Rocking Chair (Peyraud & Kokor)

Cher Alain, Mon Capitaine,

C’est avec gourmandise et curiosité que je me suis plongée dans ce nouvel album que ta patte a façonné. A la fois surprise que de tant de violences tu parviennes à t’accommoder et de la beauté de ton trait… cette beauté toujours et encore, pleine de douceur et de poésie. Je m’échappe.

Voilà donc qu’en cet An 2022 je reviens au clavier pour te dire ce que Rocking Chair a touché en moi. Que de cette collaboration artistique dans laquelle tu t’es plongé m’a plu. De ton acolyte j’avais lu deux superbes ouvrages (Le Désespoir du Singe et L’Inversion de la courbe des sentiments) que je garde en mémoire… certes de façon moins marquée que les voyages imaginaires que tu m’as déjà permis de faire (peut-on reparler une fois encore de ce grand régal que m’avais procurée la lecture de Balade Balade ??!).

Tu m’avais déjà étonnée quand, à l’occasion du numéro 2 de la Revue Dessinée, tu t’associais à David Servenay pour illustrer l’histoire de Jacques Monsieur, trafiquant d’armes hors pair. Tu es toujours à me surprendre par tes choix sans cesse renouvelés, sans jamais ne rien perdre de la douce musique qui accompagne chacune de tes illustrations.

La lecture de cet album fut un régal,

Merci à toi.

Rocking chair – Peyraud – Kokor © Futuropolis – 2022

Avant même de m’engouffrer dans la lecture, il y avait ce balancement rassurant dans le titre de l’album qui ne m’a jamais quitté. C’est avec l’image d’être confortablement assise dans un fauteuil à bascule à profiter d’un léger bercement que je suis partie à la conquête de l’Ouest. Le rocking chair est le personnage principal de cette épopée… l’objet central de l’intrigue autour duquel tout gravite.

Les périples et rebondissements tissés par Jean-Philippe Peyraud sont nombreux. Le scénariste construit un récit choral qui raconte l’histoire de tous ces immigrés européens partis à la conquête de l’Ouest américain pour fuir les horreurs d’une vie de misère. Mettant leur destin dans les mains d’inconnus aux mines patibulaires et souvent peu scrupuleux, des familles entières ont bravé les dangers de territoires sauvages pour atteindre un rêve, un Eldorado qu’ils ont totalement fantasmés. Jean-Philippe Peyraud rend hommage à cette multitude de courageux. Parmi eux, il y aura des chanceux… et ces innombrables qui n’arriveront jamais à destination.

Ce sont ces vies brisées que l’on rencontre tout au long de l’album. Ces vies parfois réparées quand la présence d’une bonne étoile a aidé un destin à se faufiler au travers des mailles de la déveine. On les découvre une à une, au fil du récit : orpailleur, garçon de ferme, orpheline, infirme… Des hommes et des femmes de tous horizons, venus des quatre coins de la vieille Europe.

Des solitudes déracinées en quête de liberté.

Des individus en quête d’un terreau où ils pourront enfin s’épanouir.

Le rocking chair nous accompagne de bout en bout, comme un objet transitionnel que l’on garde avec soi pour se rassurer. Cette chaise à bascule est le fil rouge de cette histoire.

Sans concessions mais avec beaucoup d’humanité, le scénario se pose d’un personnage à l’autre puis, comme happé par un souffle de vent capricieux, il reprend son envol jusqu’à un autre héros anonyme. De saut de puce en saut de puce, le scénariste nous fait traverser le continent américain puis revenir sur nos pas, comme pour boucler la boucle. Je n’ai rien su anticiper, rien deviné à l’avance… rien n’était cousu de fil blanc dans ce récit. Cette lecture m’a surprise et rien que ça, c’est très agréable.

