
Animée par le désir de réaliser son arbre généalogique, Michèle Standjofski interroge sa mère et consigne chaque anecdote appartenant à l’histoire de sa famille. Un grand-père russe, fils d’un militaire et aristocrate, contraint de quitter sa terre natale lorsque la Révolution d’Octobre éclate. Un arrière-grand-père italien qui a été orfèvre puis jeté en prison sans qu’on en connaisse la raison et que l’arrière-grand-mère génoise parvenue à faire sortir son homme de prison, une grand-mère italienne sauvée par sa mère d’une mort certaine dans le grand incendie d’Izmir (Smyrne à l’époque) en 1922 et dont « elle gardera toute sa vie un goût prononcé pour les bains de mer et les croisières en bateau ».
Une famille dont les membres viennent des quatre coins de l’Europe. Pologne, Grèce, Russie, France, Italie, Turquie… Une famille cosmopolite et polyglotte. C’est à Beyrouth, ville plurielle, ville hybride, métisse, hétéroclite, où cohabitent Chiites, Sunnites, Orthodoxes, Maronites, Chrétiens… que ses ses arrière-grands-parents maternels s’installent. Une ville où grands-parents se rencontrent, là où ils fondent une famille. Une ville que son père stambouliote adopte. Là où l’auteur naît.
Son enfance se retrouve au carrefour de toutes ces histoires de vie, de toutes ces cultures, de toutes ces langues maternelles. Une enfance heureuse, une enfant entourée et aimée, peu de nuages à l’horizon si ce n’est toutes ses petites différences qu’elle peine à assumer. Il lui faudra attendre de traverser l’adolescence pour aimer cette touche d’originalité qui la caractérise, jeune fille qui ne fume pas les mêmes cigarettes que « tout le monde », qui n’a pas les mêmes goûts musicaux (préférant le rock à la disco), qui préfère les bandes-dessinées aux romans estampillés « best-seller ».
Michèle Standjofski livre ici un roman graphique autobiographique et très personnel pourtant, son témoignage est très accessible. L’ouvrage se découpe en deux temps : une première partie où elle présente les principaux membres de sa familles, commençant par ses arrières-grands-parents et descendant chronologiquement les strates des générations. Ainsi, le lecteur prend connaissance du parcours spécifique de chacun, de l’originalité de ces « personnages » hauts en couleurs. De leur attrait et de leur ouverture vers d’autres cultures, de leur acceptation sans réticence aucune d’autres croyances, de leur gourmandise à l’égard des langues étrangères avec lesquelles ils se familiarisent, jusqu’à les maîtriser et les parler couramment pour certains… plus approximativement pour d’autres.
Dans un deuxième temps, forts de la connaissance que nous avons désormais de cette lignée, nous partons à la rencontre de l’auteur elle-même. Nous la voyons grandir, hésiter, s’approprier son identité et ses racines. Très tôt, son grand-père paternel lui apprend à dessiner, une pratique qui va la passionner. Elle trouvera également des points d’ancrage auprès de chaque membre de sa famille mais le dessin est un mode d’expression qu’elle va réellement s’approprier.
Un récit généreux, riche qui dépasse la simple démarche autobiographique. Les dessins sont réalisés aux crayons (crayons gras et crayons de couleurs). Beaucoup de simplicité dans ce coup de crayon, une impression de naturel, de fraicheur, de spontanéité. C’est vivant, très agréable. On profite complètement de ce qui nous est raconté. Michèle Standjofski parle non seulement d’elle, de l’environnement dans lequel elle a grandi, mais aussi de son amour pour Beyrouth, de l’ambiance de cette ville. Il sera également question de la guerre ; la guerre des six jours tout d’abord puis la guerre du Liban qui éclate en 1975. Les couleurs accompagnent les époques : des bleus lumineux, des jaunes, des ocres de l’adolescence et de la vie estudiantine laissent place à des marrons, noirs, verts soutenus en période de guerre.
Ancrer ses racines, s’approprier son identité, construire ses opinions et les assumer, s’enrichir et se construire au contact de l’autre que l’on rencontre sur un banc d’école ou lors d’une soirée entre amis. Accepter la différence, observer ce qui nous est étranger pour le comprendre, l’entendre.
