Amour, passion & CX diesel

Fabcaro © Fluide Glacial – 2017

Quoi de mieux qu’une bonne saga familiale pour dénoncer de vrais sujets de société, sans tabous ni fioritures. Nous voici plongés dans l’intimité d’une famille qui pourrait être la nôtre, la vôtre.

Quand Cynthia a annoncé que Harold, son mari, était souffrant, le sujet de la succession a aussitôt agité leurs quatre enfants et conjoints, Brandon et son épouse Jessifer, Bill, Pamela et son mari Tony, et Jean-Mortens.
Et notamment la question qui brûle toutes les lèvres : qui va hériter de la CX diesel que tous convoitent ?

La famille Gonzalès n’est pas épargnée par la cruauté de la vie. Elle rencontre des problématiques susceptibles de toucher tous les foyers. Chômage. Stérilité. Jalousie. Adultère. Homosexualité. Rivalités fraternelles. Maladie. Adoption. Non-dits. Racisme. Coupe nuque longue. Parentalité. Dépression. Secrets de famille. Vieillissement. Deshéritage. Manipulation psychologique. Alcoolisme….

Oui, mais voilà….. dans l’univers de Fabcaro, l’enfant adopté doit être assorti à la tapisserie de la cuisine, la chirurgie esthétique est presque, presque réussie, le coming-out, lui, est totalement foiré, le corbeau signe ses lettres de menace, le nouveau-né met tout le monde mal à l’aise… et une rutilante CX diesel, fleuron du luxe et de la technologie, dort dans le garage.

Tous les coups sont permis pour hériter de la CX paternelle, surtout les plus bas !

La saga se déroule en 3 saisons, le rythme est effréné et l’effet huit-clos fait monter la pression à merveille. C’est burlesque, barré à souhait comme j’aime ! Le passage de personnages secondaires hauts en couleur empêche l’essoufflement et renforce la (dé)cohésion entre héritiers.

L’ambiance est fidèle à l’univers complètement décalé de Zai Zai Zai Zai, Et si l’amour c’était aimer etc. Le foulage d’abdos est garanti, si si promis !

La force de cet album, c’est que ce n’est pas une simple caricature, ça va au-delà ; c’est une caricature de l’absurde, porté au 18e degré. Le choix du dessin anthropomorphique y fait beaucoup comme explique James dans le making-of, il apporte en effet une plus-value et met en valeur le scénario. C’est peut-être le petit + qui manquait à Talk Show de Fabcaro.

Des personnages loufoques, des problématiques contemporaines, le trait grossi à l’extrême font que le résultat tourne au génie !

Alors foncez, laissez-vous embarquer par cette saga, délectez-vous des malheurs des Gonzales et… ne manquez pas cette formidable occasion de vous sculpter des abdos de rêve pour cet été!

Pour ma part, j’y retourne !

Scénario: Fabcaro
Dessin: James
Couleurs: Bengrrr
Édition intégrale Fluide Glacial 2017

(1ère saison éditée en 2011, 2e en 2012, 3e en 2014)

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Amour, Passion & CX Diesel – Fabcaro © Fluide Glacial – 2017

 

L’Arabe du Futur 3 – Riad Sattouf

adf3-rvb-pour-web-tt-width-326-height-468-lazyload-0-crop-1-bgcolor-ffffffAmoureux de l’Arabe du Futur, précipitez-vous !

Steph  m’a invitée au bar à BD pour causer du tome 3! Elle m’a aveuglément fait confiance, je ne sais pas si c’est bien raisonnable, en tous cas merci à elle !!

Alors pour le petit résumé, Riad Sattouf,  auteur vénéré des mouettes  (oui, Riad est à nous ce que Conan le Barbare a été pour lui, c’est pour dire !), nous offre une autobiographie en 5 tomes qui relate son enfance et adolescence entre la Libye, la Bretagne et la Syrie.

