Sous les arbres, tome 3 (Dav)

Dav © Editions de La Gouttière – 2021

Un cadre de vie idyllique, bucolique, magnifique.

C’est la troisième fois que Dav nous emmène dans ce petit village niché dans un doux coin de forêt. Et c’est tout un microcosme à poils et à plumes qui cohabitent. Hibou, écureuils, putois, souris, renards… se sont aménagé un joli coin de paradis pour que le quotidien soit plus agréable.

Au rythme des saisons, l’activité du hameau s’adapte aux besoins de chaque espèce. Des feuilles à balayer pour dégager un passage, des provisions à faire en prévision de l’hiver, un habitat à aménager pour préparer l’arrivée d’un heureux événement… Loin des teintes blafardes et du stress de la ville, ce lieu nous enchante tant il semble bon y vivre.

Malgré tout, cela n’empêche pas la présence de grincheux. Le putois porte à merveille son surnom de Monsieur Grumpf, le renard tempête d’être aussi gauche dans la démonstration de ses sentiments… et ce troisième tome nous permet de mieux faire la connaissance d’un vieil hibou qui ronchonne à tout va à l’écoute des cris et des rires joyeux des enfants qui s’amusent. Cela dérange sa quiétude ? Non… enfin un peu… mais cela lui donne surtout envie de se divertir avec les enfants qui jouent en bas de chez lui.

Un univers jeunesse qui s’adresse à des petits lecteurs mais il faut bien avouer que « Sous les arbres » régale également les lecteurs qui ont atteint l’âge de raison. C’est avec un plaisir non dissimulé qu’on s’engouffre dans la lecture. Les couleurs sont magnifiques et pleine de lumière. La lecture est dynamique et les textes sont simplifiés mais largement compensés par l’expressivité des personnages. De fait, on a là un récit très complet et qui partage généreusement tout l’optimisme et la bienveillance qu’il fait le sel de cet univers.   

Une lecture pour retrouver son âme d’enfant. A faire découvrir à un petit lecteur en herbe !

Sous les arbres / Tome 3 : Un chouette été

Editeur : Editions de La Gouttière

Dessinateur & Scénariste : DAV

Dépôt légal : mai 2021 / 32 pages / 10,70 euros

ISBN : 9782357960206

Les grands Espaces (Meurisse)

Meurisse © Dargaud – 2018

Quand elle était enfant, ses parents se sont lancés dans un projet fou : tout quitter pour s’installer à la campagne. Fini la ville, bonjour les grands espaces. La ferme abandonnée est progressivement retapée pour en faire un lieu habitable. Les abords autour de l’habitation sont défrichés, nettoyés et peu à peu, fruits, légumes, fleurs et arbres sont plantés. La vie prend forme.

Pendant que les parents s’affairent, Catherine et sa sœur tombent sous le charme de ce lieu. Catherine se découvre une passion pour les vieilles pierres et s’épanouit au contact de la nature. Elle développe une grande sensibilité pour chaque plant, chaque bouture, chaque bourgeon qu’elle va commencer à dessiner.

« La campagne est une ludothèque qui s’ignore. »

On découvre ce quotidien ludique à peine grignoté par des activités plus terre-à-terre ; ainsi, on la verra très peu user ses fonds de culottes sur les bancs de l’école ; non pas qu’elle n’y aille pas mais ce n’est tout simplement pas le cœur du sujet. La petite fille se nourrit des aventures imaginaires qu’elle vit dans le jardin lorsqu’elle regarde une plante pousser, un arbre s’émouvoir au contact d’une petite brise, une abeille polliniser une plante, un bourgeon éclore doucement… de même, on ne sait rien de l’activité professionnelle de ses parents, rien de l’organisation quotidienne de cette famille.

Leur goût pour la nature les soude et les rend complice. Pendant que les parents s’adonnent à leurs activités de jardinage pour l’un (la mère) et de bricolage pour l’autre (le père, les deux sœurs se donnent pleinement dans la recherche des reliques du jardin : un vieux clou rouillé, une anse qui s’est décroché de sa carafe, une crotte déposée par un animal qui passait par là, l’arrangement d’un bout du jardin qui leur a été confié…

Catherine Meurisse s’émerveille au contact de ses souvenirs d’enfance. Les prémices de son orientation professionnelle future s’esquissent, ses affinités se précisent, ses goûts artistiques se consolident. De façon presque systématique, les échanges des personnages nous renvoient à des références littéraires et/ou picturales. Du Caravage à Pierre Loti en passant par Emile Zola, Jean-Baptiste Camille Corot ou Marcel Proust… les extraits d’œuvres classiques proposées donnent de la consistance au propos et renforcent l’intérêt que l’on ressent à la lecture de cet ouvrage.

