J’ai découvert le travail de Charles Masson en 2009 avec « Droit du sol » , un reportage qu’il avait réalisé à Mayotte auprès de migrants. Il dénonçait les conditions d’accueil lamentables des personnes en situation irrégulière et les piètres moyens mis à la disposition des équipes (de l’humanitaire et du secteur médico-social) pour leur venir en aide. Tout cela… l’opinion publique s’en contrefiche. J’ai lu peu d’autres ouvrages de cet auteur si ce n’est « Soupe froide » qui, là aussi, frappe un grand coup sur la table en s’intéressant au quotidien d’un homme sans-abri.
Des sujets rarement abordés, quel que soit le medium. Alors faut-il être un minimum sensibilisé pour parler de ces sujets « d’actualité » ? Pourquoi cette indifférence générale face à la souffrance d’autrui ? Heureusement, il y a des gens qui se mobilisent. Charles Masson en fait partie, peut-être parce qu’il est médecin et que son parcours l’a amené à rencontrer des gens qui n’ont plus rien, des gens qui pensent « n’être plus rien » parce que la société ne les voit pas, ne les considère pas… elle leur tourne le dos.
Avec « Les Gens de rien » , Charles Masson parle du soin, du cancer. Il rencontre Marie en consultation, elle deviendra sa patiente. Il l’accompagne dans sa fin de vie, seule alternative qu’il lui reste car Marie s’est présentée à lui trop tard : son cancer à la gorge ne peut plus être soigné. Les métastases sont partout dans son corps.
Dès le début, l’auteur utilise l’imparfait. Il raconte le passé, il raconte une histoire qui s’est aujourd’hui refermée. On sent la joie de certains instants. On sent la nostalgie dans ce bel hommage qu’il fait à cette femme. Il parle de Marie, de sa vie, du courage dont elle a toujours fait preuve, de sa détermination. Une femme indépendante au caractère bien trempé qui ne se démonte pas face à la première difficulté qui pourrait entraver sa route.
Du passé de Marie qui revit grâce au témoignage de sa meilleure amie au présent de Marie qui regarde la maladie en face. Elle garde la tête haute et le positionnement bienveillant des médecins l’y incite. Sa parole est respectée. Toute patiente qu’elle est, il n’est pas question que les volontés du corps médical s’imposent à elle. Il s’agit de sa vie, de sa santé… c’est à elle de décider si oui ou non elle accepte de prendre tel traitement, de faire tel examen… Il n’est pas de mise de juger, il ne convient pas de la faire plier contre son gré. Parler de « relation de confiance » entre le soignant et son patient prend ici tout son sens ; ils font alliance pour brider autant que possible ce fichu crabe. Le suivi médical a commencé en hiver. Sa seule ambition était de permettre à cette dame de voir une dernière fois le printemps…
L’auteur (et médecin) s’efface complètement au bénéfice du personnage principal. Il est un des personnages secondaires et endosse à sa manière la façon dont cette histoire s’est achevée. Le scénario est fluide, il nous laisse éberlué face à la lucidité de l’héroïne, sa force de caractère et sa pugnacité. On prend plaisir à découvrir ce récit plein d’humanité, cette rencontre entre deux personnes, la confiance réciproque qui se tisse entre eux. C’est simple, doux. Le rythme narratif prend le temps de nous installer puis de nous raconter sans ambages cette petite histoire de vie.
Curieuse et impatiente de découvrir le second tome des « Gens de rien » … il nous mènera peut-être en été aux côtés d’autres petites gens.
Tandis que les arbres sont habillés de leur manteau de fleurs, un groupe se réunit à un carrefour important de la vie d’un homme. Difficile de savoir si la route qu’il empruntera après ce virage sera ou non sinueuse. En attendant, sa fille observe. Elle déplie les faits. Elle les scrute et se les approprie. Elle explique la raison pour laquelle la famille et les amis de son père sont venus pour le soutenir. Car en ce beau jour de printemps se déroule une cérémonie bien particulière. Ce rassemblement est destiné à soutenir un homme, hommage d’affection. Il enterre un de ses poumons.
« Papa assistait avec nous à l’enterrement d’une partie de son corps. Certains reniflaient dans leur mouchoir. D’autres suivaient le cortège sans vraiment réaliser qu’un morceau de mon père venait de disparaître et que peut-être, bientôt, on lui retirerait d’autres bouts de son corps, jusqu’à l’enterrer tout entier. Il semblait lourd ce poumon déclaré malade et désormais inutilisable. »
Sa fille est à ses côtés. Elle est le témoin impuissant de ce changement en ce jour particulier et durant les mois à venir. Elle assiste à la transformation lente mais radicale de l’homme imparfait qui l’a vu naître, qui l’a élevée. A sa manière et avec pudeur, elle parle de la maladie qui s’immisce dans leur quotidien. Marion Fayolle taira les noms barbares des diagnostics et des symptômes qui en découlent. Elle fait voler en éclats les murs des centres hospitaliers et expose cette tragédie familiale à ciel ouvert. A grands coups de métaphores graphiques, elle décrit la maladie et son cortège de mots/de maux. Elle transforme le corps médical en une grande armée blanche qui prend possession des lieux, elle les met en scène dans d’imposantes mises en scène comme s’ils faisaient leur entrée sur la scène d’un théâtre… comme s’il s’agissait de cérémonies rituelles d’un peuple étranger. Une armée qu’il est impossible de repousser. Une armée de médecins qui impose sa présence aussi nécessaire qu’intolérable.
Face à l’armée des hommes et femmes en blanc, la famille doit constamment réaménager, réorganiser et repenser la place et les habitudes de ses membres. Un chamboulement émotionnel. Quel espace reste-t-il à l’intimité ? Y a-t-il encore une possibilité de croire en une rémission quand les corps des uns et des autres sont sans cesse livrés au regard des soignants ? Des corps qui se contiennent, des corps qui voudraient parfois s’étreindre mais qui – par pudeur – n’osent pas, n’osent plus.