Sa famille, décrite de ses yeux d’enfant :

Son  père, syrien, professeur à l’université, est un fervent adepte de panarabisme. Il se montre ici de plus en plus ambivalent, littéralement écartelé entre sa culture syrienne empreinte de religion et ses idées dites progressistes. On le voit peu à peu céder à la pression familiale et culturelle, se défendant toujours avec obstination de modernité. Quand vous le voyez passer son doigt sous le nez en reniflant, vous pouvez supposer un certain malaise Snffff

Sa mère est française. Elle était relativement effacée dans les deux 1ers tomes, générant chez moi un trouble quant à sa capacité à protéger ses enfants. Elle va enfin manifester des signes de ras-le-bol concernant leur vie au village. Elle rêve de vivre en ville et aspire à plus de confort pour éduquer ses enfants. Même une tante du village se demande pourquoi, en dépit des études et de ses diplômes, le père de famille revient « dans ce trou vivre au milieu des ignorants » (SSNNFFFF)…

Son petit frère Yahya, au vague air d’Astro le Petit Robot mais en beaucoup moins puissant, reste un personnage secondaire. « Très gentil et extrêmement mignon », il  va pourtant faire l’objet de défouloir pour notre tête blonde, mais bon, c’est le rôle d’un petit frère après tout, on ne va pas s’en offusquer…. Il y a bien d’autres occasions pour ça au fil des pages…

En 1985, notre héros au cheveu soyeux poursuit sa scolarité dans un système où la terreur règne : rapports entre les élèves, professeurs usant du bâton etc. et tout ceci sur fond d’ultra patriotisme.  Il a ainsi survécu à ses 1ères années de scolarité et atteint dans ce 3e tome l’âge de raison. Et en effet, se sont bien à des questions existentielles qu’il va se retrouver confronté… et nous, lecteur, on ne va pas y couper.

Son rapport au monde change. En qui croire quand on a 7 ans ? En Dieu qui tolère des injustices dont il est chaque jour témoin? En le Père-Noël qui oublie de distribuer des cadeaux à ses cousins ??  Oui, c’est le bazar là–dedans… d’autant qu’une partie de la famille pratique assidûment la religion et que l’autre se revendique anti-curé…

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Si comme moi vous êtes sensible aux questions de double culture, de transmission, des choix (ou non-choix) quant à la pratique de la religion, je n’ai qu’un mot à dire : foncez ! Tout y est traité avec finesse et intelligence. On s’étonne, on s’offusque, on rit, on se scandalise aussi… car la violence est partout, oui, partout.

 

Afin d’aller plus loin dans la réflexion et l’analyse, fait incroyable : Riad notre auteur bien-aimé a bien voulu nous accorder, à nous les mouettes, une interview privée ! Nous ne le remercierons jamais assez, merci ô Riad. Autant vous dire qu’interviewer  un auteur en pleine promo, ça nous a fait transpirer de la plume. Surtout qu’il nous a bien fait sentir qu’il comptait sur notre billet pour asseoir sa notoriété dans la blogosphère…. SNFFFFFFF…..

Notre invitation était lancée et acceptée, on ne pouvait plus reculer… munies  d’un dictaphone nous nous sommes lancées, telles des expertes du journalisme d’investigation, au plus près du terrain. Non, on n’a pas peur, nous les mouettes. En voici quelques extraits exclusifs et en avant-première dans le bar à BD.

 

LA vraie (fausse) interview de Riad par Les mouettes[1]

Moi : « Hum » tournant nerveusement mes feuilles… « Je …. Jeeeeeeeee, enfin, nous tenions à vous remercier de nous avoir accordé heu…. de votre temps précieux et….. » Bafouille, bafouille.

Framboise : « OK, Julia, si tu permets, je vais parler à ta place, tu n’es pas très claire. C’est gênant ! »

« Riad Sattouf, reprenons, voulez-vous !

Votre nouvel album, très attendu, met en scène un enfant : VOUS ! Ainsi, vous vous représentez tel un ange, cheveux au vent, sentant bon le shampooing à la camomille, extrêmement propret (ce sont vos mots !), le regard évanescent, l’air un peu satisfait. Vous vous qualifiez même de remarquable ! Et ce, au milieu d’un monde (La Syrie) violent, délabré, arriéré, triste, où chaque être humain a une part sombre. Sauf vous ! Vous vous situez DONC au-dessus des autres. Vos parents, vos amis, votre famille … Pourquoi ? »

Riad : «Je n’ai pas voulu d’une autobiographie nombriliste qui parlerait de mes ressentis. J’ai d’ailleurs laissé de côté des souvenirs antérieurs à ce que je raconte, quand j’étais encore plus petit.  «J’ai dû recommencer le storyboard de l’album complet 4 ou 5 fois en essayant plein de directions différentes. Je n’arrivais pas à trouver le bon ton, c’était ou trop affecté ou trop confus.»

