Les belles Personnes (Cruchaudet)

J’ai l’impression – peut-être à tort – que le trait de Chloé Cruchaudet se dépouille et va petit à petit à l’essentiel. Sans être décousu, sans être minimaliste, il gagne en finesse, en minutie… il parvient mieux à toucher nos émotions. De la dentelle s’installe dans son dessin. Au fil des années, l’évolution de son trait est remarquable. Je me rappelle des planches d’ « Ida » qui étaient pleines, parfois capiteuses au point de ne laisser presque aucun espace blanc si ce n’est les interstices entre chaque case. Puis il y eu « Mauvais genre » en 2013 qui fut une grosse claque pour moi et une petite révolution en soi dans son univers artistique. Pour illustrer cette romance passionnée entre un soldat et son amante, Chloé Cruchaudet avait fait voler les contours de cases… elle avait laissé respirer ses illustrations, trouvant par là-même de la légèreté, jouant sur les non-dits et sollicitant nos sens. En 2018, l’autrice nous embarquait dans sa « Croisade des Innocents », un récit d’aventure moyenâgeux où nous partagions l’épopée d’une floppée d’orphelins livrés à eux-mêmes. Un récit d’apprentissage où l’ambiance graphique se dépouillait encore, le trait se faisait plus fin, plus délicat, plus profond…

Cruchaudet © Guy Delcourt Productions – 2020

Et voilà 2020 qui voit débarquer ces « Belles personnes » ! « Faire des portraits d’anonymes » est une idée qui avait été impulsée par le Festival Lyon BD … Chloé Cruchaudet l’a remaniée pour la rendre interactive. Un appel à contributions lui permet de recueillir des témoignages… l’autrice en retient treize pour composer cet album.

Le principe est donc simple. Des inconnus rendent hommage à d’autres inconnus. Un frère, une voisine, une infirmière qui travaille dans un service de néonat, une prof de philo, une amante, leur enfant… Des textes mis en forme et illustrés par l’autrice. Un recueil de treize témoignages auxquels Chloé Cruchaudet a ajouté sa propre contribution, « parce qu’au final, c’est pour cette raison que j’ai accepté de faire ce livre » explique-t-elle avant de se plier elle aussi à l’exercice. Quatorze personnes qui rendent hommage à quatorze inconnus.

« Petite et trapue, quelques quatre-vingt kilos et plus, la peau ridée, tannée au maximum par le soleil, Denise est ma voisine. Tout est sourire dans son visage de soixante-douze ans. Ses petits yeux se perdent dans ses rides lorsqu’elle sourit, et ses belles dents blanches bien plantées prennent toute la place qui reste. »

Des témoignages spontanés, posés sur papier et qui s’arrêtent le temps de quelques lignes – une page tout au plus – sur des individus [un proche ou une simple connaissance] qui ont ce don pour nous faire voir les choses autrement, pour nous aider à relativiser, décaler contrariétés et tristesse, rendre le beau pétillant, énergisant… Cette capacité à changer la vie de leur entourage, la rendre plus légère et à diffuser des ondes positives qui rendent le quotidien moins pataud.

« Si un jour elle venait à disparaître, elle laisserait mille orphelins, mais aussi mille souvenirs. »

Des mots frais, souvent émus. Des mots bruts, souvent nostalgiques. Des mots vibrants remplis de métaphores ingénieuses. Des mots beaux pour ces lettres écrites avec le cœur. Des mots pour former ces parenthèses dans la vie de ces individus qui témoignent. Et c’est bon de se frotter à ces vibration. Un album patchwork constitué d’initiatives spontanées, de gestes d’amour gratuits qui n’attendent rien en retour. Mises à nu d’hommes et de femmes qui ont su profiter pleinement d’un instant éphémère ou de la présence plus durable d’un être dans leur vie. Qu’il soit fortuit ou permanent, Chloé Cruchaudet attrape le fil qui relie une personne à une autre.

« Qu’est-ce qu’on garde des belles personnes qu’on a connues ? Des impressions, des fragments, des souvenirs des autres qui deviennent les nôtres. Un petit bagage précieux qu’on transporte. »

Un album en trois temps.

Au premier temps de l’album, l’autrice nous parle de sa démarche.

