
« Ici, personne n’arrivait par hasard. Car ici, c’était le bout du monde, le sud extrême du Chili où la côte fait de la dentelle dans les eaux froides du Pacifique ».
Une maison dressée au beau milieu de nulle part s’impose timidement à la frontière entre un désert aride et une montagne inhospitalière. C’est là que Paolo vit avec ses parents. Un jour, un homme fait son apparition. C’est un assassin. Il tue les parents et après une courte hésitation, laisse la vie sauve à l’enfant. Il prend place. Il est désormais chez lui. La vie reprend son cours avec comme toutes richesses trois poules, des chèvres et un potager. Les mois passent. C’est au tour de Luis, un voyageur, de se présenter à la porte. Fourbu suite à un long voyage, il demande le gîte et le couvert. Cela devait être temporaire mais un beau jour, il propose de racheter un petit lopin de terre de la propriété et s’installe non loin de la maison de Paolo. Luis fait désormais partie de leur quotidien… et la vie reprend son cours…
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Très belle adaptation du roman éponyme d’Anne-Laure Bondoux.
C’est l’histoire de rencontres improbables. C’est l’histoire d’individus qui acceptent le risque de s’engager dans une nouvelle vie. C’est l’histoire de déconvenues mais il est aussi question d’amitié. Le genre d’amitiés farouches, de celles que l’on n’accorde pas au premier regard, de celles qui ne sont pas une évidence… de celles qui changent une vie.
C’est l’histoire d’un enfant qui grandit au beau milieu d’un désert de sentiments. C’est l’histoire d’un enfant qui, avec son regard d’enfant, parvient à entrer dans le cœur asséché d’un homme pour lui faire percevoir la vie autrement. C’est l’histoire d’un enfant, de ce genre d’enfants que l’on rencontre parfois et qui nous font toucher du doigt le fait qu’on se surprend à être attentif à ce qui nous entoure, à protéger le peu de choses que l’on possède.
Certes, je ne savais rien du bien et du mal. Mais pour la première fois de ma vie, j’attendais quelque chose de l’avenir.
Je n’ai pas lu le roman originel d’Anne-Laure Bondoux. Mais à en croire les propos qu’elle livre en préface, Thierry Murat (Au Vent mauvais, La Carotte aux étoiles, Elle ne pleure pas elle chante…) est parvenu à conserver l’ambiance qu’elle avait créé tout en s’appropriant cette fiction. En voix-off, des extraits du roman sont repris par le scénariste. Cette voix, c’est celle du narrateur qui n’est autre que l’enfant. Douce, empathique et profonde, cette voix est apaisée et appartient à un personnage qui accepte de déposer sa vie dans les mains d’un inconnu. Après tout, si l’homme avait voulu le tuer, il l’aurait fait dès leur première rencontre. Le récit intimiste happe le lecteur. Les phrases sont concises, les mots sont justes pour décrire la fragilité de cette rencontre et de cette incroyable cohabitation. Fragiles également cette timide complicité qui s’installe et cette confiance que les protagonistes se vouent instinctivement. Toute l’ambiance de l’album repose sur ces éléments dont il ne sera jamais question ouvertement. « Carpe diem » pourrait-on les entendre dire car on imagine finalement que ces personnages sont les premiers à s’étonner de l’harmonie quotidienne qu’ils sont parvenus à trouver. Il y a ici un agréable équilibre entre de longues plages silencieuses et des moments de brefs échanges entre les personnages.

Les couleurs de Thierry Murat véhiculent aussi cette retenue et cette pudeur, comme si elles étaient conscientes que la vulnérabilité de la situation. Un équilibre qui peut être bouleversé au moindre coup de vent, au moindre mot. Les teintes colorent se monde avec égards et veillent à ne pas troubler l’harmonie insufflée par le récit. Des sépias, des jaunes paille, des gris souris, quelques orange pour rehausser certaines scènes… de la douceur et aucune brusquerie de la part de Thierry Murat qui passe ici presque sur la pointe des pieds avec cette ferme volonté de ne pas déformer le propos.
