Carbone & Sicilium (Bablet)

« Manger, boire, dormir et copuler. Il y a entrave à l’individu quand ce dernier ne peut pas assouvir ces besoins fondamentaux. Pour être complet, il faudrait que l’humain soit à chaque instant libre d’écouter ses pulsions primaires, mais aussi de se conformer aux lois de la société qui le contraignent dans le but de préserver la paix sociale et de ne pas nuire à son prochain. C’est un paradoxe qu’il ne peut résoudre. »

Bablet © Ankama Editions – 2020

Au début, il n’y avait rien si ce n’est une intelligence artificielle balbutiante, un pâle ersatz des figures robotiques aperçues dans les meilleures œuvres de science-fiction. Les laboratoires de la Tomorrow Foundation ont travaillé d’arrache-pied sur le projet, ne comptant pas les heures, rêvant juste de voir leurs rêves devenir réalité. C’est ainsi que Carbone et Silicium ont pu voir le jour. Deux intelligences artificielles nouvelle génération et destinées à devenir des personnels hospitaliers au service d’hommes et de femmes âgés, malades et/ou isolés.

Pendant plus de dix ans, Carbone et Silicium ne verront rien d’autres que la géographie des quatre murs du laboratoire où ils ont été créés. Et malgré leurs nombreux voyages dans les dédales innombrables du réseau informatique, ils n’ont jamais vu de leurs yeux la vie à l’extérieur. Consciente de la frustration et de la souffrance causées par cette situation, l’équipe du laboratoire organise un voyage durant lequel Carbone et Silicium resteront sous leur surveillance. Malgré tout, les deux androïdes parviennent à leur faire faux bond. Tandis que Carbone est rapidement interceptée, Silicium leur échappe. « Ils mènent alors chacun leurs propres expériences et luttent, pendant plusieurs siècles, afin de trouver leur place sur une planète à bout de souffle où les catastrophes climatiques et les bouleversements politiques et humains se succèdent… » (extrait du synopsis éditeur).

Après son très remarqué « Shangri-La » en 2016, Mathieu Bablet revient avec un récit d’apprentissage et d’anticipation très consistant. Que ce soit la psychologie des personnages, les réflexions de fond sur l’humanité et son devenir, la cohérence de l’ensemble et surtout (surtout !) la créativité dont il fait preuve pour le traitement graphique du récit… tout tout tout mérite au moins un petit coup d’œil… au mieux une lecture attentive si les extraits que vous allez attraper en feuilletant vous donnent envie d’aller plus loin.

« – C’est bizarre : quand cette personne parle, elle fait appel à mon sentiment de repli identitaire et à ma peur de l’autre.

– Oui, c’est un politicien. 

– Incroyable… c’est au-delà de toute logique. Donc, c’est normal que lorsqu’il me parle, il exacerbe ma colère et ma peur ?

– Non, justement. Dans ce genre de cas, il faut éviter le piège et utiliser ta raison et ton intellect, pas tes émotions. »

En construisant plusieurs ambiances graphiques pour nous guider dans la lecture, Mathieu Bablet nous embarque dans le futur, toujours plus loin vers ce lointain demain. Il nous raconte un des scénarios possible de ce que pourrait devenir l’humanité. Et ce n’est pas forcément beau à voir… car comme souvent, l’Homme y est l’acteur de sa propre perte. Pessimiste ? Oui, mais sans lourdeurs inutiles ; le propos est intelligent et fort bien construit. Déjà-vu ? Oui dans d’autres œuvres de fiction si ce n’est que l’auteur parvient à inventer et nous offre un nouveau regard, à la fois très personnel mais surtout, très universel. Je crois que cet album a la trempe de ces ouvrages qui sont capables de passer les années sans revêtir un cachet vieillot qui les fige dans une époque, une pensée collective propre à une génération ou un courant littéraire. Le fond comme la forme de « Carbone & Silicium » en font une œuvre intemporelle.

On y voit le talent et l’énergie que l’humanité mobilisent pour courir à sa propre perte. Au cœur de cette fiction, une projection croyable. L’univers est cohérent, le rythme narratif entrainant. Les deux personnages principaux sont dotés de personnalités complexes, ils sont touchants, intègres. Deux robots bien plus humains que la plupart de nos congénères. Deux créatures qui nous interpellent, nous surprennent. Carbone et Silicium s’émotionnent, se bouleversifient, s’opposent, se déchirent… mais ils s’aiment, se questionnent, se détestent pour leurs si grandes différences eux qui sont pourtant nés dans le même sein scientifique. Ils s’amourachent pourtant à chacune de leurs rencontres. Cette romance offre la touche d’espoir nécessaire pour illuminer ce récit d’anticipation. L’amour est toujours possible, cela donne de l’élan alors que toutes les données devraient pourtant inciter ces deux androïdes – émotifs, empathiques et dotés d’une faculté d’analyse redoutable – à se débrancher.