J’ai été happée, fascinée et le travail d’Alain Kokor sur la mise en images. Loin des univers qu’il construit d’habitude, il parvient à insuffler au milieu de ce tumulte humain quelques touches de poésie, des émotions et des sentiments. On est dans une réalité crue mais ses dessins et ses couleurs parviennent merveilleusement bien à atténuer le côté trop incisif de certains passages. L’ambiance graphique nous enveloppe et nous aide à traverser des tourments sans qu’on ne perde rien de l’intensité et de l’ambiance de chaque instant. . Je ne m’attendais pas à rencontrer cette violence au bout du crayon d’Alain Kokor mais rien n’est surjoué ni surexploité. Les passages où la stupéfaction m’a saisie laissent une belle place à des instants plus tendres, plus intimistes… un apaisement après la tempête. Tout passe en finesse.

Très surprise par cet album dont certains passages m’ont un peu chamboulée. La finition est soignée « aux petits oignons » et la lecture d’une fluidité incroyable.

Rocking chair est un récit complet (one shot) de Jean-Philippe PEYRAUD et illustré par Alain KOKOR

Paru aux Editions Futuropolis en janvier 2022

ISBN : 9782754829793

152 pages au prix de 23 euros

Gamaran – Le Tournoi ultime, tome 8 (Nakamaru)

tome 8 – Nakamaru © Kana – 2021

Iori et ses compagnons se retrouve sur une île avec les autres candidats du Tournoi Ultime. L’île est une prison et les candidats doivent s’y affronter. Ce qui veut dire que les candidats peuvent potentiellement tomber sur des prisonniers de l’île. L’épreuve de cette île a pour but de faire une chasse à l’homme immense, chaque candidat est une cible potentielle et doit trouver un candidat adversaire qui a pour cible un autre candidat qu’il doit tuer pour réussir l’épreuve. L’île étant vaste, ils disposent d’un nombre de jours impartis pour réussir l’épreuve.

Le tome est vraiment bien et contient des combats intéressants. L’adversaire de Iori est le frère d’un personnage qu’il a tué dans un tome de la série principale « Gamaran » . Le combat entre Iori et ce personnage du nom de Kitarô Mashima fait rage et Kitarô profite de ce face-à-face pour parler du passé et de son frère. Ce n’est pas un combat très important mais il permet à Iori de se qualifier pour l’épreuve suivante.

Les combats sont toujours aussi bien dessinés, l’histoire continue son cours et est toujours aussi riche.

Je pense juste que certains personnages devraient être plus développés comme Gama (le héros de l’œuvre précédente). A part ça les techniques déployées lors des combats restent aussi impressionnantes.

Dans le prochain tome, on devrait pouvoir voir un combat impressionnant entre deux personnages.

Scénariste/Dessinateur : Yosuke Nakamaru

Editeur : Kana

Genre : action, combat

Dépôt légal : avril 2021

ISBN : 9782505086888

Prix : 6,85€

Le Livre des Merveilles (Le Roux & Froissard)

Le Roux – Froissard © Soleil Productions – 2021

An 1215. Sur la route entre Venise et Rimini, un vieux voyageur et un jeune garçon se rencontrent. Le second propose de s’occuper des malles du vieil homme et de lui tenir compagnie. En échange, l’homme lui offrira le couvert et peu à peu, confiera au garçon ses nombreux récits de voyages.

« C’est une ville au climat rude où les abeilles vivent en si grand nombre que tout le miel accumulé s’est cristallisé pour finir par former des montagnes. Elles sont creusées par les habitants qui vendent ses gros cailloux translucides à la saveur incomparable à prix fort. Grâce à cette richesse, la ville abrite d’innombrables palais, tous plus beaux les uns que les autres »

L’amitié entre ces individus que trois générations séparent se tisse à mesure que les souvenirs du vieil homme affluent. Il embellit les détails de ses récits, y ajoute un soupçon de suspense et beaucoup de merveilleux, ce qui rend ses histoires captivantes et absolument incroyables !

