L’Histoire de la dernière image (Fred)

Fred © Dargaud – 2013

« Du monde réel à celui des lettres de l’océan Atlantique dans les aventures de « Philémon » , d’une apparence à l’autre dans « L’Histoire du corbac aux baskets » , d’un état d’homme servile à un statut de poète raconteur d’histoire dans « L’Histoire du conteur électrique » , tout – chez Fred – est affaire de passages. Il fallait bien qu’un jour, ce grand enfant pas sage nous entraîne vers le Grand Passage : celui qui, de vie à trépas, nous permet de voir l’image la plus cruciale de notre existence, à savoir la dernière. Car, vous le savez, après tout, aussi vrai que le fond de l’air est frais, on ne fait que passer en ce bas monde… Donc, ça commence au bar des Sportifs où un représentant en dés à coudre et en enclumes se prend un sacré gnon sur la cafetière. Laissé pour mort dans la vitrine d’un nouveau commerçant du quartier, il se réveille en se frottant la tête… et se retrouve embarqué à la suite d’un drôle de zigue à moustache, qui se fait appeler Le Baron tzigane, sur un océan de notes… De la réalité au rêve, d’une boutique poussiéreuse à une mer déchaînée, d’une assemblée barrique à un banc de requin-cigares, du rire aux larmes, du coq-à-l’âne (et vice-versa), Fred nous trimballe, émerveillés et heureux, dans ce monde insolite où la logique et l’absurde se côtoient sans encombre. Ce nouvel album ressemble à un accident climatique, une tornade suivie d’un arc-en-ciel, une vague de mélancolie sur un océan de poésie. C’est une sorte de rêve éveillé, un voyage épatant où rien n’est prévisible. On en sort tout éclaboussé de couleurs. » (synopsis éditeur)

Délice que retrouver ce dessin un peu biscornu de Fred, de côtoyer ces couleurs propres à ses histoires… patchwork de teintes aussi criardes que pétillantes. Le charme du monde de Fred est indescriptible, savoureux. Il nous prend au vol, nous arrache à notre quotidien convenu et nous donne l’impression d’entrer sans crier gare dans le vif du sujet, dans un monde où une poésie absurde règne en maître bienveillant. Fred nous empoigne avec humour et nous fait monter dans un train capricieux qui décide au dernier moment de l’embranchement qu’il va prendre. Ses roulis bedonnants nous rendent hilares. En à peine plus d’une page, on a déjà les mirettes aux aguets et de légers tressautements chahutent nos zygomatiques. On laisse toute la place au gosse qui est en nous, absolument ravis de vivre autant de situations improbables.

C’est bonheur à chaque fois de s’installer pour lire un album réalisé par ce grand Monsieur parti décidément trop tôt. Cela faisait quatre ans que je possédais « L’Histoire de la dernière image » sans l’avoir lu. J’attendais un moment morose pour le prendre à pleines mains et chasser tout le gris ambiant. Et voilà… le contexte sanitaire remisé aux oubliettes le temps d’une lecture.

Jeux de mots, boutades, ironie… l’auteur utilise tous les moyens pour critiquer la société, les conventions, le capitalisme. On se lance dans une quête insensée qui se déroule dans un monde où plane une absurde philosophie. On rêve, on rit, on se moque de nous, de tout. Il suffit de se laisser porter par cette folle dinguerie où tout est pourtant cohérent.

« Yé propose à vous moitié moitié sur bénéfices : 10% pour vous et 90% pour moi, correct ? »

Succulent. Je ne m’étends pas plus, consciente que cet album ne date pas d’hier et que nombreux sont les bédéphiles qui ont déjà lu cette petite merveille 😉

L’Histoire de la dernière image

Récit complet (première édition en 1999)

Editeur : Dargaud

Dessinateur & Scénariste : FRED

Dépôt légal : avril 2013 / 54 pages / 14,50 euros

ISBN : 9782205046038

Les Mystères de Hobtown, tome 2 (Bertin & Forbes)

« L’Affaire des Hommes disparus » est le premier tome de l’univers des « Mystères de Hobtown ». Dans le premier tome, l’intrigue portait sur une succession de disparitions dans la petite ville et l’ouverture d’une enquête. Dana Vance dirige une équipe de cinq enquêteurs dont fait notamment partie Sam Fich, le fils d’un des disparus. Un petit rappel des faits nous accueil dans ce second tome.