L’humanité est capable du meilleur comme du pire. Et dans tout ce pire, cela vaut la peine de sauver le meilleur, le bon, le doux. Solidarité, entraide ne seront jamais des mots dépourvus de sens.

« On fait partie de l’humanité superflue. C’est comme ça. »

Critique de la société et du système capitaliste qui la gangrène, « Carbone & Silicium » nous invite à traverser les décennies, les siècles même. Un récit riche et complexe où il sera question de politique et d’Etat policier. D’enjeux commerciaux, du marché de la concurrence et de société de consommation. De privations de libertés, de domination d’une espèce sur une autres, d’une économie sur une autre, d’un peuple sur un autre. De sentiments et d’émotions. D’environnement et de réchauffement climatique. De voyages dans la matrice, de virtuel et de réel, de rêve et de réalité… du rapport que les individus ont à l’écran et de la place croissante qu’il prend dans nos interactions sociales. Du rapport à la société, à l’Autre et du rapport que l’on a avec soi-même (assumer son ego). De libre-arbitre, de désirs, de fusion, d’entraide.

On attrape le fil du récit sans jamais trop parvenir à le lâcher pourtant, j’ai eu besoin de faire plusieurs pauses durant ma lecture… avec parfois une difficulté à la reprendre. « Carbone & Silicium » est loin d’être une lecture légère. C’est un récit qui fascine d’autant plus qu’il soulève des questions essentielles sur l’Homme et sa nature intrinsèque… allant parfois jusqu’à imaginer des solutions extrêmes et radicales aux impasses dans lesquelles l’humanité s’est nichée. Pourtant, on ne sort pas abattus et démoralisés de cet album, on le referme avec la certitude d’avoir ouvert une fenêtre sur un monde en devenir. Un monde imparfait, bancal, tordu… mais un monde fictif qui peut se corriger. La lecture terminée, la réflexion se poursuit. Bablet fait bouger les lignes avec ses réflexions éthiques et métaphysiques. Il nous interroge, nous interpelle… l’ouvrage est finalement assez interactif… il met les neurones au boulot !

« Pour être complet, il faut être seul. Pas de société, pas d’entraves. »

Voyage aux côtés de créatures directement sorties de la Matrice. Certes, c’est une vision cafardeuse de ce que pourrait être demain. Visions cafardeuses qui disposent pourtant de belles respirations : graphiques (bien évidemment avec des illustrations superbes que l’on a tout loisir de contempler durant de nombreux passages muets), puis cette romance improbable des deux androïdes qui est très bien pensée. L’optimisme est ténu mais suffisant pour nous tenir accroché à l’album. Dernier point : le récit propose une réflexion constructive sur les points de butée et les maux de nos sociétés actuelles. Bref, il y a largement de quoi se mettre sous la dent. Cerise sur le gâteau : l’ouvrage se referme sur une superbe postface d’Alain Damasio… Fichtre ! Du premier mot au dernier point… « Carbone & Silicium » vaut le détour !

Carbone & Silicium (récit complet)

Editeur : Ankama / Collection : Label 619

Dessinateur & Scénariste : Mathieu BABLET

Dépôt légal : août 2020 / 250 pages / 22,90 euros

ISBN : 979-10-335-1196-0

Love, le renard (Brrémaud & Bertolucci)

Brrémaud – Bertolucci © Ankama – 2012
Brrémaud – Bertolucci © Ankama – 2012

Sur la première de couverture, il apparaît comme téméraire. Ce renard court, il semble aller si vite que ses pattes touchent à peine le sol. Son regard fixe le sentier qu’il parcourt, il doit anticiper les obstacles malgré sa blessure à l’œil depuis longtemps cicatrisée. Il garde ainsi sur sa face le stigmate d’un ancien combat.

Après avoir contemplé cette illustration, on s’enfonce dans l’album en apparence silencieux puisqu’il s’affranchit de tout dialogue. On s’insinue dans ce monde animalier. Un état sauvage.

Plongée du lecteur dans cette nature automnale et luxuriante qui pourtant décline déjà. L’arrivée des premiers flocons viendra sonner le glas d’une saison. Les instincts sont à fleur de peau puisque s’amorce une période de l’année où les sens sont en éveil ; les gestes et les déplacements sont comptés, chaque proie saisie renforce l’idée que des jours meilleurs sont à portée. Mais pour l’heure, il s’agit de survivre à cet hiver, contourner les obstacles, imposer sa loi… la loi du plus fort.

