Wake up America, 1940-1960 (Lewis & Aydin & Powell)

Lewis – Aydin – Powell © Rue de Sèvres – 2014
Lewis – Aydin – Powell © Rue de Sèvres – 2014

20 janvier 2009. Le Président Barack Obama va prêter serment et devenir le 44è Président des Etats-Unis. Deux ans après le début de son mandat, il remettra la Médaille de la Liberté à John Lewis pour son engagement dans la lutte pour les droits civiques.

Mais revenons à ce jour de janvier 2009. Ce jour-là, le député John Lewis se lève, il doit retrouver sa sœur Rosa à son bureau du Congrès (Washington). Ensemble, ils se rendront à la cérémonie d’investiture du premier président noir américain.

La survenue d’une jeune femme de couleur, accompagnée de ses deux enfants, les retardent un peu. Désireuse d’apprendre à ses fils l’histoire de leur pays, elle a fait un détour au Congrès pour leur montrer le bureau de Lewis, « je voulais que mes garçons en apprennent un peu plus sur leur histoire… Je voulais qu’ils voient tout le chemin parcouru ». John est là. Il les accueille comme on accueillerait un ami et profite des questions qu’on lui pose pour faire un bond en arrière. Sa mémoire lui est fidèle et il va se rassasier de souvenirs avant de partir pour la cérémonie. Il revient donc dans les années 1940 à l’époque où il était enfant et qu’il aidait ses parents à s’occuper de la ferme familiale.

John Lewis est l’un des « Six Grands » leaders des mouvements pour les droits civiques aux Etats-Unis. Dans cet ouvrage, il nous ouvre sa mémoire et raconte son parcours hors du commun. De son Alabama natale aux sit-in de protestation dans le Tennessee… voyage au cœur de l’Histoire.

Sorti en février 2013 aux Etats-Unis chez Top Shelf, l’ouvrage est déjà réédité outre-Atrantique. Quant à nous, il nous aura fallu attendre un peu moins d’un an pour pouvoir découvrir le premier tome de cette série autobiographique. C’est l’occasion de découvrir en détail la vie de John Lewis. Issu d’une famille modeste, il va peu à peu faire preuve d’un intérêt particulier à l’égard des discriminations dont sont victimes les gens de couleurs sur le sol américain. C’est en 1955 qu’il entend pour la première fois Martin Luther King à la radio. Le prêche du pasteur va avoir un impact important sur l’enfant. « 1955 fut le début d’une nouvelle ère ». Lewis va chercher à se renseigner sur le Dr Martin Luther King puis peu à peu, va s’investir dans des causes locales qui militent et dénoncent les violations de la Constitution américaine à l’encontre du peuple noir. Il s’intéresse tout d’abord au Gospel social avant de s’inscrire à l’American Baptist Theological de Nashville. Malgré l’intérêt qu’il porte à ses études, John Lewis regrette de ne pas en faire plus pour sa communauté. Il envoie quelques lettres dont une à Martin Luther King. Ce dernier lui proposera une rencontre au printemps 1958 à Montgomery.

Dès lors, le destin de John Lewis est en marche. Il s’appuie sur l’élan donné par Martin Luther King à la communauté noire pour trouver la ressource de se mobiliser. En 1959, il est l’un des membres fondateurs du Nashville Student Movement. Ce mouvement organisera de nombreux sit-in non violents afin de dénoncer les attitudes ségrégationnistes qui perdurent.

Quatre-vingt-deux d’entre nous ont fini en prison ce jour-là. La police ne demandait pas mieux que de se débarrasser de nous, alors la caution est passée de 100 à 5 dollars. Mais cela ne changea rien. Nous n’allions pas coopérer de quelque façon que ce soit avec le système qui autorisait la discrimination contre laquelle nous luttions. Les autorités de Nashville ne mirent pas longtemps à comprendre qu’il était impossible de nous forcer à payer notre sortir. Vers 23H00, nous avons tous été relâchés.

