Cet été-là (Tamaki & Tamaki)

Tamaki – Tamaki © Rue de Sèvres – 2014
Tamaki – Tamaki © Rue de Sèvres – 2014

Cet été encore, Rose part en vacances à Awago Beach, une petite enclave de quiétude située près d’un lac. C’est un lieu ressource pour sa famille ; un endroit apaisant où ses parents reviennent chaque année, comme un rituel. Tous trois y retrouvent des amis, toujours les mêmes, et ils reprennent les habitudes de l’année passée : barbecue chez les voisins, instants complices entre Rose et Windy – son amie d’enfance, soirées sur la plage à compter les étoiles…

Quant à Rose, cet été-là est particulier. Bientôt, elle quittera l’enfance pour entrer dans la période délicate qu’est l’adolescence. Pour l’heure, son corps change doucement, ses centres d’intérêts ne sont plus tout à fait les mêmes… des changements ténus qu’elle découvre avec une légère appréhension et une curiosité timide.

Cet été-là parle de l’été où une enfant prend conscience qu’elle est l’objet de nouveaux désirs. Elle regarde les garçons du coin de l’œil, épie leurs mimiques, prête attention à ce qui les intéresse. Elle commence aussi à ressentir une légère envie d’indépendance mais le besoin de protection parentale est encore fort. Toute une ambiguïté qu’elle découvre à peine.

On la découvre donc au moment où elle arrive sur le lieu de ses vacances, dans la voiture familiale. On la sent lointaine, l’esprit ailleurs et peut-être réservée à l’idée de revenir dans un endroit très lié à son enfance. Pourtant, en quelques pages, on observe son arrivée, la lenteur de ses mouvements va peu à peu laisser place à une légèreté physique lorsqu’elle a déposé ses affaires dans sa chambre. Ce langage corporel va ainsi nous accompagner tout au long de la lecture et nous guider dans les nombreux passages muets que compte l’album.

La postface de Craig Thompson sur la quatrième de couverture amène inconsciemment le lecteur à penser à Blankets. Inconsciemment peut-être… mais à juste titre. On retrouve dans Cet été-là la même mélodie qui entoure cet entre-temps coincé entre deux périodes, l’une pleine de naïveté, l’autre plus complexe voire douloureuse.

Une oscillation délicate illustrée avec justesse par Jillian Tamaki. Car le lecteur est en premier lieu accueilli par l’ambiance graphique qui l’envahira progressivement. La rondeur des traits cohabite de façon harmonieuse avec la noirceur des fonds de cases, les subtils jeux de hachures biffent habilement chaque détail et viennent leur donner tour à tour de la profondeur, du relief et offre aux visages leur expressivité. Enfin, le trait épais utilisé pour dessiner les contours de cet univers donne l’impression que tous ces personnages sont accessibles ; il y a là une proximité entre le lecteur et le narrateur qui est très agréable.

Le scénario de Mariko Tamaki quant à lui s’efface régulièrement derrière les illustrations. Les propos sont concis. La voix-off du personnage principal nous accompagne tout au long de cet été particulier, nous permettant ainsi de connaître son état d’esprit en permanence. Toutefois, l’auteure reste sur la réserve et garde beaucoup de pudeur quant à l’intimité de la jeune fille.

Il n’y a pas de fausses notes dans la manière de traiter le sujet. Certains thèmes sont effleurés mais à juste titre. Ainsi, le désir ressenti par Rose à l’égard d’un garçon reste suggéré. Ce choix narratif préserve réellement le personnage puisqu’il n’est pas alourdi de préoccupations qui ne serait pas les siennes (mais celle d’une autre génération). En parallèle, l’enfant oscille dans une semi-ambiguïté à l’égard de son environnement – partagée entre l’envie d’une relation complice avec ses parents et l’envie de se détacher de ces derniers pour explorer son propre jardin secret. Il en est de même dans son rapport avec sa meilleure amie : si elles parlent encore de façon amusée du corps, sans réel tabou, Rose commence toutefois à avoir plus de retenue pour parler d’elle, de ses sentiments, ce qui n’est pas le cas de Windy (un peu plus jeune). Le léger décalage ne nous en apparaît que plus important.

PictoOK

Il me semble que tout est à sa place. Les auteurs sont parvenus à respecter les problématiques de cette période délicate de la vie sans projeter de clichés inutiles. Les cousines Mariko et Jillian Tamaki avaient déjà réalisé Skim ensemble (l’histoire d’une adolescente de 16 ans qui souffre d’un problème de surpoids). Une lecture agréable qui manque cependant d’un peu de force.

Les chroniques de Noukette, Leiloona, Theoma, Anne et Pierre Darracq.

Cet été-là

One shot

Editeur : Rue de Sèvres

Dessinateur : Jillian TAMAKI

Scénariste : Mariko TAMAKI

Dépôt légal : mai 2014

ISBN : 978-2-36981-088-9

Bulles bulles bulles…

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Cet été-là – Tamaki – Tamaki © Rue de Sèvres – 2014

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

20 réflexions sur « Cet été-là (Tamaki & Tamaki) »

  1. Je crois que cette histoire d’ambiance pourrait me plaire surtout si elle évite les clichés d’adolescence. Il faudrait bien que je la lise d’ici la fin des vacances ! 🙂

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    1. C’est ce qui m’a semblé en tout cas mais c’est à double tranchant car cela en fait une lecture un peu lisse en apparence et le récit manque de rythme. Quoiqu’il en soit, j’ai passé un moment de lecture agréable. Je ne sais pas ce qu’il me restera de cet album dans quelques mois… très curieuse d’avoir la réponse à ma question ^^
      Bonne lecture si tu parviens à te le procurer 😉

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  2. Dans ma PAL et j’ai hâte de le lire ;0) Il a tout, vraiment tout, pour me plaire… Les dessins sont doux et beaux comme j’aime… Et l’histoire est très attirante… Bonne fin d’été Mo’

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  3. Cela reste mignon, mais il a clairement manqué une dimension pour que je sois accrochée au récit. D’ailleurs, je suis étonnée que la VF propose un contenu N&B là où la version originale propose le même camaïeu de bleus que la couverture. Question de coûts seulement, tu penses ? Ou y a-t-il une histoire de goût, aussi ?

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    1. Pour la couleur, je ne suis pas capable de répondre. D’autant que je partage ton avis quant à ce choix éditorial. J’aurais préféré que lambiance graphique soit préservée à l’identique, d’autant que cela fonctionne très bien (nous avons eu une nouvelle occasion de le constater récemment avec « Le Sculpteur » paru chez Rue de Sèvres).
      Par contre, j’ai fait la même réflexion il y a quelques jours à Jérôme lorsqu’il partageait son avis sur cet album. Je reparlerais volontiers de cet ouvrage avec toi d’ici un ou deux mois… histoire de savoir ce que tu gardes de la lecture, quels souvenirs se sont effacés et quelle est ton impression dominante… Bref. Cela fait écho au commentaire que je t’ai laissé suite à ton article 🙂

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