Le jeune Lovecraft, tome 1 (Oliver & Torres)

Oliver – Torres © Diábolo Editions – 2013
Oliver – Torres © Diábolo Editions – 2013

Nombreux sont les amateurs d’Howard Phillips Lovecraft, un auteur qui a excellé dans le domaine de la littérature de l’horreur. Ses univers mêlent fantastique et science-fiction ; il est capable de tordre la réalité au point de la rendre angoissante.

En préface, le scénariste José Oliver questionne cet engouement : « Qu’est-ce qui rend cet auteur si attirant ? Peut-être sa personnalité mystérieuse, truffée de légendes qu’il prenait plaisir à répandre parmi ses amis (…). Notre Lovecraft est différent du vrai : il n’était pas orphelin et vivait avec sa mère ; nos aventures rocambolesques l’auraient sans doute mené au bord de la dépression nerveuse ou quelque chose de semblable ».

Quoi qu’il en soit, José Oliver et Bartolo Torres ont exploité cette aura de mystères qui plane autour du célèbre romancier ; les auteurs espagnols se sont pris au jeu d’imaginer quel genre d’enfant il pouvait être. Il n’est pas nécessaire d’être spécialiste de Lovecraft, voire d’avoir lu ses œuvres, pour apprécier la lecture. En effet, l’univers qu’il a créé n’est présent qu’en clins d’œil. Ces derniers plairont certainement aux amateurs, les feront sourire. Quant aux lecteurs non initiés à H-P Lovecraft, ils ne devraient pas être gênés dans leur lecture. On découvre avant tout un jeune garçon solitaire et acariâtre qui côtoie avec difficulté ses camarades de classe et développe un intérêt immodéré pour le surnaturel.

Les Espagnols connaissant cette série de longue date. En effet, ses strips ont tout d’abord été pré-publiés séparément avant d’être compilés (en 2004) en vue de la publication du premier tome (Espagne toujours). Cette année, Diábolo Editions a décidé de se tourner vers le marché éditorial français et nous propose cinq albums de son catalogue. Ce joli mois de mai 2013 voit donc arriver dans les bacs de nos libraires :

Miaou de José Fonollosa (anecdotes domestiques vécues en compagnie des petites chattes, Belfi et Rufa dixit le dossier de presse présentant cet album humoristique),
Ça pousse de Lorena Canottiere (un album qui se base sur des faits réels et qui aborde le monde de l’enfance de façon ludique),
La Bible de Basil Wolverton (que je vous présenterais la semaine prochaine),
Pornographique de Nacho Casanova (recueil d’histoires érotiques).

Le cinquième ouvrage est ce premier tome du Jeune Lovecraft qui se passionne pour un monde imaginaire foisonnant. Le garçon ne s’effarouche pas à la vue d’une goule, d’une momie ou d’un fantôme et se tourne naturellement vers la magie noire grâce aux nombreux grimoires qu’il possède dans sa chambre (d’ailleurs, quoi de plus naturel que de créer un golem pour que ce dernier fasse vos devoirs à votre place ??!). Pour ne rien gâcher, le jeune Lovecraft fait preuve d’un esprit très vivace pour son âge. Il parvient à faire surgir des créatures qui sortent directement de mes souvenirs (ne vous ai-je jamais parlé de mon appétence à Lovecraft ?) mais ce jeune apprenti sorcier manque malheureusement d’expérience… Pour notre plus grand plaisir car ses incantations aboutissent rarement au résultat escompté et le mettent dans des situations cocasses.

Rapidement, le lecteur adopte ce jeune orphelin qui se dérobe à la vigilance de ses tantes et commande le Necronomicon au Père Noël… et c’est bien-là ce genre de détails qui m’a plu dans l’album. Les auteurs font cohabiter des univers totalement opposés, créant ainsi une ambiance atypique et réellement originale.

José Oliver enrichit également cet univers d’intermèdes littéraires durant lesquels le Lovecraft-junior réécrit quelques grands classiques comme Moby Dick, L’île au trésor ou Dracula (pour ne citer qu’eux). L’enfant laisse libre court à son imagination et détourne sans vergogne les récits originels pour y injecter des créatures de son invention ; Moby Dick devient ainsi la mascotte de Chtulhu qui entrera dans une colère folle en découvrant les sombres desseins du Capitaine Ahab.

