Chroniks Express 37

Bande dessinée : Un Père vertueux (L. Debeurme ; Ed. Cornélius, 2015).

Romans : L’Orangeraie (L. Tremblay ; Ed. Folio, 2016), L’amie prodigieuse, tome 4 : L’enfant perdue (E. Ferrante ; Ed. Gallimard, 2018), Trois Saisons d’orage (C. Coulon ; Ed. Viviane Hamy, 2017), Soyez imprudents les enfants (V. Ovaldé ; Ed. Flammarion, 2016), Mon Traître (S. Chalandon ; Ed. Le Livre de poche, 2009), Retour à Killybegs (S. Chalandon ; Ed. Le Livre de poche, 2016), Quand sort la recluse (F. Vargas ; Ed. Flammarion, 2017).

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Bande dessinée

 

Debeurme © Cornélius – 2015

Trois garçons et leur père s’installent dans un nouveau pays. L’un d’eux, Horn, cache une pilosité excessive sous un ample sweat à capuche. Honteux, il préfère fuir l’école plutôt que d’affronter les moqueries de ses camarades. L’autre, Twombly, réalise d’horrible petites sculptures dans des morceaux de bois. Le dernier est surnommé « Bird » depuis qu’il a recueilli un oiseau blessé.

La vie suit drôlement son cours. Le père, un dangereux criminel, décide un jour d’aller chercher la mère de ses fils. Avant de partir, aucunes embrassades, aucun encouragement. Des injonctions.

Je m’absente quelques temps. Je vais retourner chez nous chercher votre mère. Je vous laisse la maison… S’il arrive le moindre problème, ici ou à l’école… A mon retour, je vous égorge.

Ce père autoritaire, les trois garçons en ont peur. Un père froid, dur. Un père qui impose une discipline militaire, incapable de donner de l’amour. Un père qui punit de façon excessive. Un père à faire peur, surtout quand il a bu… mieux vaut ne pas le contrarier. Un père à faire peur… ça donne des petits soldats qui filent droit.

On se place dans cette famille étrange que Ludovic Debeurme dessine au crayon de couleurs. Toutes les couleurs de l’arc-en-ciel sont là pour nous raconter les horreurs de cette vie-là. Un album qui vient prolonger « Les Trois Fils » que l’auteur avait réalisé deux ans plus tôt. C’est cruel, c’est injuste mais quelques passages proposent des scènes d’une beauté pure. C’est magique et épouvantable… ça ma gênée et à certains instants je n’ai pas su quoi faire de ce qui était dit ou ce qui était fait par les personnages (le père surtout).

Vraiment bizarre. Il y a comme une curiosité malsaine qui m’a poussée à continuer ma lecture, comme pour voir jusqu’où l’auteur était capable d’aller dans la cruauté absurde qu’il décrit. Je préfère, et de loin, ce qu’il avait réalisé sur « Lucille » et « Renée » …

 

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Romans

 

Tremblay © Folio – 2016

Des jumeaux âgés de 9 ans. Aziz et Amed sont inséparables. Ils vivent dans un pays en guerre. Le fragile équilibre de leurs vies étaient préservés jusqu’à ce qu’une bombe tombe sur la maison de leurs grands-parents. Dès lors c’est à Zahed, leur père, qu’il revient de s’occuper de l’orangeraie exploitée jusque-là par le grand-père. Zahed s’affaire plus que de coutume puisque c’est à lui de nettoyer les décombres et de donner une dépouille décente aux deux corps et Tamara, leur mère, continue à veiller comme une louve sur ses fils.

Mais un beau jour, Soulayed fait son apparition dans l’orangeraie. Peu de temps après, Zahed explique aux jumeaux qu’il doit faire un choix : celui des deux qu’il désignera ira avec Soulayed et partira en martyr.

Un texte court, un texte fort, un texte plein d’émotion.
En son cœur, un amour fraternel plus fort que tout, un respect des traditions et un sens du devoir hors normes.
Et le regard de deux enfants sur les événements, deux enfants à qui l’on demande de grandir vite, bien trop vite.

Pour nous occidentaux, c’est aussi le récit de l’inconcevable, de l’incompréhensible. Le tiraillement d’un père qui doit choisir entre ses deux garçons. La souffrance d’une mère qui, docile, ne cherche même pas à convaincre son époux qu’il n’a pas à faire ce choix absurde. Un texte qu’on lit d’une traite, presque en apnée.

 

Coulon © Viviane Hamy – 2017

André, Benedict, Bérangère.

Trois générations, trois existences liées les unes dans les autres. Trois membres d’une même famille. Le grand-père, le père et la fille. Une famille pas comme les autres aux Fontaines, ce petit village qui s’est étalé, reliant presque le cœur du village, son clocher, son Café… aux carrières qui se situent en périphéries. Les décennies ont appris aux paysans natifs de ce coin de terre isolé, appelé Les Trois Gueules, à accepter ces « fourmis blanches » venues travailler dans les carrières où l’on extrait la roche du ventre de la terre pour la vendre aux entreprises. La roche et les produits agricoles sont désormais le fonds de commerce des Fontaines, à parts égales. André est venu de la ville il y a 50 ans pour s’installer aux Fontaines. Il fut le premier médecin à accepter de vivre là. Benedict, son fils, a pris sa relève. Bérangère quant à elle est encore trop jeune pour oser affirmer ce qu’elle fera de sa vie.

Je suis un peu entrée sur la pointe des pieds dans ce roman, encore troublée par mes précédentes plongées dans les romans de Cécile Coulon (Le Roi n’a pas sommeil, Le Rire du grand blessé, Le Cœur du Pélican). Et puis, il me semble que ce récit prend davantage le temps de nous décrire l’environnement (les paysages autour du village et de ses alentours) et l’ambiance des lieux grandement influencée par les superstitions véhiculées de générations en générations… C’est dans un deuxième temps que l’on va à la rencontre des personnages. Très vite, on apprend à vivre avec eux, on découvre leurs habitudes et leurs ambitions. André, le patriarche, gardera une part de mystère ; l’auteure ne prend effectivement pas le temps de remonter dans son enfance, nous n’aurons donc que les grandes lignes de ce qu’il a vécu avant. En revanche, nous verrons naître Benedict puis Bérangère. Si jamais on ne s’attarde sur un personnage – Cécile Coulon ayant préférer donner la parole à tour de rôle aux cinq personnages principaux, on n’en connaît pourtant suffisamment sur chacun d’entre eux pour naviguer de façon fluide entre chacun d’entre eux. Très vite, j’ai appréhendé un drame ; la douceur et la quiétude du récit est presque parvenu à me faire oublier cette éventualité… du moins pendant un temps.

Une fois à la moitié de l’ouvrage, Cécile Coulon serre davantage l’étau narratif. On sait que cette éventualité va devenir effective. J’ai tendu le dos et continué à profiter de ma lecture. J’ai cherché à anticiper, j’ai même dessiné les contours de cette fatalité mais je me suis évidemment laissée cueillir par les mots.

 

Ferrante © Gallimard – 2018

Dernier volet de la saga « L’Amie prodigieuse » . Après l’enfance (tome 1), la fin de l’adolescence et l’entrée dans la vie active (tome 2), l’âge adulte et la vie de famille (tome 3)… place désormais à la fin du récit : celui de la maturité, de l’épanouissement professionnel.

Pendant plusieurs années, Elena avait attaché une attention particulière au fait de garder de la distance entre elle et Naples, sa ville natale. Elle avait aussi veillé à extraite Lina de sa vie, consciente de l’influence que son amie d’enfance avait sur elle, une influence qui lui avait été nocive à plusieurs reprises. Désormais, Elena est une femme épanouie. La réussite professionnelle lui sourit et elle s’épanouit enfin dans son couple. Mais tout cela ne doit-il durer qu’un temps ?

J’étais impatiente de lire ce dernier tome de cette saga qui avait pris une tournure (et un rythme) inespérée dans la dernière ligne droite du tome 3.

On repart ici avec pas mal d’entrain, on repart de plus belle dans cette amitié ambiguë entre les deux amies d’enfance et on essuie un peu plus facilement les contradictions de l’héroïne.

Ravie de connaître le dénouement de cette saga, j’ai pourtant ressenti de la lassitude à la moitié de l’ouvrage car le rythme est mou, trop mou. Sur la fin en revanche, je me suis ennuyée – mais réellement ! , j’ai sauté certains passages (notamment ceux qui sont consacrés à Naples… j’avais envie d’une fin qui se tient et non de passages pour noircir les pages avec un exposé historique des différents bâtiments napolitains).
Dans les tomes précédents, j’avais relevé quelques longueurs. Dans ce tome, les cinquante dernières pages sont… inutiles.

La fiche de l’ouvrage sur le site de l’éditeur.

 

Ovaldé © Flammarion – 2016

Espagne. Anastasia est née en 1970. Nous faisons sa connaissance lorsqu’elle a 13 ans. La narratrice nous fait la grâce de nous épargner les détails de ses premières années de vie ; elle les résume en quelques anecdotes.

Anastasia est née en Espagne d’une famille espagnole. La guerre civile est passée par là et comme dans toutes les familles espagnoles, on en voit encore les stigmates. Les jeunes générations portent le poids de cette guerre fratricide sans avoir vécu cette déchirure. A 13 ans, lors d’une sortie scolaire, Anastasia découvre les œuvres du peintre Roberto Diaz Uribe. Elle va se passionner pour son art. Cela va même devenir une obsession.

Jusqu’à 18 ans, Anastasia s’ennuie. Comme pour tous les adolescents, le temps s’étire de façon déprimante. Puis à 18 ans, elle quitte le foyer familial et part faire ses études à Paris.

Je ne compte plus le nombres d’avis positifs que j’ai lu et entendu sur ce roman. Je ne compte plus. A chaque avis, mon envie d’engouffrer ce roman grandissait. Puis je l’ai reçu en cadeau et j’ai laissé décanter un peu… Pendant les cent premières pages, la lecture fut des plus ennuyeuses. Tellement ennuyeuse que l’ouvrage a bien failli me tomber des mains. A peine plus d’une demi-douzaine de pages par jour… cette lecture a eu, au début, un effet hautement soporifique sur ma petite personne. Puis Anastasia a grandi et Véronique Ovaldé a lentement élargi les centres d’intérêt de sa narratrice, la rendant plus consistante, plus pertinente… plus intéressante. Quand bien même, ce roman m’a laissé sur ma faim.

 

Chalandon © Le Livre de Poche – 2009

Antoine, luthier à Paris, rencontre un client qui lui parle de James Connolly, activiste irlandais. Les paroles de cet inconnu de passage dans son atelier lui redonnent peu à peu l’envie de retourner en Irlande, pays qu’il connait peu.

En mai 1975, Antoine décide de se faire un court séjour en Irlande à l’occasion de ses 30 ans. C’est à ce moment qu’il rencontre Jim O’Leary et Cathy, son épouse. La rencontre entre le français et le couple est immédiate. Ils s’échangent leurs coordonnées. Antoine reviendra les voir, c’est certain. Au fil des années, Antoine s’organise pour leur rendre visite. A chacune de ses venues, il est accueilli comme un frère, un ami de toujours. Il a sa chambre qui l’attend, ses repères.

En 1997, lors d’une soirée arrosée dans un pub, il croise pour la première fois Tyrone Meehan, celui qu’il nomme son traitre. Entre eux, une forte amitié va se construite au fil des années. Antoine a déjà compris que Jim était un militant actif de l’IRA mais Tyrone est un de ses combattants les plus actifs. Tyrone est respecté, admiré. Les séjours d’Antoine sur le sol irlandais sont de plus en plus fréquents, il aimerait lui aussi aider la cause, participer au combat mené en vue de l’indépendance. Les années filent, Jim meure, emporté par une bombe qu’il avait mal réglée. Les allers-retours de Tyrone en prison, les coups durs que l’IRA doit encaisser, tout cela Antoine le vit, il accuse les coups en témoin discret. 2006 sera l’année des désillusions… tous apprennent que Tyrone est un traître, qu’il a vendu des informations aux Anglais.

Avant de devenir écrivain, Sorj Chalandon était journaliste. A ce titre, il a notamment effectué des reportages en Irlande du Nord et y a rencontré Denis Donaldson. De cette rencontre naît une amitié ; l’auteur s’en est inspirée pour écrire « Mon traitre » . Sorj-journaliste y devient Antoine-luthier et Denis Donaldson se glisse sous les traits de Tyrone Meehan.

« Mon traître » est le récit d’une lutte, celle d’un peuple qui aspire à vivre en paix, libre. C’est aussi le récit d’une amitié et d’une trahison, d’une incompréhension. C’est enfin la recherche la quête identitaire d’Antoine qui apprend à se connaître au travers du regard que Tyrone pose sur lui.

