Silhouette (Mourlevat)

Deux… deux avis en un, celui de Kikine (que beaucoup d’entre vous connaissent) et le mien. Deux avis pour ce recueil de nouvelles.  

10 nouvelles. 10 fenêtres qui s’ouvrent sur la vie d’un(e) inconnu(e) que nous allons apprendre à connaître… une personne à laquelle nous allons nous attacher.

Mourlevat © Gallimard Jeunesse – 2016
Elle est admirative de son travail d’acteur c’est pourquoi, quand elle apprend que l’équipe de tournage cherche des figurants pour un film dans lequel il joue, elle envoie sa candidature.  

Il veut montrer qu’à 14 ans, on est capable d’être responsable. Aussi, il tient tête à ses parents et obtient la première fois le droit de passer des vacances ailleurs qu’avec eux.  

Petit septuagénaire à la vie bien rangée, il apprend que ses jours sont comptés. Il décide de retrouver les personnes envers lesquelles il a mal agit durant sa vie et leur demander pardon.  

Etudiante engoncée dans sa timidité, elle part effectuer un séjour linguistique d’un an en Angleterre. Outre le fait de perfectionner son anglais, elle espère que cette expérience l’aidera à gagner de l’assurance et de la confiance en elle.  
Il repense à son enfance. Sa famille n’était pas riche. Vers 10 ans, toute sa famille est partie en vacances. Ses parents avaient pu mettre de l’argent de côté. Les premières vacances qu’il passe loin de sa maison !  

Un vieux garçon à la vie monotone et sans histoire a pris le ministre des Finances en grippe. Ce dernier fait de trop nombreuses erreurs de syntaxe. Il trouve un moyen de faire entendre au ministre qu’il ne doit plus faire outrage à la langue française.   

C’est pourtant un comédien expérimenté. Il connaît pourtant son personnage sur le bout des doigts mais lors d’une représentation, une réplique lui échappe. Il butte dessus, incapable de poursuivre. Le premier soir, il ne s’en inquiète pas. Le second soir, il est interloqué. A partir du troisième… il sait que quelque chose d’anormal est en train de se passer et qu’il lui faut prendre le temps de comprendre de quoi il en retourne.  

Il a 12 ans lorsque son oncle rentre après un long séjour à l’étranger. Son oncle… cet éternel voyageur. Mais cette fois-ci, l’oncle adoré lui confie un secret qu’il a décidé de ne dévoiler que six mois plus tard au reste de la famille. Quelle fierté d’être dans la confidence !  

Elle attendait sa retraite d’enseignante de pied ferme. Une seconde vie qu’elle savait douce et désormais consacrée à partager de délicieux moments avec son époux, prendre soin d’elle et à procrastiner.  

Ce doit être la crise de la cinquantaine, quoiqu’un peu tardive, qui l’a conduit à s’essayer un jour à l’écriture. Féru de lecture, le voilà qui a décidé de passer de l’autre côté du miroir. Il goûte à ce plaisir nouveau qui l’amène, plusieurs mois après, à tenir en main son premier manuscrit.  

Les mots de Kikine

Ça faisait longtemps que j’attendais de faire une LC avec Mo’… Nos PAL ne sont pas hyper compatibles mais c’était sans compter la disponibilité de livres numériques à emprunter à la bibliothèque, en ce temps de confinement. 😉

Nous hésitions entre deux lectures et j’ai opté pour un livre de Jean-Claude Mourlevat car « Terrienne » était une lecture somme toute *légère* … Je pense que j’avais envie de quelque chose qui ne soit pas trop pesant… Mo’ qui, elle, lit les quatrièmes de couverture m’a averti que la lecture risquait de ne pas être joyeuse…

J’étais donc un tout mini peu préparée au fait que cela ne soit pas léger-léger mais je n’étais pas du tout préparée à la brutalité psychologique des chutes de chacune de ces dix nouvelles… Aïe !

La première m’a vraiment surprise. La deuxième encore plus, le troisième un peu moins (l’esprit est bien fait et une fois préparé, essaye de se protéger en anticipant…). Au fur et à mesure des lectures, nous continuons d’espérer que l’auteur épargne ses personnages … en fait, à force de me préparer psychologiquement, certaines histoires m’ont semblé presque « douces ». C’est dire… car dans la réalité, l’auteur joue avec nos émotions et ceux de ses personnages. Ce qu’il leur offre, c’est systématiquement, sans pitié, une très forte et cruelle ironie du sort.

De prime abord, je ne suis pas fan de nouvelles. Mais, je me suis complètement laissée emportée, regrettant, à chaque fois, de laisser si vite ce personnage esseulé et blessé pour replonger immédiatement dans l’histoire du prochain drame.

Les mots de Mo’

Joie de lire en si bonne compagnie !

Et puis tout, absolument tout commence absolument parfaitement dans ces courtes histoires. Des vies banales, routinières jusqu’à ce qu’une occasion – plus ou moins fortuite – se présente de prendre un chemin différent. Porteur, vivifiant, entrainant… chaque élan individuel est plein de promesses, de renouveau et d’optimisme… du moins au début…

Dix nouvelles dans lesquelles Jean-Claude Mourlevat nous campe un quotidien et le personnage qui l’habite. Dix fois nous nous surprendrons à espérer que la vie de ces individus prend un virage bénéfique et qu’une vie meilleure s’ouvre à eux. Dix fois, on tombe des nues lorsque la plume espiègle du romancier convoque habillement un événement inattendu qui conduit immanquablement à un retournement radical de la situation. Dix fois on voit nos espoirs s’écraser lamentablement par terre, sans possibilité aucune qu’ils ne se relèvent… et les personnages déconfits s’en retourner à leur petite vie étriquée avant de laisser la place à l’histoire suivante. Et libre à nous d’imaginer s’ils trouveront ou non la force de continuer à avancer malgré la fissure émotionnelle. La blessure narcissique que l’auteur leur inflige est cruelle, terriblement cruelle.

