de l’auteur avec les Hurlements qu’aux Hurlements eux-mêmes. La tonalité du témoignage se charge de jugements de valeur, ce qui alourdit les propos et gâche régulièrement le plaisir de lecture. Sous prétexte qu’Emmanuel Moynot est lui-même musicien (il fait souvent référence à son groupe), il ne se prive pas de partager ses opinions sur des artistes qu’il va être amené à voir en concert durant la tournée :

J’entends d’une oreille distraite, voire irritée, le concert des Ogres qui est diffusé côté loges par des haut-parleurs crachotants et suraigus. On ne peut pas dire que ce soit à leur avantage. Emir Kusturica prend la suite. Pour tout dire, je ne suis déjà pas client de son cinéma. Mais comme musicien, à part se servir de son nom pour faire tourner un groupe de baloche et un chanteur en pyjama de Batman, il faudra m’expliquer ce qu’il apporte. Franchement.

« Pour tout dire », je ne suis pas non plus une fervente admiratrice de Kusturica. Je ne l’apprécie pas au point de défendre bec et ongles cet artiste mais en l’occurrence… les propos d’Emmanuel Moynot sont hors-sujet !! De même, le fait qu’il retranscrive sans vergogne des rumeurs de couloir sur un des chauffeurs de la compagnie de transports (qui véhicule les Hurlements sur leur tournée) sont… futiles et prétentieux !! Ce n’est rien d’autre que de la méchanceté gratuite. Cette accumulation de petits éléments narratifs m’a donné l’impression que l’auteur était pédant. De fait, je tire un trait sur mon envie de lire Pierre Goldman – La vie d’un autre car je ne me retrouve pas dans la démarche de cet auteur : je n’adhère pas à sa conception du journalisme d’immersion. Si je suis conscience que, pour ce genre d’investigations, les propos trouvent aussi leur pertinence dans la retranscription du vécu et du ressenti de l’auteur, j’apprécie que celui-ci prenne un minimum de recul éthique en livrant son témoignage. Et Emmanuel Moynot me semble plus soucieux de nous imposer ses a priori que de susciter une émotion chez son lecteur.

Globalement, cet ouvrage a eu sur moi l’effet de casser l’image d’un groupe de copains qui passent tout leur temps ensemble par plaisir. Peut-être était-ce une vision puérile de ma part ? Sur ce point, je reconnais donc que l’ouvrage peut avoir un vague intérêt, celui de ramener les éventuels fans du côté de la réalité (chaque membre du groupe a sa vie, ses opinions qu’il défend jusqu’au bout…). Mais les HDL apparaissent avant tout comme une somme d’individualités hétéroclites, très attachés à leurs petites habitudes et peu soucieux des individus qui tentent de se greffer à leur groupe. Je reconnais aussi qu’il n’a pas dû être facile d’entrer en contact avec eux dans ce contexte précis (tournée de deux mois suppose anxiété, tensions, grosse organisation etc) mais vu que ce projet de rapprochement auteur-musiciens était prévu de longue date… je pense qu’Emmanuel Moynot aurait mieux fait de taire cette contrariété passagère.

De fait, cette tournée estivale s’impose sur le moral et la dynamique de groupe, d’où le rythme saccadé du récit. Au final, j’ai eu plus l’impression d’assister à des lendemains de cuites et à une succession de défis individuels (d’une prestation à l’autre). La volonté de montrer au public qu’il y a une cohésion dans le groupe semble secondaire !

Moynot © Futuropolis - 2013
Moynot © Futuropolis – 2013

Je me suis accrochée à mes souvenirs comme j’ai pu. Je les avais vu sur scène plusieurs fois et j’avais eu l’impression qu’ils se donnaient à fond. Le dessinateur Moynot retranscrit cela trop hâtivement. Par moment, il parvient à transcender son dessin en lui apportant couleur et dynamisme. Mais ces instants sont trop rares dans l’album… et toujours trop brefs. Les concerts d’une heure existent tout au plus par l’intermédiaire d’un passage de quelques cases réalisées à l’aquarelle dans des teintes chaudes (ocres, rouille…). Tout le reste de l’album contient des croquis illustrant le quotidien. Du noir et blanc peu travaillé, un dessin parfois juste griffonné… cela ne laisse aucune possibilité de s’immiscer dans cette aventure humaine.

Le lecteur reste spectateur de ces clichés volés, d’un concert d’une heure à un autre concert d’une heure… à 500 kilomètres de distance. On découvre essentiellement des journées qui s’étirent… des heures à tuer sur la route pour rallier deux festivals, des préparatifs de concerts souvent effectués dans la hâte. Pas très intéressant d’autant qu’en prime, on assiste aux anicroches et aux désaccords personnels qui alimentent les rapports quotidiens entre les membres du groupe. Étrange atmosphère qui ne donne pas envie de les découvrir.