C’est l’adaptation de ce roman par Pierre Alary qui m’a invitée à découvrir le texte originel. Premier roman que je lis (enfin !) de cet auteur. Une claque !

 

Chalandon © Le Livre de Poche – 2016

Retour sur les événements abordés dans « Mon Traître » mais cette fois, ils sont abordés du point de vue de Tyrone Meehan. Ecrit trois ans après « Mon Traître » , « Retour à Killybegs » narre le parcours de Tyrone, de sa plus tendre enfance à sa mort, aborde son recrutement par l’IRA et les événements qui ont conduit à ce qu’il devienne, dans les années 70, l’un des commandants de la branche armée de l’IRA.

L’occasion de découvrir les raisons qui ont motivé Tyrone à accepter de collaborer avec les anglais, la manière dont il a tenté de sortir ses épingles du jeu. Si vous ne l’avez pas encore fait et que vous avez lu « Mon Traître » , voici une nouvelle fois un roman que je vous recommande vivement.

 

Vargas © Flammarion – 2017

Appelé en urgence pour boucler une enquête, le Commissaire Jean-Baptiste Adamsberg doit quitter l’Islande, pays qu’il a découvert lors de sa précédente enquête. En quelques jours, il parvient à mettre en avant les éléments clés qui conduisent à faire passer aux aveux l’un des principaux suspects. Sitôt l’affaire bouclée, son instinct attire son attention sur la mort soudaine de deux « vieux » à la suite de piqûres de recluses (des araignées habituellement très discrètes et qui ne s’attaquent que rarement à l’homme). Il se met à enquêter en solo avant de s’en ouvrir à une poignée de ses lieutenants. Voisenet, Froissy, Veyrenc puis Retancourt seront les premiers à lui prêter main forte sur cette enquête non officielle qui sème le trouble dans la Brigade et fait peser sur l’ensemble du groupe les désaccords de plus en plus tendus entre le Commissaire et Danglard, son bras droit.

J’ai toujours autant de plaisir à retrouver le personnage d’Adamsberg. Sa personnalité, son état d’esprit… tout jusqu’à sa manière lente et nonchalante de se déplacer, ses « bulles de pensées » et sa nécessité d’aller marcher pour « brasser des nuages » . L’écriture de Fred Vargas coule quand je la lis, elle coule comme quelque chose de très naturel. Habituellement, les enquêtes d’Adamsberg me surprennent car je ne vois jamais venir qui est l’assassin. « Quand sort la recluse » est l’exception à la règle, à ma grande surprise. Très tôt dans la lecture, mes suspicions se sont portées sur un personnage qui s’est effectivement avéré être l’auteur des crimes. C’est un peu déstabilisant, cela m’a donné l’impression de quelques longueurs dans le texte pour autant, ce roman policier n’est pas à une exception près car c’est aussi la première fois où l’émotion m’a saisie dans les dernières pages, lorsque Adamsberg confond l’assassin dans un tête à tête. Le Commissaire s’était attaché… moi aussi.

Pas le meilleur ouvrage dans la série « Adamsberg » mais un de ceux dont je me rappellerais certainement avec beaucoup de précision

Chroniks Expresss #33

Bandes dessinées : Cette ville te tuera (Y. Tatsumi ; Ed. Cornélius, 2015), Les Mutants, un peuple d’incompris (P. Aubry ; Ed. Les Arènes – XXI, 2016), Miss Peregrine et les enfants particuliers, volume 2 (R. Riggs & C. Jean ; Ed. Bayard, 2017).

Jeunesse : Trois aventures de Léo Cassebonbons (F. Duprat ; Ed. La Boîte à bulles, 2017).

Romans : Les Echoués (P. Manoukian ; Ed. Points, 2017), Rien ne s’oppose à la nuit (D. De Vigan ; Ed. Le Livre de Poche, 2013), Women (C. Bukowski ; Ed. Grasset, 1981), Temps glaciaires (F. Vargas ; Ed. Flammarion, 2015), Les Jours de mon abandon (E. Ferrante ; Ed. Gallimard-Folio, 2016).

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Bandes dessinées

 

Tatsumi © Cornélius – 2015

Tokyo. Plongée au cœur d’une société en plein mal-être.

Stéphane Beaujean a réalisé une très belle préface qui explique à la fois le contexte social de l’époque et réalise une fine analyse de la démarche de l’auteur. « Dans les nouvelles qui suivent, Yoshihiro Tatsumi s’attarde plus précisément sur les relations entre hommes et femmes. Il témoigne de la mort du désir sexuel, de son dévoiement par le capitalisme et la modernité dans une civilisation en proie à une urbanisation étouffante ».

Cet album est le premier volume de l’anthologie des œuvres du Yoshihiro Tatsumi (« Une vie dans les marges »), il contient 23 nouvelles crées dans les années 1960 et 1970. Les histoires sont dures, brutales mais comme elles sont toutes assez courtes, le lecteur n’a pas le temps de s’apitoyer réellement sur un personnage. On traverse une succession d’avortements, de fœtus dans les égouts, de suicides, d’adultères. On voit des individus qui s’abrutissent au travail pour ne pas penser. Une ville inhospitalière. Des hommes désabusés, des femmes aigries et autoritaires et entre les deux, la communication est souvent en panne. Une sexualité à la fois contrariée, étouffée et pour d’autres, totalement débridée et pulsionnelle. C’est à la fois malsain et totalement affligeant, au point qu’on plaint ces gens en souffrance.

On sort un peu sonné de la lecture de ce gekiga mais tout de même, n’hésitez pas à le lire si vous en avez l’occasion.

A lire aussi : la présentation de l’album sur le blog de l’éditeur.

 

Aubry © Les Arènes-XXI – 2016

Service de pédopsychiatrie de l’Hôpital Sainte Barbe à Paris. Le pavillon Charcot accueille des adolescents âgés de 12 à 14 ans. Crises d’angoisse, tentatives de suicide, décompensation, overdose… les motifs d’hospitalisations sont multiples mais ils ont tous un point commun : leurs parents sont totalement dépassés par la « crise d’adolescence » et incapables d’aider leurs enfants à y faire face. Psychiatre, éducateurs spécialisés, infirmiers… assurent la prise en charge durant des séjours qui durent de quelques jours à plusieurs mois.

Pauline Aubry quant à elle est graphiste ; elle a repris par la suite ses études au CESAN, une école de BD. En 2013, elle sollicite son amie Camille, pédopsychiatre à Sainte-Barbe, pour savoir s’il est possible de faire un reportage BD sur le service. La réponse est positive mais en échange, il lui est demandé d’animer un atelier BD à destination des jeunes patients du service.

Un album à mi-chemin entre l’autobiographie et le reportage, entre la découverte des problématiques propres à l’adolescence et la démarche cathartique. Car pour adapter son atelier au public qu’elle va côtoyer, Pauline Aubry se remémore sa propre adolescence (état d’esprit, relations familiales, hobbies…). Elle va animer au total 8 séances d’atelier (de novembre 2013 à mars 2014). L’album est ponctué par ces repères chronologiques. Pour le reste, l’auteure relate l’ambiance de chaque séance d’atelier, et montre comment le service de pédopsychiatrie s’organise (profil des ados, travail d’équipe, méthodes de travail, liens avec les familles…). Entre les séquences de reportages, l’auteure fait remonter les souvenirs et décortiquent les informations qu’elle a reçues en faisant le parallèle avec sa propre adolescence.

Pour être honnête, cette BD est parfaite pour se sensibiliser sur la prise en charge des adolescents fragiles (manifestant des troubles du comportement, ayant des conduites addictives et/ou qui se mettent en danger). Je vois bien ce medium être utilisé dans des groupes de parole d’adolescents. Par contre, pour les personnes qui connaissent déjà ces services hospitaliers en pédopsychiatrie, ça fait vraiment redite. Globalement, je baigne un peu trop dans ce milieu professionnel. Je suis au contact quotidien avec la clinique, les thérapeutes, les éducateurs, les publics… en permanence en train d’écouter des gens parler de leurs vies, de leurs échecs, de leurs angoisses… Bref, un livre pour réviser les bases…

Vu aussi chez : Sabariscon, Joëlle, Tamara.

 

Riggs – Jean © Bayard – 2017

Les enfants particuliers recueillis par Miss Peregrine sont en cavale. Ils fuient les Sépulcreux et les Estres qui tentent de les capturer afin de pouvoir pratiquer d’obscures et de traumatisantes expériences en laboratoire. Dotés de pouvoirs surnaturels, les Enfants Particuliers vivaient jusqu’à présent – pour les plus chanceux d’entre eux – sous la protection d’ombrunes bienveillantes, sortes de nurses qui leur assurait le gîte et le couvert mais aussi la possibilité de mieux connaître les pouvoirs de chacun et … d’accepter d’être différents des autres enfants.

Mais l’avenir des Particuliers et compromis. Miss Peregrine ayant été blessée lors du dernier affrontement avec les Estres, les Particuliers qu’elle avait pris sous son aile décident d’aller demander de l’aide à d’autres ombrunes afin que Peregrine soit sauvée. Ils prennent la direction de Londres avec toute l’appréhension de se jeter délibérément dans les griffes de leurs adversaires. Pire encore, Londres est plongée dans les affres de la Seconde Guerre Mondiale.

C’est suite à la sortie de l’adaptation cinématographie de « Miss Peregrine… » que nous avions découvert, mon fils et moi, cet univers fantastique. Sitôt sorti de la salle de cinéma, nous avons voulu découvrir l’adaptation BD de la série (avant de lire éventuellement les romans originels). Profitant de la réédition du premier volume (Editions Bayard – Collection BD Kids), nous avons pu découvrir des détails et des interprétations qui étaient différentes de la vision de Tim Burton voire qui étaient totalement absente du film.

Les personnages sont intéressants, élaborés et cohérents. L’univers fascine, les motivations questionnent et les desseins des « méchants » n’est pas sans rappeler les agissements des nazis (d’ailleurs certains ont brodé sur leur uniforme une croix gammée).

Une série agréable à lire et qui sait capter notre intérêt. Loin d’être un récit incontournable ou un coup de cœur, les albums permettent de passer un bon moment de lecture et j’ai très envie de découvrir le troisième et dernier tome de cette histoire.

 

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Jeunesse

 

Duprat © La Boîte à bulles – 2017

Léo Cassebonbons est un petit garçon comme les autres : espiègle à souhait, naïf et spontané, il est dans cet âge où chaque chose se questionne et à chaque question sa réponse. Souvent, les conclusions auxquelles il aboutit sont sans concession pour les adultes qui l’entoure.

Cet ouvrage est une intégrale de trois albums de « Léo Cassebonbons » précédemment édités aux Editions Petit à Petit : « Chou blanc pour les roses », « Demandez la permission aux enfants » et « Mon trésor ».

Le premier tome regroupe des petits gags de quelques pages. Anecdotes du quotidien, à l’école ou en famille. Les scénettes sont de qualité inégale et rares ont été celles qui m’ont arraché un sourire.

Le second emmène la famille en vacances et c’est, pour le lecteur, l’occasion de découvrir davantage les proches de Leo, à commencer par sa tante et sa cousine. Délaissant l’historiette pour proposer une histoire complète, François Duprat s’amuse à rebondir de personnage en personnage. J’ai préféré cette seconde partie à la première, l’humour fonctionne mieux et rare sont les épisodes où il retombe comme un soufflet.

Le dernier tome de cette intégrale est aussi le cinquième et dernier tome de la série (publié en 2006). Après, est-ce que l’arrivée de la série à La Boîte à bulles va donner lieu à de nouveaux albums (on l’a déjà vu pour « L’Ours Barnabé ») ?? Quoiqu’il en soit, cette troisième partie est pleine de tendresse et propose des situations réalistes. La majeure partie de l’histoire se passe à l’école et le scénario propose de réfléchir aux relations entre des filles et des garçons âgés d’environ 8 ans et aux rapports de force qui peuvent se tisser entre eux. La question de l’amitié est au cœur du récit et notamment celle qui concerne les enfants de sexes différents. Pas évident à cet âge !

J’ai bien failli ne pas parvenir au bout du premier tiers de l’album. Et puis finalement le personnage principal est un petit bonhomme bien sympathique. Pour autant, la série n’a jamais fait de vagues et je ne pense pas qu’elle me laissera un souvenir ému.