Federico Bertolucci propose un univers graphique où fourmillent les détails. A pas feutrés, on avance lentement sur le lit de feuilles qui donne des éclats ambrés au paysage automnal, on pose délicatement le pied sur la neige pour éviter qu’elle ne craque… et on se tapit là, à l’orée d’une clairière ou derrière un buisson, pour observer ces êtres majestueux lorsqu’ils combattent, qu’ils chassent ou qu’ils dorment. On retient notre souffle tant tout est délicat et somptueux. Un enchantement permis par ce dessin d’une grande lisibilité.

Love, tome 2 – Brrémaud – Bertolucci © Ankama – 2012
Love, tome 2 – Brrémaud – Bertolucci © Ankama – 2012

Mais l’histoire se poursuite. Le renard est là. On cale notre rythme de marche sur le sien. On se faufile sous une branche, on se terre dans le tronc d’un arbre…

Puis c’est l’explosion. On a changé de saison. Durant les frimas hivernaux, la nature s’est endormie, à l’instar de certaines espèces animales. Mais les couleurs éclatent et les bruits heurtent nos oreilles. Le volcan se réveille et le scénario de Frédéric Bréémaud prend un rythme effréné. Tous les sens sont en éveil. On est à l’affut de tout, craignant de recevoir un projectile ardent. On profite du contraste entre le froid pinçant d’une épaisse couche de neige et les vapeurs bouillantes du magma qui se fraye un chemin dans le manteau blanc de l’hiver. Affamés, les pires prédateurs sont en activité, malgré le danger qui les menace. Rugissements, sifflements, bêlements, glapissements… sont étouffés par le roulis des pierres, le tumulte sonore d’une avalanche…

La fin de la saison approche. Le printemps revient mais la course à la survie n’en est pas pour autant terminée…

PictoOKSuperbe. Un scénario mis en images d’une bien belle manière.

La série comporte à ce jour trois tomes. Le premier, « Love, le tigre » est paru en mai 2011. Quant au troisième, « Love, le lion » est dans les bacs depuis mars 2014.

La chronique de Marilyne par qui j’ai découvert ce titre (dans le cadre du Loto BD [consacré aux albums muets] organisé par Val cette année) et celle de PaKa.

Du côté des challenges :

Petit Bac 2015 / Animal : renard

PetitBac2015

Love

Tome 2 : Love le Renard

Série en cours

Editeur : Ankama

Collection : Etincelle

Dessinateur : Federico BERTOLUCCI

Scénariste : Frédéric BRREMAUD

Dépôt légal : août 2012

ISBN : 978-2-35910-285-7

Bulles bulles bulles…

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Love, tome 2 – Brrémaud – Bertolucci © Ankama – 2012

The Grocery, tomes 1 et 2 (Ducoudray & Singelin)

Ducoudray – Singelin © Ankama – 2011
Ducoudray – Singelin © Ankama – 2011

Ducoudray – Singelin © Ankama – 2013
Ducoudray – Singelin © Ankama – 2013

Acte 1 : Elliott est un ado qui vient de s’installer dans le quartier avec son père. Ce dernier est le gérant de la « Grocery », un des rares commerces du coin. L’album s’ouvre sur une scène de vie banale où le père d’Elliott tente de convaincre son fils qu’il a tout intérêt à sortir plutôt que de passer ses journées devant la télé. En musique de fond, le générique d’Arnold et Willy accompagne leur discussion. « Y a des jeunes qui font du vélo et de la planche à roulettes dans la rue d’à côté, ils seront ravis d’avoir un nouvel ami !! » finit par déclarer ce père qui joint le geste à la parole et chasse son fils à coups de balai dans le derrière.

Ces jeunes, ce sont ceux du Corner 16, une bande de petites frappes et de jeunes dealers parmi lesquels on peut trouver Sixteen, Bug & Tiny, Ice, Slim…

Acte 2 : Samuel Washington dit « Wash », ancien Marine qui rentre de la guerre d’Irak. A son retour au pays, la situation est raide. Il découvre rapidement qu’il a été exproprié de sa maison et que sa grand-mère, qui vivait là, a été placée en Maison de retraite. Il verse l’intégralité de sa solde à la Banque mais malgré tout, la somme est insuffisante pour couvrir les frais de remboursement. Wash s’installe alors dans une communauté de sans-abris… des gens qui, comme lui, ont été touchés de plein fouet par la crise des subprimes.

Acte 3 : Ellis One, un caïd local, est amnistié après son passage dans le couloir de la mort. Malgré plusieurs décharges, la chaise électrique n’a pas eu raison de ce violent énergumène. Libéré, il compte bien reprendre la main sur son territoire et faire comprendre aux autres gangs – comme aux services de police – qu’il est de nouveau dans la place.

