Facteur pour femmes – Didier Quella Guyot / Sébastien Morice

Quella-Guyot – Morice © Bamboo – 2015

Une île toute droite sortie de l’imaginaire des auteurs (« Ne cherchez pas cette île sur une carte, vous ne la trouverez pas. Pourtant elle existe bel et bien. Elle est dans ma tête, dans mes souvenirs. » Sébastien Morice), au large des côtes bretonnes où « seuls, ici, comptent les tâches journalières, la moisson qui ne va pas tarder, les thoniers en pleine campagne… ». Cette île, peuplée d’une centaine de familles seulement, « îlot rocailleux, abandonné aux frasques du fougueux atlantique », est secouée par le son du tocsin, une affiche traumatisante et une horrible nouvelle. Nous sommes en juin 1914, la guerre est déclarée, et avec elle, survient l’ordre de mobilisation générale : « tous les hommes de 20 à 50 ans doivent y aller, tous… » Tous, sauf Maël, avec sa « guibole tordue », doivent quitter leur île pour le continent, s’en aller au combat…

Le jour du départ, une foule émue célèbre des recrues enthousiastes. Ces derniers laissent derrière eux de vieux parents, fiers peut-être, mais inquiets, des femmes ulcérées, des fiancées éplorées, des enfants incrédules … Le sort en est jeté ! La mort, surtout…

L’île s’est dépeuplée de tous ses hommes. Et passés les premiers jours de chagrin, les femmes retournent à leurs tâches, assurant la survie des leurs. « Elles peinent à la tâche, s’épuisent, passant du tricot à la fourche, battant le linge au lavoir puis frappant le cul des vaches pour les mener au pré, fauchant le foin pour l’hiver, ramassant les bouses pour se chauffer »

Maël, lui, savoure sa nouvelle liberté. Lui, le solitaire, le simplet, le bon à rien, le maltraité, dont tous se moquaient, est devenu l’indispensable de cette petite communauté faite d’enfants, de vieillards et surtout de femmes. Maël, nouvellement nommé facteur de l’île, distribue, chaque jour le courrier à ces femmes esseulées. Entre elles et lui, s’installe une connivence faite de conversations, de début de relations, d’attentions, bruissement de corps, de désirs et d’envies folles… Lui qui n’avait jamais tenu une femme tout contre lui, soudain « il n’a jamais été aussi heureux ». Tourbillon des sens, découverte des plaisirs charnels, délice du corps à corps… Maël se révèle, devient mâle, prend de l’épaisseur, manipule et jouit de la vie… Enfin !

Il a ses habituées, ses préférées…

La guerre est au loin… Ici, sur son île, il est le roi dans son harem !

Et puis l’année 1918 arriva… « Et ce fut l’armistice, par un temps de Toussaint, un temps à ne pas mettre un vivant dehors, un temps à se retrancher dans ses terres, à se terrer dans ses derniers retranchements… »

Et je n’en dis pas plus, motus ! Cette merveille de BD il vous faut la découvrir ! L’histoire est truculente, sensuelle, un brin scandaleuse, mélangeant la petite histoire … avec LA Grande (à travers notamment les récits des poilus, devenus des bêtes « laides et sales ». Les lettres, lues par Maël ou les femmes, retracent l’horreur de la guerre « où tout est mort », mais aussi « la violence des hommes et leur aveuglement »)

Cette BD est d’un régal infini ! Graphiquement, c’est beau, mais beau ! Lumineux, coloré, rond, sensuel… Et j’ai aimé ce scénario, ce récit de femmes et d’hommes, perdus dans l’océan, sur un petit bout de terre. Cette histoire sans jugement ni morale, qui montre un peu l’humain dans toute sa richesse et sa noirceur … Et sacrebleu, ce Maël, quel personnage !

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Superbe BD partagée avec Stéphie ❤ (une 1ère lecture commune, en suis toute chose !)

Sur une idée de la divine Laurie ❤ « Pour que nos dimanches soirs ne soient plus déprimants ! ».

Et pour découvrir les beaux dimanches de Laurie c’est par  !

Les avis de Noukette, Jérôme, et puis me souviens plus des autres billets (erf, la vieillesse c’est moche !) si ce n’est  que cette BD a été drôlement appréciée ici ou là  😉

Facteur pour femmes – Quella Guyot / Morice, Grand Angle, 2015, 18€ et des brouettes.

14 réflexions sur « Facteur pour femmes – Didier Quella Guyot / Sébastien Morice »

    1. Oh oui une belle découverte et un vrai régal (parce qu’en effet, bien moins légère qu’il n’y parait…)
      Merci pour cette jolie lecture et ce partage de ce dimanche ❤

      Aimé par 1 personne

  1. Tout le monde semble craquer pour ce récit. Ça me semble juste et pertinent, le fait que ce soit une histoire fictive et (un peu) surréaliste ne semble gêner personne. Bon… bien… elle s’en va méditer mais tout de même, tu m’as donné bien envie de la lire cette BD !

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    1. Je l’ai prêtée, offerte autour de moi, et à chaque fois, les retours ont été unanimes…
      Espère qu’elle te plaira 🙂

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