 

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Romans

 

Manoukian © Points – 2017

On est en 1991. Virgil est moldave, Assan et Iman – le père et la fille – sont somaliens, Chanchal est bengladais… tous sont des immigrés. Tous ont traversés des épreuves pour échouer en France, dans l’espoir d’une vie meilleure. Tous ont fui la misère, la guerre, la peur, les ruines, leurs morts, la famine… pour venir respirer l’air d’un eldorado européen. Mais arrivés à destination, ce sont d’autres épreuves qui les attendent. Les squats, la faim, les coups, les humiliations… pas tout à fait les mêmes que les maux de leurs pays mais au fond, pas si différentes. Et puis les hasards de la vie ont fait qu’ils se sont rencontrés, qu’ils se sont entraidés. Entre eux, des liens d’amitié forts se sont tissés. Envers et contre tous, unis, ils ont tenté de poursuivre leur chemin. A plusieurs, on a moins peur que tout seul. Ensembles, on retrouve une dignité, une identité, une raison de vivre.

Pascal Manoukian est journaliste grand reporter. Pendant 20 ans, il a couvert les conflits qui embrasaient la planète. Puis, non content de témoigner dans les médias, il publie « Le Diable au creux de la main » en 2013 avant de livrer « Les Echoués » son premier roman paru initialement en 2016 aux Editions Don Quichotte.

Un livre dur, sans concessions, qui témoigne en premier lieu de la violence de ces trajets de la peur qui transporte des hommes comme on transporte du bétail. Enfermés dans une cale, entassé dans une benne, recroquevillés dans une cabine… entassé par dizaines parfois par centaines, ils traversent des pays et des mers au risque de leur vie. Les coups pleuvent, les réprimandes, la soif, la faim et la peur alourdissent leurs maigres bagages. Un traumatisme.

Arrivés en France, le calvaire continue. Contraints à supporter la clandestinité, ils dorment dans des conditions effrayantes ; vieilles usines désaffectées où grouillent les rats, caravanes remplies d’odeurs de pisse et de détritus, trous creusés à même la terre et j’en passe. Alignés comme des sardines à l’aube, regroupés par nationalités, droits comme des « i », ils attendent dès l’aube le passage d’un employeur qui – ils le savent – va les payer au lance-pierre. Mais même sous exploités, c’est mieux que les conditions de vie dans lesquelles ils vivaient avant de faire le voyage. « C’est comme ça ici, les pauvres s’en prennent aux pauvres ».

Un roman coup de poing, superbe. Des notes d’espoir et des plongées dans l’enfer nous font faire les montagnes russes. Un cri révoltant qui donne l’impulsion pour se mobiliser et tendre la main à ces exilés. Mais par où commencer ?

Extraits :

« Avant, en Moldavie, il adorait les chiens et détestait les mulots. Mais, depuis son arrivée en France, beaucoup de choses s’étaient inversées. Ici, il construisait des maisons et habitait dehors. Se cassait le dos pour nourrir ses enfants sans pouvoir les serrer contre lui et se privait de médicaments pour offrir des parfums à une femme dont il avait oublié jusqu’à l’odeur » (Les Echoués).

« Depuis son arrivée en France, personne ne l’appelait plus jamais par son prénom, et il n’aurait jamais imaginé qu’avec le temps il puisse lui-même l’oublier. C’est ça aussi, l’exil, quelques lettres choisies avec amour pour vous accompagner tout au long d’une vie et qui brusquement s’effacent jusqu’à ne plus exister pour personne » (Les Echoués).

« Aujourd’hui, le premier analphabète venu prenait une arme et parlait au nom d’Allah. Ça donnait à l’islam une bien mauvaise haleine » (Les Echoués).

 

De Vigan © Le Livre de Poche – 2013

Fin janvier, Delphine De Vigan découvre le corps de sa mère. Un suicide. Sa mère avait 61 ans.

L’auteure décide alors de raconter sa mère. Un roman cathartique pour comprendre, s’approprier les choses, intégrer sa mort, donner du sens à sa douleur.

Ainsi, elle revient sur l’enfance de Lucile, sur ses 8 frères et sœurs et ses parents, George et Liane. Très tôt, Lucile se démarque par sa beauté tout d’abord. Liane lui fera d’ailleurs faire de nombreuses séances de photos ; enfant, Lucile deviendra l’égérie de plusieurs marques, son visage apparaît sur les grandes affiches dans les couloirs du métro, dans les rues de Paris… la ville où elle a grandi. Lucile se fera aussi remarquer pour son côté sombre et mystérieux. Très tôt, elle s’est repliée dans son silence, préférant observer les autres que de participer à leur conversation. Elle échappe aux autres, secrète. Elle se soustrait au tumulte de la vie familiale. A l’adolescence, déjà habituée depuis longtemps à l’effervescence de la vie, aux amis qui passent, aux cousins qui partagent leur vie de famille le temps d’un été, Lucile se désintéresse de sa scolarité, fume ses premières cigarettes, vit ses premières relations amoureuses. Elle tombe enceinte à 18 ans ; pour ses parents et ceux du père de son enfant, l’avortement est inenvisageable. Leur mariage est organisé. Lucile se réjouit d’être la première de la fratrie à quitter le cocon familial, elle se réjouit de pouvoir enfin créer son cocon à elle, elle s’éloigne de cette famille et de ses drames familiaux déjà si nombreux, si douloureux, si lourds à porter.

Huit ans après, elle quitte son mari et refait sa vie. Peu de temps après, les premières crises surviennent. Une alternance entre des phases maniaques et de profondes périodes de déprime. Il faudra près de 10 ans pour qu’elle reprenne le contrôle de sa vie. Entre temps, plusieurs séjours en psychiatrie, des tentatives de thérapie inefficaces, une camisole chimique qui la tasse avant qu’elle ne rencontre un médecin psychiatre en qui elle a confiance. Mais pendant ces 10 années, elle s’est laissée submergée, ballotée entre hystérie et aboulie, incapable de s’occuper d’elle et de ses deux filles. En racontant sa Lucile, Delphine De Vigan s’approprie à la fois l’histoire de sa famille, celle plus personnelle de sa mère et la sienne.

Delphine De Vigan enquête sur sa mère, sur la vie qu’elle a menée. Pendant longtemps, du fait qu’elle a grandi dans une grande fratrie puis, par la suite, du fait de ses choix de vie, sa mère a vécu entourée… en communauté. Jusqu’à ce que la maladie prenne le dessus. Delphine De Vigan plonge dans les écrits que sa mère a laissés mais elle replonge aussi dans ses propres journaux intimes qu’elle a tenu pendant toute son adolescence. Elle est allée questionner ses oncles et tantes, son père, ses grands-parents, les amis de sa mère, sa sœur, ses cousins… Elle croise tous ces témoignages et tente de rassembler les pièces du puzzle pour comprendre les raisons qui ont amené sa mère à se réfugier dans la maladie et l’incapacité de cette dernière à prendre le dessus.

Parentalisée très jeune, abusée, noyée dans la masse de la fratrie, séduite par l’alcool et la drogue… autant de morceaux d’une vie cassée. Jusqu’à la chute, la folie, la bipolarité, les lubies et les phobies. Une mère dépassée, déboussolée mais surtout une femme qui a vécu toute sa vie sur un fil, en proie au moindre coup de vent qui provoquera la rechute.

Un livre où l’intime est dévoilé, où la douleur tisse un fil rouge qui relie chaque période de la vie. Un livre écrit avec une chanson d’Higelin en tête et qui lui vaudra finalement son titre… rien ne s’oppose à la nuit… un livre pour pardonner, écrire pour s’approprier le deuil. Entre le passé de sa mère et sa propre histoire, Delphine de Vigan parle aussi de son rapport à l’écriture.

Magnifique. La suite (« D’après une histoire vraie« ) m’attend.

 

Bukowski © Grasset – 1981

Charles Bukowski a écrit « Women » à la fin des années 1970. Au rythme d’un roman par an (parfois deux), il se penche une nouvelle fois sur son rapport à l’écriture, son gout prononcé pour l’alcool, les femmes, la débauche… Son aversion pour les autres, les conventions, …

Il se met en abîme, se montre sous son meilleur jour par l’intermédiaire de son double de papier, le taciturne Henry Chinaski.

« Chinaski ne quitte son lit que pour faire une lecture de poésie – d’où il revient généralement avec un chèque (pour le loyer, l’alcool, le téléphone) et une femme (pour le lit) » (…). Ici, profitant honteusement de sa notoriété, de son charme et de sa grosse bedaine blanche de buveur de bière, Chinaski/Bukowski fait des ravages dans les rangs du sexe opposé. Ici, aussi, les femmes font craquer Bukowski » (extrait quatrième de couverture).

Quelques longueurs pour moi où l’on retrouve les thèmes de prédilection de l’auteur : l’alcool, sa relation chaotique aux femmes, les jeux (paris sur les courses hippiques), l’écriture de ses textes, les séances de lecture de ses poèmes dans des lieux publics. J’ai eu beaucoup de mal à terminer ce recueil.

 

Vargas © Flammarion – 2015

Le Commissaire Jean-Baptiste Adamsberg est appelé par un de ses confrères pour venir observer l’appartement d’une vieille dame qui se serait suicidée. L’activité de la brigade des homicides étant calme, Adamsberg demande à Danglard, son lieutenant, de l’accompagner. Le corps de la morte git dans la baignoire et l’absence de lettre d’adieu interroge les enquêteurs tout autant que l’étrange inscription qu’elle aurait dessinée sur le meuble de la salle-de-bain. Arrivés sur place, Adamsberg et Danglard observent, supposent et ouvrent déjà de nouvelles hypothèses.

Quelques jours plus tard, dans l’appartement d’un autre suicidé, Adamsberg et Danglard retrouvent le même signe inscrit à la hâte sur une plinthe de son salon. Peu à peu, des similitudes apparaissent entre ces deux enquêtes, des nouveaux cas de suicidés et d’autres dossiers plus anciens. Elles vont conduire Adamsberg et son co-équipier sur les bancs d’une association qui fait revivre Robespierre et les événements de la Révolution française ainsi qu’un mystérieux voyage en Islande, une expédition vieille de plusieurs décennies.

Pour cette huitième enquête du Commissaire Adamsberg (les sept précédentes sont également sur le blog), Fred Vargas reprend les mêmes ingrédients, les mêmes personnalités qu’elle continue de développer, le même goût prononcé pour le suspense, le même humour qui permet de décaler les tensions en douceur. Ma fascination et ma sympathie pour le personnage principal est bel et bien là et j’ai un réel plaisir à lire chaque nouvel opus de l’univers Adamsberg. J’ai beau être maintenant familiarisée avec l’écriture de Fred Vargas, je me laisse à chaque fois surprendre par les rebondissements narratifs et je suis toujours étonnée au moment du dénouement.

Cette année, le neuvième roman de cette saga est sorti. Intitulé « Quand sort la recluse », il est d’ores et déjà dans ma PAL et fera sans aucun doute partie de mes lectures de l’été prochain.

 

Ferrante © Gallimard – 2016

« Olga, trente-huit ans, un mari, deux enfants. Un bel appartement à Turin, une vie faite de certitudes conjugales et de petits rituels. Quinze ans de mariage. Un après-midi d’avril, une phrase met en pièces son existence. L’homme avec qui elle voulait vieillir est devenu l’homme qui ne veut plus d’elle. Le roman d’Elena Ferrante nous embarque pour un voyage aux frontières de la folie » (synopsis éditeur).

Olga m’a fait penser à Elena, l’héroïne de « L’Amie prodigieuse » (chroniques sur ce blog) qui fait l’actualité littéraire d’Elena Ferrante (vivement le quatrième et dernier tome qui devrait sortir en début d’année 2018).

Olga m’a fait penser à Elena… en plus agaçante, en plus pathétique, en plus déprimante… en pire.

Olga m’a rapidement été antipathique et j’en suis même venue à me dire que sa séparation conjugale est méritée. C’est même surprenant que ce genre de femme ait trouvé chaussure à son pied du côté affectif.

Olga n’est pas allé jusqu’à provoquer chez moi une crise d’urticaire mais j’ai rapidement soufflé, râlé d’être si têtue dans mon obstination à terminer ce roman. Et puis zou, il a volé alors que j’étais en plein milieu d’une page, même pas capable de terminer le chapitre en cours.

Le titre du roman était prémonitoire. J’ai abandonné Olga à ses angoisses, à ses manies, à ses lubies et je suis loin de regretter ce choix.

Chroniks Expresss #24

Vide-grenier des chroniques restées en rade… et pied levé sur les romans (à mon grand désespoir)

BD : Le Sentier des Reines (A. Pastor ; Ed. Casterman, 2015), Journées rouges et boulettes bleues (C. Mathieu & R. Benjamin & O. Perret ; Ed. La Boîte à bulles, 2016), Tritons, tome 1 (D. Tennapel ; Ed. Rue de Sèvres, 2016), Poussières (M. Ribaltchenko ; Ed. Akiléos, 2016)

Lectures (Albums/Romans) jeunesse : Trappeurs de rien (PoG & T. Priou ; Ed. de La Gouttière, 2016), Waluk (E. Ruiz & A. Mirallès ; Ed. Delcourt, 2011)

Romans : Coule la Seine (F. Vargas ; Ed. J’ai Lu, 2013), Joseph Anton (S. Rushdie ; Ed. Gallimard, 2013), On ne va pas se raconter d’histoire (D. Thomas ; Ed. Stock, 2014)

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Bandes dessinées

Le Sentier des Reines – Pastor © Casterman – 2015
Le Sentier des Reines – Pastor © Casterman – 2015

Savoie, 1920.

