Américaines, De Pocahontas à Hillary, 50 Wonder Women de l’Histoire des Etats-Unis de Patrick Sabatier.

L’idée de départ de ce formidable livre de Patrick Sabatier est de présenter l’histoire des Etats-Unis à travers 50 portraits de femmes (célèbres ou qui nous sont inconnues) qui ont marqué profondément l’Amérique. De Pocahontas à Hillary Clinton. 50 femmes exceptionnelles, qui toutes, à leur manière, ont «brisé un plafond de verre».

 

« Si on me demandait à quoi je pense qu’il faille principalement attribuer la prospérité singulière et la force croissante de ce peuple, je répondrais que c’est à la supériorité de ses femmes » Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique

Patrick Sabatier (journaliste et essayiste, ancien correspondant du journal Libération aux E.U.) raconte à travers 6 chapitres intitulés : Pionnières, Guerrières, Aventurières, Conquérantes, Militantes, Dirigeantes, des trajectoires de femmes dont le «rôle est trop souvent ignoré, oublié ou minimisé». Elles sont des « Wonder Woman ». Des femmes au destin incroyable. A l’image de la super-héroïne, entrée au panthéon des Super Héros américains en 2016.

« Wonder Woman est une forme de propagande psychologique pour le nouveau type de femme, qui, selon moi, devrait diriger le monde » Marston

Symboles de la révolte des femmes, elles sont dissidentes, combattantes, politiques, utopistes, scientifiques, journalistes, écrivaines. Elles sont féministes, citoyennes,  activistes, scandaleuses parfois, libres toujours. Elles ont joué un rôle essentiel ou « occupé une fonction dirigeante ou réalisé un exploit dans des domaines dont les femmes avaient avant elle été exclues. La politique bien sûr, mais aussi l’économie, l’aventure, la culture, les sciences, le sport».

Le fil conducteur de cet ouvrage est évidemment une Wonder Woman, Hillary Clinton, l’ex- Première dame, ex-sénatrice de New-York et ex-secrétaire d’Etat. Une des femmes les plus connues au monde et qui, lors de l’écriture de cet essai, vient d’officialiser sa candidature à la présidence des E.U.. La suite, malheureusement (si on peut dire, ou du moins si c’est autorisé !), on la connaît. Elle sera battue par le républicain Donald Trump. Il n’en demeure pas moins qu’Hillary Clinton a elle aussi un parcours remarquable qui « restera dans l’histoire des Etats-Unis comme le chapitre le plus spectaculaire de la longue marche des femmes vers l’égalité, dont Wonder Woman a été l’étendard. »

Et punaise que ce livre fait du bien !

L’écriture de Patrick Sabatier est alerte, fluide. Le récit est documenté,  richement illustré (photos, tableaux, portraits, dessins, affiches, etc.). Le livre est très beau. Attrayant. Le propos est clair. Simple. Chronologique.  Il est à la portée de toutes et de tous. Et je crois que c’est sa plus grande valeur !  Vulgarisé sans être simpliste et réducteur, le contenu de cet essai foisonnant dit l’essentiel, en images et en mots, pour tenter de donner enfin une place à « ces femmes bien réelles, qui ont joué un rôle important, et parfois déterminant, dans l’édification et l’évolution d’une nation et d’une culture qui influencent toute la planète. »

A noter la présence de petites présentations d’icônes américaines telles que Betty Boop, Barbie ou encore Maryline Monroe, icônes féminines parfois fictives ou bien réelles, qui ont marqué indéniablement les E.U..

J’ai infiniment aimé ce livre-là, tant par la pertinence des propos, que pour la beauté de l’objet-livre. Depuis plus d’un mois, il traine chez moi, feuilleté et puis lu par tout un chacun, il attire l’œil des petits comme des grands, suscite l’intérêt, des questions, des étonnements, des remarques… Bref, ne laisse pas indifférent ! Vous dire aussi que je l’ai présenté en cours de littérature à l’Université et qu’il a fait un tabac auprès des étudiant(e)s 😉 Il a été un excellent point de départ pour une discussion animée…

 

Extraits et Portraits

Wonder Woman : première méga fortiche héroïne de BD, le versant féminin (féministe !) de Batman ou encore de Superman qui a marqué durablement la culture américaine. « Symbole de la révolte des femmes », perçue aujourd’hui comme modèle d’émancipation, reprise par des militantes du mouvement de libération des femmes dès les années 70, elle est devenue un concept conçu « dans le but de promouvoir, au sein de la jeunesse, un modèle de féminité forte, libre et courageuse, pour lutter contre l’idée que les femmes sont inférieures aux hommes et pour inspirer aux jeunes filles la confiance en elles et la réussite dans les sports, les activités et les métiers monopolisés par les hommes. »