Bertin – Forbes © Pow Pow – 2020

Nous nous trouvons à Hobtown, une petite bourgade fictive de Nouvelle-Ecosse. Les fêtes de Noël approchent et le vieil ermite du village a été terrassé par une violente crise de panique. Dans la myriade de témoins présents lors du drame, un petit groupe de cinq amis. Ensemble, ils avaient enquêté sur une affaire de disparitions inquiétantes. L’attitude étrange de l’ermite leur met la puce à l’oreille… est-ce un avant-goût de nouveaux événements tragiques à Hobtown ? Ce n’est qu’une intuition et rien, pour le moment, ne leur permet de savoir par où orienter leurs recherches.

Pour l’heure, les vacances de Noël commencent. Dana, Sam, Pauline, Brennan et Dennis ont des projets. Tandis que Dana doit partir en vacances avec son père, Pauline et Brennan sont quant à eux attendus au camp d’hiver de Knotty Pines, une vieille école dont la renommée n’est plus à faire. Il n’en reste pas moins que Knotty Pines est un lieu sordide et mystérieux. Et si Brennan l’accueil qui leur est réservé conforte Brennan dans son exaltation, Pauline observe des choses pour le moins inquiétantes.

Dans l’univers d’Hobtown, une autre affaire s’ouvre avec ce second opus. Quelques références en littérature jeunesse servent à asseoir les bases de cet univers mais la manière dont l’intrigue se déplie est tout à fait originale… atypique… déroutante.

J’ai tout compris, je n’ai rien maîtrisé. Partagée entre la curiosité de savoir ce que nous réserve la page suivante et un désintérêt manifeste pour l’intrigue… et l’envie de refermer l’album régulièrement. On est tenu par des éléments qui nous échappent, une histoire qui échappe à notre compréhension. Le lecteur est balloté pendant la quasi-totalité de l’histoire par les événements et les multiples rebondissements qui ont lieu. Evidemment, le dénouement nous apporte les réponses que nous attendions. Evidemment, sur la fin, les zones obscures sortent de l’ombre et on peut enfin constater la cohérence de cet immense puzzle angoissant. Je reconnais que le scénario de Kris Bertin nous tient en haleine. Le scénariste ménage le suspense avec brio, mêle aux éléments d’une enquête un peu naïve des éléments surnaturels qui épicent le récit. Le dessin d’Alexander Forbes en revanche me plait moins car je l’ai souvent trouvé grossier. L’ensemble quant à lui se tient ; pour une raison que je n’explique pas (ou peut-être est-ce parce que l’histoire pique notre curiosité), je suis parvenue à lire ce récit de la première lettre à son point final. Pourtant, l’envie d’abandonner la lecture a été omniprésente. Etrange contradiction, étrange ambiance de lecture.

Si j’ai pris un petit moment pour écrire ces propos, ma démarche était avant tout une vaine tentative pour border mes impressions de lecture et tenter de comprendre ce qui m’a gênée dans ce titre, au point de n’avoir eu aucun plaisir à sa lecture. L’envie tenace d’avoir des retours d’autres lecteurs qui auraient lus cet ouvrage est également une des raisons qui m’a conduite à publier cette chronique.

Les Mystères de Hobtown / Tome 2 : L’Ermite maudit

Editeur : Pow Pow

Dessinateur : Alexander FORBES / Scénariste : Kris BERTIN

Traduction : Alexandre FONTAINE ROUSSEAU

Dépôt légal : décembre 2020 / 192 pages / 19 euros

ISBN : 9782924049815

Aduna (ByMöko)

ByMöko © Soleil Productions – 2020

Il y a ce qu’on voit, qui est là, face à nous. Puis il y a ce qui est, immatériel, presque irréel… mais qui existe… intuition indicible. Une dichotomie entre le concret et l’abstrait. Entre le réel et l’irréel qui se répondent en écho… s’équilibrent et forment un tout.

Visible et invisible, à l’instar du titre de cet ouvrage.