Peu de temps après leur retour de la guerre, les époux de Blanca et de Pauline décèdent, emportés par une avalanche. N’ayant que peu de perspectives qui s’offrent à elles, les deux femmes quittent leur petit village de Savoie. Elles espèrent vivre des revenus du colportage et emportent avec elles des fournitures de mercerie qu’elles vendront dans les villages traversés durant leur périple. Florentin, un jeune adolescent, les accompagne.

« On part ! Si nous restons, nous deviendrons folles. Tout, chaque jour, nous rappellera ce que nous avons perdu. »

Très vite, elles croisent la route d’Arpin, un ancien poilu qui prétend avoir fait la guerre avec le mari de Blanca. Il prétend aussi que Blanca est en possession d’une montre en or qu’il aurait dérobée avec le défunt à leur supérieur. L’homme souhaite récupérer sa part de butin. Obstiné et aveuglé par son objectif, il va les suivre dans l’unique but de les faire céder et de récupérer la montre.

Ayant découvert Anthony Pastor et ses univers envoutants via « Las Rosas » et « Castilla Drive », cet huis-clos en haute montagne me tentait pour plusieurs raisons. D’une part, le fait de pouvoir une nouvelle fois profiter de la maîtrise de l’auteur à soutenir une ambiance tendue au couteau et son habilité à tisser des intrigues improbables. Le fait de voir évoluer un homme torturé par le traumatisme de la guerre, d’observer la manière dont il lutte avec la folie et de l’imaginer s’éprendre de ces deux femmes m’intriguait.

Pour autant, si l’histoire démarre rapidement et que les personnages principaux trouvent facilement leur place sur l’échiquier narratif, cet ouvrage s’essouffle rapidement. Page après pages, les rebondissements consistent principalement à décrire l’obstination de ces femmes à fuir leurs vies passées, à aller toujours plus en avant et à mettre de la distance avec cet homme inquiétant qui les poursuit. De son côté, l’ancien soldat met tout en œuvre pour les rattraper ou du moins, ne pas les perdre de vue. On apprend peu de choses sur les éléments de leur parcours et la psyché des personnages est dévoilée au compte-goutte. Des quatre protagonistes, on remarque rapidement des traits de caractères propres à chacun et ces personnalités sont peu enclines à évoluer. Blanca est une femme charismatique et déterminée qui prend dès la première page le rôle de leader. Pauline est plus effacée et manque de confiance ; ses doutes seront systématiquement et rapidement balayés par Blanca. Florentin est un adolescent insipide sans aucune ambition et pour compléter le tableau, Arpin-le poilu apparaît tantôt comme un pervers, tantôt comme un sadique, des traits de caractère invariablement accompagnés d’une psychorigidité inquiétante.

Aussi étonnant soit-il, j’ai apprécié le ton des dialogues et cette tension permanente dans les échanges. Le personnage de Blanca en impose, dommage qu’elle ait si peu de marge de manœuvre dans le récit. Quant aux dessins, on est face à un harmonieux mélange entre des œuvres réalisées par Bilal dans les années 1990 et du Gibrat. Le rendu n’est pas désagréable même si les mouvements des personnages manquent souvent de fluidité.

Peu de plaisir à lire cet album qui a manqué de me tomber des mains à plusieurs reprises. L’auteur est en train d’écrire la suite de ce récit… et autant dire que je ne suis pas tentée pour jouer les prolongations !

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Journées rouges et boulettes bleues - Mathieu - Benjamin - Perret © La Boîte à bulles – 2016
Journées rouges et boulettes bleues – Mathieu – Benjamin – Perret © La Boîte à bulles – 2016

« Après des heures de bouchons interminables, François et ses enfants – Kévin, l’adolescent renfermé et Baptiste, garçonnet plein d’amour pour sa chienne Hermione – arrivent enfin à Ramiolles, village du Sud de la France où ce père de famille passait jadis ses vacances.

Un village tout ce qu’il y a de plus paisible pour des vacances qui auraient dû l’être tout autant. Mais la tranquillité de leur séjour se trouve rapidement compromise. Non seulement par les rapports houleux entre François et sa femme, Clara, qui tarde à les rejoindre, mais surtout par la soudaine disparition d’Hermione » (synopsis éditeur).

Ça fleure bon l’été dans cet album au ton léger. L’histoire décrit un homme en train de se débattre en ses problèmes de couples et sa place de père face à ses enfants. Pris dans une course contre la montre et confronté à la pression que lui impose son cadet – très affecté par la disparition du chien -, cet homme a des difficultés pour fixer ses priorités : faire passer les enfants en premier ou profiter des vacances et s’accorder un peu de temps pour souffler ? Ecrit à quatre mains, le scénario de Rémy Benjamin et Cyprien Mathieu nous ménage d’un bout à l’autre de l’album. On a beau voir cet homme en proie au doute et totalement dépassé par la situation, on ne peut ressentir qu’une faible empathie pour lui. Je déplore que malgré la présence de tout un panel d’ingrédients (suspens, remise en question, souvenirs d’enfance, retrouvailles…), le récit ne décolle pas davantage et se contente de survoler son sujet. Et si finalement l’intrigue principale (celle de la disparition du chien) est solutionnée, on ne peut pas dire que les autres sujets abordés soient réellement traités.

Au dessin, le travail d’Olivier Perret est très agréable. Un bel emploi de l’aquarelle et un coup de crayon qui va à l’essentiel. Les personnages sont expressifs, les décors soignés ; l’ensemble plait au regard.

Une histoire qui manque de panache. Dommage qu’elle se soit contentée de si peu.

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Tritons, tome 1 – Tennapel © Rue de Sèvres – 2016
Tritons, tome 1 – Tennapel © Rue de Sèvres – 2016

Dans un monde anthropomorphe, une communauté de tritons est menacée par leurs ennemis légendaires : les Lezzarks. Ces derniers font une intrusion brutale dans la petite ville de Tritonville et ne laissent derrière eux aucun survivant. Aucun ? A l’exception de Zak, jeune triton aux pattes atrophiées, et de Urck, triton adulte qui a la charge de protéger le village. Mais Urck va être capturé par les hommes de main du Seigneur Serpent. Malheureusement le triton ne fera pas le point contre les puissants sortilèges destinés à l’asservir…

Doug Tennapel, que je connaissais pour avoir réalisé « Ghostopolis » (qui m’avait permis de réaliser une chronique à quatre mains avec Jérôme) semble affectionner les univers imaginaires. Cette fois-ci, nulle question de voyage au pays des morts, mais une incursion dans un monde anthropomorphe qui peut se prévaloir d’avoir connu les mêmes revers que l’Humanité : une civilisation en pleine croissance, une période bénie de son histoire puis l’incontournable désaccord qui mène à une lutte des classes, puis à un soulèvement populaire, puis à une guerre… puis à une scission en deux camps, l’un reniant et tenant d’oublier l’autre… et réciproquement.

Le lecteur ne manquera pas de voir les nombreux parallèles et métaphores qui renvoie à l’histoire de l’humanité. Comme on le voit couramment, l’emploi de l’anthropomorphisme permet de faire passer la pilule en douceur et de profiter d’une aventure divertissante. L’histoire met pourtant du temps à trouver son rythme et la majeure partie du scénario avance par à-coups. J’ai longtemps cru que je n’arriverai pas au bout de ce tome et pourtant, la mayonnaise a fini par prendre… dans le dernier quart de l’album. Zak – le jeune héros – est lancé dans une quête incensée. S’il la mène à bien, il survivra… s’il fait un faux-pas… Résultat : je reste dubitative quant à la manière dont Doug Tennapel a traité sa fiction mais ayant finalement investi les personnages, il me tarde de connaître la suite de leurs aventures.

J’ai repéré cet album grâce à la chronique de Stephie (je vous invite à la lire, elle est bien plus enthousiaste que moi). Je m’étais inscrite au concours qu’elle organisait autour de ce titre et il aura finalement fallu attendre que mon nom soit tiré au sort pour que je le découvre. Merci !

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Poussières – Ribaltchenko © Akiléos – 2016
Poussières – Ribaltchenko © Akiléos – 2016

« Oberonn, « la forêt qui recouvrait tout », court un terrible danger. Les Airinites, étrange peuple technoïde, absorbent ses forces vitales et tuent par centaines les esprits chargés de la protéger.

Guidés par le vieux chevalier Torsechêne, Uzogi et Mimeya, enfants de l’Esprit-Mère, vont se lancer dans une quête essentielle pour la survie de leur planète. » (synopsis éditeur).

Un album qui pique tout d’abord parce que le dessin de Michaël Ribaltchenko (« Le Royaume suspendu« ) oblige à s’arrêter régulièrement pour comprendre de quoi il en retourne. Le dessin n’est pas facile, il manque souvent de lisibilité d’autant que la majeure partie des personnages appartiennent à une espèce extraterrestre et que, peu habituée à leurs expressions de visage, il n’est parfois pas facile de bien appréhender la nature des tensions qui peuvent exister entre les personnages.

Un ouvrage qui pique également parce que le récit s’éparpille souvent dans la nature et nous fait crouler sous tout un tas de nouveaux repères (un monde qu’on ne connait pas, des noms d’aliments et de boissons qu’on découvre, des codes sociaux qui nous sont étrangers, l’histoire de cette espèce qui se dévoile au compte-goutte). Tous ces éléments convergent vers le lecteur et le freine dans sa lecture.

« Poussières » est une fable écolo qui fait écho à l’actualité et à certains problèmes de société.

« – La terre ! Pourquoi ne l’avez-vous pas défendue ?! Cette terre qui vous nourrissait, qui vous faisait… vivre !
– Parce qu’elle n’a à offrir qu’une vie de dur labeur… »

« Poussières » est une quête. Comme dans la majeure partie des quêtes, l’histoire confronte un héros à l’inconnu et le force à repousser la frontière de ses propres limites, à remuer ces certitudes, à examiner ses incertitudes. Comme dans la majeure partie des quêtes, le héros se fait de nouveaux amis. Ici en l’occurrence, il s’agit de deux enfants-esprits conçus par la Terre-Mère, une entité abstraite dont nous découvrons la fonction au bout de quelques pages. L’un de ces personnages se fait contaminer par un mal mystérieux, se matérialisant par des traces noires qui vont progressivement recouvrir son corps… est-ce un clin d’œil à « Princesse Mononoké » ?

Je sors perplexe de cet album, pas certaine d’avoir perçu tous les tenants et les aboutissants, pas certaine d’avoir compris la morale de l’histoire… pas certaine d’en garder un quelconque souvenir.

Les premières planches sur Digibidi.

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Lectures Jeunesse

 

Trappeur de rien - Pog - Priou © Editions de la Gouttière - 2016
Trappeur de rien – Pog – Priou © Editions de la Gouttière – 2016

Trois amis se retrouvent pour passer un week-end en forêt. Ils ont prévu de chasser ensemble le caribou. Georgie et Mike se réjouissent de la présence de Croquette dont les talents de chasseur ne sont plus à prouver. Passée la première soirée conviviale au chalet de montagne, voilà nos compères qui sortent pour leur première journée de chasse. Toutes les conditions sont réunies pour que la journée soit réussie : la météo est clémente, les sujets de discussions ne manquent pas, le pique-nique est parfait… et au détour d’une colline, un caribou broute paisiblement.

« Caribou » est le premier tome d’une nouvelle série jeunesse scénarisée par PoG (qui a réalisé « Blanche » paru aux Editions Margot en 2013). Le ton est convivial et amusant, le lecteur profite pleinement du plaisir de chacun des trois personnages à passer ce week-end ensemble. L’humour est au rendez-vous et leur complicité fait plaisir à voir. Les illustrations de Thomas Priou sont épurées et permet au petit lecteur de suivre les pérégrinations du trio. La rondeur du dessin, les couleurs ludiques, les tics et traits de caractères qui font la personnalité de chacun, le fait d’évoluer dans un monde anthropomorphe sont autant invitent à la lecture.

Pour autant, nous nous sommes ennuyés. Les transitions entre les différentes scènes sont absentes et donnent l’impression que l’histoire saute en permanence du coq à l’âne. Excepté quelques sujets de discussions, le récit s’appuie beaucoup trop sur la complicité qui existe entre les trois lascars et il est difficile de trouver sa place dans ce groupe, laissant le lecteur spectateur. Le dénouement tombe de manière abrupte, ne prend pas le temps de mettre des mots sur ce qui vient de se passer… laissant au parent qui accompagne la lecture le soin de décoder ce qui vient de se passer.