Le corps du malade quant à lui continue sa lente transformation… tout comme le regard de l’entourage qui n’a d’autre choix que d’accepter l’inacceptable. Il s’agit d’intégrer malgré soi les changements qui marquent le corps déjà affaibli de leur proche et accentuent les plaies de son âme. Son identité devient trouble. La maladie le fait devenir autre, il dévoile une autre personnalité.
Le crabe est là. Marion Fayolle ne le nommera pas. Elle se contentera de montrer les ravages causés par ses pinces toxiques. Le crabe ronge de l’intérieur et tue à petit feu.
Le trait naïf de la dessinatrice se pare de couleurs douces pour illustrer des scènes inédites et inattendues. Sa poésie parvient à atténuer la douleur et la tristesse de la voix-off. On assiste ainsi au mouvement d’une jeune adulte qui, avec ses yeux d’enfant, voit son père disparaître lentement. Un douloureux travail de deuil est à l’œuvre. Avec son double de papier, l’autrice montre comment elle trouve sans cesse des raisons d’aimer son père autrement. Elle exprime son désir de lui pardonner ses erreurs passées. Inconsciemment, par amour, elle fait le deuil de son père tel qu’il a été et accepte pleinement cet Autre qu’il devient.
« Mais maintenant qu’il était devenu une personne fragile, j’avais envie de prendre soin de lui et préférais remettre à plus tard mon envol. Je voyais, dans sa transformation, une opportunité de le rencontrer. Parce qu’en réalité, il demeurait un vrai mystère pour moi. C’était un homme insaisissable, souvent absent et au tempérament très dur. La maladie venait mettre un grand coup dans sa vie. Tout s’écroulait. C’était triste mais j’étais convaincue que ça allait le rendre meilleur, que tout irait mieux entre nous, maintenant que tout allait mal pour lui. S’il avait failli mourir mais qu’il n’était pas mort, c’était que la vie lui avait donné un sursis pour qu’on aille à la rencontre l’un de l’autre. »
En se détachant du factuel, l’autrice laisse ses émotions guider le scénario. Les doutes, les excuses, les étonnements et les personnalités de chacun sont ainsi placés au cœur du récit. Outre les stigmates physiques de la maladie, on assiste aus changement dans la dynamique d’une famille, à la redistribution des rôles de chacun. Il y sera aussi question de régression, de dépendance, d’empathie… tout une métamorphose insidieuse qui marque les cœurs et les esprits. C’est enfin l’occasion aussi de faire le point d’une relation parent-enfant complexe.
« Si j’avais dû trouver un élément pour symboliser mon père, j’aurais choisi les pierres. (…) les rochers qui piquent les pieds si on leur marche dessus sans chaussures. Ceux qui sont recouverts d’aspérités. Ceux qui râpent, qui coupent, qui sont agressifs et froids. (…) Souvent, je me suis entaillé les doigts en m’accrochant trop à lui. J’espérais trouver un endroit plus doux dans la complexité de ses reliefs mais en général, je mettais les mains là où il ne fallait pas. C’était très compliqué de trouver une position confortable contre lui. Ça pouvait arriver par hasard, mais c’était rare. »
Troublant, singulier, touchant et fascinant, cet album est une réelle invitation à poursuivre l’exploration de l’univers artistique de Marion Fayolle
La Tendresse des Pierres One shot Editions Magnani Dessinateur / Scénariste : Marion FAYOLLE Dépôt légal : octobre 2013 / 144 pages / 25,90 euros ISBN : 978-2-9539817-9-7
En 2016, 295 patients ont été accueillis dans le service. La durée moyenne d’hospitalisation est de 11 jours.
C’est avec l’arrivée de Juliette – élève infirmière – que l’on fait connaissance avec l’équipe du Docteur Heuclin. Une équipe dynamique composée d’infirmiers, d’aides-soignants, d’une psychologue et de bénévoles (visiteurs médicaux).
Très vite, nous découvrons les rituels quotidiens de l’unité. La journée commence par une réunion matinale durant laquelle les équipes débriefent : l’équipe de nuit fait le relai à l’équipe de jour en parlant de l’état de santé de chaque patient. Une réunion conviviale avec café et croissants, boutades et complicités. Vient ensuite le moment de visiter les malades ; le Docteur Heuclin prend le temps de faire le point avec chacun d’entre eux. Le reste de la journée, l’équipe se relaye autant que possible, bienveillante et organisée, pour assurer la qualité de l’accompagnement des malades et de leurs familles.
Accompagner un individu et ses proches dans leurs derniers instants, aider les uns et les autres à libérer leur parole. Un quotidien de travail souvent douloureux, chaque décès est un « micro-deuil » pour ses soignants.
On est là pour soigner, pas pour guérir.
Je commence à bien apprécier le travail de Xavier Bétaucourt ; j’ai lu deux des trois albums qu’il a publiés sur les deux dernières années et je n’ai pas eu le soupçon d’une déception (avec une préférence marquée pour « Le Grand A » publié aux éditions Futuropolis). J’avais donc très envie de découvrir son dernier-né : « Quelques jours à vivre » .
Londres, 1948. L’infirmière Cicely Saunders accompagne David Tasma, un immigré juif polonais de 40 ans, dans ses derniers jours. Il meurt, seul, d’un cancer. Il a certes besoin d’une prise en charge de la douleur mais surtout, il a besoin de se raconter. Alors ils parlent. Ensemble, ils imaginent un havre où les mourants pourraient trouver la paix dans leurs derniers jours. A sa mort, il lègue 500 livres sterling pour créer ce lieu où les soins seraient plus personnalisés. Où l’on s’occuperait de la douleur et où l’on écouterait les malades.
Le scénario est assez riche car il prend le temps de montrer l’évolution de la prise en charge du malade au travers des siècles, la lente prise de conscience (en France) de la nécessité de mettre en place des unités de soins palliatifs. Loin d’apporter de la lourdeur au propos, ces temps de récit plus didactiques offrent au contraire une respiration dans « l’histoire » de l’unité roubaisienne. Car au cœur de cette unité, des vies sont sur un fil et l’équipe œuvre pour accompagner au mieux chaque personne jusqu’au dernier souffle.