Oliver – Torres © Diábolo Editions – 2013
Oliver – Torres © Diábolo Editions – 2013

Côté graphique, Bartolo Torres s’en donne à cœur joie. Son trait fluide est complété d’une faible palette de couleurs (noir, blanc, gris) ponctuellement rehaussées d’autres teintes (majoritairement du rouge). Son dessin est en apparence enfantin et la découpe des pages se compose presque invariablement de deux bandes de trois cases. Le format à l’italienne sert parfaitement la mise en page des strips mais il ne faut pas se méprendre : Le jeune Lovecraft n’est pas un album à mettre entre les mains des jeunes lecteurs qui ne profiteraient pas pleinement de cet humour à prendre au second degré.

PictoOKLe tout a tendance à faire profiter au lecteur d’une lecture dynamique, ludique, truffée d’humour et bourrée de références littéraires, musicales ou cinématographiques. Au final, mes appréhensions se sont rapidement révélées infondées, une très belle découverte tant d’un jeune héros qui devrait parvenir à convaincre les amateurs de Lovecraft et d’humour noir que d’un duo d’auteur qui mérite à être connu du lectorat francophone.

Je remercie Diábolo Editions pour m’avoir permis de faire cette découverte.

Le site de la série et sa page Facebook. Une interview de José Oliver sur le site Literautas (texte en anglais).

Courte présentation sur Le Rapide du Web et sur BulleDair.

Le jeune Lovecraft

Tome 1

Triptyque en cours (3 tomes édités en Espagne)

Editeur : Diábolo Editions

Dessinateur : Bartolo TORRES

Scénariste : José OLIVER

Dépôt légal : mai 2013

ISBN : 978-84-15839-04-0

Bulles bulles bulles…

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Le jeune Lovecraft, tome 1 – Oliver – Torres © Diábolo Editions – 2013

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

25 réflexions sur « Le jeune Lovecraft, tome 1 (Oliver & Torres) »

    1. De mon côté, j’ai hésité à l’inscrire sur le Challenge. Je m’en remets à toi qui jugera de sa pertinence par rapport à cette aventure collective 😉

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        1. Non, il n’y a pas de lieu imaginaire au sens propre. On est bien au sens figuré du « monde » imaginaire de Lovecraft 😉 C’était juste pour inscrire Lovecraft sur ton challenge ^^ Il me semble important mais je vais essayer de trouver un autre moyen pour l’y faire figurer 😀

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  1. Euh, « joli mois de mai », tu rigoles ou quoi ?
    Bon à part ça content de découvrir un nouvel éditeur grâce à toi. Sur les 5 titres du catalogue, l’album de Nacho Casanova m’attire plus que les autres, va savoir pourquoi… Sinon je n’ai jamais lu Lovecraft mais j’aime bien de temps en temps me replonger dans les strips, c’est une mécanique narrative difficile mais quand c’est bien fait, on se régal.

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    1. « Joli mois de mai » oui 😛 J’ai mis le « joli » en italique mais je reconnais que c’est très subtil et qu’on ne ressent pas la pointe d’ironie dans mes propos ^^
      Concernant l’album de Nacho Casanova, je ne sais pas pourquoi mais ça ne m’étonne même pas ^^ Encore une histoire de premier mardi du mois ?? Je n’ai pas pris le temps de feuilleter l’album en revanche.
      Et pour ce qui est de Lovecraft… tu devrais essayer 😉 Le souvenir le plus marquant que je garde est ma lecture d’une de ses nouvelles : L’Affaire Charles Dexter Ward… un délice 😉

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      1. Je ne me souviens plus des noms des nouvelles qui m’avaient le plus marqué, à part La couleur tombée du ciel.
        Y’en avait une avec Nyarlathotep dans une forêt, vaincu par Cthugha. Une autre où un Grand Ancien faisait des trous dans les têtes des gens… et puis il y avait aussi Les chiens de Tindalos qui passaient par les angles (uhuh), mais celle-là je sais qu’elle n’est pas de Lovecraft himself.