Mon fils s’est finalement demandé ce que l’histoire voulait raconter même s’il a compris l’essentiel. Depuis la lecture, l’album est sagement rangé sur les étagères et je doute qu’il en ressorte un jour.

La fiche de présentation de l’album sur le site de l’éditeur.

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Waluk – Ruiz – Mirallès © Guy Delcourt productions – 2011
Waluk – Ruiz – Mirallès © Guy Delcourt productions – 2011

« Ourson abandonné par sa mère, Waluk se sent l’être le plus malheureux de la Terre entière. Tiraillé par la faim et le manque de sommeil, il ne peut survivre tout seul. Jusqu’à sa rencontre avec Esquimo, un vieil ours qui le prend en affection. Commence alors l’apprentissage du jeune Waluk pour une vie où l’insouciance n’a pas sa place. Il doit surtout se défier d’un adversaire redoutable : l’homme. » (synopsis éditeur).

Première lecture de cet album avec Kentin [mon cadet] qui n’avait encore jamais lu cet album. Convaincu par les arguments dithyrambiques de son grand frère à l’égard de cet ouvrage, Kentin a donc demandé à le découvrir avec moi. Puis lui aussi, l’accroche avec le duo d’ours (Waluk et Esquimo) fut immédiate.

Me concernant, ce fut un réel plaisir de relire cet album dont je gardais un bon souvenir. Fable écologique, le récit sensibilise le jeune lecteur à la question de l’environnement et au comportement irrespectueux de l’Homme à l’égard de la nature et des animaux. Emilio Ruiz a trouvé le ton adéquat pour aborder le sujet de façon critique sans que l’enfant soit mis à mal. On accès ici au regard de l’animal sur les humains et la manière dont ces derniers malmènent la planète et la modèlent au gré de leurs « caprices ». La talentueuse Ana Mirallès a réalisé les illustrations… ça vaut le coup d’œil.

PictoOKPictoOKJ’avais repéré ce titre au moment de sa sortie et la chronique de Choco m’avait convaincue de l’intérêt de cet album. J’avais « loupé le coche » après la première lecture et, à force de tarder à poser mon ressenti par écrit, j’avais fini par renoncer à l’envie de rédiger une chronique. Il n’est jamais trop tard pour bien faire et même si celle-ci est succincte, je souhaitais profiter de l’occasion pour inviter les lecteurs qui ne connaîtraient pas « Waluk » à le découvrir.

Public : à partir de 6-7 ans.

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Romans

 

Coule la Seine – Vargas © J’ai Lu – 2013
Coule la Seine – Vargas © J’ai Lu – 2013

Trois nouvelles mettant en scène le Commissaire Jean-Baptiste Adamsberg. Trois enquêtes en bord de Seine. La Seine comme un personnage à part entière, témoin d’un crime ou confidente des pensées d’Adamsberg qui vient la côtoyer pour laisser naviguer ses pensées, « brasser des nuages » comme on peut lire souvent dans les romans de Fred Vargas.

« Salut et Liberté », la première nouvelle, se place en pleine chaleur estivale. Un jour d’été, Vasco, un clochard, s’installe sur le banc qui se trouve en face du Commissariat. Dès 9 heures il est à son poste. Toute la journée durant, il observe le ballet des flics qui entrent et sortent du bâtiment. De temps en temps, l’un d’entre eux vient discuter un peu avant de retourner vaquer à ses occupations. A mesure que les semaines passent, Vasco s’installe. Il amène tout d’abord un porte-manteau puis un lampadaire qu’il pose à côté du banc et qu’il emporte chaque soir lorsqu’il rentre chez lui. Au cours de cette période, Adamsberg reçoit les lettres anonymes d’un homme. Ce dernier prétend avoir assassiné une femme et annonce déjà son prochain meurtre. Le temps presse et certains éléments contenus dans les lettres laissent à penser que le tueur rode non loin du Commissariat. Il va solliciter Vasco pour tenter d’obtenir son aide.

« La Nuit des brutes » est une courte enquête policière sur le meurtre d’une femme pendant la nuit de Noël. Le corps de cette dernière a été retrouvé flottant dans la Seine plusieurs jours après le crime. Mais les poches de la défunte sont vides. Rien ne permet de l’identifier. L’enquête piétine. Un étrange énergumène va attirer l’attention d’Adamsberg sur un détail des plus inattendus.

« Cinq francs pièce » où Pi, le clochard assiste au meurtre d’une dame de la haute-société. Au fil des jours, le vagabond sympathise avec le commissaire. Cette nouvelle a été adaptée en bande dessinée par Edmond Baudoin. J’avais parlé de cet album – intitulé « Le Marchand d’éponges » – dans cet article.

PictoOKUn ouvrage agréable pour ceux qui apprécient la série mettant en scène le Commissaire Adamsberg. Ces trois nouvelles sont aussi un bon moyen de se sensibiliser à cet univers polar même si on déplore l’absence de la quasi-totalité des personnages secondaires. Seul Danglard, l’adjoint d’Adamsberg, apparaît dans « Salut et Liberté ».

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Joseph Anton – Rushdie © Gallimard – 2013
Joseph Anton – Rushdie © Gallimard – 2013

« Le 14 février 1989, Salman Rushdie reçut un coup de téléphone d’un journaliste de la BBC : il avait été « condamné à mort » par l’Ayatollah Khomeiny. Son crime ? Avoir écrit Les versets sataniques, un roman accusé d’être « contre l’Islam, le Prophète et le Coran ».

Ainsi commence l’extraordinaire histoire d’un écrivain devenu clandestin, changeant sans cesse de domicile, sous la protection permanente d’une équipe policière. Comment continuer à écrire ? À vivre des histoires d’amour ? Vaincre le désespoir et se relever ? Salman Rushdie nous raconte l’une des plus importantes batailles de notre époque pour la liberté d’expression. Il dit les réalités parfois cruelles, parfois comiques, d’un quotidien sous surveillance armée, retrace ses combats pour gagner le soutien des gouvernements, réfléchit au rôle de l’écriture dans nos sociétés » (synopsis éditeur).

Très factuel ce roman autobiographique qui relate les onze années de « cavale » de Salman Rushdie. Protégé par les services de police anglais, contraint à vivre caché pour se soustraite à la menace de mort qui plane sur lui depuis que l’Ayatollah Khomeiny a prononcé une Fatwa suite à la publication des « Versets sataniques ». Publiée le 14 février 1989, la fatwa oblige Rusdhie à vivre dans la clandestinité. Plusieurs mois après, à la demande des services de police qui assurent sa protection, il choisit le pseudonyme de « Joseph Anton » pour pouvoir effectuer un minimum de transactions (retrait bancaire, location d’un logement, réservation d’un hôtel…).

Ce retrait forcé de la société le terrasse. Au début, il n’y croit pas, il ne parvient pas à se rendre compte ce que cela implique. Il a également peur pour la vie de son fils. Puis, la sidération et la peur pour sa propre intégrité physique prennent le dessus avant de laisser la place à la révolte, qui sera chassée à son tour par la résignation. Peu à peu, il apprend à trouver de nouveaux repères, à accepter l’inacceptable mais jamais au grand jamais il ne cessera de dénoncer cette atteinte à la liberté d’expression. Et jamais au grand jamais il n’a centré le combat sur sa propre personne, cherchant en permanence à sensibiliser les autres acteurs du monde littéraire au diktat que tente d’imposer l’islam.

Ce témoignage s’ouvre sur une longue présentation de son parcours. Il se présente, parle de ses origines indiennes, de ses parents, de son choix d’orientation universitaire qui l’amène à s’installer seul en Angleterre. Durant cette période d’études, il se cherche, a du mal tisser des relations amicales, se questionne en permanence sur ses racines. C’est à cette époque qu’il commence à s’intéresser à la religion dans le cadre d’une recherche qu’il effectue pour mener à bien un mémoire qu’il doit rendre. Il trouve-là, sans le savoir, des éléments qui enrichiront sa réflexion et aboutiront – quelques années plus tard – à la finalisation des « Versets sataniques ». Le récit s’oriente ensuite naturellement vers les prémices de la rédaction des « Versets sataniques », comment le roman a lentement pris forme dans son esprit puis sur le papier. On comprend l’importance que revêt pour Rusdhie le fait de définir clairement la notion d’identité ; il ancre de plus en plus sa vie en Angleterre mais voyage régulièrement en Inde, pays de ses racines.

Il décroche plusieurs boulots alimentaires qui lui permettent de subvenir à ses besoins et de consacrer son temps libre à l’écriture. Ses premiers romans sont publiés tandis que l’ébauche des « Versets sataniques » continue de croupir dans un coin de son bureau, à végéter dans un coin de sa tête. Il se décrit comme un homme qui reste à l’affût de tout, des autres comme de l’actualité ; il emmagasine des détails qui lui permettront de donner forme au roman qui a fait éclater le scandale.

Il s’arrête longuement, et à plusieurs reprises, sur son rapport à l’écriture et la place de la littérature dans la société. Il partage également de nombreuses réflexions sur le rapport que l’individu nourrit avec la société comme avec la religion, sur l’amitié, sur le processus de création.

Il décrit ces onze années de clandestinité, critique la position du gouvernement à son égard, l’amitié qu’il a nouée avec certains agents chargés de sa protection. Les premières années sont marquées par la lente acceptation de la peur, l’aboulie, le manque d’inspiration, les multiples points de chute où il vivra temporairement… Puis, le retour à une forme de stabilité est permis via l’achat d’une maison londonienne, la reprise de quelques meeting littéraires en Angleterre comme à l’étranger.

PictomouiUn roman intéressant mais contenant de nombreuses tergiversations. Régulièrement, je posais « Joseph Anton » pour ne pas me lasser de ce long témoignage descriptif. Bien que j’appréhendais de perdre le fil de ma lecture, j’ai pu constater à chaque fois la facilité avec laquelle on reprend la lecture de cet ouvrage. L’auteur cherche peut-être trop souvent à se justifier…

Extraits :

« C’était bien là le sens de cette phrase qui revenait sans cesse. Il l’a fait exprès. Evidemment, il l’a fait exprès. Comment pourrait-on écrire le quart d’un million de mots par accident ? Le problème c’était, comme aurait dit Bill Clinton, ce qu’on pensait qu’il avait fait. L’étrange vérité, c’est qu’après deux romans directement liés à l’histoire publique du sous-continent indien, il considérait son nouveau livre comme beaucoup plus personnel, comme une exploration intérieure, sa première tentative de créer un monde issu de son expérience d’émigré et de sa métamorphose. Pour lui, c’était le moins politique de ses trois livres » (Les Versets sataniques)

« Au moment où un livre quitte le bureau de son auteur, il se transforme. Même avant que quiconque ne l’ait lu, avant que les yeux d’une autre personne que son créateur n’aient pu découvrir la moindre phrase, il est devenu irrémédiablement différent. Il est devenu un livre qui peut être lu et qui n’a plus besoin de son auteur. Il a acquis, d’une certaine façon, son libre arbitre. Il va entamer son voyage dans le monde et l’auteur n’y peut plus rien. Lui-même, quand il en revoit des passages, les lit différemment à présent que d’autres peuvent le lire. Les phrases semblent différentes. Le livre a pris son essor dans le monde et le monde peut le réinventer. » (Les Versets sataniques)

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On ne va pas se raconter d’histoire – Thomas © Stock – 2014
On ne va pas se raconter d’histoire – Thomas © Stock – 2014

« David Thomas est le maître de l’instantané : ces microfictions sont autant de moments où la vie se fige, tragique ou drôle, au fond qu’importe.

Une femme n’a de plaisir que si on lui lit du Pierre Louÿs pendant l’amour. Deux anciens amants se rencontrent sur le trottoir et n’ont plus rien à se dire.

Un homme vole un rôti comme un acte de folie. Absurde ? Tendre ? Décalé ? Ce livre d’un charme fou ne pourra que séduire celles et ceux qui préfèrent le rire aux larmes. » (synopsis éditeur).

Ce recueil de nouvelles nous permet de côtoyer, le temps de quelques pages, des hommes et de femmes qui se livrent à l’aide d’une émotion, d’un ressenti. En réaction à une situation donnée, à un problème qu’ils rencontrent, à un sentiment qui les touchent… le flot de leur réflexion et de leur pensée nous est livré. Humour, dérision, cynisme… tout est bon et la plume de David thomas se charge de donner du sens à ce qui ne l’est pas.

