

Au Pays du Cerf blanc, à une journée de marche de Xi’an, capitale de la province du Shaanxi, la vie suit son cours et le rythme des saisons. De mariages en récoltes, dans le village de Bailu, les traditions cimentent les rapports entre les villageois. Bai et Lu, les deux familles les plus importantes de la contrée, veillent au grain et aux respects des règles sans toutefois parvenir à éviter quelques frictions.

Chen – Li © Editions de La Cerise – 2015
La vie suit son cours lorsque l’année 1911 se présente à la porte. Rien ne laisser présager les changements à venir mais doucement déjà, les mentalités ont commencé à changer. Certes, dans les campagnes, le vent de la Révolution ne se fait pas sentir… dans un premier temps du moins. Par la suite, les remous provoqués par les révolutionnaires, l’arrivée des soldats dans les villages reculés, la violence et leurs exactions quotidiennes vont profondément changer le visage de la Chine. L’Empereur tombe et les partis politiques s’organisent. Les Chinois ne le savent pas encore mais moins de cinquante ans plus tard, la République de Chine fera ses premiers pas, portant les espoirs de certains et balayant les inquiétudes qu’ont les autres face à ce changement radical.



Adapté du roman de Chen Zhongshi, le diptyque de Li Zhiwu est un petit bijou graphique. Ses illustrations charbonneuses d’un réalisme fou m’ont fait penser à de vieilles photos en noir et blanc. Comme par magie, le temps a été suspendu et il nous est permis de plonger dans le décor d’une époque aujourd’hui révolue. Le format à l’italienne met en valeur ces illustrations ; superbement relié, l’objet-livre que nous tenons en main est magnifique.




Le scénario est lent, factuel, loin de mon registre de prédilection habituel. Et pourtant, on se laisse prendre, on tourne les pages pour parcourir ce pan dramatique de l’histoire de la Chine.
« Au Pays du Cerf blanc » est un lianhuanhua (bande dessinée traditionnelle de la Chine populaire). Avec ce récit, on parcourt trois décennies, de 1911 à 1949. Lorsqu’on referme le second tome, le tumulte qui a agité la Chine, ses villes et ses campagnes, est un peu retombé. Sur cette durée, nous avons suivi trois générations de trois familles originaires d’une même région. Nous avons également vu un pays entre deux identités, abandonnant de force celle qu’elle avait toujours connue et en pleine quête de l’identité qu’elle revêtira un jour. Nous avons vu un peuple partagé par d’incessants va-et-vient entre ses traditions séculaires et sa liberté nouvelle, entre de vieux rituels et un élan nouveau. Les anciens seigneurs sont tombés en disgrâce, leurs vassaux les ont détrônés. Un vent de révolte a soufflé si fort qu’il en a fait tituber tout un peuple ; hommes et femmes, riches et pauvres, tous ont été tancés, ébranlés, affectés. Certains en sont ressortis plus forts mais la grande majorité n’a finalement eu d’autre choix de que subir, de courber l’échine en attendant que leur sort soit décidé. Des familles se sont déchirées puis réconciliées avant de se déchirer à nouveau. Les amertumes se sont renforcées puis assoupies. Les fiertés individuelles se sont endurcies et peu à peu, les coups bas ont été perpétrés.

Un diptyque intéressant, riche en informations et faisant intervenir plus d’une vingtaine de personnages récurrents. On s’y perd parfois, la lecture demande un minimum de concentration mais elle est d’une saveur incroyable.
L’article dédié à cet univers sur kbd.
Au Pays du Cerf blanc (diptyque)
Adapté du roman de Zhongshi CHEN
Editeur : Editions de La Cerise / Collection : La Cerise sur le Gâteau
Dessinateur & Scénariste : Zhiwu LI
Traduction : Grégory MARDAGA
Premier tome : Dépôt légal : janvier 2015 / 424 pages / 29 euros
ISBN : 978-2-918596-07-3
Second tome : Dépôt légal (tome 2) : juin 2015 / 402 pages / 29 euros
ISBN : 978-2-918596-09-7
C’est beau, avec un rythme très chinois (bien que cela change dans la société chinoise occidentalisée ..), …c’est un bel objet en plus. Atypique mais attirant.
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Très bel objet oui ! J’apprécie notamment cet éditeur parce qu’il met toujours les petits plats dans les grands 🙂
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Je ne connais pas l’éditeur ! Très tentée et très intéressée, c’est typiquement le type de livre objet graphique qui m’enchante.
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C’est amusant ce que tu dis. Parce que quand j’ai relayé mon article sur ma page FB, j’ai espéré que tu repères la publication en pensant que c’était typiquement le type de livre qui pouvait t’intéresser 😀 Je vois que je ne me suis pas trompée 😀
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Je ne suis pas très manga, mais tu piques ma curiosité 🙂
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C’est un rythme tout doux. Dans la veine des « Pieds bandés » , de « Femmes de réconfort » ou « Formose » (de Li-Chin Lin). L’Histoire (avec un grand H) est finalement le personnage principal de ces récits
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