Aduna – monde visible est un monde diurne. L’agir, le vivre, les faits, l’ordre établi. Des masques que l’on fabrique pour les cérémonies rituelles au respect des anciens, chacun est à sa place et contribue à l’harmonie de la communauté.

Auduna – monde invisible laisse la place à la nuit. L’onirique, le fantastique. Le ressentir. Aux fantômes, aux mythes et aux légendes. L’invisible respecte l’harmonie entre les hommes et la nature. Le respect de l’âme des défunts, des esprits, des trowos et du divin.

L’Afrique. Continents de cultures et de traditions orales.

ByMöko nous livre ici un prolongement de l’univers qu’il avait retranscrit dans son premier album : « Au pied de la falaise » publié en 2017 [et dont vous trouverez ici le site consacré à l’univers ici]. Avec « Aduna » , l’auteur interprète et nous décode quelques coutumes africaines, des thèmes présents dans le premier récit.

« Mawu Lisa est le dieu créateur, il est le tout. On ne peut le représenter, à la fois féminin et masculin, immensément grand et minusculement petit, ici et là. Il n’interfère plus avec ce monde depuis qu’il l’a créé. Mais pour celui qui sait ouvrir l’œil, il reste quelques vestiges de sa présence : la beauté et la poésie en seraient une trace… »

Petit recueil de thématiques (masques, case, baobab, les personnalités qui font office de pilier dans les villages, les fétiches…) qui nous explique simplement la teneur de quelques codes sociaux africains. Des illustrations muettes et des doubles pages qui se répondent en écho ; à gauche, des vignettes illustrent le quotidien et sont complétées d’un texte explicatif tandis qu’à droite, une illustration en pleine page.

Un album broché au format à l’italienne et relié à la suisse. Dans ses couleurs douces et terreuses, ByMöko nous entraîne dans une plongée délicieuse… l’occasion de se sensibiliser à l’âme africaine. A l’instar de son premier album, on invente les couleurs nous-même, doucement guidé par la présence de l’auteur. On retrouve des figures que l’on avait croisé dans « Au pied de la falaise » et on revoit le chemin qu’Akou [personnage principal du premier album] nous avait invité à emprunter. Une bonne chaleur inonde ces planches. On avance doucement, précautionneusement. On découvre, on apprend, on baigne dans quelque chose qui est à la fois bienveillant et qui nous sensibilise à une culture qui est très différente de la nôtre.

Très belle initiation à la culture traditionnelle africaine. Un petit bijou d’album.

Aduna – Monde visible / Monde invisible

Editeur : Soleil / Collection : Noctambule

Dessinateur & Scénariste : ByMöko

Dépôt légal : novembre 2020 / 40 pages / 18,95 euros

ISBN : 9782302081772

Le Silence est d’ombre (Clément & Sanoe)

Clément – Sanoe © Guy Delcourt Productions – 2020

Amun est un garçonnet timide. Il traverse sa vie comme une ombre, osant à peine élever la voix. La journée, il suit attentivement les cours puis une fois la classe terminée, il s’attèle méticuleusement aux tâches de l’orphelinat qui lui sont confiées. Durant les repas et les moments de temps libre, Amun préfère rester seul. Il n’a pas d’amis. Et le soir, quand toutes les lumières sont éteintes dans le dortoir, Amun met du temps à s’endormir puis sombre dans un profond sommeil.

Une nuit, un incendie se déclare dans les cuisines. En un rien de temps, il se propage au reste du bâtiment. Surpris par l’intensité des flammes, l’évacuation se fait dans la précipitation. Tout le monde est pris en charge… sauf Amun qui dort à poings fermés. Amun décède dans l’incendie. Il devient un fantôme, erre de terre en terre, de ville en ville et savoure cette solitude inespérée. Dans cette transition entre sa vie passée et sa vie future, Amun va savourer cette solitude inespérée jusqu’à sa rencontre avec Yaël.

La Collection des « Contes des Cœurs perdus » est assez récente dans le catalogue Delcourt. Créée en 2020 à l’occasion de la sortie de « Jeannot », cette collection regroupe les récits de Loïc Clément. « Le Silence est d’ombre » vient se glisser aux côtés des autres ouvrages du scénariste et on repère au détour de certaines cases des clins d’œil chaleureux adressés à « Chaussette », « Chaque jour Dracula » [lu mais non chroniqué] ou encore « Le Voleur de Souhaits ». Est-ce une démarche volontaire de Loïc Clément de faire d’Amun, son petit héros fantôme, une sorte de fil conducteur en ses autres récits ou une initiative de Sanoe qui dessine pour la première fois sur un scénario de Loïc Clément ?