En revanche, là où je me suis retrouvée, c’est lorsqu’Emmanuel Moynot retrace leurs parcours respectifs, la reconnaissance rapide qui leur a été faite par le public, les dates de concert puis l’éclatement en de multiples aventures humaines : Les touffes chrétiennes, Elektric Geisha, Heroes de puta… Je n’avais pas connaissance de toute cette ramification de groupes. J’ai appris des choses.

Une lecture que je partage avec Mango et les lecteurs BD du mercredi

Logo BD Mango Noir

pictobofDéception, je ne me retrouve pas dans cette forme de journalisme. D’ailleurs : journalisme ou carnet de voyage ? Cette expérience méritait-elle réellement d’être partagée au grand public ??

Un album musical qui manque de pep’s et d’harmonie.

L’avis de David F.

Hurlements en coulisses

One Shot

Editeur : Futuropolis

Dessinateur / Scénariste : Emmanuel MOYNOT

Dépôt légal : janvier 2013

ISBN : 978-2-7548-0736-4

Bulles bulles bulles…

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Hurlements en coulisses – Moynot © Futuropolis – 2013

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

20 réflexions sur « Hurlements en coulisses (Moynot) »

  1. Une grande déception en somme cet album! Quel dommage! L’idée de départ était pourtant intéressante mais c’est raté donc à oublier. Pas toujours simples les reportages témoignages de ce genre! L’auteur se rattrapera une prochaine fois, j’espère!

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    1. Une énorme déception !! J’ai vraiment du mal avec ce genre de récit (désolée, j’ai du mal à le classer dans la rubrique « Journalisme ») où l’auteur regarde plus le nombril que le sujet dont il est censé parler ^^

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  2. Ne connaissant pas du tout ce groupe, je suis d’utant moins tenté par la lecture de cet album. Une déception à la hauteur de nos attentes, c’est toujours dommage.

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    1. Etrangement, mes attentes se situaient dans un registre que je ne connaissais pas ^^ De Moynot, je n’ai rien lu réellement. J’ai encore en mémoire la nouvelle qu’il a réalisée à l’occasion du Collectif « Le Jour où » (France Info/Futuro). Il se penchait à cette occasion sur l’éruption du volcan islandais où d’ailleurs, il ne parlait pas des conséquences directes de cette éruption… mais de son séjour en Grèce pour aller voir sa fille… rien à voir avec le sujet annoncé donc !
      Cela m’avait déjà agacé mais comme tenu du format « nouvelle »… au bout de 10 pages on passe à autre chose. Ici, l’album fait presque 150 pages et honnêtement, c’est LONG !! J’aurais certainement été moins acide si je ne m’étais pas sensibilisée avant au BD-journalisme.
      Il y a une multitude d’événements narratifs qui m’ont mis en boule. Notamment, sur certains passages, Moynot explique la démarche journalistique. Grosso modo « observer sans influencer ». Il me semble que la manière dont on rend compte de son observation doit aussi respecter ces principes pourtant assez basique. Retranscrire sans prendre à la gorge. Alors ok, il retranscrit… mais il force un peu le lecteur à se « mettre dans son camps ». Je n’aime pas du tout cette attitude.

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  3. Il en prend pour son grade Moynot !
    J’ai vu les Hurlements en concert, les Ogres aussi d’ailleurs, mais je ne me suis jamais vraiment intéressé à leur vie de groupe. L’album ne me tentait pas outre-mesure à la base.

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    1. Si je n’avais pas connu les Hurlements avant, je pense que je n’aurais même pas inséré le lien vers leur site dans cet article 😀
      NA, une BD-comme-je-les-aime-pas ^^

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  4. Je connaissais les Hurlements de Léo avec « Le café des jours heureux » mais pas l’album avec les Ogres de Barback ; il faudra que je cherche 😉

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  5. Cruelle et amère désillusion donc… Zut ! mais si un album qui met à l’honneur la musique et les musiciens ne pulse pas…, où est l’intérêt ? 😉

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  6. Le thème ne m’attirait déjà pas, mais ton avis m’incite à me détourner de cet ouvrage. Je suis désolée pour toi, ça avait pourtant tout pour te plaire au départ.

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  7. Mouais… lire le récit de gars qui s’envoient des roses n’a rien de folichon… et dans ton cas, peut même se révéler carrément dissuasif autant pour la musique du groupe que pour l’album qui en fait l’éloge !

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    1. Le contenu est particulier. Ensuite, la présentation officielle précise aussi : « Tantôt observateur discret, tantôt neuvième membre de l’équipe, Emmanuel questionne son métier d’auteur et son propre rapport à la musique ». Bon, je n’ai pas trop aimé la manière qu’il emploie pour faire cette remise en question. Il critique beaucoup les autres mais lui… il est assez indulgent ^^

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