Le terrain de jeu des auteurs est la ville de Baltimore du moins ses quartiers malfamés où les gangs imposent leur diktat. L’univers de cette série est survitaminé, dopé aux effluves des drogues de synthèse que l’on côtoie tout au long de l’intrigue et au goût acidulé des bonbecs que ces graines de malfrats aiment tant bouloter.

En optant pour un scénario presque dépourvu de temps-mort, Aurélien Ducoudray nous propulse sans ménagement au cœur d’un quartier où les gangs et les lobbies immobiliers font la pluie et le beau temps. Au passage, le scénariste (Championzé, Clichés de Bosnie, La faute aux Chinois, Gueule d’amour…) aborde la violence (sous toutes ses formes : guerre des gangs, violence policière…), la drogue (deal, filière…), la crise des subprimes, les partis extrémistes et les œuvres caritatives. Certes, on se contentera d’aborder les grandes lignes de ces sujets d’actualité mais imaginez tout de même la richesse du scénario qui dépeint parfaitement le tableau d’une société américaine en pleine crise. Cerise sur le gâteau : Aurélien Ducoudray n’a pas oublié de saupoudrer son intrigue d’une généreuse pincée d’humour noir et cynique… on en redemande ! Et finalement, si nos jeunes loubards du Corner 16 imposent leur loi à l’échelle des junkies, ils se battent en permanence pour ne pas se faire broyer par des poissons bien plus gros qu’eux… des pointures qui s’imposent à coup de M16 voire de tanks, effrayant la population et la réduisant au silence. Une violence qui monte crescendo au fil des pages et qui donne lieu à des scènes assez trash.

Pourtant, les premières pages ne laissaient pas présager un récit aussi sombre qui brosse le portrait sans concession de banlieues américaines rongées par le capitalisme et la haine. La recherche du profit est le maître mot et le troupeau des banlieusards n’a qu’à bien se tenir ! La fuite est le meilleur recourt mais elle est rarement choisie par ces gens modestes. Les deux seules portes de sortie : l’expulsion (et son lot de maux : chômage, misère…) ou la mort. Mais comme je le disais plus haut, lorsqu’on déboule dans cette lecture, on est d’abord accueilli par un ado en mal de vivre et un marine un brin pathétique… Pourtant, le lecteur va vite se raviser et ajuster le tir : il va falloir que lui aussi se mette en marche car cette lecture est loin de se vivre passivement. Tout d’abord, on est assailli par des contrastes permanents, le plus marquants fut, pour moi, la présentation de ces corner boys (si vous avez vu la série The Wire, vous voyez à quoi je fais référence) qui négocient leur ration de bubble gum tout en donnant le change à des hommes de mains de la pègre. Ces derniers ne se cachent pas non plus pour afficher leur côté geek à l’égard de certaines productions hollywoodiennes (Ghostbuster en tête). Il y a aussi de jolies trouvailles narratives comme cette battle à coup de théories économiques à laquelle se livre Elliott… ou des clins d’œil non dissimulé à d’autres références BD (Kick-Ass).

Ducoudray – Singelin © Ankama – 2011
Ducoudray – Singelin © Ankama – 2011

Côté dessins, le travail de Guillaume Singelin (DoggyBags, Pills…) est tout aussi atypique. On côtoie des tronches que l’on croirait directement sorties du Muppet show et cette ambiance graphique faussement enfantine désamorce réellement le côté trash du scénario. Ces individus, aux faciès humoristiques, apportent un contraste supplémentaire avec la violence décrite dans le scénario. Le lecteur a ainsi l’impression d’être assis sur une poudrière sans savoir réellement quand celle-ci va exploser. Mais une chose est sûre : elle va exploser. On profite de certains passages où la violence est tout sauf suggérée… âmes sensibles, accrochez vos ceintures. Toutefois, je précise que cette violence n’est pas gratuite. Elle est utile et nécessaire, elle sert parfaitement les propos sans les exagérer. Le dessinateur crée un univers où les personnages, mi-homme mi- animaux, évoluent sur un décor urbain assez réaliste dans lequel on profitera de nombreux détails graphiques (enseignes, accessoires, affiches…).

PictoOKLorsque la violence urbaine monte crescendo et qu’il devient impossible d’enrayer le phénomène. Lorsque des jeunes frappes n’ont plus d’autre choix que celui de survivre dans cette jungle hostile, leur laissant comme seuls échappatoires la mort, la taule… ou celui de monter progressivement les échelons. La série s’achève normalement au prochain tome. Ça risque de mal finir mais on risque d’y prendre beaucoup de plaisir ! On sort de la lecture de ces deux tomes avec satisfaction et une foule de questions en tête : les routes de Wash et d’Elliott vont-elles finir par se croiser ? Les séquelles de la guerre vont-elles surgir soudainement et amener Wash à employer des moyens les plus extrêmes (voir ma chronique sur Revenants) ? Qui va parvenir à endiguer cette montée de violence urbaine ?…

Les chroniques : Tristan (Bulles et Onomatopées), Max Bo, Frédéric Rackay.