Travaillé par John Lewis et Andrew Aydin, le scénario est d’une grande richesse. Les deux périodes présentes dans le récit se succèdent de manière fluide, sans aucune secousse. On passe ainsi du présent au passé sans aucune difficulté, ce qui permet au lecteur de vivre intensément les deux périodes. Beaucoup d’émotions se dégagent de ces pages, on est comme porté par le mouvement mené par les étudiants noirs américains. Sans aucun jugement de valeur, le récit s’appuie essentiellement sur des faits objectifs, charge au lecteur de faire le reste. On accompagne ainsi les différents protagonistes jusqu’au 10 mai 1960, date à laquelle Martin Luther King prononce un discours à Nashville… reste désormais à attendre la sortie du second tome ! Ce dernier se consacre à la période qui va de 1960 à 1963 (le tome 3 quant à lui aborde les années 1963-1968).

Quant au travail graphique de Nate Powell, il n’y a rien à redire. De cet auteur, je ne connaissais que Swallow me whole et je me rappelle encore des griefs que j’avais porté sur son travail d’illustration. Ici en revanche, les dessins illustrent parfaitement les propos. Le trait est réaliste et détaillé. On profite autant de la richesse des décors que de la précision avec laquelle il a dessiné les personnages. Tout en noir et blanc, l’auteur s’est cette fois servi de dégradés de gris pour travailler ses volumes plutôt que de recourir aux jeux de hachures comme il l’avait fait dans l’ouvrage cité plus haut. Mais ce n’est pas là la seule différence entre les deux albums. Il y a une agréable chaleur dans les pages de Wake up America, je ne pensais pas que cet auteur capable de porter si bien autant d’émotions et faire ressentir une forme de quiétude malgré la gravité du sujet. On sent une forme de force tranquille chez le héros. Ce dernier est porté par ses idéaux, en paix avec lui-même.

PictoOKCet ouvrage m’a impressionnée, tant sur le fond que sur la forme. On assiste ainsi au lent mouvement de la communauté blanche de Nashville qui intègre difficilement les citoyens de couleur. Un livre que je vous recommande.

Une lecture que j’ai le plaisir de partager avec Enna (je vous invite à lire sa chronique en cliquant sur ce lien) et avec Mango dans le cadre du partage des BD du mercredi

Logo BD Mango Noir

Les chroniques de Stephie, de David Fournol et de Marie-Hélène Giannoni.

Du côté des challenges :

Petit Bac 2014 / Lieu : America

Challenge Petit Bac 2014
Challenge Petit Bac 2014

Wake up America

Tome 1 : 1940-1960

Trilogie terminée

Editeur : Rue de Sèvres

Dessinateur : Nate POWELL

Scénaristes : John LEWIS & Andrew AYDIN

Dépôt légal : janvier 2014

ISBN : 978-2-36981-040-7

Bulles bulles bulles…

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Wake up America, tome 1 – Lewis – Aydin – Powell © Rue de Sèvres – 2014

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

50 réflexions sur « Wake up America, 1940-1960 (Lewis & Aydin & Powell) »

  1. Un coup de coeur pour moi. J’ai été vraiment touchée par cette histoire bien que je connaisse cette période. Une réussite, je vais attendre la suite!

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    1. Je vais faire pareil de mon côté. Je n’ai pas trouvé l’information concernant la date de sortie du second tome. Je sais juste qu’il est déjà sorti aux États-Unis et le tome 3 me semble en cours là-bas. J’espère que nous n’attendrons pas trop 😉

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    1. Je pense aussi !! 😀 Vraiment, je serai étonnée si tu me disais que tu n’as pas aimé. Un très bel album. Ça va être difficile d’attendre la suite par contre… Même si on connaît cette période de l’histoire et certains événements décrits, le témoignage de John Lewis est captivant

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  2. Super, j’aime beaucoup les BDs qui racontent des faits réels, et cela me permettra d’aller à la rencontre de John Lewis que je ne connaissais même pas de nom.