Massages, hypnose, parole, présence, médication, caresse, baiser, rire… chaque soignant veille à sa manière, avec douceur, bienveillance, empathie et toute la technicité de sa profession. Au dessin, Olivier Perret ( « Il fera beau demain » , « Journées rouges et boulettes bleues » ) caresse à son tour les personnages et donne à l’ambiance un côté apaisant. Sans pathos et respectant l’intimité de chaque patient, il illustre avec beaucoup de délicatesse les scènes de vies qui s’offrent à nous. Il parvient à accompagner la voix de chaque personne amenée à témoigner dans cet album (en l’occurrence, il s’agit de l’équipe de soignants) et donne beaucoup de profondeur à ce récit choral. Le dessinateur s’attarde également sur de nombreux détails graphiques qui montrent la volonté des professionnels à porter jusqu’au dernier instant les corps fatigués qui sont alités dans les chambres de l’unité.
Pour avoir passé quelques jours dans une unité de soins palliatifs cet été, j’ai retrouvé dans l’album cette ambiance calfeutrée, chaude et lumineuse. Un instant de lecture suspendu entre ici et ailleurs pour mettre des mots sur la fin de vie et saluer le travail d’accompagnement réalisé par ces équipes de soignants.
Sur le même thème, j’avais aussi fort apprécié « Journal d’un adieu » de Pietro Scarnera.
Bandes dessinées : Cette ville te tuera (Y. Tatsumi ; Ed. Cornélius, 2015), Les Mutants, un peuple d’incompris (P. Aubry ; Ed. Les Arènes – XXI, 2016), Miss Peregrine et les enfants particuliers, volume 2 (R. Riggs & C. Jean ; Ed. Bayard, 2017).
Jeunesse : Trois aventures de Léo Cassebonbons (F. Duprat ; Ed. La Boîte à bulles, 2017).
Romans : Les Echoués (P. Manoukian ; Ed. Points, 2017), Rien ne s’oppose à la nuit (D. De Vigan ; Ed. Le Livre de Poche, 2013), Women (C. Bukowski ; Ed. Grasset, 1981), Temps glaciaires (F. Vargas ; Ed. Flammarion, 2015), Les Jours de mon abandon (E. Ferrante ; Ed. Gallimard-Folio, 2016).
Tokyo. Plongée au cœur d’une société en plein mal-être.
Stéphane Beaujean a réalisé une très belle préface qui explique à la fois le contexte social de l’époque et réalise une fine analyse de la démarche de l’auteur. « Dans les nouvelles qui suivent, Yoshihiro Tatsumi s’attarde plus précisément sur les relations entre hommes et femmes. Il témoigne de la mort du désir sexuel, de son dévoiement par le capitalisme et la modernité dans une civilisation en proie à une urbanisation étouffante ».
Cet album est le premier volume de l’anthologie des œuvres du Yoshihiro Tatsumi (« Une vie dans les marges »), il contient 23 nouvelles crées dans les années 1960 et 1970. Les histoires sont dures, brutales mais comme elles sont toutes assez courtes, le lecteur n’a pas le temps de s’apitoyer réellement sur un personnage. On traverse une succession d’avortements, de fœtus dans les égouts, de suicides, d’adultères. On voit des individus qui s’abrutissent au travail pour ne pas penser. Une ville inhospitalière. Des hommes désabusés, des femmes aigries et autoritaires et entre les deux, la communication est souvent en panne. Une sexualité à la fois contrariée, étouffée et pour d’autres, totalement débridée et pulsionnelle. C’est à la fois malsain et totalement affligeant, au point qu’on plaint ces gens en souffrance.
On sort un peu sonné de la lecture de ce gekiga mais tout de même, n’hésitez pas à le lire si vous en avez l’occasion.
Service de pédopsychiatrie de l’Hôpital Sainte Barbe à Paris. Le pavillon Charcot accueille des adolescents âgés de 12 à 14 ans. Crises d’angoisse, tentatives de suicide, décompensation, overdose… les motifs d’hospitalisations sont multiples mais ils ont tous un point commun : leurs parents sont totalement dépassés par la « crise d’adolescence » et incapables d’aider leurs enfants à y faire face. Psychiatre, éducateurs spécialisés, infirmiers… assurent la prise en charge durant des séjours qui durent de quelques jours à plusieurs mois.
Pauline Aubry quant à elle est graphiste ; elle a repris par la suite ses études au CESAN, une école de BD. En 2013, elle sollicite son amie Camille, pédopsychiatre à Sainte-Barbe, pour savoir s’il est possible de faire un reportage BD sur le service. La réponse est positive mais en échange, il lui est demandé d’animer un atelier BD à destination des jeunes patients du service.
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Un album à mi-chemin entre l’autobiographie et le reportage, entre la découverte des problématiques propres à l’adolescence et la démarche cathartique. Car pour adapter son atelier au public qu’elle va côtoyer, Pauline Aubry se remémore sa propre adolescence (état d’esprit, relations familiales, hobbies…). Elle va animer au total 8 séances d’atelier (de novembre 2013 à mars 2014). L’album est ponctué par ces repères chronologiques. Pour le reste, l’auteure relate l’ambiance de chaque séance d’atelier, et montre comment le service de pédopsychiatrie s’organise (profil des ados, travail d’équipe, méthodes de travail, liens avec les familles…). Entre les séquences de reportages, l’auteure fait remonter les souvenirs et décortiquent les informations qu’elle a reçues en faisant le parallèle avec sa propre adolescence.
Pour être honnête, cette BD est parfaite pour se sensibiliser sur la prise en charge des adolescents fragiles (manifestant des troubles du comportement, ayant des conduites addictives et/ou qui se mettent en danger). Je vois bien ce medium être utilisé dans des groupes de parole d’adolescents. Par contre, pour les personnes qui connaissent déjà ces services hospitaliers en pédopsychiatrie, ça fait vraiment redite. Globalement, je baigne un peu trop dans ce milieu professionnel. Je suis au contact quotidien avec la clinique, les thérapeutes, les éducateurs, les publics… en permanence en train d’écouter des gens parler de leurs vies, de leurs échecs, de leurs angoisses… Bref, un livre pour réviser les bases…
Les enfants particuliers recueillis par Miss Peregrine sont en cavale. Ils fuient les Sépulcreux et les Estres qui tentent de les capturer afin de pouvoir pratiquer d’obscures et de traumatisantes expériences en laboratoire. Dotés de pouvoirs surnaturels, les Enfants Particuliers vivaient jusqu’à présent – pour les plus chanceux d’entre eux – sous la protection d’ombrunes bienveillantes, sortes de nurses qui leur assurait le gîte et le couvert mais aussi la possibilité de mieux connaître les pouvoirs de chacun et … d’accepter d’être différents des autres enfants.