Au second temps de l’album, les lettres prennent vie sous ses crayons. Le coup de crayon et/ou de pinceau change au besoin des personnalités racontées. Les coloris s’adaptent aux traits de caractères. Tout ici veille à attraper l’empathie et les émotions qui étaient contenus dans les témoignages reçus pour les retranscrire le plus justement possible.

Un troisième temps enfin. Une partie qui contient les textes originaux des contributeurs. Chaque récit est posé. Une page suffit. La page en regard contient quant à elle le portrait de la « belle personne » décrite.

Beau. Simple. Une lecture qui suspend un peu le temps.

Les belles personnes (récit complet)

Editeur : Soleil / Collection : Noctambule

Dessinateur & Scénariste : Chloé CRUCHAUDET

Dépôt légal : octobre 2020 / 144 pages / 17,95 euros

ISBN : 9782302081765

La Croisade des Innocents (Cruchaudet)

Entrer dans un livre.
Reprendre doucement le goût de la lecture. Espérer retrouver également celui du partage.
Ne rien attendre d’autre que le plaisir d’écrire. Caresser l’espoir de donner l’envie à d’autres de se lancer dans ce moment sucré-salé écrit et dessiné par Chloé Cruchaudet (Groenland Manhattan, Mauvais Genre, La Poudre d’Escampette, Ida…).

Je m’appelle Colas et je ne suis pas bien grand. Mes guenilles sont bien ajustées et la faim a fait depuis longtemps son nid dans le creux de mon ventre. J’ai grandi dans une cahute qui nous protégeait à peine du froid. Je croupissais dans une enfance qui n’en était pas une, entre un père qui cherchait à me dresser et une mère qui ne savait pas me prendre dans ses bras. De temps en temps, une étincelle d’enfance venait me sortir de ce monde brut et miséreux… j’étais très vite rappelé à l’ordre. J’ai fugué. Mais après plusieurs jours, ne tenant plus, j’ai frappé à la première porte qui se présentait à moi. On m’a donné du travail. En échange, j’avais de quoi manger chaque jour. Et puis un jour, le Christ est apparu devant moi. Je l’ai vu comme je vous vois.
J’ai raconté mon histoire aux autres enfants. Mon ami Camille y a ajouté quelques menus détails. Cela nous a permis de trouver l’élan de partir. Nous étions désormais les élus de Dieu, des innocents choisis pour délivrer le tombeau de Jésus. Peu de temps après, on a pris la route en direction de Jérusalem.

« Notre seule arme sera la parole. Seulement des discours et des prières. »

Chloé Cruchaudet s’est inspirée des rares écrits qui existent sur ce fait historique du XIIIème siècle (il a eu lieu en 1212, entre la quatrième et la cinquième croisade). Ce récit peu connu relate la croisade improvisée d’une troupe d’enfants partis vers Jérusalem pour libérer le tombeau du Christ des Arabes. Au début de cette expédition, le groupe était famélique mais en chemin d’autres enfants s’y sont greffés. L’autrice s’en est nourrit pour écrire cette fiction.

Malgré leur morve au nez et leurs cheveux ébouriffés et malgré la crasse qui les recouvre de haut en bas, on emboîte très vite le pas de ces petits héros en culottes courtes. On sait bien que la tâche est démesurée, on sait bien qu’il y a peu de chances qu’ils en ressortent vivants mais pourquoi ne pas croire à leur rêve ? Pourquoi ne pas se laisser porter par l’espoir qui les anime ?

Et ça marche. La ferveur qui les porte nous fait croire en la réussite de leur quête. Qu’ont-ils à perdre dans ce combat ? Certainement pas la chaleur d’un foyer car ils n’y étaient pas dorlotés. Peut-être la promesse d’un avenir meilleur car ne s’offrait à eux qu’une vie miséreuse. C’est sans doute-là leur unique chance de vivre libres et de croire, quelque temps du moins, que la vie pourrait enfin leur sourire. Et tout cela donne à ce voyage en Terre sainte un aspect poétique.

Ce récit d’apprentissage est superbement illustré par Chloé Cruchaudet. Son ambiance graphique aux tons délavés nous plonge dans un univers moyenâgeux, pauvre et austère mais l’optimisme de ces enfants fait un superbe pied de nez à la violence de ce monde. Les personnages aux traits doux pour les uns, farouches pour les autres, sont expressifs à souhait. Les visages sont mangés par de grands yeux ronds comme des billes, de francs sourires ou des moues boudeuses… on ressent vite de l’empathie pour les jeunes personnages de l’histoire.