The Grocery

Série en cours

Tome 1

Tome 2

Editeur : Ankama

Collection : Label 619

Dessinateur : Guillaume SINGELIN

Scénariste : Aurélien DUCOUDRAY

Dépôt légal : octobre 2011 (tome 1) et février 2013 (tome 2)

ISBN : 978-2-35910-151-5 (tome 1) et 978-2-35910-335-9 (tome 2)

Bulles bulles bulles…

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The Grocery, tomes 1 et 2 – Ducoudray – Singelin © Ankama – 2011 et 2013

Chroniks Expresss #5

Aâma, tome 2 : La multitude invisible – Peeters © Gallimard – 2012
Aâma, tome 2 : La multitude invisible – Peeters © Gallimard – 2012

Suite des aventures de Verloc Nim, personnage amnésique qui tente de retrouver la mémoire. L’odeur de la poussière chaude (tome1 d’Aâma), nous avait permis de faire sa connaissance ainsi que celle de Churchill, un robot-singe capable de s’adapter – semble-t-il – à n’importe quel environnement hostile.

Ce tome nous permet logiquement de découvrir un peu plus la personnalité et le parcours de Verloc mais surtout, on apprend à connaitre Conrad, le frère de Verloc. On remarque aussi le fait que le scénario consacre très peu de place au présent de Verloc (deux ou trois scènes tout au plus où on le voit en compagnie de Churchill, commentant la lecture de son journal intime). L’auteur se concentre presque exclusivement sur le passé proche de son personnage principal ; grâce au journal intime de Verloc, on découvre le déroulement de l’expédition scientifique sur la Planète Ona(ji)… je vous invite également à lire ma chronique sur le tome 1.

Roaarrr Challenge
Roaarrr Challenge

Peu à peu, on découvre également en quoi consiste le projet Aâma : plante, intelligence artificielle, métabolisme vivant ??? Ce tome s’arrête sur un dénouement abrupt d’une réelle violence… mais qui nous tient en haleine. Vivement la suite 😉 L’album a obtenu le Fauve – Prix de la série en 2013 à Angoulême. Contribution au Roaarrr Challenge.

La fiche éditeur.

Tour du Monde en 8 ans
Tour du Monde en 8 ans

Tour du monde en 8 ans : Suisse

Aâma, tome 2 : La multitude invisible – Peeters © Gallimard – 2012

Prix : 17.25 euros , ISBN : 9782070649211

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Burlesque Girrrl, tome 1/2 – Amoretti © Ankama – 2012
Burlesque Girrrl, tome 1/2 – Amoretti © Ankama – 2012

« Une jeune pin-up pulpeuse, tatouée, qui porte la vingtaine avec l’élégance d’une diva. Une incarnation du « rock » et du « burlesque », dans la lignée des effeuilleuses Dita Von Teese et Devil Doll : c’est Violette. Bassiste dans un groupe, modèle pour sous-vêtements, elle alterne shootings et concerts, compose ses morceaux à l’occasion. Une fille pas comme les autres et délicieusement GRRRL… » (présentation officielle).

Avant toute chose, je voudrais dire que l’on est en présence d’un très bel objet : la qualité du papier, les finitions, l’ambiance graphique, le cahier graphique en fin d’album… Le genre d’album qu’on apprécie d’avoir dans sa bibliothèque. Les illustrations de François Amoretti sont sublimes, une ambiance rétro campe le décor et nous aide à matérialiser les sons qui virevoltent çà et là au milieu des pages.

En revanche, la lecture ne m’a pas réellement emportée. Pourtant, les personnages sont sympathiques et le fait qu’ils soient à un tournant de leur carrière devrait donner de l’entrain au récit. Mais sur ce point, j’ai trouvé qu’il était trop sur la réserve. Personne ne s’emballe, personne ne fait de faux-pas… limite ces personnages ont trop de bon sens ce qui ne permet pas à l’histoire de s’emballer malgré la présence de rockabilly, de courses de voiture et de spectacles… d’effeuillage.

Beaucoup de bonnes choses dans cet album mais pour moi, le rythme du scénario ne colle pas… c’est un peu trop mou ! J’attends cependant le second et dernier tome de ce diptyque.

Le blog de François Amoretti.

Les chroniques d’Oliv, Natiora et Zaelle.

