1930, Patrick Comasson dit « Paco » échappe de justesse à la guillotine mais écope d’une peine à perpétuité qu’il fera en Guyane.
Bagnard. Un statut et un quotidien avec lesquels il va désormais devoir composer.
Cinq ans : c’est la durée de vie d’un forçat dans les colonies françaises. Paco est bien décidé à faire un pied-de-nez à ces sordides statistiques.
« Fagot ». Voilà ce qu’il est devenu. Sous cette étiquette, l’administration pénitentiaire désigne les condamnés à perpétuité. Paco va devoir apprendre à vivre aux côtés des « pieds-de-biche » (récidivistes), des « Premiers-Paris » (les malfrats qui ont fait la Une des journaux), des « Joyeux »…
Pour survivre dans cet enfer, le premier objectif est de se faire respecter. S’il n’y parvient pas, il n’aura d’autres choix que de subir les traitements réservés aux « bonniches » ou aux « mômes »… Et le respect passe en partie par les tatouages dont les bagnards sont couverts. Alors, lorsque Paco rencontre Armand (alias « Bouzille ») pendant la traversée vers Cayenne, il lui demande d’immortaliser « La mort qui fauche » dans son dos. Les heures passées avec Armand marquent le début d’une amitié particulière avec le tatoueur.
Puis c’est l’arrivée à Saint-Laurent-du-Maroni. Le premier jour, Paco est victime d’un viol collectif. Il sait qu’il doit rendre coup pour coup sans tarder sous peine de devenir la pute du bagne. Grâce au couteau qu’on lui a glissé dans la main, Paco peut réaliser sa vendetta. Il repère un de ses trois violeurs et l’égorge à l’heure où les prisonniers s’agglutinent au réfectoire pour le repas de midi. Le voilà qui s’est fait un nom : « Paco les mains rouges ».
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Il y a une poignée d’auteurs pour lesquels je me dis – à chaque fois que je les lis – qu’il serait bon que je me rue sur tous leurs albums. C’est le cas pour Fabien Vehlmann. Paco les mains rouges, Les derniers jours d’un immortel, Les cinq conteurs de Bagdad : le constat est immuable. Trois titres où le scénario tient essentiellement à la voix-off qui accompagne la majeure partie de la lecture, une base narrative que le scénariste maîtrise parfaitement.
Dans cet album, l’introspection du personnage principal n’est pas qu’une simple remise en question. C’est aussi un témoignage. Paco est le narrateur de sa propre histoire. Dans une lettre qu’il adresse à une mystérieuse inconnue, il parle à cœur ouvert de ses années de bagne. Une expérience qu’il aborde frontalement, sans se mentir.
On découvre un univers très codifié et une certaine vision de la liberté (où la débrouille et les magouilles sont le seul moyen de survivre). On navigue entre les règles officielles (de l’administration pénitentiaire) et officieuses (les règles de conduite entre bagnards). Dans l’ensemble, il y a tout de même assez peu de sensations corporelles (la faim, le froid et la douleur existent à peine).
L’auteur impose une certaine distance entre les faits et la manière dont son personnage les a vécus. Cet équilibre narratif entre passé (la vie de bagnard) et présent (le moment où il se confie dans une lettre) donne une impression de légèreté assez déconcertante (vu le contexte) mais assez agréable à côtoyer tout au long de la lecture. On ne ressent aucune impression d’étouffement. Le personnage semble avoir facilement tiré son épingle du jeu et s’être débarrassé de tout état d’âme. Surprenant. Cela me fait penser que l’essentiel est à venir et que les émotions vont jaillir dans le second tome. Pour le moment, on n’a que quelques soubresauts et cela ne m’a pas suffit pour ressentir de l’empathie pour le personnage, malgré quelques formulations habilement tournées.
Le bagne, je vais te dire, tout le monde le subissait, les gardiens comme les forçats.
Le scénario colle à merveille à l’univers artistique d’Eric Sagot d’ailleurs, n’a-t-il pas été écrit spécialement pour ce dessinateur ? (pour avoir la réponse, je vous renvoie à cet article de Vehlmann). Le dessin minimaliste crée une atmosphère assez particulière, un lieu hors du temps et hors des conventions. Il intègre naturellement à ses illustrations l’art brut des tatouages des bagnes de Biribi et de Guyane. Noir, marron, blanc : seules ces trois couleurs ont été retenues pour la mise en couleur. Elles contiennent un peu de nostalgie sur certains passage, elles sont plus rugueuses à d’autres… bref, elles aident naturellement le lecteur à se représenter les ambiances… à s’approprier cette histoire.