Etienne Le Roux s’est inspiré du « Livre des Merveilles » dicté par Marco Polo à son compagnon de cellule Rustichello de Pise. De cette confidence naît un livre qui a fait connaître Marco Polo au monde entier. L’alternance entre les scènes du présent et celles du passé directement surgie de la mémoire du personnage principal crée une atmosphère qui nous fait flotter. On est loin des inquiétudes auxquelles l’explorateur a dû faire face et pourtant, Etienne Le Roux nous permet d’en ressentir les tumultes. On nage en permanence entre rêve et réalité et les images féériques qu’il invoque nous donnent envie d’ailleurs. Le registre sémantique et graphique employés nous amènent souvent à nous demander ce qui a réellement eu lieu et ce qui est inventé de toutes pièces. Et ce flottement est délicieux.

Vincent Froissard applique à ses dessins les teintes sable du rêve, de l’ailleurs, qui subliment le récit du voyageur nostalgique. Il a trouvé un public en la personne de ce jeune garçon et le dessinateur les illustre tous deux avec autant beaucoup de tendresse. La fragilité du vieillard est aussi touchante que celle du garçonnet. Voilà un duo aussi complice que complémentaires. Quand l’un trouve un incroyable plaisir à avoir trouvé une oreille dans laquelle déposer ses aventures, l’autre a trouvé une voix chaleureuse qui lui décrit avec précisions les détails de civilisations lointaines. En lecteurs attentifs, on ne perd pas une miette de cette étonnante rencontre à ciel ouvert. L’ambiance graphique japonisante et le dessin charbonneux des illustrations nous bercent. A chaque page, des ornements décorent et réchauffent les planches, nous maintiennent dans un espace-temps hors du temps. Une fois plongés dans la lecture, on est totalement accaparés par la narration, l’alchimie entre les deux personnages, les récits de voyages…

Très belle surprise que cette lecture.

Le Livre des Merveilles

– Librement adapté des récits de Marco Polo –

Editeur : Soleil / Collection : Métamorphose

Dessinateur : Vincent FROISSARD / Scénariste : Etienne LE ROUX

Dépôt légal : avril 2021 / 76 pages / 16,95 euros

ISBN : 9782302093133

Gamaran – Le Tournoi ultime, tome 7 (Nakamaru)

« Gamaran » est un univers féodal situé au Japon durant l’Ere Edo. On suit un jeune bretteur du nom de Gama ; il apprend à manier l’art du sabre à l’école Ôgame et il est un des derniers élèves de cette école. Le héros a pour but de tuer son père qui a massacré presque la totalité de ses camarades de l’école Ôgame.

Le manga débute quand le Seigneur Naoyoshi vient demander à l’école Ôgame d’être son « équipe » pour le grand Tournoi d’Unabara qui se déroule dans l’antre des démons. Ce tournoi est une compétition entre les meilleures écoles de maniement du sabre et de beaucoup d’autres armes. Ce tournoi est organisé par la famille Washizu. Naoyoshi est membre de cette famille, il est le 28ème fils du Seigneur du fief Unabara. Le but du tournoi est de déterminer qui sera le dirigeant du fief parmi les 31 enfants du Seigneur.

Les personnages importants sont :

– Gama Kurogane qui est le personnage principal, il change beaucoup dans l’histoire. Il devient plus mature. Il a un talent inné pour le sabre et il maîtrise des techniques de sabre très puissantes.

­- Naoyoshi Washizu qui d’une certaine manière a enclenché toute l’histoire autour du tournoi d’Unabara. Il n’a pas vraiment de compétence, même s’il est important lors des combats (ce qui est l’essence même du manga). Il a plutôt un rôle de personnage d’arrière-plan.

– Jinsuke Kurogane. C’est le père de Gama. Il a tué presque tous les amis de Gama quand il faisait encore partis de l’école Ôgame.

– Iori Sengoku est l’un des premiers élèves de Jinsuke. Il est aussi le maître de Gama. Il veut tuer Jinsuke pour se venger d’avoir tué ces amis. Il est très fort au sabre.

[Ce ne sont pas tous les personnages importants, mais c’est ceux qui faut vraiment connaitre]

Franchement ce manga est génial ! Chaque tome est incroyable et même si j’aime énormément tous les mangas, ce manga se démarque des autres. L’histoire est intéressante, bien construite. Chaque personnage a un état d’esprit et des capacités qui lui sont propres. Chaque personnage évolue au fur et à mesure de l’histoire.