J’ai réellement apprécié le fait de retrouver le trait délicat qui m’avait fait voyager sur « La Grande Ourse ». Le trait de Sanoe compose parfaitement avec le monde silencieux de ce petit fantôme. L’autrice exploite la couleur de telle façon que visuellement, on a l’impression qu’une explosion colorée vient inonder nos pupilles alors qu’en premier plan, c’est tout de même un personnage profondément triste et sans réelle attirance pour la vie et pour ses pairs qui porte le récit…. et les couleurs de l’album portent le lecteur. Ce sont elles qui nous invitent à poursuivre, à tourner les pages, à poser les yeux sur ces planches magnifiques remplies de décors très détaillés, réalistes, presque vivants au point que l’on puisse y entendre les bruits de la ville ou les gazouillements des oiseaux.

« Après la vie, il y a la mort, et avant une nouvelle vie, il existe un entre-deux que l’on appelle le « monde sombre »… Ceux qui habitent ce monde lié au nôtre conservent leur apparence mais ne sont plus que des coquilles vides… »

J’ai eu plus de mal avec la partie écrite de l’histoire… Le temps de la lecture du moins. Le récit développe l’idée que l’âme d’un individu continue à exister alors qu’il est physiquement mort. La réincarnation survient plus ou moins longtemps après, lorsque l’âme est prête à expérimenter un nouveau cycle de vie. Sur ce postulat de fond, je n’ai rien à redire. Le ton narratif en revanche est fort sombre – pour ne pas dire mélancolique -… un choix assez surprenant pour un album jeunesse. D’autres ouvrages ont pourtant montré qu’il était possible de parler de mort, de deuil, d’absence ou de mal de vivre avec un jeune lectorat sans surfer sur un excès de pathos ; je pense pêle-mêle à « Passe-Passe » (le deuil d’un proche), à « Chaussette » – où Loïc Clément avait si justement abordé la question du deuil et de la séparation -, à « Garance », à « Nora » ou bien encore « Louis parmi les spectres » qui se penche sur la solitude enfantine.

Ici en revanche, j’ai trouvé que le scénariste avec eu un peu la main lourde sur le sérieux de l’affaire. Ça plombe le moral. La première lecture est dérangeante car l’ambiance du « Silence est d’ombre » est lourde. Un peu trop lourde. On navigue à vue et cela déroute. On accuse le coup : la présence d’un orphelin en manque d’amour et en manque d’amis, un garçonnet que la mort libère d’une vie remplie d’une tristesse infinie. Cela déboussole. En poussant la chansonnette assez loin, on pourrait facilement penser qu’Amun a préféré mourir dans les flammes plutôt que de faire appel à un instinct de survie qui est presque inexistant chez lui. Un suicide déguisé ? Vient ensuite l’éloge de la solitude et d’une vie sans attaches (affectives, amicales…) ; le fait que le personnage trouve-là une opportunité pour s’épanouir laisse un peu pantois… Et si l’ambiance des quatre dernières pages effectue un virage radical comparé au reste de l’album… je suis restée un peu interdite face à cet album. L’histoire de quelques jours. Histoire de la digérer. L’effet saisissant de la première lecture disparaît, la seconde lecture sera plus leste et l’optimisme du dénouement diffusera plus généreusement ses effluves.

Eviter peut-être de découvrir ce titre en présence de votre enfant. Lisez, digérez (c’est savoureux finalement 😉 )… et proposez ensuite à votre jeune lecteur de faire cette lecture pour être plus vaillant dans la manière dont vous pourrez ensuite accueillir ses questions et/ ou ses impressions de lecture.

Pour le reste, les commentaires sont ouverts pour parler de ce titre. Que vous ayez accueilli ce titre de la même manière que moi ou différemment, je suis preneuse de tout échange qui passerait par ici !!