Burlesque Girrrl, tome 1 – Amoretti © Ankama – 2012

Prix : 12.90 euros, ISBN : 978-2-35910-310-6

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Le cycle de Cyann, tome 5 : Les couloirs de l’Entretemps – Bourgeon – Lacroix © 12bis – 2012
Le cycle de Cyann, tome 5 : Les couloirs de l’Entretemps – Bourgeon – Lacroix © 12bis – 2012

« L’Entretemps, c’est le nom du grand vaisseau spatial dans lequel Cyann s’est embarquée après avoir fui Olh. Après une traumatisante escale sur la planète Fulguru, elle doit cependant regagner son monde natal pour enfin retrouver sa cadette Azurée.

Nouveau voyage, nouveaux drames… Car Cyann doit aussi retourner sur la sinistre planète Marcade pour y tenir une promesse… Et aussi régler ses comptes » (synopsis éditeur).

J’attendais ce cinquième tome avec impatience (dernier album de la série remontait à 2007). C’est avec un certain plaisir que l’on retrouve cette héroïne, un plaisir légèrement chahuté par la déferlante d’événements qui se produisent dans cet album. Voyages interplanétaires et voyages dans le temps nous chahutent en permanence. J’ai apprécié cet album et l’orientation prise par le récit. Cependant, ce n’est qu’à la seconde lecture (après avoir relu les quatre premiers tomes), que j’ai réellement profité de la richesse de l’histoire. Je trouve effectivement que Les couloirs de l’Entretemps s’apprécie plus quand on est déjà pris dans le rythme de l’histoire (depuis son origine). De fait, cela m’a permis de faire certains liens et de voir certains personnages d’un autre œil.

Pour relire ma chronique sur les quatre premiers tomes de la série : suivez ce lien.

Challenge Lieux imaginaires
Challenge Lieux imaginaires

Le cycle de Cyann, tome 5 : Les couloirs de l’Entretemps – Bourgeon – Lacroix © 12bis – 2012

Prix : 15 euros, ISBN : 978-2-35648-323-2

Lieux imaginaires : les mondes de Cyann

Blue (Grant)

Grant © Ankama – 2012
Grant © Ankama – 2012

L’histoire se passe à Bolton, ville fictive de la côte Est australienne.

Bolton est une ville-champignon qui s’est construite autour de son usine. Attractive à plus d’un titre pour les ouvriers qui pensaient y trouver une sorte d’Eldorado qui devait leur assurer un avenir heureux. Alors que le rêve commence à s’écorner, Christian, Verne et Muck, du haut de leurs 13 ans, préfèrent passer leurs journées à surfer plutôt que d’aller à l’école. C’est aussi à cette époque que « les gens bleus » commencent à s’installer à Bolton.

« – Comment on est censé les appeler ?
– Je sais pas. Juste « les gens bleus ».
– C’est pas un peu raciste. Ou quoi ?
– Peut-être. Mais ils sont bleus. Comment ça peut être raciste si c’est vrai ?
– Ils sont comme les négros ?
– Nan. Les négros sont différents. Les gens bleus sont plus comme les rebeus. Ou les bouffeurs de curry.
– Connerie ! Ce gamin avait rien à voir avec un bouffeur de curry. Il ressemblait plus à un nabot-rigène ».

A travers le quotidien de ces trois « potes », Pat Grant nous parle du racisme. Mais ce constat-là, on le fait tardivement. Tout d’abord parce que les deux premières histoires courtes – sorte de préambule au récit principal qui suit – nous égarent un peu sur les intentions de l’auteur. Recueil de nouvelles ? Non… petite mise en jambes (je dirais) qui ne sert qu’à situer l’ambiance et le ton de l’histoire, ainsi que ses personnages.

Je n’ai qu’un seul grief à l’égard de cet album : le franc parler de cette petite bande de jeunes qui à la longue lasse un peu. L’argot utilisé est souvent graveleux mais assez significatif de gamins en pleine puberté et qui ne cherchent finalement qu’à impressionner leurs pairs.

En revanche, le style graphique de Pat Grant m’a séduite. Les trois couleurs utilisées (noir / bleu / marron) créent une atmosphère sereine et agréable. On profite ainsi pleinement des illustrations et on y voit passer avec plaisir les trognes déformées des personnages. Le graphisme fourmille de détails divers : les tags sur un mur, les affiches publicitaires, les vagues… l’écume. Beaucoup de mouvement dans cette expression graphique et beaucoup de rondeur qui atténuent finalement la gravité des événements. Le format à l’italienne permet quant à lui de profiter de superbes illustrations panoramiques.