Au cœur de cet album bat une belle histoire d’amitié. Il est aussi questions de croyance, de convictions et d’espoir. Le voyage m’a beaucoup plu.

La Croisade des Innocents
Récit complet publié chez Soleil, Collection Noctambule.
Scénariste / Dessinatrice : Chloé CRUCHAUDET
Dépôt légal : octobre 2018, 176 pages, 19.99 euros
ISBN : 978-2-302-07127-8

La Poudre d’escampette (Cruchaudet)

Cruchaudet © Guy Delcourt Productions – 2015
Cruchaudet © Guy Delcourt Productions – 2015

Paul est un petit garçon dont les parents viennent d’emménager dans une nouvelle ville. Derrière lui, il a laissé ses repères, ses copains… tout un univers dans lequel il avait grandi jusque-là. C’est un peu triste de se retrouver seul, de ne pas savoir où aller pour se ressourcer, de ne pas avoir un ami avec qui jouer.

En revanche, ce qu’il peut continuer à faire comme avant, c’est d’aller promener sa chienne Paulette…

« – Ha ! Ha ! Paul et Paulette ! Vous êtes frère et sœur ?

– Mes parents ont trouvé ça drôle. Les adultes son stupides »

Paulette n’en fait qu’à sa tête. Courir poils au vent dans les allées d’un parc, plonger dans la rivière, se laisser porter par le courant. Paulette est pleine de vie et, dans son emportement, elle ne se rend même pas compte que son petit maître est balloté comme un fétu de paille au bout de la laisse à laquelle il tente de s’agripper. Malgré lui, Paul se retrouve mouillé de la tête aux pieds et, à sa grande surprise, va tomber nez à nez avec une bande de gamins qui s’apprêtent à partir à l’aventure. Très vite, Paul est séduit par leur projet fou et accepte d’accompagner Boulon, Paillon, Scotch et Lili Lapin dans leur périple…

« Mmmh… Tu sens ces odeurs ? Jamais je ne les avais senties avant ! C’est l’odeur de l’aventure ! »

Mmmh ! Que c’est bon de voir revenir Chloé Cruchaudet ! Oh, elle n’était pas partie bien longtemps mais tout de même, son dernier ouvrage datait de 2013 (« Mauvais genre ») et les quelques apparitions qu’elle a fait l’année dernière ont eu lieu dans le cadre de collectifs (et notamment avec sa collaboration au numéro 6 de « La Revue Dessinée »).

Elle réalise cette fois un ouvrage jeunesse frais et pétillant. Elle dote ses personnages de malice et d’un sens de la répartie redoutable. Hauts en couleurs, ces petits bouts d’homme marchent dans les pas de la grande Ida, attiré comme elle par le goût de l’aventure et l’irrésistible envie de se frotter au genre humain. Une petite trentaine de pages pour un album au format immense… objet dans lequel on se plonge littéralement. Dépourvue de cases, cette bande dessinée jeunesse donne une impression de liberté. Ce groupe d’enfants donne au lecteur l’impression qu’il suffit de croire en son rêve pour trouver la force et l’énergie de le réaliser. Ensemble, ils construisent donc un bateau de fortune équipé de tous ce que les petits aventuriers peuvent rêver : des hublots, un nid-de-pie, quelques réserves de nourriture et de quoi affronter n’importe quel obstacle.

– Il faut qu’on les dépasse, notre honneur est en jeu !
– C’est quoi l’honneur ?
– C’est un truc qui fait qu’on peut bomber le torse et regarder les gens avec fierté

L’auteure nous place aux côtés de personnalités au caractère bien trempé. Tous ont ce point commun propre à l’enfance : ils ont un monde imaginaire débordant et – forcément – aller découvrir ce monde a quelque chose de tentant.