Mais l’avenir des Particuliers et compromis. Miss Peregrine ayant été blessée lors du dernier affrontement avec les Estres, les Particuliers qu’elle avait pris sous son aile décident d’aller demander de l’aide à d’autres ombrunes afin que Peregrine soit sauvée. Ils prennent la direction de Londres avec toute l’appréhension de se jeter délibérément dans les griffes de leurs adversaires. Pire encore, Londres est plongée dans les affres de la Seconde Guerre Mondiale.
C’est suite à la sortie de l’adaptation cinématographie de « Miss Peregrine… » que nous avions découvert, mon fils et moi, cet univers fantastique. Sitôt sorti de la salle de cinéma, nous avons voulu découvrir l’adaptation BD de la série (avant de lire éventuellement les romans originels). Profitant de la réédition du premier volume (Editions Bayard – Collection BD Kids), nous avons pu découvrir des détails et des interprétations qui étaient différentes de la vision de Tim Burton voire qui étaient totalement absente du film.
Les personnages sont intéressants, élaborés et cohérents. L’univers fascine, les motivations questionnent et les desseins des « méchants » n’est pas sans rappeler les agissements des nazis (d’ailleurs certains ont brodé sur leur uniforme une croix gammée).
Une série agréable à lire et qui sait capter notre intérêt. Loin d’être un récit incontournable ou un coup de cœur, les albums permettent de passer un bon moment de lecture et j’ai très envie de découvrir le troisième et dernier tome de cette histoire.
Léo Cassebonbons est un petit garçon comme les autres : espiègle à souhait, naïf et spontané, il est dans cet âge où chaque chose se questionne et à chaque question sa réponse. Souvent, les conclusions auxquelles il aboutit sont sans concession pour les adultes qui l’entoure.
Cet ouvrage est une intégrale de trois albums de « Léo Cassebonbons » précédemment édités aux Editions Petit à Petit : « Chou blanc pour les roses », « Demandez la permission aux enfants » et « Mon trésor ».
Le premier tome regroupe des petits gags de quelques pages. Anecdotes du quotidien, à l’école ou en famille. Les scénettes sont de qualité inégale et rares ont été celles qui m’ont arraché un sourire.
Le second emmène la famille en vacances et c’est, pour le lecteur, l’occasion de découvrir davantage les proches de Leo, à commencer par sa tante et sa cousine. Délaissant l’historiette pour proposer une histoire complète, François Duprat s’amuse à rebondir de personnage en personnage. J’ai préféré cette seconde partie à la première, l’humour fonctionne mieux et rare sont les épisodes où il retombe comme un soufflet.
Le dernier tome de cette intégrale est aussi le cinquième et dernier tome de la série (publié en 2006). Après, est-ce que l’arrivée de la série à La Boîte à bulles va donner lieu à de nouveaux albums (on l’a déjà vu pour « L’Ours Barnabé ») ?? Quoiqu’il en soit, cette troisième partie est pleine de tendresse et propose des situations réalistes. La majeure partie de l’histoire se passe à l’école et le scénario propose de réfléchir aux relations entre des filles et des garçons âgés d’environ 8 ans et aux rapports de force qui peuvent se tisser entre eux. La question de l’amitié est au cœur du récit et notamment celle qui concerne les enfants de sexes différents. Pas évident à cet âge !
J’ai bien failli ne pas parvenir au bout du premier tiers de l’album. Et puis finalement le personnage principal est un petit bonhomme bien sympathique. Pour autant, la série n’a jamais fait de vagues et je ne pense pas qu’elle me laissera un souvenir ému.
On est en 1991. Virgil est moldave, Assan et Iman – le père et la fille – sont somaliens, Chanchal est bengladais… tous sont des immigrés. Tous ont traversés des épreuves pour échouer en France, dans l’espoir d’une vie meilleure. Tous ont fui la misère, la guerre, la peur, les ruines, leurs morts, la famine… pour venir respirer l’air d’un eldorado européen. Mais arrivés à destination, ce sont d’autres épreuves qui les attendent. Les squats, la faim, les coups, les humiliations… pas tout à fait les mêmes que les maux de leurs pays mais au fond, pas si différentes. Et puis les hasards de la vie ont fait qu’ils se sont rencontrés, qu’ils se sont entraidés. Entre eux, des liens d’amitié forts se sont tissés. Envers et contre tous, unis, ils ont tenté de poursuivre leur chemin. A plusieurs, on a moins peur que tout seul. Ensembles, on retrouve une dignité, une identité, une raison de vivre.
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Pascal Manoukian est journaliste grand reporter. Pendant 20 ans, il a couvert les conflits qui embrasaient la planète. Puis, non content de témoigner dans les médias, il publie « Le Diable au creux de la main » en 2013 avant de livrer « Les Echoués » son premier roman paru initialement en 2016 aux Editions Don Quichotte.
Un livre dur, sans concessions, qui témoigne en premier lieu de la violence de ces trajets de la peur qui transporte des hommes comme on transporte du bétail. Enfermés dans une cale, entassé dans une benne, recroquevillés dans une cabine… entassé par dizaines parfois par centaines, ils traversent des pays et des mers au risque de leur vie. Les coups pleuvent, les réprimandes, la soif, la faim et la peur alourdissent leurs maigres bagages. Un traumatisme.