Le dessin est bien, il y a des détails, les scènes de combats sont très bien faites.

Il y a aussi de l’humour, quand c’est possible. Cependant ce n’est pas un manga à faire lire à quelqu’un qui n’a pas l’habitude de la violence et du sang.

tome 7 – Nakamaru © Kana – 2021

Gamaran – Le tournoi Ultime

« Gamaran – Le tournoi ultime » est la suite du manga Gamaran. Cette suite est récente et elle est bien. On suit Iori Sengoku à la place de Gama (mais on le voit aussi).

Pour expliquer et introduire simplement cette suite du manga, le tournoi d’Unabara est fini. L’Ecole Ôgame a gagné, Iori est parti pour s’entrainer à améliorer sa technique au sabre et tenter de surpasser Jinsuke. Pendant son entraînement, une personne venant de la part du Bakufu se présente [le Bakufu est un gouvernement qui était en place au Japon durant l’Ere Meiji, donc à la fin du XIIème siècle ; le Bakufu émane directement du Shogunat qui est le régime de l’empereur du Japon]. Le messager du Bakufu lui remet la lettre qui permet à Iori de participer au tournoi ultime. On appelle ce tournoi « Les cent lames du Shogunat » . Iori décide d’y participer pour pouvoir affronter des adversaires puissants. Il est classé 3ème.

Cette suite est tout aussi bien que la première série. Le scénario est dans le même style. Les dessins sont aussi bien.

Comme je l’ai dit au-dessus j’adore ce manga et la suite ne m’a pas déçu !

Gamaran – Le Tournoi ultime tome 7

Le volume 7 est bien on y voit des combats entre des personnage, dont celui entre Ran – un nouveau personnage (féminin) – et Burai Udô  (un personnage secondaire qui ne vit que deux tomes). On apprend beaucoup de chose sur le Seigneur et sur les raisons qui lui fait organiser ce tournoi. Il y a d’autres choses à dire mais ce serait de spolier !

J’ai déjà dit ce je pensais du scénario et du dessin, ce tome est sympa. Les combats sont vraiment extra et j’ai vraiment hâte de lire la suite. Par contre, il y a un moins d’humour que dans la première série.

Scénariste/Dessinateur : Yosuke Nakamaru

Editeur : Kana

Genre : action, combat

Dépôt légal : janvier 2021

ISBN : 9782505084181

Prix : 6,85€

Peer Gynt, Acte 1 (Carrion)

Acte 1 – Carrion © Soleil Productions – 2021

Peer Gynt est un jeune homme épris de liberté. Au printemps de sa vie, cet épicurien a soif de découvrir la vie et le monde. Il s’amourache aussi vite qu’il se lasse de ses compagnes éphémères. Solveig est la seule à entrer dans son cœur mais Peer est assailli de contradictions ; constatant qu’il ne trouve pas de compromis acceptable entre l’envie d’ici et l’envie d’ailleurs, Peer décide de partir.

Du noir et blanc… pour nous emmener dans ces contrées perdues de la Norvège. Antoine Carrion (dessinateur de « Nils » aux éditions Soleil) adapte ici la pièce de théâtre d’Henrik Ibsen.

Du noir et blanc… pour nous porter dans ce monde entre rêve et réalité… entre métaphores poétiques et matérialité crue de l’existence. Du noir et blanc enfin pour mettre en image cette quête identitaire d’une époque où les mythes et légendes populaires avaient encore la peau dure et faisaient partie intégrante d’un folklore local.

Le scénario est saturé d’éléments et de dialogues qui se croisent. La lecture est un peu saccadée du fait d’une multitudes de personnages secondaires, d’un Peer Gynt tiraillé par ses différents désirs et donc qui tâtonne quant à ses intentions. Les références au passé ainsi qu’à l’héritage familial du héros sont nombreuses et impactent réellement son quotidien… et donc le récit que nous lisons ; nous ne mesurons réellement les tenants et les aboutissants dans un deuxième temps. De fait, j’ai trouvé qu’il était ardu de faire la part des choses entre ce qui est vrai, ce qui est fantasmé et ce qui appartient au registre de la mythomanie. On ne mesure qu’après coup l’importance d’un événement (passé ou actuel) et cela saccade un peu la lecture… Cela m’a souvent rendue perplexe durant la lecture.