Très bel ouvrage qui traite de culture et d’identité. Un témoignage sincère entre l’album photo familial et la démarche d’écrire ses mémoires. Ecrire pour ne pas oublier ? Ecrire pour témoigner ? Ecrire pour mieux s’approprier ses racines ? Ecrire pour transmettre aux générations suivantes ? C’est un peu de tout cela et c’est à lire assurément.
Extrait :
« Mon Beyrouth est fait de celui de mes parents, de mes grands-parents et de mes arrière-grands-parents. Leurs efforts d’adaptation sont comme des strates, des couches superposées qui renforcent mon attachement à cette ville. » (Toutes les mers)
Le rendez-vous des « BD de la semaine » est aujourd’hui chez Stephie. Je vous invite à cliquer sur ce lien pour découvrir les pépites partagées par les lecteurs.
Toutes les mers
One shot
Editeur : Des ronds dans l’O
Collection : Un Roman graphique
Dessinateur / Scénariste : Michèle STANDJOFSKI
Dépôt légal : janvier 2017
144 pages, 24 euros, ISBN : 978-2-37418-026-7
Bulles bulles bulles…
Toutes les mers – Standjofski © Des Ronds dans l’O – 2017
Je note, ça a l’air vraiment beau !!
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L’ambiance est très agréable. Les planches sont dépourvues de codes, lavées de tout ce qui pourrait nous perdre. C’est simple sans être simpliste. Franchement une belle découverte
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Pas très attirée par le dessin de premier abord mais plus par l’histoire racontée… Je feuilleterai si je le croise.
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C’est un très beau témoignage. J’avais peur qu’il ne soit hermétique mais je n’ai ressenti aucune difficulté durant la lecture
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J’aime assez les dessins, je note car pour moi c’est assez rare 😉
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J’espère que tu auras l’occasion de le prendre en main 😉
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Héritage, transmission, histoire familiale, identité et une fille, à Beyrouth…. C’est pour moa ça !
Je note pour me la dégoter à Angoulême héhé
Bisous copine ❤
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Ah oui oui oui !!
Pi moi, il y a un autre titre qui sort en ce moment chez cet éditeur et qui m’intéresse bien. Alors on ira fureter toutes les deux sur leur stand 😉
Biz m’dame ❤
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Une nouvelle pépite aux éditions des ronds dans l’O, voilà qui ne m’étonne pas une seule seconde !
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Une pépite de plus à leur catalogue, c’est tout à fait ça 🙂
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Il faudrait que je le feuillette car là, comme ça, je ne sais pas trop si ça pourrait me plaire.
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On entre très vite dans le récit. On prend la place de l’écoutant, comme si le narrateur était face à nous et le dessin se marie bien avec le propos.
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Je ne suis pas très fan de ce genre de récit mais le dessin me plait beaucoup.
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Ce récit n’est pas du tout nombriliste. Au contraire, l’auteur s’ouvre en permanence à d’autres cultures, d’autres savoirs… C’est très bien fait
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je me laisse tenter volontiers, j’ai envie de plonger dans cette ambiance (et cette couverture est un véritable appel)
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C’est la couverture qui a attrapée mon regard. Puis j’ai lu le résumé. Puis j’ai eu envie de lire ce témoignage 🙂
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ça a l’air superbe, merci !!
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C’est une vraie ouverture sur le monde et une belle leçon de tolérance aussi.
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Oulala!!!! Je vais aller me le prendre à la médiathèque au plus tôt!
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J’espère que cet album te plaira 😉
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Je suis curieuse. A garder en mémoire pour au moins la feuilleter.
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Absolument !
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Me voilà conquise par tout ce que tu dis ici ! Je le veux !
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🙂
Un beau voyage, une belle découverte, une famille haute en couleurs et un parcours atypique. De quoi plaire en tout cas, l’album est original
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Merci pour cette découverte que j’ai très envie de partager. Tout m’attire ! J’aime beaucoup l’idée de cette identité carrefour !
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C’est tout a fait cela : une identité carrefour… dont l’épicentre est à Beyrouth. C’est surprenant.
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Une belle histoire, j’aimerais bien découvrir. 🙂
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J’espère que tu en auras l’occasion.
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Cette BD touche un thème qui me touche énormément. Je note précieusement son titre, merci!
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Il est arrivé en librairie hier. J’espère que tu auras l’occasion de le tenir en main pour t’imprégner de l’ambiance qu’il contient 😉
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