« L’équilibre m’a paru sonner : j’entendais ma voix mais elle était devenue sienne, et l’histoire s’en trouvait augmentée, enrichie » témoigne Anne-Laure Bondoux.
On se perd avec délice dans les paysages désertiques qui s’étalent sous nos yeux. On s’immisce dans le quotidien de l’homme et de l’enfant. On se réchauffe au contact du lien qui les relie. Superbe ouvrage qui a obtenu le Prix du Jury Œcuménique de la Bande Dessinée en 2012… il aurait certainement mérité plus que cela… mais c’est déjà beaucoup. Lisez-le !
Les chroniques de Noukette, L’Encreuse, Theoma, Choco, Enna.
Une lecture que je partage avec Mango :
Du côté des challenges :
Roaarrr Challenge : Prix du Jury Œcuménique de la BD (2012)

Extrait :
« C’est pour tenter de renaître que je me suis mis à écrire » (Les Larmes de l’Assassin).
Les Larmes de l’Assassin
One shot
Adapté du roman d’Anne-Laure BONDOUX
Editeur : Futuropolis
Dessinateur / Scénariste : Thierry MURAT
Dépôt légal : février 2011
ISBN : 978-2-7548-0360-1
Bulles bulles bulles…
Il faut lire Anne-Laure Bondoux. Les larmes de l’assassin mais aussi Pépites, Le temps des miracles. Elle est excellente pour créer des univers !
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Je lirais ! A commencer par « Les Larmes de l’assassin » car je pense que le roman permet de s’immiscer davantage dans cet univers. Je note les autres aussi… de précieux conseils 😉
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Le roman de Anne-Laure Bondoux avait été un gros coup de cœur… et cette adaptation une vraie claque ! Murat est très fort…!
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Prometteur. Je ne suis pas mécontente d’avoir découvert l’adaptation de Murat en premier. J’avais hésité pourtant mais je suis convaincue que ce sens de lecture permet d’éviter tout genre de déception ^^
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Je l’ai noté il y a un moment celle là… Toujours pas lue…
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Toujours la même rengaine avec ces PAL…
Cette lecture viendra en temps et en heure 😉
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J’avais eu un coup de coeur pour cette BD et ton billet me donne envie de le relire! Et me fait prendre conscience que je n’ai toujours pas lu le roman d’origine!
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J’ai bien aimé ce silence en sourdine, l’attitude de cet enfant, les paysages désertiques qui en imposent… Bref, je tournais autour de ce titre depuis un moment et sa lecture a été à la hauteur de ce que je pouvais en attendre
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J’ai vu cette BD bon nombre de fois sur les blogs (avec toujours de bons commentaires) et j’ai envie de la lire même si l’histoire me semble assez « dure ».
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Dure oui mais pas violente. Je pense qu’elle te plairait 😉
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Le livre était très fort ; je vais essayer de trouver la BD.
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Quant à moi, je vais faire le chemin inverse 🙂
Bonne lecture Zazimuth et bonne journée à toi !
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J’espère que je la trouverai samedi à la bibli. D’un autre côté mon coeur balance : BD, roman ; roman, BD, …
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C’est toujours un dilemme auquel je me confronte aussi. Je commence à peine à me positionner. Si je débute par l’œuvre initiale (un roman très souvent), je laisse passer bon nombre de semaine avant de m’attaquer à l’adaptation. Sinon, je suis toujours déçue par l’adaptation.
Si je commence par l’adaptation par contre, pas besoin de ce temps de latence. Je pars du principe que le roman est toujours bien plus riche, parce qu’il permet davantage de liberté d’interprétation (ou comment on se représente l’univers etc).
Tu me diras.
On peut peut-être se faire une lecture commune sur le roman de Bondoux… si je parviens à le trouver rapidement s’entend…
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Depuis le temps que je dois le lire cet album, tu fais bien de me le rappeler ! Et puis quand je vois deux pouces levés par ici je ne peux pas résister 😉
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J’étais persuadée que tu l’avais lu. J’ai farfouillé ton blog pour mettre la main sur ta chronique ^^
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