Quand ce palace flottant sera sur l’eau, nous suivrons la Grösne jusqu’à la mer et ainsi, nous accomplirons notre rêve : trouver notre place… l’endroit qui nous est destiné

On vogue donc lentement vers cet ailleurs fantasmé. En chemin, les enfants partagent leur fascination pour l’inconnu (autres lieux, autres gens). Chacun y va de son petit commentaire, les propos se nourrissent d’un mélange d’excitation et d’appréhension. L’occasion de mener un échange sur l’Autre-étranger : pourquoi inquiète-t-il ? De quoi est fait cette différence et comment l’accepter ? Comment s’enrichir au contact d’une société et d’individus qui n’ont pas les mêmes normes que les nôtres ? Mais il me semble que je complique la présentation du scénario. Dans les faits, celui-ci n’est pas alambiqué et la narration est parfaitement accessible à un jeune lectorat.

PictoOKUn album dont j’ai découvert la parution grâce à la chronique de Noukette. A mettre entre toutes les petites mains…

A lire aussi : les chroniques de Leiloona, de Choco et de Claire (La Soupe de l’Espace).

La Poudre d’escampette

Editeur : Delcourt

Collection : Les enfants gâtés

Dessinateur / Scénariste : Chloé CRUCHAUDET

Dépôt légal : décembre 2015

ISBN : 978-2-7560-7583-9

Bulles bulles bulles…

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La Poudre d’escampette – Cruchaudet © Guy Delcourt Productions – 2015

Mauvais genre (Cruchaudet)

Cruchaudet © Guy Delcourt Productions – 2013
Cruchaudet © Guy Delcourt Productions – 2013

« Paul et Louise s’aiment, Paul et Louise de marient, mais la Première Guerre mondiale éclate et les sépare. Paul, qui veut à tout prix échapper à l’enfer des tranchées, devient déserteur et retrouver Louise à Paris. Il est sain et sauf, mais condamné à rester caché dans une chambre d’hôtel. Pour mettre fin à sa clandestinité, Paul imagine alors une solution : changer d’identité. Désormais il se fera appeler… Suzanne. Entre confusion des genres et traumatismes de guerre, le couple va alors connaître un destin hors norme » (Quatrième de couverture).

Chloé Cruchaudet, la talentueuse auteure d’Ida et de Groenland Manhattan [liste bien évidemment non exhaustive] nous propose de découvrir l’étonnant parcours de Paul Grappe (né en 1891 et mort en 1929) et de sa femme Louise Landy. Les faits relatés ont débuté pendant la Première Guerre mondiale et ont eu un dénouement brutal en 1929.

On y découvre tout d’abord Paul et Louise éperdument amoureux mais l’horreur de la guerre viendra les séparer. Ce n’est pas tant la difficulté à vivre loin de Louise que Chloé Cruchaudet a mis en avant pour justifier pourquoi Paul a décidé de déserter. Certes, le fait d’être loin de sa femme a largement contribué à le convaincre que c’était pour lui la meilleure solution. Mais en premier lieu, l’auteure prend de temps de décrire le quotidien des tranchées où déambulaient des hommes apeurés, en proie à la folie. De vieux démons qui reviendront régulièrement dans le récit et qui expliquent également le penchant de Paul/Suzanne pour l’alcool, l’ébriété lui permettant de s’évader du quotidien et de ses hallucinations récurrentes.

De façon fluide, Chloé Cruchaudet n’hésite pas à casser sa composition de planches dominante (trois bandes de deux cases) pour proposer des illustrations qui s’affranchissent totalement du cadre habituel de la cases, s’étalent en pleine page, volent sur la feuille comme une danse. Le lecteur se laisse ainsi facilement emporter par la frénésie des personnages, profite de leurs joies, encaisse leurs éclats de voix, essuie les pots cassés si nécessaire ou bat le rythme à l’écoute d’une mélodie (C’est un mâle de Fréhel ou Au Bois de Boulogne de Bruant). Une petite touche de rouge par-ci, une petite touche de rouge par-là, Chloé Cruchaudet émoustille nos pupilles en faisant ressortir détails et accessoires (un vêtement, une fleur, pommette…) dans une ambiance graphique où domine le gris sous toutes ses variantes. L’auteure épice notre lecture, sollicite nos sens et nous surprend à chaque page.