Moi : à voix basse …. « Hum Framboise, enfin c’est sa place d’enfant qui permet cette position… »

Framboise : « Julia, s’il te plait… Laisse-moi faire ! Ce que tu dis est incompréhensible… Va plutôt nous servir un thé ou un café, ça brûle en cuisine !

Riad Sattouf, vous représentez VOTRE héros, dites-vous, votre père, comme le personnage central de « L’Arabe du futur ». Mais cet homme est d’une lâcheté sans pareille, d’une lâcheté totale ! Effrayante même ! Pourquoi lui avoir donné ce rôle-là ?»

Riad : « J’ai raconté les faits comme je m’en souviens. Avec le recul, je pense que la naïveté de mon père était peut-être moindre que celle des gens en France. En effet, il était naïf, il pensait devenir quelqu’un, il pensait qu’on allait peut-être lui donner un ministère. Des rêves apparemment mégalos mais qui, dans la Syrie de ces années-là, n’étaient pas complètement irréalistes. Je le laisse dire des horreurs sans jamais les commenter. Je veux que le lecteur pense : il dit des trucs horribles, mais en même temps, il est touchant. »

Moi : apportant fébrilement le café  « Par rapport à l’identification à votre père, j’ai ressenti le moment de la désillusion … »

Framboise : « JULIA, tu m’agaces et tu agaces Riad!

Riad Sattouf, la représentation que vous donnez de votre mère m’a PARTICULIEREMENT choqué : Femme sans saveur, presque sans consistance, effacée, dominée, dépressive…. En un mot : MAL ! Mais pourquoi, grand dieu ?!»

Riad : « Quant à ma mère, je voulais faire sentir que c’était une femme qui suivait son mari. Elle espérait que mon père devienne quelqu’un. Elle pensait que c’était possible, c’était un étudiant brillant, pas un looser, il avait deux doctorats. Elle non plus n’avait pas d’infos, elle ne s’intéressait pas à la politique, elle faisait confiance à son mari. »

Moi : « Se rendait-elle compte de ce queuuuh vous viviez ? »

Framboise : « Chuuuuuut, Julia ! C’en est trop ! 

Excusez-la, Riad, elle peut être d’un pénible parfois !

Pour en revenir à nos moutons, ou plutôt causons religion, voulez-vous, Riad Sattouf ?! Pour un athée, je trouve que la religion est présente dans tous vos ouvrages. Ne seriez-vous pas un religieux qui s’ignore ? »

Riad : …..

Moi : doigt sous le nez « SNNNNFF… »

Framboise : « Ma question est légitime. Riad Sattouf, je vous demande d’arrêter de souffler et de lever les yeux au ciel. Merci. Nos lecteurs sont en droit d’attendre une réponse de votre part ! »

Moi : Tremblant et pensant en mon for intérieur : « J’ai peur pour ma mouette… elle va trop loin… j’ai peur pour notre interview je ne la reconnais plus… serait-elle condamnée à perdre ses moyens à chacune de ses rencontres avec Riad Sattouf (Salon du Livre à Paris en 2015 quand tu nous tiens) ?? »

 

En effet, dans un élan de folle nervosité et de contrariété extrême, Riad s’en fut… Blessé, vexé, toutafé énervé de cette interview salement menée, et mettant fin, d’un claquement de baie vitrée, à un amour que j’avais cru possible…. !

 

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Je tiens à remercier Riad Sattouf pour ses vraies interviews (avec de vrais journalistes aguerris et surtout assermentés) diffusées dans Libération le 12 juin 2015 et Slate.fr le 06 octobre 2016, à Mamouette de m’avoir gâché la rencontre, et sans oublier Steph de nous avoir permis de la fantasmer, cette rencontre 😉 !

Julia

Pour découvrir les billets de Jérôme et Framboise !

Les billets des Tomes 1 (mais pas que !) &

Et le billet un peu fou ( avec Riad dedans !) sur le voyage de mouettes à Paris c’est ici !

[1] [1] Mouarf, évidemment, impossible d’approcher Riad, alors une interview ! Toutafé inimaginable ! Mais, dans nos délires de mouettes-rieuses, nous avons imaginé un entretien, rondement mené…