PictoOKUn cadeau de Noukette que j’ai savouré pleinement. Les chroniques de Noukette, Moka et Jérôme… je vous invite à les lire, mon billet n’est qu’un prétexte à partager le plaisir que ce roman leur a procuré.

Une mise en bouche ? :

« J’ai parfois la sensation de m’accrocher de plus en plus aux aspérités de la vie. Ce qui me paraissait comme insignifiant il y a trente ans me semble aujourd’hui lourd, laborieux. Jeune, je n’étais curieux de rien mais je m’émerveillais de tout ; aujourd’hui, si je suis curieux de bien des choses, pratiquement plus rien ne m’étonne. J’étais prêt à tout croire alors que, maintenant, je ne crois presque en plus rien. Avant, j’avais peu d’opinions mais je parlais beaucoup et, paradoxalement, depuis quelques années, plus mon jugement s’aiguise, se précise, s’affine, et plus je me tais. A vingt ans, je voulais rencontrer le plus d’hommes possible, à présent je n’aspire plus qu’à voir la terre et ses paysages » (On ne vas pas se raconter d’histoires).

Chroniks Expresss #19

Courant avril…

BD : L’Aliéniste (F. Moon & G. Bá ; Ed. Urban Comics, 2014).

Romans : Tour B2 Mon amour (P. Bottero ; Ed. Flammarion, 2004), Un lieu incertain (F. Vargas ; Ed. Viviane Hamy, 2008), La Fée carabine (D. Pennac ; Gallimard, 1997).

Bandes dessinées

Moon – Bá © Urban Comics – 2014
Moon – Bá © Urban Comics – 2014

Peut-on rendre quelqu’un fou ? Peut-on le manipuler à ce point et lui faire croire qu’il déraisonne ?

XVIIIème siècle. Simon Bacamarte revient à Itagaï, petit village brésilien où il a vécu avant de s’expatrier à Rio de Janeiro pour y faire ses études universitaires. Il revient diplômé. Eminent médecin, il décide non pas de s’intéresser à la chose somatique mais à la chose psychosomatique. Il parvient à convaincre les notables de Itagaï, récolte les fonds qui lui permettent de faire construire un bâtiment destiné à recevoir les « fous », les « simples d’esprits » et autres originaux de la région. C’est ainsi que quelques mois plus tard, la « Maison Verte » ouvre ses portes pour accueillir ses pensionnaires. L’aliéniste Simon Bacamarte se consacre alors entièrement à sa tâche, recensant, observant, consignant tout ce qui lui permet de comprendre l’origine de la folie. Jusqu’à ce qu’il se mette à interner les gens massivement…

Aux commandes de cette adaptation BD du roman éponyme de J.M. Machado de Assis, les frères Fabio Moon et Gabriel Ba. Le travail d’illustrations est superbe, tout en subtilités, aussi bien dans les jeux d’ombre que dans l’utilisation des angles de vue. On baigne dans une atmosphère couleur sable, sépia sur certaines planches, ce qui donne un cachet vieillot très appréciable. Enfin, cerise sur le gâteau, les costumes d’époque finissent de nous plonger dans le décor. Sans trop avoir d’effort à faire, on s’imagine planté au milieu de la place d’Itagaï à observer les entrées et sorties de la « Maison Verte ».

PictomouiLe scénario en revanche m’a bien moins emballée. Touffues, les répliques ne cessent d’apporter des détails supplémentaires. On est pris dans un tourbillon, on est pris dans la frénésie de Bacamarte. Psychiatre peu avenant, on se rassure que les méthodes qu’il utilise soient d’un autre siècle (quoi que…). Pour autant, le flot narratif continu ne permet pas de s’approprier complètement la démarche de l’aliéniste. On lui reste extérieur et son charisme n’éblouit que les personnages secondaires.

Les chroniques de Jérôme et de Noukette.

 

Romans

Bottero © Flammarion – 2004
Bottero © Flammarion – 2004

Tristan est un jeune de Cité. Son quotidien c’est ses potes, Mourad son ami d’enfance, le lycée qu’il survole d’un œil distrait et sa mère. Quand il avait 4 ans, ses parents sont venus s’installer dans la cité avec des projets plein la tête. Depuis, son père est parti, le laissant seul avec une mère qui s’échine à faire des ménages. Tristan préférerait éviter de tomber dans la délinquance mais compte tenu de son investissement scolaire et d’un certain manque d’ambition, il n’est pas certain d’y parvenir.

Clélia quant à elle vient à peine d’emménager avec son père. Elle est originaire d’un petit village de banlieue. Son père, veuf, a été contraint de vendre la maison familiale, ne pouvant plus faire face aux charges quotidiennes. Clélia ne connait personne et n’a pas idée des codes de conduites à tenir. Elle arrive avec son insouciance, ses yeux ouverts sur le monde et son grand sourire.

« Tour B2 mon amour » parle de la rencontre de deux adolescents. En toile de fond, les banlieues : y vivre, y survivre, s’en sortir.

Pierre Bottero aborde sans drama ces questions de manière frontale sans pour autant enfoncer des portes ouvertes. Ce roman-jeunesse propose calmement de sensibiliser les jeunes au sujet. Quant à ceux qui vivent dans ces quartiers HLML, peut-être leur permettrait-il de prendre un peu de recul ? Je suis très prudente sur cette question, car il me semble tout de même que la présentation qu’en fait Bottero est assez simpliste. Sans parler de la romance entre Tristan et Clélia, on effleure la problématique de l’exclusion et si on prend un minimum le temps de réfléchir, on voit vite les défauts de certains rebondissements.

PictoOKPourtant, cette lecture permet de passer un bon moment. L’ouvrage se lit bien, il ne faut pas compter plus de deux heures de temps pour en venir à bout, on en sort satisfait grâce à cette rencontres avec deux jeunes gens sympathiques, humbles et intègres.

Merci pour la découverte Miss L. 😉

Vargas © Editions Viviane Hamy – 2008
Vargas © Editions Viviane Hamy – 2008

Des pieds posés dans leurs chaussures, mais dissociés du cadavre auquel ils appartiennent, sont déposés devant le portail du cimetière de Highgate de Londres. Un meurtre impensable à Garches (Hauts-de-Seine) puisque le corps a été retrouvé dépecé en 460 morceaux ; un suspect – Emile, jardinier de la victime – que tout semble accuser. Un autre meurtre signalé en Autriche, les rapports d’enquête décrivent la même boucherie sans nom. Un étau qui se resserre autour du Commissaire Adamsberg et que seul Danglard a su discerner avant que son supérieur ne soit épinglé. Une enquête qui conduit le Commissaire à se rendre en Serbie afin de remonter la généalogie d’une famille qui s’est dispersée aux quatre coins de l’Europe. La mort qui manque de faucher le Commissaire par deux fois et l’étau qui ne cesse de se resserrer autour de ce commissaire hors pair.

Nouvelle enquête du Commissaire Adamsberg, la huitième dans la chronologie de la série. Fred Vargas reprend sa plume pour faire évoluer ce policier nonchalant, pelleteux de nuages et doté d’une intuition ravageuse. Comme à l’accoutumée, sa réflexion s’organise de façon atypique, déstabilisant les membres de son équipe. On retrouve les habitués : Danglard, Retancourt, Estalère, Mordent, Froissy…

De nouveaux éléments viennent compléter l’univers, continuant à enrichir l’histoire de la Brigade et à rapprocher davantage ses protagonistes. De nouvelles trahisons se font jour dans cette intrigue et laissent le lecteur sur le qui-vive. Mais là encore, des soutiens inespérés permettent à Adamsberg de se dépêtrer d’un imbroglio important ou du moins de s’y soustraire, le temps de récolter de nouveaux indices.

Pour la première fois depuis que je lis les enquêtes d’Adamsberg, j’ai découvert le pot aux roses bien avant qu’il ne soit révélé et je me suis légèrement ennuyée pendant la lecture. J’ai poursuivi ma découverte sans pour autant ressentir la moindre contrariété si ce n’est que cette intrigue m’a parue cousue de fil blanc. La sympathie que je nourris à l’égard du personnage principal est réelle et le plaisir de le voir se débattre contre vents et marées, me laissant malgré tout surprendre par certains rebondissements et découvrant, par la même occasion, comment Vargas a placé sur l’échiquier narratif le jeune Zerk, fils d’Adamsberg, dont j’avais découvert l’existence dans « L’Armée Furieuse ».

PictoOKMoins prenant que d’autres volumes de la série, « Un lieu incertain » permet cependant de profiter d’une lecture divertissante. Depuis le mois de mars 2015, la treizième enquête (« Temps glaciaires », publiée chez Flammarion) vient enrichir la série. Lecture prochainement.

Pennac © Gallimard – 1997
Pennac © Gallimard – 1997

« «Si les vieilles dames se mettent à buter les jeunots, si les doyens du troisième âge se shootent comme des collégiens, si les commissaires divisionnaires enseignent le vol à la tire à leurs petits-enfants, et si on prétend que tout ça c’est ma faute, moi, je pose la question : où va-t-on ?»

Ainsi s’interroge Benjamin Malaussène, bouc émissaire professionnel, payé pour endosser nos erreurs à tous, frère de famille élevant les innombrables enfants de sa mère, cœur extensible abritant chez lui les vieillards les plus drogués de la capitale, amant fidèle, ami infaillible, maître affectueux d’un chien épileptique, Benjamin Malaussène, l’innocence même («l’innocence m’aime») et pourtant… pourtant, le coupable idéal pour tous les flics de la capitale. » (synopsis éditeur).

Ce bon Julius a gardé des séquelles de sa crise d’épilepsie (voir « Au bonheur des ogres »). Il se trimballe désormais la langue pendante, mais toujours avec sa sale odeur de cabot. « Cataclop, cataclop, il s’amène. Il pue tellement, ce chien, que son odeur refuse de le suivre : elle le précède ».

Nouvelle enquête policière dans laquelle Benjamin Malaussène se retrouve impliqué malgré lui et sans même le savoir. Principal suspect de la Police, Malaussène agit pourtant sans s’inquiéter le moins du monde de ses agissements et pour cause… il ne sait pas que tous les éléments convergent et jouent en sa défaveur. Du grand Malaussène que nous propose une nouvelle fois Daniel Pennac !

PictoOKLe rythme narratif reste un peu lent me concernant, mais cela permet de profiter pleinement des interactions entre les personnages. Un univers enjoué et un plaisir indéniable à retrouver cet univers.

Du côté des challenges :

Petit Bac 2015 / Objet : carabine

PetitBac2015

Chroniks Expresss #15

Solde des lectures de novembre :

BD :

Aâma #4 (F. Peeters ; Gallimard, 2014), Katharine Cornwell (M. Malès ; Les Humanoïdes Associés, 2007), Mauvais garçons – diptyque (C. Dabitch & B. Flao ; Ed. Futuropolis, 2009)

Romans :

Oscar et la dame rose (E-E Schmitt ; Ed. Albin Michel, 2002), Mon dernier cheveu noir [suivi de] Histoires pour distraire ma psy (J-L Fournier ; Ed. Anne Carrière, 2009), Sous les vents de Neptune (F. Vargas ; ED. J’ai Lu, 2008), Zouck (P. Bottero ; Ed. Flammarion, 2004)

 

Bandes dessinées

 

Aâma #4

Peeters © Gallimard – 2014
Peeters © Gallimard – 2014

La fuite sans fin de Verloc se poursuit. Le groupe auquel il appartenait s’est disloqué, certains sont morts, d’autres ont pris un autre chemin. Sur cette dernière ligne droite à Ona(ji), il se retrouve seul avec sa « fille » pour la confrontation ultime avec l’entité Aâma. Lorsque la rencontre a lieu, Verloc perd rapidement conscience des événements. Il reprendra connaissance dans une réalité parallèle…

« Je sens demain en moi. Une part de moi est l’avenir. Une part est le passé. Mon regard est libre. Je ne suis plus centré sur moi-même ».

Que s’est-il passé ? Dans quelle mesure Verloc a-t-il prise sur les événements à venir. Ce quatrième opus vient conclure cette série. Au rythme d’un album par an depuis 2011, Frederik Peeters nous a permis de voyager dans une étrange dimension. A mesure que le lecteur avance dans la série, il perd progressivement toutes ses certitudes et les événements qui ont lieu le forcent à lâcher prise à mesure qu’il s’enfonce dans la découverte des personnages et de l’entité Aâma. Beaucoup de digressions, de passages muets, de suggestions… Un voyage déroutant. A lire à tête reposée.

PictomouiJ’ai suivi le projet Aâma de bout en bout, à commencer par le blog que l’auteur a ouvert avant la sortie du premier tome de la série. J’avoue que certains éléments de l’intrigue échappent complètement à ma compréhension. A relire certainement mais loin du plaisir que j’avais eu en lisant Lupus par exemple.