Ce premier tome se referme sur un cahier graphique assez conséquent. Il contient de nombreux échanges de story-board entre les auteurs. On y voit la couleur jaillir de manière éphémère sur certaines planches et on se représente un peu mieux la manière dont les auteurs ont collaboré sur ce projet.
Dans ce premier tome, le cadre est posé, le décor est monté. On a tout en main, mais je trouve encore les choses assez décalées par rapport à l’image que l’on peut avoir du quotidien dans un bagne. Les dessins presque naïfs d’Eric Sagot renforcent cette impression ; tout est trop doux et tout marche trop bien pour Paco pour que cela puisse durer. J’attends donc la suite…
Une sympathique lecture commune faite avec Jérôme.
Deux interviews des auteurs : l’une sur ActuaBD et l’autre sur Telerama.
Les chroniques de Choco et de 9èArt.
Une lecture que je partage avec Mango à l’occasion de ce mercredi BD
Extraits :
« Mais quand on nous a mis en ligne, direction la mer, Nom de Dieu… Perpétuité en Guyane… Laisse-moi te que d’un seul coup, ça prenait tout son sens » (Paco les mains rouges, tome 1).
« J’étais prêt à tout plutôt que de rester planqué comme un rat à attendre qu’on me tombe dessus. Y a des fois où la peur donne du culot » (Paco les mains rouges, tome 1).
« Et pour avoir du blé, fallait entuber les autres. Alors c’est ce que j’ai fait » (Paco les mains rouges, tome 1).
Du côté des Challenges :
Petit Bac 2013 / Partie du corps : mains
Paco les mains rouges
Tome 1
Diptyque en cours
Editeur : Dargaud
Dessinateur : Eric SAGOT
Scénariste : Fabien VEHLMANN
Dépôt légal : septembre 2013
ISBN : 978-2205-06812-2
Bulles bulles bulles…
Pour moi le manque d’émotion et la mise à distance s’imposent par le fait que le témoignage se tienne à posteriori, bien des années après les événements. Cela aurait sans doute été très différent si on avait eu en main le journal intime du bagnard.
Et puis concernant la couleur, Sagot explique dans une interview qu’il réalisé tout l’album avec du « gris tourterelle » plus ou moins dilué afin de jouer sur les nuances. Le résultat m’a bluffé.
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Je suis très curieuse de savoir qui est le destinataire de cette lettre. J’ai cru un temps que c’était la petite Célestine mais j’ai des doutes maintenant. Mais le contraste entre la violence de certains traumatismes (le viol, le fait d’être malade dans un tel contexte…) et la manière dont le personnage en parle est un réel contraste. Après, le fait que les propos ne soient pas noyés sous tout un tas de pathos est plutôt un point fort pour ce récit. Mais j’ai envie d’avoir la confirmation que le personnage n’est pas si lisse qu’il n’y parait. J’ai hâte qu’il brise un peu la carapace 🙂
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Vous vous êtes mis à deux pour convaincre. 🙂 C’est fait pour ma part bien que je me demande si les visages ne sont pas un peu trop naïfs à mon goût.
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Tout colle parfaitement à l’histoire. Dès la première page, on accueille fond et forme comme une seule et même entité. Si tu pars dans cette lecture, je pense que tu oublieras vite cette petite appréhension 😉
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Je suis convaincue également (comme Mango) mais ce n’est pas pour moi cette BD !!! rien qu’en vous lisant, j’ai le ventre qui se tortille.
Lisez et racontez-moi…
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D’accord 😀
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Je vais lire cette BD, c’est sûr !
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J’espère que le tome 2 sortira rapidement !! Je suis curieuse de connaitre le dénouement et surtout de savoir à qui s’adresse le narrateur en écrivant !^^
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Tentant, très tentant ! Bon, de Vehlmann je n’ai encore rien lu je crois, mais j’ai emprunté tout récemment Les derniers jours d’un immortel…! 😉
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C’est un excellent album « Les derniers jours d’un immortel ». Excellent !! Très bon souvenir de lecture. J’espère que tu aimeras !!
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Ahh bah je sais que je vais me lancer dès que je pourrai avoir les 2 tomes pour les enchaîner !
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J’espère qu’ils arriveront vite chez toi ! 😉
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Je vais attendre encore, mais je sais ou du moins je pense que je le lirai !