Arrivés en France, le calvaire continue. Contraints à supporter la clandestinité, ils dorment dans des conditions effrayantes ; vieilles usines désaffectées où grouillent les rats, caravanes remplies d’odeurs de pisse et de détritus, trous creusés à même la terre et j’en passe. Alignés comme des sardines à l’aube, regroupés par nationalités, droits comme des « i », ils attendent dès l’aube le passage d’un employeur qui – ils le savent – va les payer au lance-pierre. Mais même sous exploités, c’est mieux que les conditions de vie dans lesquelles ils vivaient avant de faire le voyage. « C’est comme ça ici, les pauvres s’en prennent aux pauvres ».
Un roman coup de poing, superbe. Des notes d’espoir et des plongées dans l’enfer nous font faire les montagnes russes. Un cri révoltant qui donne l’impulsion pour se mobiliser et tendre la main à ces exilés. Mais par où commencer ?
Extraits :
« Avant, en Moldavie, il adorait les chiens et détestait les mulots. Mais, depuis son arrivée en France, beaucoup de choses s’étaient inversées. Ici, il construisait des maisons et habitait dehors. Se cassait le dos pour nourrir ses enfants sans pouvoir les serrer contre lui et se privait de médicaments pour offrir des parfums à une femme dont il avait oublié jusqu’à l’odeur » (Les Echoués).
« Depuis son arrivée en France, personne ne l’appelait plus jamais par son prénom, et il n’aurait jamais imaginé qu’avec le temps il puisse lui-même l’oublier. C’est ça aussi, l’exil, quelques lettres choisies avec amour pour vous accompagner tout au long d’une vie et qui brusquement s’effacent jusqu’à ne plus exister pour personne » (Les Echoués).
« Aujourd’hui, le premier analphabète venu prenait une arme et parlait au nom d’Allah. Ça donnait à l’islam une bien mauvaise haleine » (Les Echoués).
Fin janvier, Delphine De Vigan découvre le corps de sa mère. Un suicide. Sa mère avait 61 ans.
L’auteure décide alors de raconter sa mère. Un roman cathartique pour comprendre, s’approprier les choses, intégrer sa mort, donner du sens à sa douleur.
Ainsi, elle revient sur l’enfance de Lucile, sur ses 8 frères et sœurs et ses parents, George et Liane. Très tôt, Lucile se démarque par sa beauté tout d’abord. Liane lui fera d’ailleurs faire de nombreuses séances de photos ; enfant, Lucile deviendra l’égérie de plusieurs marques, son visage apparaît sur les grandes affiches dans les couloirs du métro, dans les rues de Paris… la ville où elle a grandi. Lucile se fera aussi remarquer pour son côté sombre et mystérieux. Très tôt, elle s’est repliée dans son silence, préférant observer les autres que de participer à leur conversation. Elle échappe aux autres, secrète. Elle se soustrait au tumulte de la vie familiale. A l’adolescence, déjà habituée depuis longtemps à l’effervescence de la vie, aux amis qui passent, aux cousins qui partagent leur vie de famille le temps d’un été, Lucile se désintéresse de sa scolarité, fume ses premières cigarettes, vit ses premières relations amoureuses. Elle tombe enceinte à 18 ans ; pour ses parents et ceux du père de son enfant, l’avortement est inenvisageable. Leur mariage est organisé. Lucile se réjouit d’être la première de la fratrie à quitter le cocon familial, elle se réjouit de pouvoir enfin créer son cocon à elle, elle s’éloigne de cette famille et de ses drames familiaux déjà si nombreux, si douloureux, si lourds à porter.
Huit ans après, elle quitte son mari et refait sa vie. Peu de temps après, les premières crises surviennent. Une alternance entre des phases maniaques et de profondes périodes de déprime. Il faudra près de 10 ans pour qu’elle reprenne le contrôle de sa vie. Entre temps, plusieurs séjours en psychiatrie, des tentatives de thérapie inefficaces, une camisole chimique qui la tasse avant qu’elle ne rencontre un médecin psychiatre en qui elle a confiance. Mais pendant ces 10 années, elle s’est laissée submergée, ballotée entre hystérie et aboulie, incapable de s’occuper d’elle et de ses deux filles. En racontant sa Lucile, Delphine De Vigan s’approprie à la fois l’histoire de sa famille, celle plus personnelle de sa mère et la sienne.
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Delphine De Vigan enquête sur sa mère, sur la vie qu’elle a menée. Pendant longtemps, du fait qu’elle a grandi dans une grande fratrie puis, par la suite, du fait de ses choix de vie, sa mère a vécu entourée… en communauté. Jusqu’à ce que la maladie prenne le dessus. Delphine De Vigan plonge dans les écrits que sa mère a laissés mais elle replonge aussi dans ses propres journaux intimes qu’elle a tenu pendant toute son adolescence. Elle est allée questionner ses oncles et tantes, son père, ses grands-parents, les amis de sa mère, sa sœur, ses cousins… Elle croise tous ces témoignages et tente de rassembler les pièces du puzzle pour comprendre les raisons qui ont amené sa mère à se réfugier dans la maladie et l’incapacité de cette dernière à prendre le dessus.
Parentalisée très jeune, abusée, noyée dans la masse de la fratrie, séduite par l’alcool et la drogue… autant de morceaux d’une vie cassée. Jusqu’à la chute, la folie, la bipolarité, les lubies et les phobies. Une mère dépassée, déboussolée mais surtout une femme qui a vécu toute sa vie sur un fil, en proie au moindre coup de vent qui provoquera la rechute.
Un livre où l’intime est dévoilé, où la douleur tisse un fil rouge qui relie chaque période de la vie. Un livre écrit avec une chanson d’Higelin en tête et qui lui vaudra finalement son titre… rien ne s’oppose à la nuit… un livre pour pardonner, écrire pour s’approprier le deuil. Entre le passé de sa mère et sa propre histoire, Delphine de Vigan parle aussi de son rapport à l’écriture.
Magnifique. La suite (« D’après une histoire vraie« ) m’attend.
Charles Bukowski a écrit « Women » à la fin des années 1970. Au rythme d’un roman par an (parfois deux), il se penche une nouvelle fois sur son rapport à l’écriture, son gout prononcé pour l’alcool, les femmes, la débauche… Son aversion pour les autres, les conventions, …
Il se met en abîme, se montre sous son meilleur jour par l’intermédiaire de son double de papier, le taciturne Henry Chinaski.
