Cachés (Burton)

Burton © La Boîte à bulles – 2013
Burton © La Boîte à bulles – 2013

Mirranda Burton est artiste peintre. Elle anime un atelier d’arts plastiques dans un établissement qui accueille des adultes handicapés en ambulatoire.

Dans Cachés, elle partage son expérience et témoigne à la fois des difficultés qu’elle a rencontré durant ses années de pratique et fait le constat alarmant d’un tissu institutionnel de prise en charge du handicap qui s’étiole à vue d’œil.

Cela faisait longtemps que je n’avais pas salué la pertinence des choix éditoriaux de La Boîte à bulles. Une nouvelle fois, en permettant à cet album de venir à la rencontre de son lectorat français, l’éditeur fait mouche. L’ouvrage vient ainsi compléter l’excellente collection Contre-Cœur qui avait été lancée en septembre 2004 avec la publication d’(A)mère (très bel album de Raphaël Terrier). La collection Contre-coeur regroupe des livres autobiographiques ou de témoignages peut-on lire sur le site de La Boîte à bulles.

Cachés propose un regard très touchant et très humble sur le monde du handicap. L’auteure n’hésite pas à relater son désarroi récurrent face à certaines situations ou face à certaines questions que lui adressent les personnes handicapées.

Avoir accepté un poste à temps partiel de professeur d’art pour adultes intellectuellement déficients – du mongolisme à l’autisme – m’a guérie de toutes mes idées reçues sur les progrès de l’humanité. Je plongeai dans un univers non conventionnel et appuyai sur le bouton ‘reset’. Je fis connaissance avec un groupe spécifique de personnes, au travers de leurs pratiques créatives et de nos conventions. Chaque séance me faisait un peu l’effet de conduire dans des carrefours bondés, sans feux de circulation.

Ainsi, elle relate avec beaucoup de pudeur et de respect les instants qu’elle a partagés en compagnie d’Eddie, d’Annie, de Kate ou de Steve. Adaptant son atelier à leurs difficultés et veillant à respecter leurs rituels, Mirranda Burton témoigne avec beaucoup de justesse de ces rencontres humaines qui l’ont conduite à effectuer une remise en question personnelle et professionnelle permanente. Pour cela, elle emploie de nombreuses métaphores graphiques pour exprimer son trouble. Ce n’est pas tant à l’artiste qu’elle fait appel mais à la femme qu’elle est et qu’elle a reconstruit à force de côtoyer ces adultes en situation de handicap. Une femme militante, qui affirme ses opinions et se refuse à accepter le fatalisme institutionnel en vigueur.

D’un trait épais, elle décrit avec beaucoup de tendresse ces adultes qui évoluent sous ses yeux. On ressent la considération qu’elle leur porte sans que cela ne crée de bienveillance excessive. Elle n’oublie pas de témoigner de ce nécessaire langage corporel qui s’impose aux intervenants amenés à travailler auprès d’adultes handicapés (accepter les accolades ou de laisser une poignée de mains perdurer plus longtemps qu’à l’accoutumée, accepter de livrer quelques touches de sa vie privée en veillant à conserver la distance nécessaire…).

Derek rêve de sirènes. Son carton à dessin contient suffisamment d’ambulances pour sauver la population entière de Melbourne. Layla est bâtie comme une poupée de porcelaine et pourtant elle adore frapper et tordre comme un champion de boxe ou de lutte de catégorie poids lourds. Annie peut dessiner des bouteilles à génie débordantes de souhaits en nombre suffisant pour modifier le devenir de la planète tandis que Marcel, lui, s’assoit près de Mélanie, l’élue de son cœur, et peint son portrait.

PictoOKMirranda Burton témoigne d’une sensibilité accrue à l’égard de la personne handicapée. Elle accepte sans crainte la différence de l’autre qui peut se révéler être « indépendant et indifférent aux consignes », apprend à respecter les rituels, tient compte de ses angoisses et de sa difficulté à s’approprier le langage. Quoiqu’il en soit, j’ai eu tendance à accompagner les propos de l’auteur quand elle énonce que ces adultes déficients vivent cachés de nos regard ; seule l’action des intervenants qui les accompagnent leur permet de s’inscrire dans la société.

Les chroniques de Lauriane et A chacun sa lettre.

Extraits :

« En de très nombreuses occasions, travailler avec des gens ayant des besoins spécifiques me ramenait à mes propres limites et me plongeait dans l’obscurité » (Cachés).

« Toute l’année, Steve endure la pluie, la grêle et le soleil vêtu d’un simple tee-shirt. (…) Il commence chaque journée d’atelier en prenant un stylo et un calendrier pour écrire sur un tableau blanc la date, le jour de la semaine et le temps qu’il fait. Steve a une approche fort différente de celle des autres journalistes météo et ses prévisions ont tendance à faire intervenir un cyclope et une voiture de police, des bateaux, des feux de signalisation, des gens et des pots de fleur. Je n’ai pas l’impression que la journée soit vraiment lancée tant que Steve n’a pas illustré la prévision du jour.
– [Mirranda] Donc aujourd’hui, il fera 16°C avec un cyclope poursuivi par une voiture de police ?
– [Steve] Ouaip ! » (Cachés).

Du côté des challenges :

Tour du monde en 8 ans : Nouvelle-Zélande

Tour du Monde en 8 ans
Tour du Monde en 8 ans

Cachés

One shot

Editeur : La Boîte à bulles

Collection : Contre-Cœur

Dessinateur / Scénariste : Mirranda BURTON

Dépôt légal : avril 2013

ISBN : 978-2-84953-169-3

Bulles bulles bulles…

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Cachés – Burton © La Boîte à bulles – 2013

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

10 réflexions sur « Cachés (Burton) »

    1. Les dessins portent parfaitement le récit. Il permet d’éviter la caricature et de rendre parfaitement compte de la spécificité des faciès de personnes trisomiques notamment. C’est un regard assez tendre sur le handicap mais ce n’est pas simpliste.

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    1. Ne pas se fier aux apparences… Regarde « Formose » ou « Sous l’eau l’obscurité », ce n’était pas très beau et pourtant tu as aimé 😉

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        1. Les corps élastiques de « Sous l’eau… » étaient réellement étranges. Ici, la nature du graphisme donne un côté morbide à l’univers. Je ne pense pas que cela soit fait exprès et je ne sais pas si ce dessin provoque la même chose chez d’autres lecteurs. Une lecture assez particulière. Si j’ai l’occasion de lire les autres tomes, je le ferais mais une fois n’est pas coutume : je n’envisage pas d’acheter les deux autres tomes

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    1. En tout cas j’ai pris plaisir à découvrir cet album que je n’avais pas du tout prévu de lire initialement ^^ J’espère qu’il te plairait autant qu’à moi 😉

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