C’est fin, pertinent, malicieux, bourré d’humour et rempli d’une tendresse qui réchauffe. J’ai vraiment apprécié l’état d’esprit de ce témoignage et savouré comme rarement cet art de la contemplation qui est partagé avec nous. « La Légèreté » était une catharsis qui a permit à l’autrice d’évacuer le ressentiment traumatique des événements qu’elle a vécu lors de l’attaque de Charlie Hebdo en 2015… deux ans après cet album, Catherine Meurisse replonge avec délectation dans ses souvenirs d’enfance et les premiers éléments qui ont forgé son métier de caricaturiste.

Puis cette lecture m’a permis de replonger dans d’agréables souvenirs puisqu’en 2020, lors du FIBD, j’avais eu l’occasion de visiter l’exposition « Chemin de traverse » qui était consacrée aux travaux de Catherine Meurisse. La découverte de ses originaux et le plaisir de contempler ses planches en d’agréable compagnie est pour moi un souvenir précieux et la plongée dans cet album a été l’occasion de le faire remonter à la surface.

Les grands Espaces (one shot)

Editeur : Dargaud

Dessinateur & Scénariste : Catherine MEURISSE

Dépôt légal : septembre 2018 / 92 pages / 19,99 euros

ISBN : 9782205074505

Entre les lignes (Mermoux)

Mermoux © Rue de Sèvres – 2021

Une histoire de famille.

Un retour aux racines, une plongée dans une histoire familiale via les carnets intimes et les lettres écrites par un homme. Chaque 3 avril pendant quarante-sept ans, il écrit à Anne-Lise Schmidt. Qui est-elle pour lui ? Un amour perdu ? Une correspondante de guerre ? Son enfant ?

Cet homme se nomme Moïse. Il est né en 1910. La Première Guerre Mondiale le prive très tôt de son père et lui laisse comme seul parent une mère distante et incapable de donner de l’affection. Il grandira avec cette douleur d’avoir perdu un être cher et la difficulté d’appartenir à un milieu très modeste.

Au décès de Moïse, Denis (son fils) découvre les écrits que Moïse a rédigé tout au long de sa vie. Trois carnets et des lettres. La première est datée du 3 avril 1960. La seconde du 3 avril 1961… Un rituel s’installe. Chaque 3 avril, Moïse prend sa plume et s’adresse à Anne-Lise. Il lui raconte chronologiquement les événements importants de sa vie. Jusqu’à sa mort, Moïse passe chaque année au peigne fin la suite de son parcours et révèle les secrets qu’il n’a confié à personne. « Anne-Lise » , « Lisette » , « ma petite souris » … toujours une grande bienveillance dans les mots de l’aïeul pour donner forme à ses mémoires. Et toujours ce sentiment que Moïse se justifiait d’une faute inavouée et d’une immense culpabilité qui le ronge. La teneur des propos bouleverse Denis qui découvre le vrai visage de son père. Son sang ne fait qu’un tour et provoque une crise cardiaque. Cloué au lit pour les besoins de sa convalescence, Denis décide de transmettre l’intégralité des documents à son fils Baptiste Beaulieu.    

A la lecture des premières lettres, Baptiste propose à son père d’aller à la rencontre des lieux où a vécu Moïse. Il ambitionne également de retrouver certains protagonistes qui ont côtoyé son grand-père – à défaut leurs descendants. Baptiste souhaite recueillir leurs témoignages pour les partager avec son père. Face à l’ampleur de la tâche et face aux difficultés de la voir se réaliser, Baptiste décide finalement de maquiller la réalité. Il voit dans cette démarche l’opportunité de renouer le dialogue avec son propre père et la possibilité de lui faire passer quelques messages.

Les lettres de Moïse et les répercussions qu’elles ont eues dans la relation entre Baptiste et Denis seront le socle de « Toutes les histoires d’amour du monde » , un roman de Baptiste Beaulieu publié en 2018 aux éditions Mazarine.

Dominique Mermoux s’est saisi du texte du romancier… « Entre les lignes » est son adaptation en bande dessinée. Il crée deux ambiances graphiques propres à chaque facette du récit. Le présent et ses couleurs nous montrent comment le fils reconstruit la relation avec son père grâce aux recherches qu’il entreprend. Le passé et ses tons bleus-sépia très doux reprennent mot pour mot les lettres de Moïse.