 

 

Katharine Cornwell

Malès © Les Humanoïdes Associés – 2007
Malès © Les Humanoïdes Associés – 2007

Katharine est comédienne. Elle joue actuellement sur scène une pièce qui lui tient à cœur mais les raisons sont obscures. Katharine est secrète ; la vie semble glisser sur elle malgré la fierté qu’elle tire d’avoir décroché le rôle, malgré une relation amoureuse qui semble la combler, malgré la présence de son frère dont elle semble si proche… elle semble écrasée par le poids d’une culpabilité. Le personnage qu’elle joue à la scène lui permettrait-il d’expier une faute ?

Marc Malès a réalisé cet album trois ans après L’Autre laideur, L’Autre Folie. Nous retrouvons de nouveau un personnage féminin en proie au tourment et désireuse de lever enfin le voile sur ce secret qui semble la ronger de l’intérieur. Mais elle lutte et ne parvient pas à sortir de son indécision. De fait, elle garde en permanence une certaine distance avec les gens qui sont amenés à la côtoyer. Marc Malès parvient tout à fait à retranscrire cette ambivalence et la retenue que le personnage veille à avoir.

On tâtonne dans la lecture, avançant d’une scène à l’autre sans qu’il n’y ait aucune transition entre les passages qui se succèdent sans qu’on ne parvienne à faire le lien entre eux. Bien sûr, ce sentiment est temporaire mais c’est assez désagréable. Il est difficile de cerner cette femme et l’auteur ménage tant et tant son intrigue que le lecteur devra patienter pour pouvoir appréhender exactement les tenants et les aboutissants de cette histoire.

pictobofDéception, l’album n’a pas la trempe de L’Autre laideur, L’Autre folie voire de Sous son regard. Je déconseillerais cet album si vous souhaitez découvrir le travail de Marc Malès.

 

Mauvais Garçons, diptyque de Christophe Dabitch et Benjamin Flao

tomes 1 et 2 – Dabitch – Flao © Futuropolis - 2009
tomes 1 et 2 – Dabitch – Flao © Futuropolis – 2009

« En Andalousie, de nos jours. Il se nomme Manuel, sa famille est originaire d’Andalousie, mais il a vécu en France jusqu’à ce qu’il décide de revenir s’y installer. Il a un ami gitan qui se nomme Benito, un chanteur hors norme. Manuel et Bénito sont inséparables. Car, ce qui lie avant tous les deux jeunes hommes, c’est l’amour du flamenco, le vrai, le pur, pas le flamenco rock comme peuvent le jouer certains frimeurs méprisables (mais qui, à contrario, gagnent très bien leur vie). Ces « mauvais garçons » vivent au jour le jour d’expédients. Seul leur amour des femmes leur fait tourner la tête. Mais quand Manuel tombe amoureux de la belle Katia, assistante sociale auprès de gitans, la rivalité s’installe… » (synopsis éditeur).

Les bonnes critiques ont été nombreuses à fleurir sur la toile. Servant ce récit, les lecteurs avaient généreusement partagé leurs avis afin de transmettre le goût et l’envie de découvrir ce diptyque. J’ai eu maintes occasions de me le procurer ; à l’achat, à l’emprunt, au prêt… sans chercher à en comprendre la raison, j’ai passé ces dernières années à esquiver ces opportunités, constatant à chaque fois que l’ambiance graphique ne m’interpellait pas outre mesure. Pourtant, la dernière fois que j’ai pu tenir en main le premier tome des Mauvais garçons, la perception que j’en ai eu était différente. C’est la raison pour laquelle je suis ressortie de la Médiathèque avec cette courte série dans mon sac.

Des tons sépias travaillés tantôt à l’aquarelle, tantôt au crayon gras, tantôt… une richesse de composition à laquelle je ne suis pas restée insensible. Sur ces planches, le fait que deux hommes évoluent, se heurtent et se réconcilient donne un côté très brutal à l’univers. Une amitié sauvage entre un français et un gitan que tout opposent si ce n’est leur passion pour la musique flamenco. Le flamenco est pour eu un art de vivre, une harmonie rare qu’ils parviennent à atteindre dans des moments privilégiés.

Mais en dehors de cet amour inconditionnel qu’ils vouent au flamenco, leur vie est en lambeaux. Une fuite en avant faite de mauvais choix, de sentiments mal exprimés, de déveine et d’alcool. Les moments de transe qu’ils vivent grâce au chant et à la danse pansent leurs plaies de manière éphémère.

pictobofContrairement à ces personnages fictifs, les vibrations du flamenco ne sont pas montées jusqu’à mes oreilles. Incapable de ressentir la moindre empathie, incapable de m’intéresser un tant soit peu au devenir de ces hommes… l’histoire de ce livre a glissé sur moi comme des gouttes d’eau sur une vitre.

 

Romans

Oscar et la dame rose

Schmitt © Albin Michel – 2002
Schmitt © Albin Michel – 2002

« Voici les lettres adressées à Dieu par un enfant de dix ans. Elles ont été retrouvées par Mamie Rose, la « dame rose » qui vient lui rendre visite à l’hôpital pour enfants. Elles décrivent douze jours de la vie d’Oscar, douze jours cocasses et poétiques, douze jours pleins de personnages drôles et émouvants. Ces douze jours seront peut-être les douze derniers. Mais, grâce à Mamie Rose qui noue avec Oscar un très fort lien d’amour, ces douze jours deviendront légende » (quatrième de couverture).

Des mots simples pour parler de la maladie. Sans pathos et avec un humour déroutant, l’auteur fait écrire à cet enfant des lettres magiques. Avec un soupçon d’imagination, l’enfant s’invente une vie finalement bien remplie. Les tracas de l’adolescence, les joies du bonheur conjugal, l’adultère, la foi… Finalement, ce petit roman de 100 pages nous emmène bien au-delà des quatre murs d’une chambre d’hôpital.

PictoOKUn roman tendre sur la maladie et la mort.

« J’ai le cœur gros, j’ai le cœur lourd, Oscar y habite et je ne peux pas le chasser » (Oscar et la dame rose).

 

Mon dernier cheveu noir [suivi de] Histoires pour distraire ma psy

Fournier © Anne Carrière - 2009
Fournier © Anne Carrière – 2009

Première partie : Mon dernier cheveu noir

« Sur votre nouvel agenda, n’écrivez plus les noms des amis de votre âge à l’encre mais au crayon »

Vieillir. Un processus inévitable. Le corps de l’homme est « biodégradable » comme le dit si bien Jean-Louis Fournier. Y faire face, l’accepter ou s’y résoudre. A-t-on vraiment le choix de toute façon ?

L’auteur a 60 ans lorsqu’il commence à écrire ce roman. A l’instar de ses autres ouvrages (Où on va papa ?, Veuf…), ce livre rassemble une multitude de pensées du jour, de réflexions à peine germées, de constats tout justes digérés. Tantôt amusé, tantôt sarcastique, Jean-Louis Fournier parle de la vieillesse, de ce regard sur soi-même qui se métamorphose et du regard des autres qui change.

« Je regarde une vieille photo. J’étais pas mal, avant. J’avais une tête de voleur de poules, avec plein de cheveux noirs. Un jour que je m’ennuyais, j’ai voulu les compter, mais il y en avait trop. Aujourd’hui, il n’en reste qu’un. Mon dernier cheveu noir ».

pictobofAgréable à lire mais un plaisir en demi-teinte ; je ne suis jamais réellement parvenue à m’intéresser au propos. Manque de rythme et d’entrain

La chronique de Kikine.

Deuxième partie : Histoires pour distraire ma psy

Février 1999, Jean-Louis Fournier engage une thérapie auprès d’un psychanalyste : « J’ai, comme beaucoup, quand il paraît trop difficile de vivre, fréquenté les psy. Je me souviens d’une psychanalyste somnolente, dont le cabinet était sombre, qui m’a soigné plusieurs années. Elle m’écoutait avec une expression tellement sinistre que j’ai longtemps cru que je l’ennuyais et qu’elle allait s’endormir. Comme je pensais avoir épuisé mes malheurs, j’ai décidé, pour la réveiller, de lui raconter tout ce qui me passait par la tête, des idées de scénarios, de livres, de films… J’ai cru voir son regard éteint se rallumer, je crois même, une fois, l’avoir vue sourire. La thérapie a continué, mieux. Dans mes histoires inventées, je laissais traîner, à mon insu, des choses importantes qui ont dû lui servir pour mieux me connaître. Pour vous, j’ai transcrit ces histoires. Installez-vous sur un divan pour les lire. Mon plus grand souhait est que vous ne vous endormiez pas » (propos de l’auteur sur le site des Editions Anne Carrière).

pictobofpictobofDifficile pour moi d’entrer dans ce petit recueil. Des histoires sans queue ni tête avec quelques soupçons de vérité (éléments personnels) mais je ne vois pas l’intérêt de ces « témoignages ». d’une part, cela me questionne qu’un individu prenne l’habitude de se rendre à une consultation psy toute les semaines pour y raconter des histoires totalement saugrenues ; perte de temps pour le patient comme pour le thérapeute. D’autre part… que peut bien retenir le lecteur de ces inventions imaginaires. A survoler sans modération.

Sous les vents de Neptune

Vargas © J’ai Lu - 2008
Vargas © J’ai Lu – 2008

La vie suit son cours à la Brigade criminelle qu’Adamsberg continue à diriger avec sa nonchalance habituelle. Les enquêtes se bouclent ou piétinent, mais aucune ne nécessite la mobilisation de l’équipe au complète. Ce qui tombe relativement bien puisqu’une bonne partie des hommes du commissaire doit entreprendre un voyage au Québec en vue de suivre une formation ADN. Jusqu’au moment où une vieille affaire resurgit brutalement. Elle avait déjà mobilisé Adamsberg pendant quatorze ans mais, pour une raison évidente, il l’avait archivée depuis quatorze ans. Pourtant, il lui tenait à cœur de la résoudre pour des motifs personnels… le moment serait-il enfin venu de lever le mystère qui l’entoure ?

Sous les vents de Neptune. Sixième enquête de la série polar mettant en scène le commissaire Adamsberg ; sixième enquête si l’on compte Les Quatre Fleuves (bande dessinée) et le recueil de nouvelles intitulé Coule la Seine. Un ouvrage qu’il me tardait de découvrir enfin tant les derniers romans que Vargas a écrits dans cet univers (Dans les bois éternels publié en 2009 et L’Armée furieuse publié en 2011) y font référence à plusieurs reprises. Ce voyage au Québec en compagnie d’Adamsberg m’intéressait donc au plus haut point et découvrir ce roman a été à la hauteur de mes attentes. Une intrigue finement menée, des chemins de traverse inattendus nous prennent au dépourvu et mettent à mal le personnage principal ; l’occasion de découvrir cet homme sous un nouvel angle.

Fred Vargas réutilise pour l’occasion la vieille Clémentine que nous avions découverte dans Pars vite et reviens tard, une personnalité haute en couleurs qui s’avère être une précieuse alliée pour un Jean-Baptiste Adamsberg en déroute.

PictoOKEncore une fois, Fred Vargas nous enchante. Une lecture très prenante mais un petit bémol sur les dernières pages qui contiennent, à mon goût, un excès de bons sentiments.

Zouck

Bottero © Flammarion - 2004
Bottero © Flammarion – 2004

Anouck, que ses amis surnomment Zouck, est une lycéenne brillante. Scolarisée en Terminale, elle fait partie des meilleurs élèves de son établissement. Elle veille à obtenir de bons résultats, ils lui offrent une relative liberté à l’égard de ses parents. Cette liberté, elle l’utilise pour pouvoir se consacrer entièrement aux cours de danse de Bérénice. Sur le parquet de l’école de danse, Zouck vole, s’envole, s’oublie. Jusqu’au jour où un danseur renommé vient seconder sa prof de danse, le temps d’un cours. C’est tout à fait par hasard que Zouck surprend leur conversation. Les mots échangés à son propos font l’effet d’une décharge. Trop grosse ! Commence alors pour Zouck une période de tourments. Elle est obnubilée par l’idée de perdre du poids. Un mal que l’on nomme anorexie.

Une découverte que je dois encore à une amie qui me fait m’aventurer sur des expériences littéraires encore inexplorées. E-M Schmitt, J-L Fournier, Pierre Bottero… j’en passe et des meilleurs.

Me voici donc partie à la découverte des univers de Pierre Bottero, explorant en parallèle des œuvres fictivo-réalistes (comme Zouck) et La Quête d’Ewilan (et d’autres pistes que j’arpenterais le mois prochain).