Paul Grappe
Paul Grappe

Ce qui est également intéressant, c’est tout le travail réalisé autour de la construction des personnages. On les découvre alors qu’ils sont jeunes adultes et on ressent alors toute la fougue avec laquelle ils vivent leur relation amoureuse. Puis c’est le départ pour les champs de bataille et l’impact de cette expérience sur Paul. La vie clandestine ensuite et la modification de leurs relations, des rapports de force entre eux jusqu’à ce moment où Paul enfile sa première robe, de colère, parce que Louise refuse d’aller lui acheter de l’alcool. Cette étrange impression qu’il ressent alors qu’il déambule de nuit dans les rues de la ville avec un piètre accoutrement. Peu à peu, on perçoit les subtils changements qui s’opèrent en lui. Il se révèle, assume sa nouvelle personnalité et ses fantasmes. Il a comme une impression d’étrange liberté qui l’anime, à la fois honteuse et amusée. Le lecteur peut aisément imaginer les impacts que cela peut avoir : un déserteur qui se travestit pendant dix ans pour éviter le peloton d’exécution, cela laisse des traces. Les costumes d’époque renforcent le dépaysement auquel est confronté le lecteur mais le sujet est traité avec tant de finesse que l’on pourrait tout à fait imaginer que cela se passe de nos jours. La personnalité androgyne de Paul fait de lui un être à part. Il est à la fois terrifiant lors de ses accès de violence mais si touchant lorsque l’auteure nous rappelle violemment à la réalité et montre que la brutale perte d’innocence qu’il a subit dans les tranchées fait de son personnage un homme brisé, traumatisé…

PictoOKPictoOKPlaisir, ravissement et étonnement ont été mes compagnons de lecture. J’ai un coup de cœur pour cet album qui m’a forcée à marquer un temps d’arrêt, ne souffrant pas que je le repose tant que je n’en étais pas venu à bout. C’est l’histoire d’une passion, d’une descente aux enfers, d’un déguisement et, en toile de fond, un drame à l’échelle planétaire dont il est impossible d’en comptabiliser exactement le nombre de ses victimes. L’album est déjà récompensé du Prix Coup de Cœur au Festival Quai des Bulles et du Prix Landernau… souhaitons à l’auteure que ce soit le premier d’une longue série.

Une lecture commune que je partage avec…

Jérôme, Lunch & Badelel, Moka, Noukette et Marion !

… leurs chroniques respectives sont accessibles si vous cliquez sur leur nom/pseudo.

Mais aussi : la chronique de Vive la Rose et le Lilas, un témoignage de Chloé Cruchaudet (pour Europe 1) et l’article de Philippe Poisson sur Paul Grappe.

Du côté des challenges :

Roaarrr Challenge : Grand Prix de la critique ACBD 2014 et Prix du Public Cultura

Roaarrr Challenge
Roaarrr Challenge

Pour finir en musique, la chanson de Fréhel :

Une lecture que je partage avec Mango à l’occasion de ce mercredi BD

Logo BD Mango Noir

Mauvais genre

– d’après La Garçonne et L’Assassin de Fabrice Virgili & Danièle Voldman –

One shot

Editeur : Delcourt

Collection : Mirages

Dessinateur / Scénariste : Chloé CRUCHAUDET

Dépôt légal : septembre 2013

ISBN : 978-2-7560-3971-8

Bulles bulles bulles…

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Mauvais genre – Cruchaudet © Guy Delcourt Productions – 2013

Pendant ce temps-là… les artistes travaillent

Voilà l’occasion de faire un petit tour de toile pour déposer ici les quelques pépites en préparation.

Tout d’abord, la sortie attendue du prochain Frederik Peeters. Une série qui débute et dont le premier tome sera en vente la semaine prochaine. Un travail de création que l’auteur partage depuis près d’un an sur un blog consacré à cette série : Aama.

Pour découvrir cet univers : http://projet-aama.blogspot.com/

Je vous l’ai fait découvrir il y a quelques semaines : Nancy Peña. It is not a piece of cake est dans les bacs depuis le 20 octobre mais un Artbook est également attendu. Pour en prendre (de nouveau plein les yeux), c’est ici :

http://nancypena.canalblog.com/

De nombreux lecteurs ont découvert Julie Maroh et apprécié Le bleu est une couleur chaude (récompensé à de multiples reprises l’année dernière et cette année).

L’auteure travaille sur son nouvel album… et on ne peut que s’en réjouir !

