Super Tokyoland (Reiss)

Reiss © Glénat – 2015
Reiss © Glénat – 2015

Août 2002.

Benjamin Reiss part rejoindre son amie au Japon. Il pensait initialement effectuer un séjour de courte durée mais les événements qu’il va vivre l’amènent à revoir la question. De fil en aiguille, il s’installe à Tokyo et y vivra près de six années.

Les quelques notions de japonais apprises avant son départ vont lui être bien utiles pour se débrouiller au pays du Soleil Levant. Dans un premier temps, une guest-house va lui servir de point de chute mais Benjamin se rend rapidement compte qu’il a tout à gagner à trouver un logement, d’autant que ses premières impressions sur la ville l’incitent à rester davantage. En possession d’un « working holiday visa », il décroche un emploi de gardien… le genre de boulot idéal qui lui laisse beaucoup de temps libre et lui permet de bénéficier d’un logement de fonction. Et pour arrondir les fins de mois, Benjamin Reiss trouve de courtes de missions d’assistant mangaka. Peu à peu, Benjamin se crée un réseau relationnel. Le Japon devient son pays d’adoption.

En 2009, « Tôkyôland – Les aventures d’un Français au Japon » voit le jour chez « 12 bis » (maison d’éditions rachetée en 2013 par Glénat BD). Dans cet ouvrage, Benjamin Reiss racontait l’expérience de Jean-Yves Brückman, « un jeune dessinateur français qui se cherche. Il réalise un vieux rêve : partir au Japon pour y vivre. Il va se heurter à l’apprentissage d’une vie d’immigré. Après plusieurs échecs professionnels, et bien qu’ignorant tout du manga, il va devenir assistant mangaka. Il fera la rencontre de plusieurs dessinateurs japonais, explorant les coulisses de ce monde fait de bulles et de cases » (synopsis Manga-news, Benjamin Reiss leur avait d’ailleurs accordé une interview à l’occasion de la sortie de « Tôkyôland »). Six ans plus tard, Glénat édite « Super Tôkyôland », une version largement augmentée de cet album et le personnage initial de Jean-Yves Brückman disparait totalement. L’auteur « reprend son identité » et témoigne de son expérience tokyoïte.

Comment un monde aussi vaste et complexe avait-il pu exister sans que j’en sache rien ? J’étais dans un épisode de la quatrième dimension, en plein délire. Je m’émerveillais d’un long rêve ou bien je rêvais. Quelque part entre les deux.

Le lecteur a ainsi l’occasion de déambuler aux côtés du narrateur et de s’engouffrer dans les rues de la capitale japonaise. On y partage un bento, on se détend au sento (bain public), on y découvre la faune qui fréquente l’une des plus grandes discothèques d’Asie… La capacité de Benjamin Reiss à s’intégrer étonne d’autant plus que le japonais est une langue difficile à apprendre. Reiss balaye du revers de la main la barrière de la langue, observe les us et coutumes et veille à les respecter. On se surprend à tourner les pages de l’album avec curiosité, cherchant à découvrir des détails d’un pays que l’on ne connait pas. Il semble que le lecteur nourrisse une fascination similaire à celle que l’auteur a eue pour le Japon.

On entre très facilement dans cette lecture. Le ton est humble, sincère et spontané. Il épice le récit de quelques anecdotes, comme le soir où – fatigué – il a emporté avec lui un vélo rouillé qui était abandonné. Il pensait ainsi le réparer et, par la suite, pouvoir bénéficier d’un moyen de locomotion pratique et économique. Sa soirée s’est terminée dans un koban (poste de police de quartier) et a appris, à ses dépens, que même abandonné, il ne pouvait s’arroger la propriété du bien d’autrui.