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        1. Ah Lovecraft… J’ai passé des soirées entières plongées dans ses univers. J’ai découvert les jeux de rôle sur le tard (vers 17 ans) mais je pense avoir rattrapé le temps perdu dans les années qui ont suivi ^^
          Quant à ses récits, j’ai le même problème pour tous les romans (problème que je n’ai pas avec les BD) : j’oublie les titres de ce que j’ai lu ^^ Je me rappelle cependant le titre de la Nouvelle qui m’a plus plu (j’en parlais la dernière fois, il s’agit de « L’affaire Charles Dexter Ward ») et de ma plus grosse déception (« Le rôdeur devant le seuil »)

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          1. C’est peut-être parce que tu écris des chroniques que tu te rappelles du nom des BD que tu as lues. Ce qui n’est pas forcément le cas des romans.
            Sinon 17 ans le début du JDR c’est pas si tard que ça, quand même. Moi j’ai débuté à 14 ans. La grande époque des WE JDR avec les nuits blanches qui vont avec. C’était rigolo 🙂

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            1. En effet, je pense que le fait de rédiger pour le blog m’aide à mieux retenir titres et contenus d’ouvrages. Le blog est un bon remède à l’Alzheimer qui me guette ^^
              17 ans, c’est tard je trouve. en tout cas, les copains avec qui je jouais ont commencé plus tôt (comme toi, vers 13-14 ans). J’étais bien contente de profiter de leur expérience en la matière par contre ^^

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  2. J’adore Lovecraft (et aussi l’excellent jeu de rôle Cthulhu) ! Des univers atypiques, horrifiques, terriblement anxiogènes et tellement bons !
    Ce livre m’avait déjà tapé dans l’œil à la librairie. On en avait aussi un peu causé chez toi. Mais je suis pas repassé chez mon libraire depuis.

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    1. J’ai passé des soirées entières sur les jeux de rôles de Cthulhu !! 😀 Je prenais un malin plaisir à masteriser. Je garde un bon souvenir de la campagne Nightmare Agency ! Mais on en avait parlé pendant le week-end où vous étiez-là. J’ai fait une plongée dans mes placards et je n’ai pas retrouvé (encore des ouvrages qui sont restés chez mes parents… je peste ^^)
      Et donc, tu dis aussi que tu es repassé chez ton libraire… tu as acheté cet album ?? Feuilleté ??

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  3. Ah, fan de l’univers de Lovecraft, tu me rends trèèès curieuse mais je me demande si justement je parviendrai à entrer dans celui-ci d’univers.

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    1. Si tu as la même démarche que moi, tu seras certainement dubitative à la lecture des premières pages ^^ Comme dirait mon homme, l’utilisation de Lovecraft est juste un prétexte pour faire de multiples clins d’œil à ce grand Monsieur(mais on pourrait transposer ce type de récit sur Harry Potter et y injecter des éléments de son univers).
      Ensuite, le fait de voir surgir Cthulhu ou Yog-Sothoth au milieu de ces pages épice réellement cette lecture dans laquelle j’ai finalement plongé. Je trouve que la personnalité de ce gamin est très bien travaillée et le fait que ses incantations soient bancales sert parfaitement le comique de situation.

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  4. Ayant eu une période Lovecraft dans ma jeunesse, je suis bien tentée.
    Je relève également le même album que Jérôme chez cet éditeur. Va savoir pourquoi aussi. 🙂

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    1. Je crois que l’ouvrage attire surtout la curiosité des amateurs de Lovecraft. Dans un premier temps du moins. Il y a aussi un petit côté « Courtney Crumrin » qui m’a plu du fait que ce soit un enfant solitaire et passionné par tout ce qui a trait au surnaturel. Mais le parallèle entre ce jeune Lovecraft et la petite Courtney est ténu tout de même 😉

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    1. Ils ont un peu catalogue déjà. Cette maison d’édition existe depuis 2006. J’espère seulement que les lecteurs français sauront lui faire bon accueil ! 🙂

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    1. La BD est sympa mais elle n’apporte aucun élément biographique. J’ai bien aimé cette succession de petits strips qui créent un univers atypique et amusant

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  5. Aaah… Comment fais-tu pour coller à chaque fois à ce qui me plait ? Je l’ai vu hier en magasin, j’ai hésité, hésité, hésité pour finalement prendre le dernier volume de Long John Silver… Et maintenant je regrette de ne pas l’avoir ajouté à mon panier…

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    1. Je ne sais pas comment je fais ^^ Je teste, j’aime être le cobaye de certains éditeurs ^^
      « Long John Silver », Jérôme en a parlé récemment aussi. J’attends le déclic mais cette série ne me tente pas (graphisme, ambiance, intrigue…). Je l’ai eu en main plusieurs fois et je ne suis vraiment pas à l’aise face à ces pages. Un jour peut-être…

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