
« Baddawi relate l’histoire d’un jeune Palestinien de 1959 à 1980. Sa fille, l’auteure de cet ouvrage, est née aux Etats-Unis et est très investie dans la lutte en faveur de la cause palestinienne. Son récit et sa manière de présenter certains faits sont forcément subjectifs. » … l’éditeur donne le ton dans un avant-propos éclairant.
La lecture peut enfin commencer…
… mais j’ai pourtant refermé le livre pour observer de nouveau cet objet. Un petit format (19 * 21 cm), presque un carré. Une couverture douce et cartonnée. Des motifs symétriques identiques à ceux que j’ai pu apercevoir dans l’album en le feuilletant. Leila Abdelrazaq nous éclaire à ce sujet : « Il s’agit de dessins typiques de la broderie traditionnelle palestinienne appelée tatreez. » Un enfant qui nous tourne le dos, pieds nus et tee-shirt rayé, mains croisées, stoïque. Il regarde. Quoi ? Peut-être regarde-t-il le chemin qu’il a parcouru jusqu’à aujourd’hui ? … alors ouvrons donc ce livre.
Après l’avant-propos de l’éditeur, la préface de l’auteure. Elle nous dit son père, elle nous dit la rupture, la guerre de 1948, l’exil de milliers de personnes. Elle nous cet enfant que l’on voit de dos sur la couverture, il s’appelle Handala ; c’est un personnage crée en 1975 par Naji al-Ali – caricaturiste palestinien – qui « apparaît toujours le dos tourné au lecteur et les mains croisées derrière lui, au milieu des événements politiques représentés sur les vignettes. Naji al-Ali avait promis qu’Handala grandirait et que le monde découvrirait son visage quand le peuple palestinien serait libre et autorisé à rentrer chez lui » … le dessinateur a été assassiné en 1987… son personnage est devenu l’un des symboles de la résistance palestinienne.
Leila Abdelrazaq nous raconte Ahmed, son père.
Safsaf signifie « saule pleureur » . C’est le nom du village natal de la famille de l’auteure au Nord de la Palestine. Après le massacre des hommes du village par des soldats israéliens, les grands-parents de Leila se réfugient au Liban, au camp de Baddawi. Son père y est né et y a grandi au milieu de sa fratrie. Il raconte la vie à l’école et les codes de la vie du camp. Il nous ouvre aussi à toute la culture palestinienne, des spécialités culinaires aux traditions religieuses. Puis, c’est le départ pour Beyrouth
« Baddawi » nous dit aussi les espoirs d’un peuple de rentrer enfin sur sa terre, de retrouver enfin son foyer. 1967 fut l’année de la défaite de l’armée palestinienne, celle du début de l’occupation de la Bande de Gaza, celle des espoirs envolés, la nécessité de continuer à vivre en tant qu’exilé… un sans terre.
Leila Abdelrazaq offre un visage à l’enfant Handala. C’est celui de son père, un garçon que l’on reconnaît entre tous avec son tee-shirt rayé. Le ton est léger, légèrement insouciant, au début de l’album du moins. En grandissant, sa perception des choses change…
La guerre est omniprésente. Elle marque de son empreinte les façades des maisons, elle oblige les gens à modifier leurs habitudes, à prendre une autre route que celle empruntée d’habitude pour aller d’un endroit à un autre… éviter un quartier le temps que les corps soient enlevés… restés cloîtrés à la maison plutôt que d’aller à l’école. Pourtant, Leila Abdelrazaq ne va jamais jusqu’à la rendre oppressante. Malgré les conflits, la vie continue et reprend ses droits. En s’appuyant sur des anecdotes de l’enfance de son père, l’auteure s’attarde davantage sur le quotidien au camp. Si la violence est là, elle n’est présente quand dans les propos de l’enfant ; peu de chars, de soldats israéliens ou libanais… Ahmed (le personnage principal) en parle surtout pour dire comment cela impacte son quotidien.
Un regard sur le conflit israélo-palestinien.
Baddawi
One shot
Editeur : Steinkis
Dessinateur / Scénariste : Leila ABDELRAZAQ
Traduction : Marie GIUDICELLI
Dépôt légal : janvier 2018
128 pages, 18 euros, ISBN : 978-2-36846-074-0
Bulles bulles bulles…