Goggles (Toyoda)

Toyoda © Ki-oon – 2013
Toyoda © Ki-oon – 2013

Cet ouvrage est un recueil de six nouvelles pré-publiées entre 2003 et 2012 dans les hebdomadaires japonais Afternoon et Hôsho gekkan. Un jeune chômeur superstitieux qui rencontre le Dieu de la misère, un détective privé chargé de retrouver un être cher, un jeune économiste affectée à une enquête culinaire… les situations sont éclectiques.

L’auteur, Tetsuya Toyoda, est connu en France depuis la publication d’Undercurrent. Il n’y a pas d’orientation précise dans le choix des nouvelles qu’il a retenues pour Goggles. On y retrouve les protagonistes d’Undercurrent le temps d’une historiette de deux pages intitulée Nouvelles acquisitions à la bouquinerie Tsukinoya ; l’auteur devait répondre à un cahier des charges précis (un récit développant le thème des librairies d’occasion), il a donc imaginé ce que feraient les personnages d’Undercurrent s’ils étaient devenus disquaire et bouquiniste.

Cet ouvrage  d’un peu plus de 220 pages développe des personnages d’une grande sensibilité et d’un altruisme certains. Le lecteur s’y attache facilement, les intrigues sont si bien menées que l’on se prend rapidement au jeu de chaque histoire. La difficulté sera de gérer la frustration de ne pas voir les univers plus étoffés qu’ils ne le sont mais c’est là un reproche récurrent que je formule à l’égard des recueils de nouvelles (mon avis sera donc à modérer). Toutes ces histoires explorent une palette plus ou moins larges de sentiments et d’émotions mais, pour le lecteur, chaque récit est l’occasion du passer du rire aux larmes en quelques cases. On remarquera également l’attention systématique dont fait preuve Tetsuya Toyoda quant à la psychologie des personnages. Des personnalités agréables, cohérentes et que l’on se représente assez rapidement.

Toyoda © Ki-oon – 2013
Toyoda © Ki-oon – 2013

Parmi toutes ces histoires, Goggles est la plus conséquente. Initialement, c’était un récit que l’auteur souhaitait voir aboutir mais les autres projets éditoriaux l’ont peu à peu éloigné de cet objectif. On perçoit malgré tout qu’il a déjà investi les différents protagonistes de cet univers et qu’il en avait imaginé quelques ramifications. D’ailleurs, une autre nouvelle de ce recueil – Aller voir la mer – reprend la fillette de Goggles et nous permet de vivre avec elle une journée qu’elle passe en compagnie de son grand-père.

L’intérêt de cet ouvrage tient également à la présence d’une postface en fin d’album. Rédigée par l’auteur, il reprend point par point chaque récit présent dans Goggles. Ce texte, écrit à l’occasion de cette publication, lui permet de commenter avec recul les différents travaux qu’il a sélectionnés. Certains ayant été rédigés il y a plus de 10 ans, voire 20 ans, il est amusant d’apprendre que l’auteur est incapable de retrouver une explication logique à la présence de tel ou tel élément (un titre, un personnage…). La présence d’anecdotes autour de la réalisation de ces différents récits épice le propos : un passage trouve son origine dans un fait réel (vécu ou entendu), son refus de retirer une scène malgré la demande d’un éditeur. Tetsuya Toyoda est un critique acerbe et amusé à l’égard de ses travaux. Il se reproche notamment d’avoir donné la même apparence à deux personnages issus d’univers différent ou s’étonne : « en regardant ces planches pour la première fois depuis longtemps, j’ai été surpris de voir que le dessin était plus détaillé que dans mes souvenirs ».

Les genres se succèdent, on passe ainsi du polar à la classique tranche de vie, une pointe de fantastique sur la première histoire vient créer une atmosphère fantasque très appréciable. On ne pourra que s’attendrir pour la petite Hiroko, le personnage principal de Goggles, dont la posture stoïque surprend autant qu’elle n’intrigue le lecteur.

PictoOKEn somme, beaucoup de richesse dans cet ouvrage qui cumule les fins ouvertes, laissant le lecteur libre de faire toutes sortes de supposition aussi optimistes que tragiques. L’auteur y traite de différents sujets de société et notamment des conséquences de la bulle financière survenue au Japon à la fin des années 1980. On imagine aisément que cette question a animé les conversations des japonais pendant de nombreuses années et mis à mal bon nombre de ménage en faisant brutalement chuter leur train de vie. Il sera également question de superstitions, d’amitié, de maltraitance, d’idéaux.

Peu adepte de ce genre de recueils, il est clair que sans l’invitation de Choco et de L’Encreuse à faire lecture commune, je ne me serais pas lancée dans la rédaction d’un article aussi étoffé pour partager avec vous cette lecture.

Je vous invite à lire les chroniques de mes compagnes littéraires chez Choco et chez L’Encreuse.

Du côté des challenges :

Petit Bac 2013 / Objet : goggles

Petit Bac 2013
Petit Bac 2013

Goggles

One shot

Editeur : Ki-oon

Collection : Latitudes

Dessinateur / Scénariste : Tetsuya TOYODA

Dépôt légal : octobre 2013

ISBN : 978-2-35592-582-5

Bulles bulles bulles…

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Goggles – Toyoda © Ki-oon – 2013

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

15 réflexions sur « Goggles (Toyoda) »

  1. Zut, j’aurais dû m’inviter aussi à votre lecture commune, il trône tout en haut de ma pal depuis quelques temps. Je sens que ça va me plaire en tout cas 😉

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    1. Je trouve assez dommage que l’auteur ait définitivement rangé son projet de réaliser une histoire complète avec les personnages de Googles (la nouvelle). Il y a beaucoup de potentiel dans ces protagonistes : la jeune fille mutique, la relation qu’elle avait avec son grand-père… L’éternelle frustration liée aux recueils de nouvelle : on effleure du doigt des univers.

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    1. Oui, je m’y remets doucement. J’ai trois tomes de « Silver Spoon » à lire également ;)… et un mail à t’écrire. Louka est enchanté !! Il rechigne à passer à l’écrit cependant. Je lui ai expliqué ce que tu m’as dit concernant Skype… il revient doucement sur son positionnement. Mais bon, vu qu’il est un peu têtu, ça prend du temps. Je serais plus explicite en off 😉

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      1. J’en connais un autre qui risque de rechigner à écrire, même si ça leur ferait du bien.
        Je vais voir pour m’équiper pour Skype. Utiliser le téléphone dans un premier temps ne lui irait pas trop non plus, tu disais?

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