Ce n’est pas toi que j’attendais (Toulmé)

Toulmé © Guy Delcourt Productions - 2014
Toulmé © Guy Delcourt Productions – 2014

« Dans la vie d’un couple, la naissance d’un enfant handicapé est un ouragan, une tempête. Quand sa petite fille naît porteuse d’une trisomie non dépistée, la vie de Fabien s’écroule. De la colère au rejet, de l’acceptation à l’amour, l’auteur raconte cette découverte de la différence. Un témoignage poignant qui mêle avec délicatesse émotion, douceur et humour » (synopsis éditeur).

Deux ans de travail pour livrer cet album d’une sincérité déroutante. Fabien Toulmé raconte la dernière grossesse de sa femme. Lorsqu’elle a débuté, ils habitaient encore au Brésil. Dès le début, il angoisse sur la possibilité d’avoir un enfant trisomique. Cette appréhension-là, il l’avait déjà eue au moment de la première grossesse pourtant, Louise – leur fille aînée – est née en bonne santé.

C’est bizarre… Il existe potentiellement un nombre incroyable de malformations, de maladies. Il pourrait avoir un bras en moins, être leucémique, que sais-je ? Mais ce qui m’inquiétait vraiment, c’était la Trisomie 21. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que c’est le premier handicap auquel on pense, le plus marquant, le plus connu…

C’est vrai. Le regard sur les personnes handicapées est nourri de jugements souvent basés sur de fausses représentations. Fabien Toulmé n’hésite pas à énoncer les siens.

L’auteur raconte simplement les événements. Il tente de rationaliser après avoir écouté les médecins qui assurent le suivi. Ils ont pourtant été nombreux, ces interlocuteurs médicaux, du fait notamment de leur déménagement en France alors que Patricia – sa femme – est enceinte de trois mois. Les échographies se succèdent au rythme normal d’une grossesse qui s’annonce sans difficulté. Malgré les discours rassurant, le futur papa ne parvient pas à calmer cette inquiétude. Le scénario qu’il livre est sans pathos, sans tabou et sans concession. Il ne maquille pas son opinion vis-à-vis des enfants porteurs de Trisomie 21, à l’exemple de cette scène qui retranscrit une conversation avec sa femme. Ils sont alors dans un par cet observent une enfant trisomique qui joue non loin de leur fille ainée :

« Tiens, regarde !
– Oh, comme elle est mignonne !
– Tu trouves ? Ils sont pas spécialement mignons, les enfants trisomiques, ils sont même plutôt moches ! »

Puis, le moment de la naissance arrive. Dès le premier regard et il est comme frappé par une évidence : Julia, sa cadette, âgée de quelques heures, est trisomique. Il questionne médecins, infirmières, aides-soignantes… tout le monde le rassure. Julia est « normale ». Quelques jours plus tard, le diagnostic tombe comme un couperet et confirme ses craintes. Sa fille est trisomique.

Dès lors, Fabien Toulmé raconte le long cheminement qu’il a suivi. Sur près de 250 pages, il partage son expérience. Le récit comporte plusieurs chapitres, chacun représentant une étape de plus à franchir… comme un parcours du combattant. De la crainte infondée au diagnostic, de l’abattement à la colère (comment s’expliquer qu’aucun médecin n’ait été en mesure de voir le handicap avant ?). Des sentiments de honte, de culpabilité, le deuil de « l’enfant idéal » qu’il doit faire et une envie de baisser les bras viennent le percuter pendant son parcours.

Le dessin m’a donné une impression de déjà-vu. N’y voyez pas là le moindre reproche, cette ambiance familière installe immédiatement la convivialité. Chaque chapitre dispose de sa couleur dominante comme si chacune était témoin d’un état d’esprit changeant. Chaque teinte dégage une ambiance différente qui accompagne le lecteur dans sa lecture, dans sa découverte du témoignage de Fabien Toulmé. Comment accepter cet enfant alors que tout son corps la rejette ? Comment l’aimer alors qu’il est impossible de la toucher ? … tant de questions auxquelles l’auteur ne parvient pas à donner de réponse. Mais il sait que la situation ne peut perdurer en l’état. Parler avec sa femme, avec les interlocuteurs médicaux et avec d’autres parents l’ont aidé à réfléchir, à trouver peu à peu à se situer et à dédramatiser la situation. Le témoignage d’un apaisement.

PictoOKUn récit touchant qui met en mots toute une cohorte de peurs que tout un chacun peut avoir à l’idée d’avoir un enfant handicapé. Bien plus que le récit d’un quotidien, Fabien Toulmé propose un témoignage magnifique sur la rencontre entre un parent et son enfant handicapé. Sans aucune prétention, il partage son expérience, livre quelques clés de compréhension aux autres parents. Il  limite les fantasmes, cesse quelques fausses représentations mais surtout, il prouve que cette rencontre n’est pas insurmontable. Son discours est optimiste dans pour autant nier les difficultés qui y sont inhérentes.

LABEL LectureCommuneUne lecture que j’ai le plaisir de partager avec Sabine !! Mon petit doigt me dit qu’elle a fait bon accueil à cette lecture (clic pour être dirigé vers sa chronique).

… et les chroniques (nombreuses) de Jérôme, Val, Noukette, Enna, Galéa, David Fournol, Syl, …

Du côté des challenges :

Petit Bac 2015 / Pronom personnel sujet : je

PetitBac2015

Ce n’est pas toi que j’attendais

One shot

Editeur : Delcourt

Collection : Encrages

Dessinateur / Scénariste : Fabien TOULME

Dépôt légal : octobre 2014

ISBN : 978-2-7560-3550-5

Bulles bulles bulles…

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Ce n’est pas toi que j’attendais – Toulmé © Guy Delcourt Productions – 2014

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

12 réflexions sur « Ce n’est pas toi que j’attendais (Toulmé) »

  1. Ah quel album, et quel témoignage surtout ! Il m’a tout chamboulé, il a remué tellement de choses en moi que j’ai eu beaucoup de mal à me remettre de cette lecture.

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    1. J’ai vraiment apprécié ce témoignage. J’appréhendais quand même cette lecture, peur d’être un peu « trop au boulot » pendant la lecture… mais cela n’a pas été le cas.
      En revanche, j’aurais du lire la chronique de Galéa après avoir rédigé mon avis… c’est un très beau texte qu’elle a écrit !

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    1. Je plussoie ! 🙂 J’ai été touchée par la franchise de Fabien Toulmé. Peu de parents [d’enfants handicapés] sont capables d’être aussi honnêtes à l’égard de leurs sentiments

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  2. Je viens de le lire et chroniquer alors je fais le tour des blogs pour voir les avis, et j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ton billet. Comme toi, les dessins ne m’ont pas transportée : je les aurais préféré plus… différents et uniques 🙂
    Au plaisir de te lire,
    Cajou

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    1. Une chronique qui m’a marquée, c’est celle de Galéa ! 😉 Aussi touchante que l’album… bel hommage à ce travail d’auteur
      A bientôt Cajou !

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  3. J’ai lu cette BD ce matin… Témoignage vraiment touchant de sincérité – il m’a fait venir quelques larmes aux yeux le bougre !

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    1. Oui il émeut. J’ai aussi trouvé l’auteur très touchant dans sa manière d’assumer, de dire, que cet enfant-là, il n’avait pas la force de l’aimer. Et puis… voilà quoi. Magnifique rencontre aussi !

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