Des passerelles se créent entre les deux périodes… autant de faits qui créent des occasions de dire, de se dire, au travers des personnes que Baptiste va rencontrer et interviewer. Il constate vite qu’il est impossible de retrouver les lieux et leur ambiance à l’identique, tout a tellement changé en cinquante ans ! Loin d’abandonner son idée, Baptiste décide de recueillir les témoignages de son entourage dont il est plus ou moins proche. Il y intègre notamment les récits de personnes qui lui sont proches comme celui de son compagnon.   

« Tu sais, quand je suis parti là-bas, à sa demande, dans l’espoir de lui ramener ce qui a survécu de cette époque, je pensais vraiment trouver quelque chose. Mais il ne me reste rien. Juste du neuf ou des ruines. Le neuf n’a rien à raconter et les ruines sont muettes. Vouloir fourrer une âme dans les lieux et croire qu’on peut la capter est une maladie de la pensée. Ce qui survit, ce sont les gens et les histoires qu’ils transmettent. »

Grâce à cette démarche, la parole se remet à circuler entre Baptiste et son père. Les non-dits et les tabous se lèvent, les doutes s’énoncent… les abcès se crèvent. Une catharsis.

Le grand-père de Baptiste aura connu les deux guerres mondiales. Trop jeune pour être appelé sous les drapeaux durant la Der des Der, il en gardera néanmoins une profonde blessure ; son père ne rentrera pas des champs de bataille. La Seconde Guerre Mondiale le changera profondément. D’abord en première ligne, il sera appréhendé par les Allemands et fait prisonnier. Les événements qui se produisent durant sa captivité le marqueront à vie. Ses lettres en témoignent et montrent à quel point la grande Histoire a influencé la petite histoire de sa vie d’homme.  

« Parfois, je pense à ce qui est arrivé, puis à ce qui aurait pu arriver et n’a jamais été, et je mords l’intérieur de mes joues, j’ai honte de cette immense douleur, et je pleure encore comme celui qui sait bien que, finalement, le bonheur est un projet surhumain, sur cette terre. »

Le propos est parfois assez convenu et si l’on hésite un court temps quant à l’identité réelle d’Anne-Lise et les liens qui la relie à Moïse, on comprend très vite de quoi il en retourne. Ce récit explore les tenants et les aboutissants qui ont conduit Moïse à faire un choix qu’il regrettera tout le reste de sa vie. Avec les moyens dont il dispose, Baptiste Beaulieu réalise le désir de son grand-père. L’idée d’en faire un livre est spontanée, sincère… une bouteille à la mer. En partageant les lettres de Moïse et en retraçant les démarches qu’il a réalisées pour mettre ses pas dans ceux de son aïeul, Baptiste confie un message à ses lecteurs et rêve qu’un jour, ce message atterrisse entre les mains de la personne à qui il est destiné : Anne-Lise.

J’ai eu l’occasion de lire, à droite et à gauche, de nombreuses critiques qui n’incitent pas le lecteur à se tourner vers l’ouvrage. Pourtant, même s’il m’a fallu un temps pour trouver ma place dans cette lecture, je l’ai trouvé touchant. Emouvant à certains moments.

Les deux facettes du récit sont intimement liées et se nourrissent réciproquement mais j’ai de loin préféré la partie consacrée aux correspondances épistolaires à celle qui s’attarde sur la démarche actuelle de Baptiste Beaulieu. Je crois que cela tient à la veine graphique qui est associée ; le contenu des lettres et la voix-off de Moïse associés à cette ambiance graphique si particulière créent une atmosphère où le temps est comme suspendu… comme si ces souvenirs laissaient le temps flotter. Les mots, les maux, les bonheurs et les doutes de cet homme sont si universels ! C’est une belle histoire de vie et une très belle occasion que Baptiste Beaulieu a su saisir pour renouer le dialogue avec son père.

En revanche, je n’adhère pas à l’objectif final de la démarche. Je doute qu’il soit bon que cette bouteille à la mer arrive à son destinataire car le temps a passé. Anne-Lise n’est plus l’enfant à qui Moïse adressait ses lettres. C’est une femme d’âge mûr désormais… qui vacillera certainement en découvrant le contenu des lettres de Moïse. Je ne sais pas si d’autres lecteurs partagent mon avis sur ce point.

Un bel album que j’aurais tendance à conseiller.

Entre les lignes

– d’après le roman de Baptiste Beaulieu –

Editeur : Rue de Sèvres

Dessinateur & Scénariste : Dominique MERMOUX

Dépôt légal : mai 2021 / 168 pages / 20 euros

ISBN : 9782810202508

La Petite Mort, tome 1.5 (Mourier)

En 2013, sortait le premier tome de cette série devenue incontournable.