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Je crois que ça vaut le coup de lire le diptyque d’une traite. On y gagne toujours de toute façon quand la lecture n’est pas morcelée.
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Je la veux, je la veux !
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😀 C’est terrible cette période. Les sorties BD fusent (et côté romans c’est pareil) et on ne sait plus où donner de la tête ! ^^
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Et moi qui suis dans ma période « bagne », me voilà servi à ce titre qui vient s’ajouter dare dare à ma liste de livres à lire. J’apprécie d’ailleurs beaucoup le coup de crayon de Vehlmann & Sagot. Merci pour cette belle découverte !
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J’ai vu ça sur tes dernières lectures !
Le roman dont avait parlé Jérôme devrait t’intéresser aussi 😉
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Jérôme m’a déjà convaincu, je vais sans doute la lire dans les prochains jours si je la trouve demain 🙂
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Cool ! Hâte de découvrir ton ressenti sur cet album 😉
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Oh mais le pitch me branche à 100%. Je vais donc aller fouiner dans les deux médiathèques où je suis inscrite afin de le dénicher. Merci de la référence, je n’avais jamais entendu parler de Vehlmann (ok, je suis encore très ignare en matière de BD). Et très beau billet, la classe !
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Je n’ai pas encore lu beaucoup d’albums de Vehlmann. Il y avait « Jolies Ténèbres » que je n’avais pas trop aimé mais ça commence à faire un moment que je l’ai lu. Je ne sais pas si je l’accueillerais de la même manière aujourd’hui. Sinon « Les derniers jours avec un Immortel » est un très bon album. Je crois que Noukette l’a emprunté récemment. J’espère qu’elle partagera son avis 🙂
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Totale découverte, je ne connaissais pas du tout mais, j’ai vraiment envie de le lire ! L’aperçu des dessins me plait bien et le résumé également. Hop, sur ma liste !
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Je n’ai pas assez cherché pour avoir une idée de la date de sortie du second tome mais j’ai hâte !
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Comme toi, le destinataire des souvenirs de notre bagnard m’intrigue ! Je pense que le 2ème tome va donner définitivement le ton de cette histoire qui reste en effet un peu à distance.
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Pareil. J’ai cru pendant un bon moment que le destinataire de la lettre était la petite Célestine. Ma ça ne colle pas du fait de la manière dont il parle de l’enfant. Après, j’ai été étonnée de lire dans certaines chroniques que Paco avait été condamné suite à un crime passionnel. Si effectivement cet élément apparait dans l’une des présentations de l’éditeur (je ne sais plus s’il s’agit du 4è de couverture ou de la présentation officielle sur le site), je n’ai pas retrouvé l’explication dans le contenu même de l’album. Alors je me dis qu’il écrit peut-être à sa fiancée. On verra, mais j’attends la suite, ne serais-ce pour pouvoir investir un peu plus ce personnage
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Oui, j’ai lu ^ça aussi sur certaines critiques et je m’en étais étonnée ! Pour tout dire, j’ai du revenir sur le passage criminel pour le comprendre et faire le lien avec Paco ^^
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Je pense qu’une petite relecture ne me ferais pas de mal non plus. Je m’enquillerais les deux tomes quand le second volet paraîtra ^^
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Pour moi aussi une belle découverte que cette BD. J’ai beaucoup aimé l’histoire, ce flot de paroles qui raconte une histoire singulière et les dessins qui atténuent beaucoup les aspects sombres, très sombres de l’histoire. Une petite anecdote : en me documentant sur le web, je tombe sur une vidéo déjantée d’un prix littéraire, le prix « lulu la nantaise », attribué à la BD !
(cf http://www.ouest-france.fr/le-prix-lulu-la-nantaise-recompense-la-bd-paco-les-mains-rouges-1689653)
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😀
Très sympathique ce jury 😀
De mon côté, j’attends vraiment le second tome car pour le moment, il me manque un petit-je-ne-sais-quoi qui ne me permet pas d’investir complètement le personnage. Il m’échappe. J’espère que le tome 2 ne tardera pas trop.
Merci pour ton passage 🙂
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Je suis un peu resté sur ma faim personnellement.
J’ai ressenti moi aussi ce manque d’empathie pour Paco, tu décris aussi cette relative « facilité » à s’en sortir malgré la prétendue rudesse de la vie. C’est un paradoxe assez dérangeant pour moi.
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Voilà. Donc le tome 2 nous comblera… ou pas ^^
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