Transitions (Durand)

Durand © Guy Delcourt Productions – 2021

« Pendant trois années, nous avons échangé nos lectures, nos ressentis, partagé un bout de chemin ensemble. De cet échange est né ce récit. Entre fiction et réalité, la ligne est fragile. »

Une rencontre entre Elodie Durand et Anne Marlot et l’autrice se lance dans le projet de mettre en image le témoignage de son amie. La vie de cette dernière vacille le jour où sa fille de 19 ans lui confie qu’elle est un garçon.

« … moi j’en suis sûr maintenant. Je suis un garçon. Mais ne t’inquiète pas, hein ! Ça ne change rien. Je ne suis pas malade. »

Anne est ébranlée. Elle n’a rien perçu du trouble qui a remué Lucie. Elle n’a pas vu, pas compris que son enfant se questionnait sur son identité sexuelle.

Il a suffi d’une discussion entre une mère et sa fille pour créer un fossé entre elles, le temps que l’une et l’autre assimilent ce changement à venir. Lucie s’est fait aider par des intervenants extérieurs pour maturer sa décision ; ils l’accompagnent dans son souhait de devenir Alex aux yeux de tous. Anne Merlot quant à elle mettra plusieurs mois avant d’accepter l’évidence… et d’apprendre à composer avec une réalité qu’elle n’avait jamais imaginé possible. Un premier mouvement réactif la projette dans une période d’angoisses et lui donne l’impression d’avoir raté quelque chose dans l’éducation de son enfant. Très vite, elle cherche des réponses dans les livres plutôt que dans la parole. Anne culpabilise inutilement et repense aux discours des « psy » que l’on résume trop vite à un « c’est la faute de la mère si… » . Elle cherche à comprendre où elle a été défaillante dans l’éducation de sa fille, se pose de mauvaises questions. Pour border ses doutes et structurer son cheminement, elle se met à écrire un journal. Elle y consigne ses réflexions, ses questions, les informations qu’elle obtient de ses recherches sur internet ou dans les ouvrages qu’elle dévore.

« J’étais sans modèle. Je n’étais pas préparée. J’ignorais tout de la transidentité. »

Peu à peu, elle prend conscience que le choix de sa fille n’est pas une fatalité, n’est pas un échec. Peu à peu, elle reprend confiance en elle et comprend que la relation qu’elle a avec son enfant – devenu adulte – est des plus belles. La remise en question de cette mère est profonde mais c’est dans les échanges avec son compagnon, dans les informations qu’elle va chercher sur la transidentité ou dans la littérature que lui suggère sa fille, dans le « journal de bord » qu’elle tient et dans lequel elle couche ses réflexions.

Une réflexion intelligente qui montre une fois encore que tout ce qui nous est inconnu crée instinctivement de la peur chez nous et que seul le temps aide à comprendre et à mesurer les choses pour accepter les choix de ceux qui nous entourent… accepter l’Autre, tout simplement.

Transitions – Journal d’Anne Marbot

Editeur : Delcourt / Collection : Mirages

Dessinateur & Scénariste : Elodie DURAND

Dépôt légal : avril 2021 / 176 pages / 22,95 euros

ISBN : 9782413024316

La Parenthèse (Durand)

La Parenthèse
Durand © Guy Delcourt Productions – 2010

L’auteur revient sur une période tourmentée de son passé, un devoir de mémoire en quelque sorte, un projet en partie impulsé à la demande de ses proches.

Les faits : Judith est une étudiante de 20 ans. Peu à peu, sa santé vacille, des troubles (absences, perte de l’équilibre…) vont peu à peu s’installer dans son quotidien. Elle n’en aurait pas eu connaissance si sa famille ne lui avait fait remarquer ses malaises et des oscillations dans son comportement. Judith se décide à consulter un neurologue, le diagnostic tombe comme un couperet : il s’agit de troubles épileptiques. Après une longue période de déni, des rééquilibrages permanent de traitements, des prises en charges médicales…  son état se stabilise. La jeune femme revient sur cette période et tente de lever le brouillard sur les souvenirs confus.

Entre témoignages de son entourage, retranscription de son ressenti en mots et en images, le récit nous emmène au cœur de la maladie.