Le Silence est d’ombre (One shot)

Editeur : Delcourt / Collection : Les Contes des Cœurs perdus

Dessinateur : SANOE / Scénariste : Loïc CLEMENT

Dépôt légal : octobre 2020 / 40 pages / 10,95 euros

ISBN : 9782413019718

Le Repas des Hyènes (Ducoudray & Allag)

Ducoudray – Allag © Guy Delcourt Productions – 2020

En Afrique, les adultes consacrent une attention particulière à la transmission de leur expérience aux plus jeunes. L’initiation à cette pratique est le meilleur moyen de confronter la théorie et la pratique. Ainsi, l’enfant tire ses propres conclusions quant à ses erreurs et à ses réussites. Observer, écouter, ne pas agir dans la précipitation…

C’est en tout cas ainsi que cela se passe encore dans le petit village reculé où habitent Kubé et Kana, des frères jumeaux. Kubé est né le premier de fait, c’est à lui que revient certains privilèges, comme celui d’accompagner leur père à la cérémonie du repas des hyènes. Kana se glisse clandestinement non loin de là pour observer le rituel. Le cérémonial est troublé par la venue d’un Yéban.

« Les Yébans sont comme nous, ils craignent l’oubli. Alors qu’importe d’être une chèvre ou une fourmi, du moment qu’ils évitent la mort. Le Yéban est coincé entre notre vie et celle des esprits. Il a juste besoin d’un vaisseau pour voyager. »

Tapis dans les fourrés, Kana ne rate pas une miette de la jouxte verbale qui est menée entre son père et le démon. Voyant que son père n’a pas l’avantage, Kana s’interpose pour protéger son père et son frère. Surpris, le Yéban décide finalement de capturer Kana et conclu un pacte avec l’enfant.

« Décidément, vous les hommes, vous nommez bien rapidement folie ce qui est différent de vous. »

Ce conte fantastique nous emmène sur les chemins de l’Afrique. C’est un enfant qui nous tient compagnie et c’est avec lui et lui seul que ce voyage atypique s’effectue. Petit bonhomme aussi insouciant que courageux. Sa franchise est aussi grande que sa curiosité et ces deux traits de caractère le conduiront malgré lui dans des situations complexes.

En nous invitant ainsi à faire ce voyage onirique, Aurélien Ducoudray aborde avec brio des thèmes pourtant assez casse-gueule. La voix qui nous raconte cette fable est grave et le conteur a le talent pour donner le ton adéquat à chaque séquence narrative. On rit, on est inquiet ou joyeux… le registre des émotions est employé avec gourmandise… et ça fait mouche. Pas de temps morts. Pour ne rien gâcher, le scénariste utilise avec aisance des figures historiques (Behanzin, Jaja d’Opobo…) qui ont marqué de leur empreinte l’Histoire du continent africain. En faisant référence à ces hommes d’état que l’on a érigés depuis belle lurette au rang de légendes, Aurélien Ducoudray chahute la nette frontière qui sépare habituellement fiction et réalité. Car en toile de fond, il est bien question de l’identité africaine. Un continent qui a eu son âge d’or il y a plusieurs siècles puis qui a été étouffé par les colonisations successives et le pillage de sa culture, l’exploitation de son peuple et de ses richesses.

Il y a ici des relents d’air chaud, un souffle de sirocco qui nous surprend à la moindre occasion et une espièglerie malgré la gravité de ce qui nous est conté. Mélanie Allag donne vie à ces paysages de brousse sauvage et à ses reliefs indisciplinés. Son trait est fluide et nous entraîne facilement à découvrir cette quête identitaire.

Jolie surprise de la rentrée que cet album !

Le Repas des Hyènes (One shot)

Editeur : Delcourt / Collection : Mirages

Dessinateur : Mélanie ALLAG / Scénariste : Aurélien DUCOUDRAY

Dépôt légal : septembre 2020 / 112 pages / 17,50 euros

ISBN : 978-2-4130-0211-6

Mes premiers 68 – Deux romans à découvrir !

Aujourd’hui, avec mon lardon de 16 ans, on vous propose en partage deux romans découverts grâce aux 68 premières fois et qui nous ont bien plu. On espère qu’il en sera de même pour vous !