« Chinaski ne quitte son lit que pour faire une lecture de poésie – d’où il revient généralement avec un chèque (pour le loyer, l’alcool, le téléphone) et une femme (pour le lit) » (…). Ici, profitant honteusement de sa notoriété, de son charme et de sa grosse bedaine blanche de buveur de bière, Chinaski/Bukowski fait des ravages dans les rangs du sexe opposé. Ici, aussi, les femmes font craquer Bukowski » (extrait quatrième de couverture).
Quelques longueurs pour moi où l’on retrouve les thèmes de prédilection de l’auteur : l’alcool, sa relation chaotique aux femmes, les jeux (paris sur les courses hippiques), l’écriture de ses textes, les séances de lecture de ses poèmes dans des lieux publics. J’ai eu beaucoup de mal à terminer ce recueil.
Le Commissaire Jean-Baptiste Adamsberg est appelé par un de ses confrères pour venir observer l’appartement d’une vieille dame qui se serait suicidée. L’activité de la brigade des homicides étant calme, Adamsberg demande à Danglard, son lieutenant, de l’accompagner. Le corps de la morte git dans la baignoire et l’absence de lettre d’adieu interroge les enquêteurs tout autant que l’étrange inscription qu’elle aurait dessinée sur le meuble de la salle-de-bain. Arrivés sur place, Adamsberg et Danglard observent, supposent et ouvrent déjà de nouvelles hypothèses.
Quelques jours plus tard, dans l’appartement d’un autre suicidé, Adamsberg et Danglard retrouvent le même signe inscrit à la hâte sur une plinthe de son salon. Peu à peu, des similitudes apparaissent entre ces deux enquêtes, des nouveaux cas de suicidés et d’autres dossiers plus anciens. Elles vont conduire Adamsberg et son co-équipier sur les bancs d’une association qui fait revivre Robespierre et les événements de la Révolution française ainsi qu’un mystérieux voyage en Islande, une expédition vieille de plusieurs décennies.
Pour cette huitième enquête du Commissaire Adamsberg (les sept précédentes sont également sur le blog), Fred Vargas reprend les mêmes ingrédients, les mêmes personnalités qu’elle continue de développer, le même goût prononcé pour le suspense, le même humour qui permet de décaler les tensions en douceur. Ma fascination et ma sympathie pour le personnage principal est bel et bien là et j’ai un réel plaisir à lire chaque nouvel opus de l’univers Adamsberg. J’ai beau être maintenant familiarisée avec l’écriture de Fred Vargas, je me laisse à chaque fois surprendre par les rebondissements narratifs et je suis toujours étonnée au moment du dénouement.
Cette année, le neuvième roman de cette saga est sorti. Intitulé « Quand sort la recluse », il est d’ores et déjà dans ma PAL et fera sans aucun doute partie de mes lectures de l’été prochain.
« Olga, trente-huit ans, un mari, deux enfants. Un bel appartement à Turin, une vie faite de certitudes conjugales et de petits rituels. Quinze ans de mariage. Un après-midi d’avril, une phrase met en pièces son existence. L’homme avec qui elle voulait vieillir est devenu l’homme qui ne veut plus d’elle. Le roman d’Elena Ferrante nous embarque pour un voyage aux frontières de la folie » (synopsis éditeur).
Olga m’a fait penser à Elena, l’héroïne de « L’Amie prodigieuse » (chroniques sur ce blog) qui fait l’actualité littéraire d’Elena Ferrante (vivement le quatrième et dernier tome qui devrait sortir en début d’année 2018).
Olga m’a fait penser à Elena… en plus agaçante, en plus pathétique, en plus déprimante… en pire.
Olga m’a rapidement été antipathique et j’en suis même venue à me dire que sa séparation conjugale est méritée. C’est même surprenant que ce genre de femme ait trouvé chaussure à son pied du côté affectif.
Olga n’est pas allé jusqu’à provoquer chez moi une crise d’urticaire mais j’ai rapidement soufflé, râlé d’être si têtue dans mon obstination à terminer ce roman. Et puis zou, il a volé alors que j’étais en plein milieu d’une page, même pas capable de terminer le chapitre en cours.
Le titre du roman était prémonitoire. J’ai abandonné Olga à ses angoisses, à ses manies, à ses lubies et je suis loin de regretter ce choix.
En 2005, les jumeaux de Grégory Mahieux et de Nadège viennent au monde avec deux mois d’avance par rapport au terme de la grossesse. Les premières semaines, ils seront donc en couveuses jusqu’à ce que leur état ne se stabilise. Mais passées les premières angoisses des parents, ceux-ci vont devoir en affronter de nouvelle. Charles est atteint d’une maladie génétique rare : la galactosémie congénitale. Le métabolisme des personnes atteintes de cette maladie ne parvient pas à transformer le galactose en glucose. Pour pas que Charles s’empoisonne, il faut donc proscrire de nombreux aliments, à commencer par les produits à base de lait. Grégory et Nadège vont devoir repenser complètement la manière de nourrir leur fils.
Tristan – le second jumeau – a quant à lui un autre handicap… et pas des moindres. Pourtant, ce n’est qu’après de nombreux examens que le diagnostic tombe : il est atteint de surdité.
Pour les parents, c’est le début du parcours du combattant. Entre les démarches administratives, médicales, médico-sociales… Grégory et Nadège sont ballotés et contraints de jongler avec le peu de temps qu’ils ont. D’autant plus que l’employeur de Grégory, un directeur de lycée professionnel mal embouché, est peu disposé à faciliter les choses à son enseignant.
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Agaçant cet album, non pas sur la forme ni sur le fond… mais sur le constat qu’il dresse de différents secteurs : le médico-social tout d’abord, le système éducatif ensuite.