Un récit intimiste et franc dans lequel il est facile d’entrer. L’auteur nous ouvre les portes de son passé, elle pose sur la table toutes les pièces du puzzle et reconstitue peu à peu l’image d’ensemble. Lorsqu’on visite son site, on y découvre un synopsis déroutant :

C’est l’histoire d’une jeune fille, Judith, âgée d’à peine plus de 20 ans, d’un drame dans sa vie qui semblait être sans retour, d’une chute dans le monde de la maladie, dans la perte de soi.
Ce récit est une  bataille contre l’adversité. Il parle de la mémoire  parfois si fragile, d’une convalescence inattendue, de comment un jour, on réapprend son alphabet, à compter, à retrouver ses souvenirs.
Élodie Durand

Cette pudeur dans la présentation de l’ouvrage, on la retrouve dans le récit. L’artiste se dégage donc de sa propre identité (ou presque) pour construire son récit. En faisant vivre Judith, elle extériorise ses souvenirs, panse ses plaies progressivement, comme si le personnage de son ouvrage était une autre Élodie, jeune femme d’une autre époque dans laquelle elle ne s’identifie plus ou mal.

Un trait doux, expressif, une force de dessin qui est tout à fait adaptée et qui vient servir le récit de manière pertinente. De plus, on voyage dans deux ambiances graphiques différentes. La première ambiance est douce, mordante, crue, troublante. L’auteur se met en scène, personnage en premier plan sur des fonds de case assez minimalistes (mettant en exergue la portée de ses propos). Seules les décors extérieurs sont enrichis de détails, perdant parfois le personnage dans une forme d’anonymat et nous aidant à matérialiser la chute vertigineuse(car abrupte et très rapide) de sa perte de repères et de sa personnalité. Les extraits issus de la seconde ambiance graphique ont été réalisés pendant la phase critique de la maladie (années allant de 1995 à 1998) et font évoluer de petits personnages assez basiques techniquement sur des fonds de cases complètement vierge. Le trait est hésitant, imprécis et voire brouillon à certains moments. On dirait une sorte d' »états d’âme » issus d’une autre période. Ils matérialisent de l’angoisse, de la tristesse et un personnage qui est face à face à des démons imaginaires.

Une lecture que je partage avec Mango et les participants aux

Mango

PictoOKDans ce récit, la maladie est personnifiée à tel point qu’elle en devient presque le personnage principal du récit. Une maladie qui va rythmer la vie de Judith/Élodie pendant trois ans et dépossède cette dernière de son humanité. L’occasion pour l’auteur de faire face à un passé douloureux et d’imprimer de manière indélébile ses souvenirs flous ou inexistants de cette période. Une parenthèse abrupte dans la vie de l’auteure.

Ici, le handicap est décortiqué avec franchise, l’auteur ne lisse pas les contours d’une réalité comme dans Journal d’une bipolaire, l’auteur n’étale pas la vie de ses proches ou n’utilise pas de manière systématique des métaphores pour dire les choses (comme dans L’Ascension du Haut Mal). Le ton est juste, point n’est besoin de trop en faire. Je suis assez convaincue par ce choix et sort (de ma lecture) touchée par ce témoignage.

Roaarrr ChallengeLa Parenthèse a reçu le Prix Nouvelle République (BD Boum) 2010 (album d’un auteur régional) et le Fauve Révélation au Festival d’Angoulême 2011.

Yvan m’avait conseillé de lire cet album, voici sa chronique. Je vous propose aussi de lire les avis d’Harenzo, des Modernes et de voir la preview sur Digibidi.

Merci Oliv’ d’avoir eu la bonne idée de mettre La Parenthèse dans tes bagages ! J’attends de pouvoir lire ton avis ! ^^

Extrait :

« Je m’inquiétais de vos gros yeux, de vos regards angoissés, de vos questions. Non, je ne savais pas si j’avais fait une crise, ni si j’allais mieux. Non, je ne savais pas ce qui s’était passé… Moi, ce que je voulais, c’était ne plus jamais avoir peur » (La Parenthèse).

« Dans ma tête, ça allait dans tous les sens. J’étais un monstre. Un monstre s’était emparé de moi tout entière. Je n’avais plus de tête. Ma tête était une prison. Je ne pensais pas que je mettrais tant d’années à me réconcilier avec elle » (La Parenthèse).

La Parenthèse

One Shot

Éditeur : Delcourt

Collection : Encrages

Dessinateur / Scénariste : Elodie DURAND

Dépôt légal : mai 2010

ISBN : 978-2-7560-1703-7

Bulles bulles bulles…

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La parenthèse – Durand © Guy Delcourt Productions – 2010

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