Le scénario qui gambade de ci de là, c’est le principal grief que j’aurais à formuler sur cet ouvrage : les intentions narratives sont souvent nébuleuses. Ce n’est pas chose aisée que d’aborder cette histoire qui fourmille d’éléments, de personnages secondaires, de références au passé du héros et à la culture populaire (légendes et mythes norvégiens). J’ai cafouillé pendant une partie de la lecture avant de trouver la bonne distance à avoir avec le récit et parvenir à comprendre ce qui était ironie, mélancolie ou bien encore passion amoureuse. Le personnage principal se cherche, se perd… et nous perd un peu en route.

Peer Gynt est aussi spontané que complexe. Ses penchants pour l’alcool, les femmes, l’humour et le mensonge le malmènent. Il est aussi présomptueux qu’idéaliste, aussi mythomane que pragmatique, aussi exubérant que timide, aussi prévisible que surprenant. A la fois fourbe et courageux, Peer a toutes les qualités et tous les défauts. Qui est-il ? Un doux rêveur, un homme intègre d’une naïveté touchante et d’une lucidité incroyable face à des situations inextricables. Il m’a semblé que le lecteur n’avait d’autres choix que d’observer ce personnage en quête de réponses et d’accepter ses errances et cafouillements.  Après tout, n’est-on pas face à un jeune homme qui cherche des réponses, qui teste ses limites et souhaite tout simplement donner un sens à sa vie plutôt que de suivre une voie que d’autres ont tracée pour lui.

Graphiquement en revanche, je me suis régalée. La mise en images des paysages est sublime. Une excursion onirique au beau milieu de l’album – au pays des trolls et de la nuit – nous saisit et nous interloque, mais c’est finalement ce passage narratif qui nous permet de comprendre ce que le héros est en train d’agir à cette période-charnière de sa vie où il sort du giron familial pour entrer de plein pied dans la vie adulte.

Au final, et à l’instar de Peer Gynt, je me retrouve un peu ambivalente face à ce récit : je suis désireuse de connaître le dénouement de cette épopée identitaire mais incertaine quant au fait d’avoir saisit correctement le personnage ainsi que sa démarche. Mais le sentiment sur le reste après la lecture de ce premier opus est plutôt positif.

Peer Gynt, Acte 1

(Diptyque en cours)

Editeur : Soleil / Collection : Métamorphose

Dessinateur & Scénariste : Antoine CARRION

Adapté de l’œuvre (théâtre) d’Henrik Ibsen

Dépôt légal : février 2021 / 104 pages / 17,95 euros

ISBN : 9782302091368

Spirou et Fantasio par… – Tome 17 : Le Spirou de Christian Durieux – Pacific Palace (Durieux)

Durieux © Dupuis – 2021

C’est un rêve prémonitoire qui ouvre l’aventure. Fantasio s’y débat dans une pièce immergée, évitant le mobilier flottant et tentant vainement de rejoindre le bal des sirènes magnifiques qui nagent devant lui. Présage d’un naufrage ? Spirou ne doit pas être loin. Réveillé par le directeur du palace où il travaille en tant que groom depuis qu’il a été viré de son poste de journaliste au Moustique, Fantasio ne rate pas une occasion d’agacer son supérieur de façon épidermique.

Spirou quant à lui pensait avoir trouvé le lieu idéal pour se poser un temps. Le cadre idyllique de l’hôtel, entre lac et montagnes, est un endroit de quiétude. S’il regrette un peu d’avoir pris son ami dans ses bagages, car le travail de groom n’est pas fait pour ce dernier, il savoure le lieu, l’ambiance intemporelle qui semble installée là depuis toujours.

