Le Perroquet (Espé)

Espé © Glénat – 2017

Elle me fait rire, elle me fait peur… ça dépend des moments.

Les crises d’angoisses, les bouffées délirantes… Bastien sait ce que c’est… il a 8 ans.

Les périodes d’aboulie, les périodes de déprime, de pleurs… Bastien sait ce que c’est… il a 8 ans.

Petites bribes de vie directement sorties des souvenirs de l’auteur, « Le Perroquet » raconte – avec des mots d’enfant – le quotidien aux côtés d’une maman psychotique. C’était dans les années 1970 et si le dispositif de soins a aujourd’hui changé, la souffrance de ces malades reste la même, tout comme celle de leurs proches. Un récit intemporel.

Le Perroquet – Espé © Glénat – 2017

L’émotion remplit chaque page de cet album. L’auteur fait revivre l’enfant qu’il était. Guidé par des souvenirs marqués d’émotions, il livre des anecdotes poignantes de cette période de sa vie. Tout ce qu’il a éprouvé durant ces moments douloureux où tantôt sa mère partait, emmenée par des ambulanciers, tantôt elle revenait complètement sédatée et après des semaines d’hospitalisation en secteur psychiatrique… et avec toute l’incompréhension des événements que peut avoir un enfant de 8 ans.

C’est peut-être un peu grâce à tout ça que maman va un peu mieux des fois… elle sourit… ça me fait drôle quand elle est comme ça, j’essaie d’être le plus transparent possible. Je dis oui à tout pour ne pas la perturber.

Le Perroquet – Espé © Glénat – 2017

Pour tenter de comprendre, l’enfant s’appuie sur son ressenti. Il observe, il décode et tente de trouver des réponses aux questions qu’il n’ose pas poser aux adultes qui l’entourent. En revanche, la souffrance de sa mère, il la perçoit totalement. Pour permettre au lecteur de ressentir le trouble de l’enfant et l’atmosphère si particulière qui planait chez lui, Espé s’aide des couleurs. L’artiste n’a retenu que peu de coloris pour raconter sa colère, sa tristesse… mais aussi l’étonnant calme qui s’installait par moments. Rouge, vert, bleu et un peu de marron, rien de plus.

Il est aussi question de la culpabilité d’un enfant. Cet enfant a 8 ans et des discussions que les adultes ont eues en sa présence lui ont permis de comprendre que la maladie de sa mère a le même âge que lui.

Son baby-blues s’est transformé en grosse dépression.

Il rend hommage à cette femme devenue mère à 19 ans. A son compagnon qui avait le même âge qu’elle. Certes, ils n’étaient plus des enfants mais il était encore un peu tôt pour être pleinement des adultes. Cette grossesse prématurée est venue tout précipiter. C’était en 1974. A l’époque, il était encore mal vu d’enfanter en dehors des liens du mariage et encore plus mal perçu quand on habite à la campagne, que tout le monde se connait et que la religion impose son jugement. A la campagne, une fille-mère est un outrage pour sa famille. Un blasphème. L’avortement est inévitable. Alors le jeune couple fuit, se trouve un refuge puis se marie. La famille désapprouve mais l’enfant se développe dans le ventre de sa mère. Il naîtra, il n’est pas un enfant unique, la maladie est sa jumelle.

Je me dis que si papy avait réussi à faire ce qu’il voulait, maman ne serait pas malade à cause de moi.

Sa culpabilité est présente, souvent tapie dans les recoins ; il la contient mais parfois, elle explose, elle le rattrape et le dévore. Et puis sa mère lui manque. Alors pour évacuer toutes ces pensées qui tournent dans sa tête, l’enfant s’est réfugié dans un exutoire : le dessin.

« Le Perroquet » est la preuve que l’on peut parler simplement de la schizophrénie, tout comme on peut parler simplement des troubles bipolaires en montrant leur impact sur le quotidien de ceux qui sont concernés. Enfant témoin, enfant spectateur… enfant farouche totalement intimidé par les maux et leurs manifestations. Une maladie insidieuse, invisible, qui ne fait pas de bruit et se terre au fond du corps et de la tête de sa mère et qui surgit sans crier gare. Le témoignage poignant d’une enfance en manque d’amour, d’un quotidien déréglé par la maladie psychique. Une claque. A lire.

Les chroniques de Stephie, de Noukette et d’Yvan.

Extraits :

« J’ai entendu un cri. (…) On aurait dit le cri d’un animal blessé… mais c’était maman… elle était par terre… elle hurlait » (Le Perroquet).

« Ça fait 8 ans que je grandis et qu’elle me manque. (…) Ça fait 8 ans que j’attends des câlins de maman » (Le Perroquet).

Quelques albums sur le thème de la bipolarité : « Une case en moins » d’Ellen Forney, « Journal d’une bipolaire » d’Émilie Guillon, Patrice Guillon et Sébastien Samson, « Cachés » de Mirranda Burton (qui aborde de façon plus large les pathologies psychiques)…

Le Perroquet

One Shot
Editeur : Glénat
Dessinateur / Scénariste : ESPÉ
Dépôt légal : février 2017
154 pages, 19.50 euros, ISBN : 978-2-344-01269-7

Bulles bulles bulles…

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Le Perroquet – Espé © Glénat – 2017

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

12 réflexions sur « Le Perroquet (Espé) »

    1. Vrai ? Non c’est cool, j’ai eu un peu de mal à bien dompter mes phrases 😛 Une sacrée claque cet album !!
      De mon côté, c’est la chronique de Stephie qui m’avait fait forte impression.

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    1. C’est du très bon, tu peux y aller. Le thème n’est pas tendre mais le regard de l’enfant est un sacré filtre sur la violence des crises de la mère, la violence de la maladie. Tente 😉

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    1. Ce sont les copines qui m’ont tenté. Stephie d’abord, Noukette ensuite. Faut faire le saut Laeti, je pense qu’il te plaira 😉

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