Car Grégory Mahieux n’affabule absolument pas quand il montre la lourdeur et la lenteur des dispositifs. Des rencontres avec les spécialistes dans le cadre d’un suivi adapté, des mêmes spécialistes dont le jargon est totalement hermétique. Des professionnels butés, bornés, ritualisés dans leur quotidien de travail et qui ne font même plus l’effort de prendre en considération les familles… et qui traitent le patient comme un symptôme et non comme une personne à part entière. Des négociations avec l’Éducation nationale pour pas que l’enfant ne soit coincé dans une voie de garage dont il n’arrivera pas à s’extirper plus tard. Des accompagnements proposés par un CAMSP (Centre d’Action Médico-Sociale Précoce), des dossiers de la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) à monter et à remonter régulièrement, des interventions d’AVS (Auxiliaire de Vie Scolaire)… et tout un tas de termes qui surgissent de mon jargon professionnel et que je ne pensais pas utiliser un jour sur ce blog ! 🙂
Et je ne parle même pas du côté administratif. Ne serait-ce que de renouveler éternellement son dossier et prouver qu’il est toujours bien sourd… au cas où on aurait passé les vacances à Lourdes !
Avec l’aide d’Audrey Levitre, le scénario trouve son juste équilibre et le ton juste. Il y a de la plainte, c’est certain, mais elle est justifiée. Il y a de la consternation mais il ne s’agit pas de la subir. Un témoignage intelligent qui sensibilise à ce handicap et montre que lorsqu’il y a une alliance thérapeutique entre la famille et l’équipe pluridisciplinaire qui intervient, les solutions trouvées sont bien plus efficaces et adaptées que lorsque l’équipe se contente d’imposer son protocole. Pour ça, il faut un couple solide, où les partenaires communiquent et sont à même de s’épauler, de se relayer et de s’aider à supporter cette culpabilité que beaucoup de parents d’enfants handicapés ressentent… parfois aidés par des professionnels qui mériteraient un zéro pointé en matière de relations sociales.
‟ C’est le lait maternel qui a empoisonné Charles après sa naissance, ce qui explique tout ce qui s’est produit ensuite ˮ.
Pour Nadège qui culpabilisait déjà énormément, cette petite phrase, probablement anodine pour la pédiatre, a eu un effet dévastateur.
… et la généticienne, pour ne citer qu’eux : ‟ C’est une surdité génétique, de naissance… Chacun de vous est porteur d’un gène. Vous n’étiez pas faits pour être ensemble en fait ! ˮ
Le dessin de Grégory Mahieux est très explicite. Il donne du poids au propos. Il vient appuyer là où ça fait mal mais aide aussi beaucoup à dédramatiser les choses… l’humour aide à quitter la rancœur ; il sert de transition dans la narration.
J’avais très envie de lire ce témoignage qui couvre les dix premières années de la vie de Tristan. De l’inquiétude à la lourdeur des démarches à entreprendre régulièrement, de la loi de 2005 qui peu ou prou appliquée, des institutions qui stigmatisent la personne handicapée… « Tombé dans l’oreille d’un sourd » est un ouvrage très intéressant qui n’oublie pas de parler des petites joies du quotidien en famille.
3ème et dernier billet (si, je vous promets !) et non des moindres ! Avec 3 romans à savourer d’urgence ….
Julie Lamiré – Un foyer
« Divorcée, la quarantaine, mère d’une adolescente, Sarah entame une nouvelle carrière d’éducatrice spécialisée dans un foyer pour garçons. Dans cet établissement où cohabitent des sans-papiers, des travailleurs sociaux, des jeunes carencés en proie à la colère et à la névrose, Sarah prend conscience du poids de l’exil, du deuil et du manque. Un roman qui nous entraîne avec douceur dans les méandres de nos mondes invisibles, si loin de nous, et pourtant si près. »
Voilà qui me plait ! Un roman qui parle du social, d’un métier que l’on connait peu (celui des éducateurs et des travailleurs sociaux), peu évoqué dans la littérature. Un livre qui donne la parole aux invisibles…. Ça me plait et me touche forcément : 12 années passées dans un foyer mère-enfant, c’est un milieu que je connais bien.
La force de ce récit ce sont les personnages : les adolescents évidemment : Ibrahima (comment ne pas être touchée par ce magnifique portait de cet enfant venu du Mali avec son ami Mamadou), Kévin et Rayan… Les adultes aussi : Sarah, Nordine ou encore Fatoumata (certainement mon personnage préféré. Quelle femme, quelle énergie, quelle fougue !), ou encore les parents de ces jeunes…
La force de ce livre, c’est aussi (surtout) cet endroit, ce foyer d’accueil pour ces jeunes sans repères, sans cesse sur le fil, en équilibre précaire (en sera t’il toujours ainsi ?). De ce lieu se dégage, malgré la violence des parcours de vie, une si belle humanité…
Et l’histoire, si elle est douloureuse, ne sombre jamais dans le pathos, ni dans les clichés.
J’ai retrouvé beaucoup de choses vécues (comme ces réunions interminables et souvent vaines), découvert d’autres choses, j’ai réfléchi et me suis attachée à ces adolescents marginalisés. J’ai aimé faire un bout de chemin avec eux….
Extrait
« En filigrane, dans son cerveau, ces adolescents qu’elle connaissait à peine, qui la chamboulait déjà. Du Mali à la cité du coin, elle suivait leurs pas, imaginait leurs conversations, les rôles qu’ils jouaient, les sanglots étouffés dans les oreillers, le sentiment de solitude. Lorsqu’elle pensait à eux, elle éprouvait un véritable chagrin, et, bien qu’elle ne les connût pas intimement, elle se sentait déjà proche d’Ibrahima, de Kévin, de Rayan et de tous les autres. C’était une sensation à la fois douce, insensée et déroutante. Vertigineuse aussi. Serait-elle assez forte pour les aider ? »
Anna Mc Partlin – Les derniers jours de Rabbit Hayes
« C’était une radieuse journée d’avril, et Mia « Rabbit » Hayes, quarante ans, fille bien-aimée de Molly et Jack, sœur de Grace et de Davey, mère de Juliet, douze ans, meilleure amie de Marjorie Shaw et grand amour de Johnny Faye, était en route vers une maison de soins palliatifs pour y finir ses jour. »
A cause d’un autre billet follement tentateur, celui de Cajou, me voilà plongée dans ce roman qui raconte neufs jours minuscules, les derniers, de la vie de Mia, dit « Rabbit », demoiselle (oui, à quarante ans, on dit encore demoiselle !) de quarante ans. Punaise, ce livre, cette histoire, cette claque !