 

Pocahontas (la nouvelle Eve) : la légende raconte que cette princesse indienne de la tribu Powhatan a sauvé l’Amérique (rien que ça !). Sorte d’ambassadrice auprès des visages pâles, elle est devenue « l’icône d’un âge d’or de l’Amérique, incarnation de l’innocence perdue, de la beauté massacrée de la Nature sauvage et vierge, comme elle. L’histoire de Pocahontas et de John Smith est devenue la métaphore d’un rêve multiracial et d’un retour aux origines de l’Amérique – l’alliance entre Civilisation et Nature, version moderne du mythe rousseauiste du Bon Sauvage, et manière d’expier le péché originel que fut l’extermination des peuples indigènes. »

 

Harriet Beecher-Stowe (l’abolitionniste) : Premier écrivain « engagé » des E.U. qui « a forcé les Américains à s’interroger sur le type de nation dans laquelle ils voulaient vivre ». Elle écrit en 1952 La case de l’oncle Tom, « le livre le plus populaire du XIXe siècle après la Bible, un classique de la littérature américaine encensé par Tolstoï, Dickens et bien d’autres. » Ce livre raconte l’histoire d’un esclave noir appelé Tom, qui mourra sous les coups de son maitre, l’affreux Simon Legree, et ce, sans jamais céder à la violence ni même renoncer à sa foi. Ce roman demeure encore aujourd’hui un « document central sur les relations interraciales en Amérique, une exploration importante de la nature de ces relations tant dans le domaine moral que politique. »

 

Eleanor Roosevelt (la co-présidente) : “ la Première dame la plus controversée de l’histoire des Etats-Unis”, une femme remarquable, une agitatrice (comme elle le dit !), « symbole du rôle nouveau que les femmes jouent dans le monde », elle a magistralement bouleversé les codes et les rôles politiques en se créant un statut novateur « si important que la presse la surnommera « la co-présidente ». »
Elle dit, lors d’une émission de radio en 34 qu’il n’est « nullement impossible qu’une femme ait la capacité pour devenir présidente […]. Il existe des femmes d’exception tout autant que les hommes […]. Elles sont de plus en plus actives, elles prouvent chaque jour qu’elles sont capables d’assumer des responsabilités pour lesquelles on estimait par le passé qu’elles n’étaient pas faites. » Hillary Clinton en a d’ailleurs fait son modèle.

 

Katniss : l’héroïne de mon lardon, fan absolu de la trilogie culte américaine Hunger Games. Ce personnage de roman est une ado courageuse, bravant tous les dangers de ce post apocalyptique grâce à son intelligence, son adresse et son coup d’archet formidable ! « Depuis 2012, Katniss est l’héroïne préférée des jeunes Américain(e)s, archétype de la jeunesse rebelle, dont le symbole (le geai moquer) est apparu dans nombre de manifestations aux Etats-Unis et dans le monde. »

 

Américaines, De Pocahontas à Hillary, 50 Wonder Women de l’Histoire des Etats-Unis,
Patrick Sabatier, Bibliomane, 2016.

Andrée A. Michaud- Bondrée

 

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Bondrée – Michaud © Rivages – 2016

« A l’été 67, une jeune fille disparait dans les épaisses forêts entourant Boundary Pond, un lac aux confins du Québec rebaptisé Bondrée par un trappeur enterré depuis longtemps. Elle est retrouvée morte, sa jambe déchirée par un piège rouillé. L’enquête conclut à un accident : Zaza Mulligan a été victime des profondeurs silencieuses de la forêt. Mais lorsqu’une deuxième adolescente disparaît à son tour, on comprend que les pièges du trappeur ressurgissent de la terre et qu’un tueur court à travers les bois de Bondrée. »

Un roman noir, un programme alléchant, une histoire de tueur et d’une mystérieuse légende, de l’angoisse et de la psychologie, la mention un peu folle de Twin Peaks, une écriture toutafé raffinée, voilà ce que tout ce me promettait la quatrième de couverture…

Et puis, les premiers mots. Une écriture serrée, ne laissant que peu de place à une respiration… Et puis, les langues mélangées : du français, des mots d’anglais et du canadien si si ! Et puis, des histoires mêlées. Des personnages, du Je, du Elle, du Lui…. Jusqu’à me donner le tournis. Me faire perdre l’envie.