A l’instar d’Igort et de Florent Chavouet, Benjamin Reiss dépeint, à sa manière et avec son style, le quotidien dans cette ville japonaise. Il passe beaucoup de sujets en revues (les représentations qu’il avait de la société japonaise avant de s’installer à Tokyo se heurtent avec la réalité et, concernant les tokyoïtes, il sera notamment question de leurs excès consuméristes, de leur rapport au corps, au travail…). Ses différentes expériences d’assistant mangaka l’aident inconsciemment à trouver son style et à préciser ses envies et ses projets professionnels.

Le dessin est original. Les illustrations sont, pour la majeure partie de l’album, assez épurées. Cependant, Benjamin Reiss saisit chaque occasion pour montrer qu’il a plus d’une corde à son arc. L’attention qu’il accorde aux décors nous permet de profiter de chaque rainure de bois, des idéogrammes d’une enseigne. Le must reste les illustrations qu’il a réalisées lors de ses balades en ville : les cerisiers en fleurs, les allées ombragées des parcs publics sont autant de moments rares et précieux sur lesquels on s’arrête durant la lecture, le temps de contempler ce qui nous est donné à voir. Le marron, qui est la couleur dominante, vient étonnamment renforcer le pep’s et la chaleur de la narration.

PictoOKUn album surprenant et agréable qui plaira à tous les curieux. Une belle découverte que je n’aurais certainement pas faite sans l’intervention inespérée de Jérôme qui a revêtu son habit rouge et blanc à l’occasion de Noël. Jérôme… je profite de l’occasion pour te remercier une nouvelle fois.

Les chroniques de Denis Marc (Rtbf) et de Gaël Bissuel (Publikart).

Super Tôkyôland

One shot

Editeur : Glénat

Dessinateur / Scénariste : Benjamin REISS

Dépôt légal : septembre 2015

ISBN : 978-2-344-00853-9

Bulles bulles bulles…

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Super Tokyoland – Reiss © Glénat – 2015

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

20 réflexions sur « Super Tokyoland (Reiss) »

  1. Ah mais c’est le rendez-vous des mamans-dont-les-filles-s’intéressent-au-Japon ici 😉 ! Comme celle de Louise, ma fille cadette a aussi appris le japonais pour le plaisir et cet album pourrait lui plaire (anniversaire de la miss fin février, je réfléchis déjà !). Mais je furèterai sur ton blog car je sais que tu as présenté d’autres BD autour du thème japonais.

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    1. Oui, on dirait bien que je donne quelques idées à certaines mamans 🙂
      Et concernant les autres albums « similaires », je les ai listés en fin d’article : « Tokyo Sanpo » de Florent Chavouet (il a aussi publié « Manabé Shima » mais cela ne se passe pas dans la capitale nippone) et « Les Cahiers russes » d’Igort 😉

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  2. Pas pour moi, mais g du copain fou du Japon alors cette Bd me semble être parfait kdo 😉
    merci demoiselle de mon cœur ❤

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  3. L’univers nippon me tient de plus en plus à coeur et j’aime l’idée de le parcourir à travers sa culture et les artistes qui ont eu la chance d’y goûter…

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    1. Pareil, et du coup on sort complètement des présentations habituelles. J’aime bien ces témoignages dont on se rappelle bien mieux que la lecture d’un article dans un guide lambda

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    1. C’est ça !! Et c’est chouette de faire traîner cette ambiance propre aux fêtes. Bien aimé le bal de ces colis croisés 🙂

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  4. J’ai aimé la sincérité du propos, même les événements peu glorieux 😉
    Et c’est une belle découverte du Japon sans idéaliser ni dénigrer quoi que ce soit.

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    1. Complètement d’accord avec toi. On profite vraiment de la lecture d’autant que l’auteur-narrateur nous livre son témoignage en suivant logiquement la chronologie des événements. On ne s’attend à rien dans le sens où il n’y a rien de prévisible. Il communique bien les petites surprises qu’il a faites : trouver un resto convivial, faire une rencontre inattendue, etc. Et nous (lecteur) on est là à tourner les pages et à se laisser surprendre comme lui 🙂
      Merci à toi !

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