Rêve d’Olympe (Kleist)

Kleist © La Boîte à bulles – 2016
Kleist © La Boîte à bulles – 2016

Samia Yusuf Omar n’a que 17 ans lorsqu’elle est sélectionnée pour représenter la Somalie aux Jeux Olympiques de Pékin en 2008. Sa spécialité : le sprint. Mais ses conditions de vie médiocres ne lui ont pas permis d’avoir la même qualité d’entraînement que ses adversaires. Si elle se surpasse lors de la compétition olympique, battant son record personnel, elle arrive bonne dernière de la course, sous les cris d’encouragements du public.

De retour dans son pays, elle fait la fierté de sa mère et Samia est décidée à en découdre. Elle souhaite poursuivre son entraînement et décrocher une médaille olympique aux J.O. de Londres en 2012. « Mais s’entraîner décemment est devenu impossible car les fondamentalistes musulmans interdisent aux femmes de pratiquer une quelconque activité sportive. Pour atteindre son rêve de participer aux prochains Jeux en 2012, Samia tente le tout pour le tout : elle se lance dans une périlleuse odyssée pour rejoindre l’Europe. Alors à peine âgée de 20 ans, Samia éprouve le calvaire de l’immigration : la violence des passeurs, les camions surchargés de réfugiés, la faim, la soif, la prison… Jusqu’à sa fin tragique. » (extrait synopsis éditeur).

En 2012, je m’en voulais de ne pas pris le temps de lire son « Castro » (paru chez Casterman). En 2013, profitant de la sortie du « Boxeur » (éditions Casterman), je découvrais le style de Reinhard Kleist, une écriture qui va à l’essentiel, concise au point de ne pas toujours prendre le temps de s’attarder sur une transition et/ou une explication, froide par moments. J’étais amère en refermant cet ouvrage et constatais une nouvelle fois ma difficulté à « entrer » dans les récits d’auteurs allemands (Arne Bellstorf avec « Baby’s in black », Isabel Kreitz avec « L’Espion de Staline », …). Etonnant de voir revenir les mêmes reproches redondants : une description presque chirurgicale des faits, des sentiments trop vite expédiés ne permettant pas d’investir les personnages, nous laissant buter sur des individus mystérieux, un rythme narratif qui me brusque. C’est donc avec quelques réserves que j’ai commencé la lecture de cet album.

Des réticences vite écartées. Tout d’abord, ce documentaire ne nous noie pas sous un flot de résultats d’études sociologiques et de chiffres rébarbatifs. Reinhard Kleist se concentre totalement sur son personnage et le parcours qu’il a emprunté et effectue même quelques détours sur des habitudes du quotidien. Il nous montre Samia Yusuf Omar comme étant une jeune fille humble et déterminée, très respectueuse de l’avis de son entourage, dévouée. L’utilisation de la voix-off permet d’éviter les lourdeurs narratives ; la jeune femme garde la main sur son récit, commente, questionne, anticipe et agit. Le scénario ne se heurte à aucune contrariété ; il aborde point par point les empêchements qui la privent d’exercer son sport comme elle l’entend. Reinhard Kleist décrit un quotidien partagé entre les tâches domestiques, les temps d’entrainement, les interdits posés par les fondamentalistes musulmans, les freins qu’elle rencontre et qui l’empêche de progresser (à commencer par une nourriture qui n’est pas équilibrée).

L’auteur se sert de son héroïne pour décrire la société dans laquelle elle a grandi. Quelques repères pour comprendre la société somalienne sont portés à la connaissance du lecteur, un pays sous-développé qui essuie les conséquences du guerre interne qui n’en finit pas. Dans ce contexte, Samia Yusuf Omar a un exutoire : courir. Passé l’échec des JO de Pékin, elle rêve de pouvoir participer à ceux de Londres. Mais l’étau islamiste se resserre et l’athlète comprend vite qu’elle risque de ne plus pouvoir passer les frontières. Bien que le sujet traité par l’album soit déjà grave, Reinhard Kleist aborde ensuite la question de l’immigration. Le scénariste décrit alors simplement les différentes épreuves que Samia Yusuf Omar devra affronter : le déchirement de quitter les siens, la brusquerie des passeurs, l’angoisse liée à l’attente, les humiliations, les embarcations de fortune…

Cet album rend hommage à une athlète qui a perdu la vie dans un périple insensé. Les risques que Samia Yusuf Omara a accepté de prendre devaient lui permettre – une fois arrivée en Europe – de réaliser sa carrière de sportive professionnelle. L’hommage de Reinhard Kleist laisse sans-voix et la majeure partie de la violence subie par le personnage est suggérée. Dommage que le récit manque de force, on se contente de subir les événements comme Samia les a subis, on sort légèrement sonné… trop peu sonné au vu de ce qui est dénoncé dans ce témoignage.

Rêve d’Olympe

– Le destin de Samia Yusuf Omar –

One shot

Editeur : La Boîte à bulles

Collection : Contre-coeur

Dessinateur / Scénariste : Reinhard KLEIST

Dépôt légal : juin 2016

148 pages, 17 euros, ISBN : 978-2-84953-262-1

Bulles bulles bulles…

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Rêve d’Olympe – Kleist © La Boîte à bulles – 2016

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

14 réflexions sur « Rêve d’Olympe (Kleist) »

  1. Cela fait plusieurs fois que je croise cet ouvrage dont le thème m’intéresse beaucoup. Même si il manque de force, je pense que j’y jetterai un œil car je trouve le choix de l’histoire assez atypique et toujours d’actualité, malheureusement…

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        1. Les politiques tournent autour du pot, ferment les frontières ou renforcent les contrôles. Et l’opinion publique est extrêmement jugeante, elle se cache derrière ses aprioris. Je ne sais pas ce qui faut pour changer les mentalités. Une BD c’est mieux que rien… mais c’est comme remplir un tamis d’eau 😦

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    1. J’ai découvert l’existence du livre en cherchant des liens d’articles à insérer dans mon billet. M’empresse de venir te lire ❤

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    1. Je suis mitigée mais d’un autre côté, je n’avais pas apprécié « Le boxeur »… donc bon. J’ai trouvé cet album meilleur 😀

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    1. Pas sûre non plus mais il m’a agréablement étonnée cet album. Et puis il met les « pieds dans le plat » ce titre, il dénonce une situation, parle ouvertement de la crise migratoire… et rien que pour ce positionnement assumé, j’aime.

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