Dépitée, je l’ai laissé de côté, ce polar-là, erf, pas le courage de l’affronter. C’était décidé, il n’était pas fait pour moi ! Mais la « pression » de ce Grand Prix des Lectrices de ELLE a fait son œuvre.  La curiosité aussi : comment ce polar-là a-t-il pu passer la sélection, sapristi ?! C’était à ne rien ni comprendre. Alors, samedi dernier, dans un moment d’accalmie dans ma folle vie, me revoilà repartie à l’assaut de ce livre mystérieux et un brin déconcertant….

Et puis… lentement, avec un air de ne pas y toucher, la magie a opéré ! C’est que Bondrée se mérite. Il faut lui accorder du temps. Infiniment. Ou plutôt, prendre son temps pour s’enfoncer dans les bois sauvages de Bondrée, au petit gout d’un été 67… Et puis, vous dire que j’ai fini par aimer. Incroyablement ! Tellement, que je n’ai pu le lâcher. Ne faire rien d’autre que me perdre dans les méandres de ce polar canadien. Pour savoir, qui, mais qui, était le tueur : un fantôme, ce Pierre Landry, pourtant mort depuis des années ? Ou alors, un trappeur parfaitement inconnu ? Un père de famille auquel je m’étais si fort attachée ? Mais qui ??? Jusqu’aux dernières lignes, je vous promets que vous allez sacrément vous creuser les méninges !

C‘est donc un polar envoutant à la langue belle, ou plutôt à la lisière des langues, à la lisière des mondes… Un récit incroyablement maitrisé qui vous entrainera dans des contrées inconnues et pourtant pas si lointaines (grâce notamment à la petite fille, le JE de ce livre, Audrée Duchamp, dont les pertinentes réflexions feront sacrément écho, je vous le garantis !).

A lire absolument pour une surprenante expérience de lecture qui vaut vraiment qu’on s’y attarde et qu’on prenne le temps !

 

Premiers mots

« Bondrée est un territoire où les ombres résistent aux lumières les plus crues, une enclave dont l’abondante végétation conserve le souvenir des forêts intouchées qui couvraient le continent nord-américain il y a de cela trois ou quatre siècles. Son nom provient d’une déformation de « boundary », frontière. Aucune ligne de démarcation, pourtant, ne signale l’appartenance de ce lieu à un pays autre que celui des forêts tempérées s’étalant du Maine, aux Etats-Unis, jusqu’au sud-est de la Beauce, au Québec. Boundary est une terre apatride, un no man’s land englobant un lac, Boundary Pond et une montagne [..] C’est dans cet éden qu’une dizaine d’années plus tard, quelques citadins en mal de silence ont choisi d’ériger des chalets, forçant Landry à se réfugier au fond des bois, jusqu’à ce que la beauté d’une femme nommée Maggie Harrison ne l’incite à revenir rôder près du lac et que l’engrenage qui allait transformer son paradis en enfer se mette en branle. »

 

Extrait

On n’avait donc pas été surpris d’apprendre ce qui leur était arrivé. Ces filles l’avaient cherché, voilà ce que la plupart des gens ne pouvaient s’empêcher de penser, et ces pensées soulevaient en eux une espèce de repentir gluant qui leur donner envie de se battre à coups de poing, de se gifler jusqu’au sang, car ces filles étaient mortes, bon Dieu, dead, for Christ’s sake, et personne, pas plus elles que les autres, ne méritait la fin qu’on leur avait réservée. Il avait fallu ce malheur pour qu’on songe à ces filles autrement qu’à des intrigantes, pour qu’on comprenne que leur attitude ne cachait rien qu’un vide immense où chacun se jetait bêtement, ne voyant que la peau bronzée couvrant le vide. »

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Andrée A. Michaud, Bondrée, Rivages, 2016.

Les disparus du phare -Peter May

9782812610646« La première chose dont je suis conscient est le gout du sel. Il emplit ma bouche. Envahissant. Pénétrant. Il domine mon être, étouffe mes autres sens. Jusqu’à ce que le froid me saisisse. Qu’il me soulève et me serre entre ses bras. Il me tient si fermement que je ne peux bouger. A part les tremblements. Intenses et incontrôlables. Et, quelque part dans mon esprit, je sais que c’est une bonne chose. Mon corps essaye de produire de la chaleur. Si je ne tremblais pas, je serais mort. »

Il était une fois : un phare, une île battue les vents, une mystérieuse disparition un siècle plus tôt, un homme amnésique, des abeilles, une adolescente chamboulée, une identité perdue ….