Zouck, où les préoccupations d’une adolescente de 18 ans. A mille lieues de mes centres d’intérêt, d’autant plus que ce personnage se passionne pour la danse et que je n’ai jamais été attirée par ce genre de sensations corporelles. Pourtant, l’entrée dans ce roman se fait facilement. La jeune fille se présente sans trop de retenue à son lecteur. On parvient à se la représenter, on comprend ses motivations, elle ne s’attarde pas sur des détails futiles. La lecture est fluide. Suffisamment agréable pour avoir envie de tourner la page. On n’est pas pris dans les mailles du filet en revanche, mais l’idée d’abandonner la lecture ne m’a pas effleurée un instant.

Zouck brosse le portrait d’une jeune fille en apparence « équilibrée », investie dans sa scolarité, rencontrant quelques heurts avec ses parents mais rien qui ne soit dramatique, en conflit avec sa petite sœur mais là encore, rien de bien exceptionnel.

Pourtant, vers les deux-tiers du roman, le ton change. De légers grincements s’étaient fait sentir depuis quelques chapitres mais peu à peu, le scénario s’enfonce dans l’aliénation de son personnage. Peu à peu, on perçoit les ravages de l’anorexie, de ce rapport tronqué à la nourriture, de cette dictature du corps et de l’esprit qui embarque ses victimes dans des habitudes mortifères.

Le ton est juste sans glisser vers une quelconque forme de morale ou un quelconque discours didactique. Accentuant le fait que chaque situation est unique, que le « déclic » est toujours lié à l’intime, que l’on a tendance à banaliser les choses lorsque les premiers signes de la pathologie font leur apparition, qu’ensuite l’entourage proche est en émoi, paniqué face à cette perte de l’élan vital.

PictomouiUne lecture agréable qui pourrait être réflexive si j’étais parvenue à investir davantage le personnage. Un ouvrage à mettre dans les petites mains de ceux que l’on souhaite sensibiliser avec beaucoup de douceur à cette maladie. Pour le reste, le propos ne rentre pas suffisamment dans le cœur du sujet à mon goût.

Chroniks Expresss #11 (Vargas)

L’Homme aux cercles bleus – Vargas © Editions Viviane Hamy – 1996

Vargas © Editions Viviane Hamy – 1996
Vargas © Editions Viviane Hamy – 1996

Ce roman est « l’acte de naissance » du Commissaire Jean-Baptiste Adamsberg peut-on lire sur le Quatrième de Couverture de l’édition de 1996. Ecrit en 1991, ce polar présente donc le commissaire au moment où il arrive dans sa nouvelle affectation au commissariat du 5è arrondissement de Paris. On est encore loin de la fine équipe de la Brigade criminelle du 13è qui l’entoure désormais (et que l’on découvre à partir de Pars vite et reviens tard).

Pour l’heure, on se contente de faire la connaissance d’Adamsberg et du lieutenant Danglard ; on effleure à peine le personnage de Camille Forestier dont on perçoit déjà les tortueux liens amoureux qui lient Adamsberg à la jeune femme.

Dans ce premier roman, Adamsberg va mener de front deux enquêtes avec sa nonchalance habituelle. La première – en apparence anodine – ne semble pas nécessiter l’intervention des services de police… en principe… mais elle attire malgré tout l’attention d’Adamsberg. Ce dernier décide de garder à l’œil les agissements d’un excentrique qui s’amuse à cercler à la craie bleue des objets anodins qui jonchent les trottoirs parisiens. Le commissaire collecte photos et rapports d’observations sur les cercles ; une décision qui s’avèrera pertinente le jour où un cadavre est retrouvé à dans un cercle. Le Commissaire va tenter de démêler le vrai du faux et chercher à savoir si l’homme au cercle est le meurtrier ou si quelqu’un se sert de ses sert pour se couvrir.

Ce roman sensibilise le lecteur au personnage d’Adamsberg. Cet homme atypique et nonchalant va à l’encontre des figures habituelles de l’enquêteur. Le bon sens auquel il fait appel lui est propre. Lent, désordonné, lunaire et ne se fiant qu’à son instinct, Adamsberg témoigne d’un sens de l’humour certain, ce qui renforce d’autant le charme du personnage.

L’intrigue est parfaitement menée sans que le lecteur ne se perde dans le raisonnement sinueux qu’emprunte Adamsberg. Fred Vargas a pris le temps de travailler le dénouement et ne le dévoile qu’en dernier recours. Enfin, contrairement à d’autres romans de cet univers, j’ai apprécié le fait que l’auteur ne se contente pas de livrer les dernières informations – permettant de peaufiner le puzzle de l’enquête – en une quinzaine de pages. Vargas accompagne le lecteur dans chaque détail, injecte les derniers éléments avec parcimonie et nous permet ainsi de refermer cet ouvrage repu et satisfait de cette lecture.

La fiche de présentation sur le site de l’éditeur.

Du côté des challenges :

Petit Bac 2014 / Couleur : bleu

Challenge Petit Bac 2014
Challenge Petit Bac 2014

L’Homme à l’envers – Vargas © Vivane Hamy – 1999

Vargas © Vivane Hamy – 1999
Vargas © Vivane Hamy – 1999

Dix ans après L’homme aux cercles bleus, Fred Vargas ressort Adamsberg de ses tiroirs et poursuit la construction méthodique de ce personnage débonnaire pour lequel j’ai beaucoup d’affection.

Pourtant, j’ai longtemps été déstabilisée à la découverte de l’ouvrage. Car si l’on découvre aisément les rouages de cette nouvelle intrigue, il nous faudra attendre avant qu’Adamsberg s’installe réellement dans le récit.

En effet, c’est par l’intermédiaire de Camille Forestier – « la petite chérie » comme se plait à la nommer tendrement Adamsberg – que l’on va avancer à l’aveugle dans la découverte des agissements d’un homme-loup. Des troupeaux de brebis sont décimés dans le Mercantour et la rumeur d’un loup-garou se répand comme une traînée de poudre, semant la terreur au sein des foyers. Camille se retrouve embarquée un peu malgré elle dans un road-movie casse-gueule, au sens propre comme au sens figuré. A bout d’idées pour poursuivre cette cavale, Camille se résout à demander l’aide d’Adamsberg. C’est l’occasion d’assister aux retrouvailles entre le héros et la femme qui n’en finit pas de surgir de sa mémoire.

Ici encore, le lecteur est en présence d’une intrigue particulièrement soignée. Je déplore en revanche un dénouement trop abrupt. La fameuse « dernière quinzaine de pages » qui apporte les détails manquants en un laps de temps trop succinct ; le lecteur n’a finalement pas le temps de digérer l’ensemble des ingrédients avant de refermer l’ouvrage. C’est le grief majeur que je porterais à l’égard de ce roman. Je ne l’ai pas moins apprécié pour autant.

A noter un passage très touchant qui relate un échange entre Adamsberg et Le Veilleux, personnage secondaire omniprésent dans cet ouvrage. Il est notamment question du lien qui unit Adamsberg à Camille, tout en métaphore… je vous en laisse seuls juges…

« – Tu l’aimes ? demanda-t-il de sa voix sourde, après plusieurs minutes de silence.
Adamsberg haussa de nouveau les épaules, sans répondre.
– Je m’en fous que tu te taises, dit le Veilleux, je n’ai pas sommeil. J’ai toute la nuit pour te poser la question. Quand le soleil se lèvera, tu me trouveras là, et je te la reposerai, jusqu’à ce que tu me répondes. Et si, dans six ans, on est toujours là, tous les deux, à attendre Massart sous le prunier, je te le demanderai encore. Je m’en fous. J’ai pas sommeil.
Adamsberg sourit, avala une gorgée de vin.
– Tu l’aimes ? demanda le Veilleux.
– Tu m’emmerdes avec ta question.
– Ça prouve que c’est une bonne question.
– Je n’ai pas dit qu’elle était mauvaise.
– Je m’en fous, j’ai toute la nuit. J’ai pas sommeil.
– Quand on pose une question, dit Adamsberg, c’est qu’on a déjà la réponse. Sinon, on la boucle.
– C’est vrai, dit le Veilleux. J’ai déjà la réponse.
– Tu vois.
– Pourquoi tu la laisses aux autres ?
Adamsberg resta silencieux.
– Je m’en fous, dit le Veilleux. J’ai pas sommeil.
– Merde, le Veilleux. Elle n’est pas à moi. Personne n’est à personne.
– Finasse pas avec ta morale. Pourquoi tu la laisses aux autres ?
– Demande au vent pourquoi il n’est pas sur l’arbre.
– Qui est le vent. Toi ? Ou elle ?
Adamsberg sourit.
– On se relaie.
– Ce n’est pas si mal, mon gars.
– Mais le vent s’en va, dit Adamsberg.
– Et le vent revient, dit le Veilleux.
– C’est ça, le problème. Le vent revient toujours. »

La fiche de présentation du roman sur le site de l’éditeur.

Les Quatre Fleuves – Vargas – Baudoin © Viviane Hamy – 2000

Vargas – Baudoin © Viviane Hamy – 2000
Vargas – Baudoin © Viviane Hamy – 2000

Roman écrit à la seule fin de pouvoir être illustré par Edmond Baudoin. Il n’existe donc pas d’autres versions de ce récit que celle-ci [en BD].

Grégoire et Vincent sont deux jeunes délinquants qui pratiquent le vol à l’arraché. Depuis quelques temps, Vincent consigne les habitudes quotidiennes d’un homme. Ce jour-là, le duo de voyous s’est donné rendez-vous pour le suivre jusqu’à son domicile. Ils attendent le moment opportun et lui tombent dessus. La mallette qu’ils parviennent à lui dérober (non sans mal) contient une somme rondouillette mais pas que… Elle renferme également tout un fatras d’objets mystiques qui met rapidement Vincent mal-à-l’aise.

Le lendemain, l’impression de malaise se confirme lorsque Grégoire découvre le corps inanimé de son ami. Il signale anonymement le corps à la police… une enquête qui est confiée à la brigade du Commissaire Adamsberg.

J’avais découvert le commissaire Adamsberg via Le marchand d’éponges (adaptation illustrée d’une nouvelle de Fred Vargas intitulée Cinq francs pièces). Cette lecture m’avait donné envie de poursuivre dans cet univers de Vargas.

Aujourd’hui, le fait de mieux connaître les particularités du personnage principal m’a fait faire la fine bouche pendant la lecture. En effet, je trouve que le découpage des planches donne une rapidité inhabituelle aux mouvements d’Adamsberg. De même, le passage au format BD donne l’impression que le commissaire mène ses enquêtes avec beaucoup d’aisance (raisonnement limpide et suppositions rapides)… ce qui n’est pas le cas d’ordinaire. Ceci ajouté au fait que l’intrigue en tant que telle n’est pas des plus passionnantes.

Grosse déception à l’égard de cet album que je souhaitais découvrir depuis un bon moment déjà.

Excellent travail de centralisation d’information trouvé sur le site Un jardin extra (cliquez sur le lien pour être redirigé). Je vous propose également de découvrir la fiche de présentation de l’ouvrage (site éditeur) pour obtenir les informations légales ainsi que les liens vers les chroniques de Gridou et de Wens.

Je vous invite en revanche à visiter le site d’Edmond BAUDOIN.

Pars vite et reviens tard – Vargas © Viviane Hamy – 2001

Vargas © Viviane Hamy - 2001
Vargas © Viviane Hamy – 2001

Paris, de nos jours.

Le Commissaire Adamsberg s’installe à la tête de la Brigade criminelle du 13è arrondissement de Paris. Débuts timides d’autant que les locaux sont en plein travaux.

Fred Vargas installe dans cet opus les fondations solides sur lesquelles les futures enquêtes d’Adamsberg vont s’appuyer. Epaulé par Danglard, le Commissaire est désormais à la tête d’une équipe de 27 agents parmi lesquels on peut compter Violette Retancourt, Estalère, Voisenet… Débuts timides de personnages que nous retrouveront de façon récurrente par la suite.

Il est ici question d’un individu qui va prendre un malin plaisir à brouiller les pistes des enquêteurs et semer un vent de panique en faisant croire à la population qu’une épidémie de peste se propage. L’enquête démarre sur des faits insignifiants mais qui pourtant attirent l’attention d’Adamsberg. Un à un, des éléments viennent s’assembler et ainsi créer le liant propre à ce récit. Sur le premier tiers de l’ouvrage, Fred Vargas a développé une narration à deux voix puisque d’une part nous suivons Adamsberg dans son cheminement et d’autre part nous faisons la connaissance de Joss, un ancien marin breton qui s’est reconverti en crieur de nouvelles à la sortie d’une rame de métro parisien.

Un ton légèrement décalé et intemporel accompagne le lecteur durant la découverte de cette histoire. Entre jeux de mots et complicité, cet opus compte parmi ceux qui m’ont apporté le plus de plaisir dans cet univers polar.

La fiche de présentation de l’ouvrage sur le site de l’éditeur.

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