J’ai bien aimé ce roman. L’auteur a trempé sa plume dans une encre de cynisme qui provoque quelque chose de plutôt jubilatoire. Il parvient à faire croire que la vie peut donner sa rien attendre en retour… puis il nous mouche, il nous douche…. comme pour se moquer d’avoir cru en l’impossible… comme pour nous taquiner d’avoir été si naïf.

Mille mercis à Noukette pour cette jolie découverte de Nawel ❤ et sa chronique ici.

Silhouette (recueil)

Editeur : Gallimard Jeunesse / Collection : Pôle Fiction

Auteur : Jean-Claude MOURLEVAT

Dépôt légal : mars 2016 / 240 pages / 5,70 euros

ISBN : 9782070582600

Et je danse, aussi d’Anne-Laure Bondoux et de Jean-Claude Mourlevat

9782265098800

« La vie nous rattrape souvent au moment où l’on s’y attend le moins. Pour Pierre-Marie, romancier à succès (mais qui n’écrit plus), la surprise arrive par la poste, sous la forme d’un mystérieux paquet expédié par une lectrice. Mais pas n’importe quelle lectrice ! Adeline Parmelan, « grande, grosse, brune » , pourrait bien être son cauchemar… Au lieu de quoi, ils deviennent peu à peu indispensables l’un à l’autre. Jusqu’au moment où le paquet révélera son contenu, et ses secrets…

Ce livre va vous donner envie de chanter, d’écrire des mails à vos amis, de boire du schnaps et des tisanes, de faire le ménage dans votre vie, de pleurer, de rire, de croire aux fantômes, d’écouter le Jeu des Milles Euros, de courir après des poussins perdus, de pédaler en bord de mer ou de refaire votre terrasse. Ce livre va vous donner envie d’aimer. Et de danser, aussi! »

MaMag m’a dit « Si tu trouves quelques heures, lis-le, il fait un bien fou » … Oui, mais voilà, en plein tourbillon avant folle-rentrée, quelques heures semblent un luxe que je n’ai pas ! Et puis, ce dimanche soir, dans la pénombre de ma baignoire, sous l’orage qui éclate, le tonnerre qui gronde et la pluie enfin qui tombe, j’ai pénétré, à pas feutré, dans ce joli roman à deux voix (et écrit à quatre mains) et ne l’ai plus lâché ! Alors quand Stéphie a proposé une lecture commune (une 1ère fois, entre elle et moi, c’est pas rien, suis drôlement émue !), j’ai dit OUI OUI OUI 😉

Adeline Parmelan a 34 ans, une voix alto, grande, brune, avec des rondeurs et des blessures, fidèle lectrice de Pierre-Marie, fragile, décidée, drôle, très drôle, malgré sa solitude, sa vie au ralenti, sa vie en jachère…

Pierre-Marie Sotto a 60 ans, écrivain à succès, en panne d’inspiration, quatre (ex) femmes, six enfants, d’une finesse  d’esprit délicieuse, drôle, très drôle, malgré sa traversée du désert et l’envie d’écrire qui s’est enfuie….

Deux voix qui tour à tour s’élancent par le biais d’une délicieuse correspondance au petit gout d’antan.

J’ai été attendrie toute la nuit ! Émue par ce lien, cette amitié qui va se construire entre deux solitudes…. Happée par cette jolie histoire dotée d’un brin de mystère (dont je ne dirai rien héhé !), suffisamment pour vous faire tenir en haleine tout au long de ce roman épistolaire !

Extrait

« De : Pierre-Marie

A : Adeline                                                                                                               Le 25 Mars 2013

Chère Adeline, 

Je suis de retour à la maison après quelques journées pleines de confusion. Je n’ai pas pu vous écrire et ça m’a manqué. Vous m’avez manqué. Vous m’avez manqué plus que de raison. Je veux dire : il n’y a aucune raison raisonnable pour que vous m’ayez autant manqué. Mais c’est un fait : vous m’avez manqué. […]

De : Adeline

A : Pierre-Marie                                                                                                      Le 25 Mars 2013

Pierre-Marie, enfin ! Je commençais à me faire un sang d’encre à propos de mon écrivain préféré, j’ai même envisagé d’appeler les hôpitaux de toute la région drômoise ! […]

Je vous embrasse, cher ami

PS : Je suis très contente de vous avoir si déraisonnablement manqué. »

Une histoire lumineuse et tendre, simple et pétillante, remplie de dérision, d’humour, d’amour, d’une infinie bienveillance, de sourires, de petits et grands malheurs et de jolis bonheurs qui remplissent le quotidien ! Un livre vivant, réjouissant, humain, délicieux comme du bon pain…. Un roman étonnant, un brin désuet, qui fait un bien fou ! Une lecture à s’offrir et à offrir, encore et encore … Que je suis ravie de partager avec Stéphie 😉

Et je danse, aussi d’Anne-Laure Bondoux et Jean-Claude Mourlevat, Fleuve éditions, 2015, 18,90€

Les avis de Laurie  et de Noukette

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