Dès les 1ers mots, les 1ères larmes. Et pourtant, suis pas une chialeuse. Il m’en faut. Suis toutafé costaud. Solide. Un roc. Jamais je flanche. J’en ai vu d’autres. On me l’a fait pas à moi. J’ai quarante ans quoi !
Mais c’était sans compter le talent de cette auteure, son écriture lumineuse, son humour féroce, sa tendresse débordante, son optimisme jamais forcé et ses personnages … Formidables ! Rhooooo les personnages qui peuplent ce roman sont savoureux, truculents même ! Dès les 1ers mots, on s’attache à cette famille, on est eux, ils sont nous ! Alors on rit, on espère, on pleure, on rêve, on se souvient, on vit quand même, malgré tout, malgré la maladie et le désespoir total, malgré l’absurdité de cette fin de vie, trop tôt, trop jeune, trop moche, trop …
Merci Cajou, jamais, oh grand jamais, je ne serai allée voir du côté de cette histoire… Je serai passée à côté ce roman tendre, beau, intelligent. Tellement drôle ! Sacrebleu, rien que d’en causer, en suis encore toute chamboulée 😉
C’est à ne pas y comprendre, c’est un IMMENSE coup de cœur !
Extrait
« « Le passé devenait si réel qu’il l’était parfois plus que le présent. C’était peut-être un effet des opiacés, ou peut-être Rabbit était-elle tellement fatiguée quand elle était éveillée que son esprit ne retrouvait de l’énergie qu’une fois qu’elle dormait. Et puis, quand elle ne dormait pas, elle devait affronter la réalité de sa situation. Deux semaines plus tôt, elle vivait encore avec le cancer ; aujourd’hui, on lui disait qu’elle était entrain d’en mourir et qu’elle laisserait derrière elle sa fille de douze ans. Mais non… c’est juste un peu de fatigue. Quelques jours de repos et je me sentirai mieux. Je ne vais pas abandonner Juliet. Aucun risque. C’est hors de question. Elle ne pouvait pas faire face à une chose pareille. Ne pouvait pas en parler. Ne pouvait l’accepter. Au lieu de se forcer à rester éveillée dans le présent, elle s’attardait dans le passé, et écoutait Johnny Faye chanter à cœur perdu. »
Les billets de La féelit, de Cajou (le billet tentateur !)
Anna Mc Partlin, Les derniers jours de Rabbit Hayes, Le Cherche Midi, 2016
Stéphanie Pelerin – (Presque) jeune, (presque) jolie, (de nouveau) célibataire
« Quand Ivana se fait larguer comme une vieille chaussette par Baptiste, après huit ans d’amour, il ne lui reste plus que ses kilos et ses rides à compter. Pas facile de se retrouver sur le marché des célibataires à la trentaine, quand, pour couronner le tout, on manque de confiance en soi. Tentant d’ignorer son chagrin, elle décide de reprendre sa vie (et son corps) en main et s’inscrit sur « Be my boy », célèbre site de rencontres. Si l’offre est alléchante, les produits sont souvent de second choix, voire des retours de marchandise… Heureusement, il reste les amies et le bon vin. À travers des expériences étonnantes, Ivana doit réapprendre à prendre soin d’elle. Mais rien ne sert de courir… il suffit juste d’être au bon endroit, au bon moment. »
La meilleure lecture, évidemment, pour la fin : le livre de Stéphie. Son tout 1er roman. Oui, je sais, vous allez dire, je suis conquise d’avance, je ne suis pas bien honnête ni totalement objective ni …. Je sais. C’est vrai. Toutafé vrai. Je suis même drôlement fière. D’elle. Et puis, je ne suis jamais impartiale, je m’en fous ! J’aime. Ou pas 😉
Et là… Mhuuuum là … J’ai été drôlement émue par cette lecture qui fleure bon les copines, la vie, les mojitos (j’me comprends !), les rencontres, l’été, l’amoureeeeeeeee …. C’est savoureux, léger, drôle, enlevé, un brin canaille… C’est piquant, simple, un brin amer parfois (juste ce qu’il faut), rythmé, si joliment écrit, avec un soupçon de dérision, un poil de sexe, avec de la déconvenue, de la reconstruction, des doutes, du désir, des frémissements, des larmes, des baisers, du quotidien à réinventer, une solitude à apprivoiser, des hommes à dompter (Grrrrrrrrrrr…), une héroïne qui nous ressemble, qui lui ressemble, une héroïne qu’on aimerait pour amie…
Ça faisait longtemps que je n’avais pas lu un livre comme ça. Et ce fut un régal ! Par un sublime après midi grec, sous la clim’, me suis plongée avec délice dans cette tranche de vie contée par Ivana… En suis sortie, sourire aux lèvres, un brin ébouriffée et avec une envie immense de croquer la vie ! A lire, je vous dis, pour rire, pour aimer, pour s’évader le temps de quelques heures !
Extrait
« Ivana n’avait pas conscience d’être une jolie femme. Elle possédait pourtant de nombreux atouts : elle était grande, avait une abondante chevelure frisée et une jolie paire de seins généreux. Persuadée d’avoir un visage ingrat, elle avait toujours pensé ne devoir son succès avec les hommes qu’à son appétissante poitrine. A l’adolescence, ses photos de classe en témoignaient, elle avait manqué de gout pour s’habiller, se maquiller et se coiffer. Il suffisait de comparer son look à celui de ses copines pour comprendre à quel point elle avait pu être en décalage. Quand les hommes avaient commencé à la séduire, quelques années plus tard, elle en avait tout simplement conclu que c’était parce qu’elle n’était pas farouche et avait saisi l’aubaine de ne plus être seule. La jeune femme avait toujours vu comme une chance que l’on puisse s’intéresser à elle. »
Stéphanie Pelerin – (Presque) jeune, (presque) jolie, (de nouveau) célibataire
Et j’en profite pour vous coller des bises et vous souhaiter courage, détermination, abnégation… et bien plus encore pour cette nouvelle rentrée 😉 Que la force soit avec vous, avec nous 😉