Huit ans après, le scénariste revient sur la genèse de cet univers et réécrit totalement son scénario.

tome 1.5 – Mourier © Guy Delcourt Productions – 2021

« Et si La Petite Mort n’avait pas fait les mêmes choix ? Et si ses parents, son grand-père et même son poisson avaient agi différemment ? Et si La Petite Mort ne fauchait pas Séphi (le chat) mais Ludo, que ce serait-il passé ? « La Petite Mort 1,5 » c’est la réécriture complète de l’univers de La Petite Mort où l’on retrouve des personnages forts de la série » (synopsis éditeur).

Un tome plein de supposés pour visiter « autrement » l’univers et le réinventer. Le changement commence dès le visuel de couverture qui prend totalement le contre-pied du premier tome de la série. Alors que ce dernier exposait La Petite Mort sur fond noir, ce nouveau tome opte pour un fond blanc… Pile ou face, les deux versants d’un monde qui aurait pu être tout autre si le scénariste avait fait faire d’autres choix à son personnage principal.

La Petite Mort succédera un jour à son père La Faucheuse. En attendant, il va à l’école et retrouve chaque jour son ami Ludo. Pendant les vacances d’été, il passe son examen de Fauche et le réussi haut la main. Sur la liste des prétendants à la mort qu’il doit faire passer de vie à trépas, il y a quelques célébrités comme Harry Potter, Spok et les tortues Ninja. La Petite Mort aime ça même si, au fond de lui, il rêve de devenir fleuriste. Mais il n’y a rien à faire, pas de négociations possibles : il doit reprendre l’entreprise familiale.

Un univers franchement décalé dans la même veine que « La Vie de Norman » ; on rit de la mort, on s’amuse avec elle… elle est dédiabolisée. Davy Mourier détricote et retricote son scénario pour en faire quelque chose d’à la fois nouveau et familier. Son scénario délirant saute du coq à l’âne et intègre – le temps de quelques cases – des personnages temporaires qu’il éradique aussitôt de l’histoire… ce qui renforce d’autant le côté farfelu du scénario. Des références à des univers imaginaires de tous poils : cinéma, littérature, dessin-animé… l’auteur pioche généreusement dans les références de la culture populaire.

Notre petit héros a le mal de vivre. Il déprime, a le spleen, aimerait être comme tous les enfants de son âge mais son statut lui interdit de mener une vie normale. La solitude est son fardeau quotidien. La mort est présente à chaque page et donne une ambiance atypique au récit. L’humour noir est le fil conducteur qui rythme la lecture, on se prend au jeu, on rit jaune… mais on rit. Davy Mourier décape au vitriol les travers de la société et réalise une critique sociale aussi juste décalée.

Le harcèlement scolaire, la maladie, le désespoir, le rejet, l’incompréhension… un flot généreux de thématiques face auxquelles la société ne trouve pas de réponse satisfaisante sont abordées de façon ironique. On referme cet album en étant amusé… et furieusement désireux de relire les premiers tomes de la série pour rafraichir un peu notre mémoire qui a remisé dans le tiroir de l’oubli de nombreux détails narratifs qui font le sel de cet univers loufoque et mordant.

La petite Mort / Tome 1.5 : Une Impression de déjà-vu

Editeur : Delcourt / Collection : Humour de rire

Dessinateur & Scénariste : Davy MOURIER

Dépôt légal : février 2021 / 96 pages / 15,50 euros

ISBN : 9782413039204

Linette, tome 4 (Romat & Peyraud)

Romat – Peyraud © Editions de La Gouttière – 2021

Le père de Linette a commandé du sable pour faire des travaux.

Pour Linette, ce gros tas de sable qui a atterrit dans le jardin est synonyme de château de sable. Elle a sorti tout l’attirail qu’elle prend habituellement pour aller à la plage mais son père est catégorique : tout ce sable n’est pas pour elle. Elle peut en prendre un peu, c’est tout. Le reste, c’est pour lui bricoler.

Déception pour Linette ! Mais tant pis. Elle s’accommode du « petit peu » auquel elle a droit et décide de se faire un bonhomme de sable. Très vite, il prend vie. Très vite, il a faim. Il ne mange que du sable. Linette lui en donne un peu, puis un peu… et finalement, ce Bidoudune englouti tout le tas de sable de son papa !!

Linette est une série jeunesse absolument pétillante. Les tomes de l’univers sont des albums sans texte et accessibles dès l’âge de 3-4 ans. Catherine Romat construit de pures aventures où l’imaginaire de la fillette se transpose sur la réalité. Une association d’idées et c’est parti, là voilà à vivre les histoires qu’elle invente. C’est très dynamique, les rebondissements fusent et la vivacité de cette enfant est incroyable. Les objets prennent vie comme par magie. Et le coup de crayon de Jean-Philippe Peyraud donne vie à cette pétillante fillette blonde comme les blés.