Il était une fois une nature sauvage, balayée par les éléments… Une nature hostile mais d’une beauté à couper le souffle….

Il était une fois un homme qui se réveille sur le sable, un homme meurtri, par quoi, par qui ? Un homme qui ne sait plus qui il y est. Un héros entouré de mystère et dont la vie semble être menacée…

Il était une fois une réalité sordide, terrible, qui peu à peu, se dévoile au fil des pages…

Il était une fois un cri lancé sur les enjeux contemporains. Une alerte. Forte. Qui secoue. Une urgence, celle de la préservation de l’environnement…

Il était une fois une intrigue habile qui entraine le lecteur vers des horizons lointains, un brin effrayants….

Il était une fois ce polar un poil écolo ! Toutafé formidable et incroyablement maitrisé, qui se lit dans un souffle et qui laisse une empreinte forte dans les esprits !

 

« Rien, absolument riens depuis que j’ai fini échoué, à demi conscient, sur Traigh Losgaintir, n’a de sens. Mon amnésie. Mon échec à trouver le moindre indice sur mon identité, à part mon nom, même dans ma propre maison. Mon aventure avec Sally. Le livre sur le mystère des îles Flannan que je n’écris pas. Les ruches de la route du Cercueil. Mon bateau disparu. Et maintenant quelqu’un tente de me tuer. Et quelqu’un d’autre intervient pour me sauver la vie. Le poids de tout cela est tout bonnement écrasant. »

 

J’ai drôlement aimé ! Autant pour cette histoire pleine de rebondissements que pour le cadre superbe où se déroule ce polar impossible à lâcher une fois commencé !

A découvrir indéniablement pour un très joli moment de lecture…

 

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Les disparus du phare, Peter May, Le Rouergue Noir, 2016.

Chanson douce – Leila Slimani

 

product_9782070196678_195x320« Lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d’un cabinet d’avocats, le couple se met à la recherche d’une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l’affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu’au drame.

 À travers la description précise du jeune couple et celle du personnage fascinant et mystérieux de la nounou, c’est notre époque qui se révèle, avec sa conception de l’amour et de l’éducation, des rapports de domination et d’argent, des préjugés de classe ou de culture. Le style sec et tranchant de Leïla Slimani, où percent des éclats de poésie ténébreuse, instaure dès les premières pages un suspense envoûtant. » (Quatrième de couverture)

« Le bébé est mort. […] La petite, elle, était encore vivante quand les secours sont arrivés. » Le livre s’ouvre sur ces mots. Terribles. Et sur un cri. « Un cri des profondeurs ». « Un hurlement de louve ». Un cri de  mère. Devant ses enfants. Adam et Lila.  Morts. Ou presque. Et la « nuit s’est abattue sur cette journée de mai. »

Dès les premières phrases, on sait. Le drame. Le crime. Qui porte un nom : infanticide. Le pire.

A partir de cette tragédie, Leila Slimani remonte l’histoire. Tire les fils. Un à un. Jusqu’à l’inconcevable. Elle raconte ce jeune couple « bobo-parigo » et une étrange nounou, une vraie perle qui peu à peu, qui mine de rien, va envahir la vie de Myriam et de Paul et de leurs deux enfants. Jusqu’à devenir indispensable. Jusqu’à l’impensable ….

Tiré d’un fait divers, ce livre dont TOUT le monde a causé (surtout après ce Prix Goncourt), ce livre, incroyablement mené, incroyablement maîtrisé, incroyablement porté par l’écriture de Leila Slimani, m’a embarqué. Toutafé. Et contre toute attente ! Alors, je ne sais pas si ce roman-là méritait ce Prix élogieux ! Et je m’en fiche un peu ! J’ai aimé ! Punaise comme j’ai aimé 😉 Parce que ça cause de la vie, de nos petites lâchetés, de notre quotidien, de nos désillusions, de nos préjugés, de ces différences sociales qui abîment et de la solitude des êtres, du désarroi d’une femme, Myriam, tiraillée entre ses aspirations professionnelles, ses désirs d’évasion et son ventre de mère.