Un blog à suivre également : http://www.juliemaroh.com/

Toujours dans les futures sorties attendues, la suite d’Ida de Chloé Cruchaudet. Le tome 3 est en bonne voie !

Le blog de Chloé Cruchaudet : http://cruchaudet.blogspot.com/

Les amoureux de comics ne seront pas en reste. Voici une pépite récemment livrée par Akiléos : le prochain tome de Courtney Crumrin de Ted Naifeh prévu pour le premier semestre 2012 !

Pour vous mettre en appétit : http://akileos-editions.blogspot.com/2011/10/pour-le-plaisir.html

Et n’oubliez pas la parution du Coffret d’Abélard (Régis Hautière et Renaud Dillies) le 10 novembre prochain ! Un petit aperçu sur le blog de Régis Hautière.

Ida, tome 2 (Cruchaudet)

Ida, tome 2
Cruchaudet © Guy Delcourt Productions – 2011

Alors que la publication des Carnets de voyages d’Ida connait un franc succès en Europe, l’aventurière poursuit son exploration des terres africaines ainsi que les correspondances avec sa sœur. Plus que de simples confidences, ces courriers permettent également à la jeune aventurière d’être régulièrement informée des tendances occidentales et des progrès de ses neveux. Ida a su regagner l’estime de sa sœur (rappelons que lorsque nous avons fait la connaissance d’Ida, cette jeune femme hypocondriaque était des plus désagréables !) et leur complicité semble désormais inébranlable, ce qui ne semble pas être le cas de l’amitié entre Ida et Fortunée, sa compagne de voyage.

Dans cet album, nous retrouvons la jeune suisse en fâcheuse posture : sans possibilité de poursuivre l’écriture de ses carnets, à bord d’une embarcation de fortune et avec une idée assez imprécise de l’endroit où elle se trouve. Ces contrariétés jouent sur l’humeur de l’héroïne, jusqu’à ce que le petit équipage rallie un comptoir européen. Ida profite de ce pied-à-terre pour reprendre des forces et rassembler l’équipement nécessaire à une nouvelle expédition. Elle laisse Fortunée aux bons soins de ses hôtes et part explorer les terres du Bénin (royaume du Dahomey à l’époque).

C’est avec plaisir que j’ai retrouvé cette aventurière de la fin du 19è siècle. Sa fraicheur, sa spontanéité, son manque de tact et surtout, sa folle envie de découvrir le continent africain sont autant d’ingrédients qui font la magie de la série… sans compter les graphismes de toute beauté ! A peine a-t-on ouvert ce nouvel album et un court résumé de Grandeur et Illumination fait remonter en mémoire quelques images de ce tome.

Avec Candeur et Abomination, on retrouve les ambiances toniques de Chloé Cruchaudet. L’émerveillement est toujours là, Ida est plus resplendissante que jamais et sa motivation à poursuivre son périple décourage ses interlocuteurs de toute mise en garde inconsidérée. Ida a gagné en charisme et en assurance, la preuve : elle se sépare même de son acolyte, la nymphomane et poétique Fortunée. Si vous aviez un doute quant à l’intérêt de poursuivre la lecture de cette série, il sera rapidement balayé.

La narration est fluide, efficace et alterne parfaitement dialogues et narration. La lecture d’une lettre de sa sœur nous accueille dans ce tome mais, par la suite, l’utilisation des correspondances seront  les grandes absentes du récit. Je trouve cela un peu dommage, l’utilisation de cette voix-off était pour moi une des particularité de la construction de l’histoire et cela m’a manqué. L’équilibre de la série n’en est pas affecté pour autant, la narration est remplacée par des échanges plus soutenus (quelle verve !!) nous laissant tout loisir de prendre la mesure des changements dans la personnalité d’Ida. Le temps de la découverte, de l’observation et de l’insouciance du premier tome est révolu ; place à l’action et à l’affirmation des convictions de l’héroïne. Cette évolution marque d’autant le récit qu’elle lui donne de la crédibilité. En injectant des éléments historiques (avec notamment le personnage du Roi Béhanzin) dans cet univers fictif, l’auteur donne du sens et de la consistance à son personnage. Tout comme Abdallahi, Ida est une fenêtre ouverte sur une réalité d’un autre temps (hum… cet argument est très critiquable je crois). Le sujet de la colonisation et de ses effets nocifs sur les populations est traité de front via les questions de l’esclavagisme et du soulèvement d’un peuple face à l’envahisseur. Pour ceux qui ont déjà lu cet album, j’imagine qu’ils ont également souri à l’image que véhicule ce pathétique général français (qui dispose malheureusement d’une force de frappe importante). Dans l’ensemble, je trouve que Chloé Cruchaudet dispose bien ses personnages sur l’échiquier, ce sont de bons filtres pour nos émotions.