Mes 68 premières (jeunesse)

Le blog des 68 (avec toute la sélection des premiers romans à destination de la jeunesse comme des adultes d’ailleurs) est à retrouver ici : https://68premieresfois.wordpress.com/

Martins © Gallimard – 2019

Ceux qui ne peuvent pas mourir [1. La bête de Porte-vent] de Karine MARTINS (Billet de Pierre)

La bête de Porte-vent est le premier volet de la série Ceux qui ne peuvent pas mourir. Dans ce premier tome, on retrouve Gabriel, un immortel lié à une organisation qui a pour but de traquer les Egarés qui sont des « monstres » comme des vampires ou bien des loups-garous. Cette organisation se nomme la Sainte-Vehme. Dans ce tome, il est avec Rose, une fille qu’il a récupéré au cours d’une mission et qu’il ne veut plus laisser. Ils vont devoir élucider une série de meurtres étranges dans un petit village du Finistère et on peut dire que cette aventure sera autant surprenante que prenante !

J’ai bien aimé le roman. L’univers est nouveau et très bien imaginé, ce qui rend la lecture intéressante et pas répétitive contrairement à certains romans. Il n’est pas très long et se lit plutôt facilement. Une fois qu’on commence, on ne peut plus s’arrêter car on ne veut surtout pas perdre le fil de l’histoire. Et j’avais envie de savoir ce qui allait arriver à Gabriel et Rose !

Extraits

« Depuis qu’elle était au service de Gabriel Voltz, Rose avait appris une leçon essentielle : sortir seule la nuit dans Paris était la plus mauvaise idée qui soit. »

« Gabriel eut peur. Il avait beau être un vétéran de la chasse aux Egarés, c’était différent cette fois. Lors de ses précédentes chasses, il était mieux armé et avait toujours une faille à exploiter chez son ennemi. Mais là, rien. Il ne savait pas comment vaincre la bête. Et il n’était pas complètement présent : son esprit était obnubilé par la jeune femme retranchée dans le caveau, par la gamine qui resterait seule s’il venait à disparaître, par Grégoire à qui il laisserait un fardeau peut-être trop lourd à porter. »

Ceux qui ne peuvent pas mourir [1. La bête de Porte-vent] de Karine MARTINS, Gallimard Jeunesse, 2019

Bulle © L’Ecole des Loisirs – 2020

Les Fantômes d’Issa d’Estelle-Sarah Bulle (billet de la vieille mère)

« Les cauchemars sont encore revenus. Ça fait quatre ans maintenant que j’en ai presque toutes les nuits. Peut-être que ce journal va me soulager. Peut-être qu’écrire la grosse bêtise que j’ai faite la fera diminuer un peu dans ma tête. Maintenant que j’ai douze ans, je pense que je peux revenir en arrière, et tout écrire, je suis assez bonne en français. Mais c’est difficile de commencer. Par où débuter : au moment où j’ai commis cette erreur fatale, quand j’avais à peine huit ans ? Avant ? Avant, c’est mieux. Comme ça, ce sera clair. En écrivant, ce qui est arrivé deviendra juste une histoire, avec un sens et, je l’espère, une fin. »

Je ne sais pas bien pourquoi mais j’ai lu cette histoire le cœur un peu serré. J’ai eu peur, peur oui, du secret d’Issa, de ses fantômes, de son « erreur fatale ». J’ai été émue par Issa et sa lutte silencieuse.

Ce premier roman raconte donc l’histoire d’une jeune fille prénommée Issa. Elle est alors âgée de douze ans quand elle prend en charge le récit et qu’elle décide de revenir sur les évènements qui la hantent. Il faut vivre et pour cela il est temps pour elle de se libérer de ses secrets.

Ce roman dit la nécessité de la parole en partage pour grandir, pour dépasser sa culpabilité et affronter ses peurs. Il dit aussi la puissance de l’amitié comme de la lecture (ici des mangas) qui peut permettre des grandes choses ! C’est un beau roman, lumineux malgré mon cœur serré, à l’écriture légère et simple, alerte et très agréable. Un roman dévoré !

Merci aux 68 premières fois pour cette lecture bien émouvante…

Les Fantômes d’Issa d’Estelle-Sarah Bulle, L’école des loisirs, 2020

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