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    1. Ecoutes, j’avais vu passer quelques articles le concernant. A une période, je m’étais énormément intéressée à ce pan de l’histoire des Etats-Unis. Mais pour être franche, j’aurais été incapable de te dire son nom. Ce témoignage en bande dessinée va me permettre de le graver dans la mémoire 🙂

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    1. Je l’ai trouvé intéressante en tout cas. Un témoignage très complet et pour une fois, je ne râle pas sur la scission en plusieurs albums. En tout cas, celui-ci se clôt de manière tout à faire pertinente puisqu’on ferme l’album au moment où leur mouvement contre les discriminations marque une avancée significative. On est en haleine, certes, mais un aussi bon scénario mérite bien de se faire attendre un peu des lecteurs avant nous permettre d’entendre la suite de ce témoignage 😉

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    1. Oui, deux coups de cœur en deux jours… j’ai trouvé que ça faisait beaucoup mais bon. J’ai eu la chance de profiter d’excellents albums dans une période assez rapprochée (ce qui est assez rare… d’autant que ce n’est pas fini ^^ Je viens de finir une lecture qui… wouahhh ^^).

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    1. Je me léchais les babines en lisant Stephie la semaine dernière. J’avais commencé à me douter que l’album ferait mouche et il a fait plus que répondre à mes attentes. Captivant, instructif… tous les ingrédients pour en faire un bon album

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    1. Je trouve que la BD est un excellent medium pour porter ce genre de témoignages. Dans mon engouement, j’englobe tout ce qui touche à la BD reportage (reportage, documentaire, témoignage). Je suis convaincue que c’est un excellent support pour se sensibiliser à certains sujets. Libre à nous, lecteurs, d’affiner ces connaissances grâce à d’autres albums ou à des livres dits « plus sérieux »
      PS : Je radote très souvent. J’ai déjà tenu ces propos plusieurs fois mais tant pis, je ne suis plus à une fois près 😀

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  3. Il a l’air pas mal du tout ce livre. Et puis contrairement à toi je n’ai aucun grief sur Swallow me whole, un album que j’ai trouvé excellent en tous points !
    Je reviens de chez mon libraire il y a encore de bonnes sorties cette semaine aussi… ah, j’ai pas le budget ni le temps, j’enrage 😀

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    1. Tsss, « Swallow me whole »… je suis complètement passée à coté. Je me rappelle essentiellement du coté pénible de cette lecture…
      Pour les sorties récentes, il y a quelques pépites oui. Et encore, je crois que je ne vois que la partie visible de l’iceberg. Je vais profiter d’Angouleme pour regarder deux-trois titres qui me titillent. Le dernier Chabouté notamment… ^^

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      1. Oui, je l’ai vu… ah en fait j’ai été un peu refroidi par son dernier livre. Et en plus c’est une adaptation ET un premier tome… du coup je l’ai pas pris. Mais je me souviens aussi avoir aimé son « adaptation libre » de Landru.

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        1. Oui oui oui ^^
          Pas lu son histoire de bois et d’acier ^^ Vos chroniques m’ont mises en garde et du coup, cette lecture est restée au stade de l’envie, sans même atteindre ma PAL. Par contre, Moby Dick, j’aime bien. Chabouté aussi. Donc je profiterais vraiment du FIBD pour feuilleter cet album. Ca me donnera l’occasion de mettre les pieds sur un stand où je ne suis pas allée les années précédentes ^^

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            1. Il n’y a pas de stand où je ne vais pas… mais par contre il faut que je m’y arrête, éventuellement 🙂

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            2. Mouarff. Je vois que tu es en pleine forme 😛 Cool… tic tac tic tac… plus que 6 jours et on va bien se marrer. Je sens que je vais refaire des « tic tic tic » dans la rue moi 😆

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            3. 😆
              VitesseWoman éventuellement… je n’ai jamais dit que j’allais me faire opérer pour devenir un Man ^^

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  4. Dilemme … je n’aime pas attendre si j’aime une série. Or, celle-là me plairait vraiment bien…
    Vais-je essayer de me la procurer en VO et avoir la possibilité de lire le tout plus rapidement ou vais-je attendre sagement la publication française ?
    Quoiqu’il en soit, il me la faut ! zéro tergiversation.

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    1. Ce n’est pas du jeu là !! Prendre de l’avance comme ça sur une série alors qu’on est en haleine de ce côté-ci de l’Atlantique ! 🙂
      Le pire, c’est que je crois que le tome 3 n’est pas encore sorti aux Etats-Unis (gniarf gniarf).

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    1. Je pense que tu devrais aimer aussi. Après, reste à voir si tu attends que la trilogie soit complète ou si tu tentes le plongeon avant ^^

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