
Lorsque Renzo monte à bord du Jean-Brillant pour rejoindre l’équipage, il est loin de se douter de ce qui l’attend. A la demande du Capitaine, il monte sur le haut mât pour observer l’horizon mais très vite, la mer devient si grosse qu’il en perd l’équilibre. Après une terrible chute, il se réveille à l’hôpital et apprend qu’il a six bons mois de convalescence devant lui. Au terme de cette longue période, difficile pour Renzo d’imaginer remonter sur le mat d’un bateau, surtout avec un pied bot. Une nouvelle vie s’ouvre à lui. Il rassemble ses affaires dans sa valise et part quelques temps chez son frère à Montréal.
Les mois puis les années passent sans que Renzo ne trouve une nouvelle vocation. L’alcool l’aide « à endormir son handicap » et à noyer son amertume. Puis il rencontre Luce et fonde une famille avec elle. Mais son penchant pour l’alcool s’accentue. Il enchaîne les boulots mais finit toujours par se faire renvoyer, Luce se fait du mauvais sang, leur situation financière empire et leur famille continue de s’agrandir. Un.. deux… cinq enfants !… Renzo dérive toujours plus loin, se saoule toujours plus et entraîne femme et enfants dans la misère. Les cinq enfants seront placés.
C’est dans cette famille que nait La Poule, un petit garçon pas comme les autres qui va vivre une drôle d’enfance. Placé en famille d’accueil dès son plus jeune âge, ce récit est son histoire … jusqu’à sa majorité.
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Une lecture plutôt timide, je dois dire que j’ai été un peu affectée par le sort que Siris réserve à son personnage.
Et puis, j’ai été légèrement déstabilisée par le chemin que suit la narration. Pour commencer, je précise que nous sommes en présence d’une intégrale qui regroupe les tomes de la série. Le premier place au centre du récit un jeune homme qui peine à construire sa vie après un accident qui l’oblige à revoir complètement sa vie. Dans un premier temps, il noie ses désillusions dans l’alcool et même s’il parvient ensuite à se construire sur le plan affectif, l’accroche est là, la bouteille est devenue sa compagne. On observe, impuissants, à sa lente dérive et à aucun moment on ne perçoit une quelconque remise en question de sa part. Le fait est, il boit et les quelques tentatives d’arrêt ne suffisent pas à écarter définitivement l’alcool de sa route. Et la chute vertigineuse qu’il impose à sa famille ne semble pas plus être une motivation à l’abstinence. Un peu comme un « c’est comme ça et ce n’est pas autrement » …
Lorsque s’ouvre la seconde partie de l’album, on constate avec un peu d’étonnement que Siris a changé de narrateur. Ainsi, c’est La Poule – petit dernier de la fratrie – qui devient notre interlocuteur/narrateur. Nous allons le suivre dans ses placements successifs (d’une famille d’accueil à l’autre) avec un passage de quelques années en institution.
Un personnage beaucoup plus accessible que son père. Très touchant du fait de son jeune âge (lorsqu’il endosse le rôle du personnage principal, il a 2 ans). Et pour cause ! La Poule n’est autre que le double de papier de Siris… son alter-ego. Nous sommes donc en présence d’un récit autobiographique où Siris/La Poule relate son enfance malmenée. Très tôt, il a dû apprendre à gérer la douloureuse séparation d’avec sa mère.
Très tôt, il a fait l’amer constat que la majeure partie des familles d’accueil n’ont aucune considération pour lui… si ce n’est que grâce à lui, elles perçoivent le chèque mensuel qui les rémunère pour le simple fait d’héberger et de nourrir en enfant qui n’est pas le leur.

La Poule se rend rapidement compte qu’il y a un réel décalage entre la manière dont on le traite et la manière dont est traité « l’enfant roi » de la famille.
La Poule est le seul personnage qui n’ait pas un visage humain. Et si au passage, on attrape les commentaires de quelques personnages secondaires qui décrivent son apparence (beaux yeux », « quel bel enfant ! »…), nous – lecteurs – n’auront accès qu’à un personnage anthropomorphe au corps d’humain et au visage d’animal (un pacifique poussin en l’occurrence). En grandissant, il va parvenir à trouver un peu d’espace à lui grâce à ses amis ; ces bouffées d’air seront des instants d’autant plus précieux pour lui.
Un récit poignant, prenant, touchant… mais un peu dur parfois tant il y a ici une succession de coups durs, de maltraitances psychologiques, de désillusions, de séparations, souffrances, injustices, colères étouffées …
La violence des prises en charge institutionnelles est ce que l’on retient de cet ouvrage. Ces familles d’accueil ne semblent se soucier que d’une seule chose : le chèque qu’elles perçoivent mensuellement pour les indemniser des frais d’accueil de ces jeunes enfants.
On se retrouve chez Noukette pour partager les lectures présentées à l’occasion de cette session de « La BD de la semaine » !
Vogue la valise
Intégrale
Editeur : La Pastèque
Dessinateur / Scénariste : SIRIS
Dépôt légal : novembre 2017
340 pages, 25 euros, ISBN : 978-2-89777-018-1
L’album sur Bookwitty.
Bulles bulles bulles…