Grant © Ankama – 2012
Grant © Ankama – 2012

Enfin, le scénario en deux temps où les événements et la manière dont on les découvre sont influencés par la présence de Christian, personnage principal du récit. L’espace narratif se consacre majoritairement au quotidien atypique de cet adolescent. En effet, si le point commun de ces jeunes est leur attrait pour le surf… on les voit finalement très affairés à s’occuper à toute sorte de passe-temps sauf au surf ! Courageux mais pas téméraires, ces gamins boutonneux ont développés un sens aiguisé de l’esquive et de l’excuse bidon. La voix-off offre quant à elle une toute autre portée aux dialogues. Plus mesurée et teintée de nostalgie, elle donne un regard plus mature sur les événements. Les apparitions furtives de Christian alors qu’il est adulte nous donnent un éclairage sur l’évolution de la vie à Bolton et nous permet de comprendre que l’arrivée des étrangers, les « gens bleus », ne s’est pas faite sans heurts dans la communauté. Un clivage ethnique d’autant plus exacerbé qu’aujourd’hui, Bolton est frappé de plein fouet par la crise économique (chômage, précarité, insalubrité…).

Dans les bonus de l’album (à lire absolument !), Pat Grant affirme l’influence que Stand by me (Stephen King) a eu sur son histoire. Celle-ci puise aussi bien dans un registre fictif que dans les anecdotes autobiographiques.

Tout ce qui est dans ma bande dessinée Blue, c’est des conneries. Par exemple, il n’y a pas de ville du nom de Bolton. Du moins pas sur la côte est. Et ce n’est pas là qu’il y a eu des visites d’étrangers bizarres à la peau bleue. (…) Mais en même temps, tout est vrai. J’ai bien volé des cigarettes à mon père. J’ai bien séché les cours pour aller faire du surf avec mes amis. Et il y avait bien un chemin broussailleux qui passait au-dessus du ruisseau, sous la voie ferrée et descendait jusqu’à la plage »

(propos de l’auteur dans les bonus de l’album).

PictoOKUne découverte très agréable.

C’est également l’occasion de saluer la qualité de la ligne éditoriale d’Ankama qui livre une fois encore un objet absolument magnifique doté d’une couverture rigide et toilée superbe.

Les chroniques de PaKa et de Biscotte Mulotte.

Le site dédié à l’album.

Du côté des challenges :

Petit Bac 2013 / Couleur : bleu

Tour du monde en 8 ans : Australie

Challenge TourDuMonde PetitBac

Blue

One shot

Editeur : Ankama

Dessinateur / Scénariste : Pat GRANT

Dépôt légal : novembre 2012

ISBN : 978-2-35910-357-1

Bulles bulles bulles…

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Blue – Grant © Ankama – 2012

DoggyBags #1 et 2 (Run & Maudoux & Singelin & Bablet & Ozanam & Kieran)

Doggybags #1
Run – Singelin – Maudoux © Ankama Editions – 2011

Doggybags #2
Run – Singelin – Ozanam – Kieran – Bablet © Ankama Editions – 2012

« Besoin d’une triple dose d’adrénaline ?

Un gang de loups-garous bikers déchaînés ; une tueuse aussi sexy et diabolique que la sournoise Black Mamba de Kill Bill ; un braquage qui se termine en immonde boucherie dans un coin paumé du désert d’Arizona ? Ça vous suffirait ?

(…) un trio d’auteurs abominables qui rendent hommage à leur façon aux cinémas de Tarantino et Grindhouse des années 60-70 ! » (présentation officielle Volume 1).

Attention : pour publics avertis. Ne mettez pas ces ouvrages dans les mains de vos bambins… ils n’en ressortiraient pas indemnes. Cette lecture nous percute de plein fouet : âmes sensibles s’abstenir. Pourtant, force est de constater que la lecture de ces nouvelles est assez jouissive.

Les dialogues des nouvelles sont en général assez épurés, ils sont au service de l’action et complètent souvent déjà des visuels très évocateurs. La lecture est fluide, le lecteur est réellement pris dans le rythme et dans l’intrigue. Le graphisme est mordant, dynamique… la violence n’est absolument pas suggérée.

Fresh Flesh & Hot chrome (Nouvelle 1 – Volume 1)

On revisite le mythe des bikers mêlé à celui du loup-garou. Cette base fantastique offre une très belle métaphore au traitement de sujet plus larges comme la place de la femme dans la société et la misogynie de certains groupuscules. Le personnage principal de cette cavale est une jeune femme qui tente de se rebeller contre sa condition de femme-objet. Un personnage que j’ai rapidement investit, un dénouement qui force à la réflexion.

Masiko (Nouvelle 2 – Volume 1)

Superbe référence aux yakuzas et aux légendes urbaines. « Masiko » est le nom qu’une mère célibataire utilise lorsqu’elle effectue les contrats que lui ont confiés les membres des Triades. Le problème : cette tueuse professionnelle est parvenue à se mettre à dos les différentes familles. Une prime est donc accordée à celui qui sera capable de ramener sa tête à « La Duchesse », ponte du crime organisé. Masiko lutte pour survivre.