J’ai trouvé que le sérieux des thématiques de l’album vient contraster avec le côté pétillant d’Ida, ce qui crée une bonne alchimie. Un tome très différent de son prédécesseur, sans lourdeurs. Les sous-entendus narratifs n’encombrent pas le lecteur et trouvent leur juste signification dans les dessins. Chloé Cruchaudet recourt régulièrement à des cases muettes (voire des successions entières de planches muettes) et évite avec finesse tout jugement de valeurs. On module notre rythme de lecture à notre guise, souvent perdu dans la contemplation des visuels. Une fois encore, les aquarelles sont magnifiques, harmonieuses… le travail de Chloé Cruchaudet est remarquable. Les teintes toniques s’estompent peu à peu  dans ce tome et laissent la place à plus de neutralité via des ocres, des marrons, voire de la mélancolie en fin d’album où les verts prédominent (voir le code couleur si besoin).

 Cette lecture représente mon voyage en Afrique pour ce savoureux Challenge Récit et Carnet de Voyage :

Challenge Carnet de Voyage

PictoOKAu niveau graphique, la qualité est de nouveau au rendez-vous avec des aquarelles très réussies, un très bon rendu des mouvements et des expressions des personnages (ceux d’Ida en particulier) et, en fonds de cases, des décors tantôt fouillés tantôt plus discrets qui nous guident discrètement dans la lecture. Un album plus sombre pourtant, même si ce n’est pas l’impression première que l’on se fait en le feuilletant mais pourtant. Une importante remise en question est amorcée par le personnage principal, c’est dérangeant pour le lecteur car on a largement eu le temps d’investir Ida et la voir perdre de sa superbe est déstabilisant (assez jouissif également puisque nous voilà assuré d’un troisième tome !). Visiblement, nous avons encore beaucoup à apprendre d’Ida. A suivre !

Interview de Chloé Cruchaudet (de novembre 2009) et blog de l’auteur.

D’autres lecteurs parlent de cet album : Lunch, Loula et Sceneario.

Extraits :

«-  Nous, nous avons compris tout de suite que l’Ogooué était un fleuve de malheur, nous avons misé sur une valeur d’avenir. Un chemin de fer gigantesque ! Voilà d’ailleurs la main-d’œuvre. Ce train sera le résultat d’une belle coopération. Le roi d’ici les capture, les vend aux Allemands, qui nous les vendent à leur tour.
– Les capturer ? Vendre ? Mais alors ce sont…
– Non… Ne vous méprenez pas… Ils sont volontaires. Ils ont signé des contrats, tout est fait dans les règles » (Ida, tome 2).

« Déjà soif… Mon Dieu… si une bête s’approche, je ne l’entendrais même pas. Ne pas penser à la peur, me concentrer sur le rythme de mes pas. Me caler sur les battements de mon cœur. Un, deux… C’est étrange que l’on puisse voir la nature comme un paradis. Un, deux, un… L’odeur des végétaux en putréfaction… Cette lutte agressive pour la survie. Un cycle de vie et de mort assez cruel en fait » (Ida, tome 2).

« – Je vous trouve changée. Que s’est-il passé ?
– J’ai découvert des choses sur les autres, sur moi. J’ai vu ce qu’il y avait à l’intérieur de notre ventre » (Ida, tome 2).

Ida

Tome 2 : Candeur et Abomination

Série en cours

Éditeur : Delcourt

Collection : Conquistador

Dessinateur / Scénariste : Chloé Cruchaudet

Dépôt légal : janvier 2011

ISBN : 978-2-7560-2200-0

Bulles bulles bulles…

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Ida, tome 2 – Cruchaudet © Guy Delcourt Productions – 2011

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