« Depuis qu’ils sont nés, elle a peur de tout. Surtout, elle a peur qu’ils meurent. Elle n’en parle jamais, ni à ses amis ni à Paul, mais elle est sûre que tous ont eu ces mêmes pensées. Elle est certaine que, comme elle, il leur est arrivé de regarder leur enfant dormir en se demandant ce que cela leur ferait si ce corps-là était un cadavre, si ces yeux fermés l’étaient pour toujours. Elle n’y peut rien. Des scénarios atroces s’échafaudent en elle, qu’elle balaie en secouant la tête, en récitant des prières, en touchant du bois et la main de Fatma qu’elle a héritée de sa mère. Elle conjure le sort, la maladie, les accidents, les appétits pervers des prédateurs. Elle rêve la nuit, de leur disparition soudaine, au milieu d’une foule indifférente. Elle crie « Où sont mes enfants ? » et les gens rient. Ils pensent qu’elle est folle. »

 

Ce livre, jamais moralisateur, raconte une tragédie humaine. Merci Leila Slimani pour ce beau moment de lecture. Je me suis dit, en le refermant, que c’était exactement pour des livres comme le votre que je passe tant de temps dans les mots et dans les histoires…

Extrait

« Myriam lui fait souvent des cadeaux. Des boucles d’oreilles qu’elle achète dans une boutique bon marché, à la sortie du métro. Un cake à l’orange, seule gourmandise qu’elle connait à Louise. Elle lui donne des affaires qu’elle ne met plus, elle qui a pourtant longtemps pensé qu’il y avait quelque chose d’humiliant. Myriam fait tout pour ne pas blesser Louise, pour ne pas susciter sa jalousie ou sa peine. Quand elle fait les magasins, pour elle ou pour ses enfants, elle cache les nouveaux vêtements dans un vieux sac en tissu et ne les déballe qu’une fois Louise partie. Paul la félicite de faire preuve d’autant de délicatesse. »

 

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Chanson douce, Leila Slimani, Gallimard, 2016.

M. Train- Patti Smith

product_9782070105571_195x320« Ce n’est pas si facile d’écrire sur rien ». C’est par ces mots que débute ce livre, nommé par cette artiste immense de « carte de mon existence ». Patti Smith. Icône absolue. Qui se livre (un peu) à travers ces pages et qui nous laisse entrevoir, pour un instant suspendu, sa vie, ses pensées, ses souvenirs, ses lectures, ses amours, ses petits riens ….

Ce sont donc les pérégrinations de Patti Smith à travers 18 chapitres (« stations »), 256 pages et 53 illustrations.

L’histoire commence dans un café, le ‘Ino, une fin novembre glaciale, début d’un voyage immobile, début d’une rêverie et puis les souvenirs affleurent …

« Quelques mois avant notre premier anniversaire de mariage, Fred m’a annoncé que, si je lui promettais de lui donner un enfant, alors il commencerait par m’emmener n’importe où dans le monde. Sans hésitation, j’ai choisi Saint-Laurent-du-Maroni, une ville frontière dans le nord-ouest de la Guyane française, sur la côte atlantique nord de l’Amérique du Sud. Cela faisait longtemps que j’avais envie de voir les vestiges de la colonie pénitentiaire où les pires criminels étaient envoyés par bateau, avant d’être transférés sur l’île du Diable. Dans «Journal du voleur, Genet décrivait Saint-Laurent comme une terre sacrée et parlait des détenus avec une compassion empreinte de dévotion… »

Ce récit, tendre et mélancolique, est difficilement résumable ! Difficile de mettre des mots dessus, difficile de raconter ce petit bijou de finesse, d’élégance, de simplicité (bien loin des paillettes de la vie d’icône du rock)… Mais quelle émotion de s’égarer dans ses mots, avec l’impression de rentrer dans un peu dans l’intimité de cette artiste que j’aime tant ! Une exploration poétique de l’intime entre rêve et réalité, souvenirs et instants présents,  que l’on peut ouvrir au hasard des pages et s’y sentir comme chez soi ! A découvrir indéniablement….

 

Extrait 

« Je crois dans le mouvement. J’ai foi dans le monde, ce ballon au cœur léger. Je crois en minuit et en midi. Mais en quoi d’autre ai-je foi ? Parfois en tout. Parfois en rien ? Cela fluctue comme la lumière qui miroite à la surface d’un étang. Je crois en la vie, que chacun de nous un jour perdra. Quand nous sommes jeunes, nous pensons que cela n’arrivera pas, que nous sommes différents. Enfant, je pensais que jamais je ne deviendrais adulte, que je pourrais résister à l’âge par la force de ma volonté. Puis je me suis rendu compte, relativement récemment, que j’avais franchi une ligne, inconsciemment cachée dans la vérité de ma chronologie. Bon sang, comment avons-nous fait pour devenir si vieux ? je demande à mes articulations, à ma chevelure couleur fer. Maintenant je suis plus vieille que mon amour, que mes amis défunts. »

 

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 M. Train, Patti Smith, Gallimard, 2016.