Mort ou Vif (Nouvelle 3 – Volume 1)

Cette fois, c’est le mythe du zombie qui est passé au crible. Un policier impétueux décide de faire justice à deux pauvres bougres qui ont été froidement liquidés par une petite frappe. La radio de sa moto étant HS, il décide d’engager seul une chasse à l’homme dans le désert de l’Arizona. Il ambitionne de stopper l’homme avant qu’il ne passe la frontière du Mexique. Les deux protagonistes vont faire preuve d’une belle ténacité… et tenir le lecteur en haleine jusqu’au dénouement.

Elwood and the Freak bitches (Nouvelle 1 – Volume 2)

Toujours dans le registre du fantastique, on explore cette fois le mythe des vampires. Des vampires atypiques puisque le postulat de départ tient au fait qu’une bande de 40 aliens ont été débarqués sur Terre (mais ce n’est que la première étape d’une invasion planétaire de grande ampleur). Ces  » 40  » ont pris l’apparence de jeunes femmes plus sexy les unes que les autres. Attention nymphomanes !!! Elles ont une semaine pour se faire féconder ; leurs progénitures devant permettre la bonne adaptation de leur race à l’environnement terrestre.

Hormis cela, c’est plutôt la question de l’hystérie que j’ai questionné. Le personnage principal, un pauvre looser natif d’une bourgade perdue au milieu de nulle part – et puceau de surcroît – semble être en pleine décompensation ! Le héros est balloté entre son aversion pour les  » aliens  » (symbolisant la femme ?), sa libido inexistante et des hallucinations visuelles (il voit Jeanne d’Arc…). Quant au lecteur, il entre à 200 à l’heure dans le crane de cet illuminé… et on en ressort pas tout à fait indemne une trentaine de pages plus loin.

The Border (Nouvelle 2 – Volume 2)

Retour à la réalité mais cela n’est pas tellement salvateur pour le lecteur. Nous sommes cette fois confrontés à des énergumènes d’un genre écœurant. S’appuyant sur un fait de société réel, celui du « Mur de la honte » au Mexique. Des hommes se mettent en chasse. Ils sont extrémistes, enfermés dans une vision rétrograde et nourrissent une haine démesurée à l’égard de l’Etranger. Chaque nuit, ils s’amusent à tuer, à torturer, à violer les immigrés qui croisent leur chemin. Du racisme à l’état brut qui est abject, leurs préjugés donnent la nausée… Et lorsqu’en pleine nuit, ils croisent un Chupacabra… brrrr…

Vol express 666 (Nouvelle 3 – Volume 2)

Bablet et Run adaptent à leur sauce l’histoire d’Auburn Calloway. Dans la rubrique « fait divers », un article de presse aurait été consacré à cette tragédie qui glace le sang (je vous invite à lire cet article Wikipedia qui relate ce drame).

PictoOKChaque nouvelle se développe en une trentaine de pages. Les choix d’y apposer des couleurs assez sombres et de recourir régulièrement aux jeux de hachures campent parfaitement le côté grinçant et satirique de ces récits. Dans une certaine mesure, l’agencement graphique m’a fait penser au travail réalisé par Joshua Cotter sur Les Grattes-ciel du Midwest où des « encarts publicitaires » humoristico-satiriques – insérés à chaque entame de chapitre – détournent des slogans commerciaux pour leur donner un autre sens, une autre portée.

Un grand merci à Jérôme qui nous a permis, à mon Golgoth et moi, de découvrir cette série 😉 Allez lire sa chronique sur le Volume 1 !!

Extraits :

« Depuis quand l’homme n’est plus un loup pour l’homme ? Tu crois être différente ? Assume ta part d’animalité ! » (Fresh Flesh & Hot chrome).

« La liberté ne se troque pas. Mieux vaut vivre un jour comme un loup que cent comme un chien » (Fresh Flesh & Hot chrome).

« Et la vie, c’est comme un vaste sable mouvant. Si tu ne veux pas t’enfoncer trop vite, t’as intérêt à faire le moins de remous possible » (Elwood and the Freak bitches).

DoggyBags

Challenge Petit Bac
Catégorie Animal

Série en cours

Tome 3 à paraitre le 25 octobre 2012

Éditeur : Ankama

Collection : Label 619

Dessinateurs / Scénaristes : RUN, Guillaume SINGELIN,

Florent MAUDOUX, Antoine OZANAM, KIERAN, Mathieu BABLET

Dépôt légal : janvier 2011 (tome 1) et avril 2012 (tome 2)

ISBN : 978-2-359-10129-4 (tome 1) et 978-2-359-10259-8 (tome 2)

Bulles bulles bulles…

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DoggyBags, tomes 1 et 2 – Run – Singelin – Maudoux – Ozanam – Kieran – Bablet © Ankama Editions – 2011 et 2012

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