Beaucoup de bonne humeur dans ce récit. Le petit lecteur qui prend l’ouvrage en main est tout à fait autonome sur cet ouvrage ; les dessins sont suffisamment expressifs pour qu’il puisse faire la lecture sans adulte à côté de lui s’il le souhaite. Difficile de ne pas avoir le sourire aux lèvres lorsqu’on fait la lecture de cet album !

J’avais présenté le premier tome au moment de sa sortie en mai 2018.

Linette / Tome 4 : Le Bidoudune

Editeur : Editions de La Gouttière

Dessinateur : Jean-Philippe PEYRAUD / Scénariste : Catherine ROMAT

Dépôt légal : mars 2021 / 32 pages / 10,70 euros

ISBN : 9782357960398

Un léger Bruit dans le moteur (Gaët’s & Munoz)

Gaët’s – Munoz © Petit à Petit – 2021

Sorti en 2012, « Un léger bruit dans le moteur » n’intègre le catalogue Petit à Petit qu’en 2017… et c’est l’occasion d’une première réédition. Et voilà une nouvelle réédition comme une jolie petite mise en bouche pour nous préparer à la sortie du second tome – à paraître l’année prochaine – ! Cette seconde réédition est l’occasion d’intégrer un cahier graphique original qui nous permet de nous glisser dans les coulisses de l’album.

Le scénario de Gaët’s est une adaptation du roman éponyme de Jean-Luc Luciani. C’est un univers grinçant, un récit noir noir noir où il ne fait pas bon tomber en panne, de nuit et sous une pluie battante, dans cette bourgade isolée… Pas bon du tout ! On s’installe dans un petit hameau où vivent une poignée de familles. Dans l’une d’elle, un enfant teigneux et qui déteste sa vie va élaborer un projet machiavélique pour supprimer un à un les habitants de ce minuscule village.

« Parce qu’à force de tuer le temps, on finit par tuer vraiment. »

Il n’y a rien de beau dans le quotidien de cet enfant. Même pas le paysage où, malgré l’acharnement de quelques hommes à labourer leurs parcelles, la terre ne rejette rien d’autre que des patates rachitiques. Des colonies de lézards pullulent joyeusement et larvent sur les cailloux brulants de la route.

Ici, les adultes ont des ambitions limitées. Ils sont avares de bons mots, chiches d’affection à donner aux plus jeunes. Ils tournent en rond dans leur quotidien étriqué. Livrés à eux-mêmes, les enfants s’occupent comme ils peuvent. Ils ont le choix : jouer dans les flaques, courir dans les champs, se faire de vilaines farces. Ce milieu rural est des plus austères et on fantasme de voir ce qui vit au-delà. Gaët’s opte un mode de narration qui nous invite à nicher dans la tête du personnage principal ; la voix-off de l’enfant tueur est notre seul guide dans ce monde hostile… dans ce minuscule village en marge de toute vie sociale. Les intentions malsaines du « héros » nous grattent… pourtant, sa voix silencieuse nous attrape et il est difficile de s’extraire de cet univers. L’idée de faire une pause dans la lecture ne m’a pas titillée une seule seconde. On s’immisce dans son esprit malade, on comprend ses intentions, on anticipe avec lui le prochain assaut assassin qui décimera davantage encore la poignée d’hommes qui peuplent cette petite communauté rurale. Il déplie sa logique méthodiquement, se crée une forme de morale et une forme de priorité dans l’ordre des « exécutions » qu’il opère.

« Moi, je rêve souvent dans ma tête à moi que je tue mes parents avec une hache puis que je les regarde mourir. Bien sûr, ils sont toujours vivants. Mais c’est comme s’ils étaient déjà morts puisqu’ils ne font rien de la journée. »

Au crayon, Jonathan Munoz installe une ambiance macabre qui porte l’intrigue à merveille. L’enfant évolue comme un poisson dans l’eau dans son environnement… un quotidien où l’innocence et l’horreur se marient à merveille. Un frisson glaçant nous parcourt l’échine.

Cela faisait un bout que je voulais lire cet ouvrage et à moins que vous ne l’ayez déjà fait, je vous le conseille vivement !

Un léger bruit dans le moteur (récit complet)

Editeur : Petit à petit

Dessinateur : Jonathan MUNOZ / Scénariste : GAËT’S

Dépôt légal : janvier 2021 / 124 pages / 16,90 euros

ISBN : 9791095670230

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