L’atmosphère change du tout au tout lorsqu’arrive un imposant voyageur. « Mais trop tard pour faire machine arrière : un véritable huis clos est décrété et l’hôtel se retrouve sans clientèle et avec un personnel réduit pour accueillir discrètement Iliex Korda, dictateur déchu du Karajan, petit pays des Balkans. Dans ses bagages, d’imposants gardes du corps mais aussi Elena, fille du « Grand Guide » au regard envoûtant, dont Spirou tombe instantanément amoureux. » (synopsis éditeur).

Christian Durieux. Je ne compte pas ses albums qui m’ont fait craquer, ses coups de crayons chaque fois si différents mais toujours délicieux. Si je ne devais en nommer qu’un ce serait sans hésitation « Les Gens honnêtes » où le personnage de Philippe et sa façon d’aborder la vie m’ont conquises. Le temps a passé depuis cette lecture mais je ne crois pas avoir égaré une miette des émotions que j’ai ressenties durant cette lecture.

Cette fois, c’est un peu différent. J’étais curieuse de voir l’auteur visiter l’univers de Spirou et Fantasio. Curieuse de découvrir sa patte sur ce classique du Neuvième Art alors que je ne mets plus le nez dans les classiques depuis belle lurette. Mais voilà, il y a peu de temps, Zidrou et Frank Pé m’ont fait revenir sur mes aprioris avec leur travail sur « La Bête » . Alors, l’idée de voir un « Spirou et Fantasio » dépoussiéré et rafraichi m’a séduite. D’autant qu’avec Christian Durieux comme guide, l’aventure vaut toujours le coup d’œil.

L’auteur nous installe au Pacific Palace, un hôtel luxueux situé dans un cadre non moins luxueux (paysages montagneux à perte de vue, hall d’entrée rutilant dans lequel on pourrait certainement installer un orchestre symphonique, longs dédales de couloirs ouatés et chambres immenses… on est dans le grand luxe !). Pour changer de notre contexte actuel de lecteurs… on se retrouve donc confinés avec une palette de personnages réduite au maximum. Christian Durieux nous plonge dans une aventure qui se cantonne à un espace géographique assez restreint mais jamais on ne se heurtera aux murs qui le contiennent. Cet enclos scénique vient titiller l’ambiance et la travailler au corps, jeter quelques gouttes d’huile sur le feu. La tension monte doucement, de façon imperceptible… le suspense est palpable. Jusqu’à la scène finale où tous les codes narratifs mis en place éclatent, volent, se bousculent et s’agitent. L’auteur propose un dénouement de haute voltige, ciselé, cohérent et assez grinçant ! Amateurs de happy-end radieux, passez votre chemin.

Romance secrète, intrigue politique, huis-clos et humour cohabitent à merveille et nous offrent une intrigue captivante. Le scénario repose sur les épaules de Spirou jeune homme beau, intègre et assez mature pour son âge ; il borde l’excentricité et la fougue d’un Fantasio téméraire à l’excès, écervelé et opportuniste. Le traitement graphique de ce thriller politique est superbe. La palette de pastels, l’utilisation de la couleur directe et la mise en image (qui n’est pas sans rappeler la ligne claire) créent une atmosphère intemporelle.

Dix-septième tome de la sage « Spirou et Fantasio par… », cet album vient se ranger aux côtés d’autres participations telles celles d’Emile Bravo, de Lewis Trondheim ou encore de Fabien Vehlmann. Je ne m’étais pas ruée jusqu’à présent sur ces incursions dans la série de Franquin – je ne saurais expliquer ma douce aversion pour des « vieilles » séries qui m’ont pourtant fait voyager des heures durant pendant mon enfance – mais voilà un ouvrage qui a le mérite de me faire réviser mon jugement. Il y a quelques années, Jérôme m’avait offert « Le Journal d’un ingénu » que je n’ai toujours pas pris le temps de lire… Voilà ma curiosité piquée à vif et l’envie furieuse de le découvrir à son tour.

Spirou et Fantasio par…

Tome 17 : Le Spirou de Christian Durieux – Pacific Palace

Editeur : Dupuis / Collection : Dupuis « Grand public »

Dessinateur & Scénariste : Christian DURIEUX

Dépôt légal : janvier 2021 / 80 pages / 16,50 euros

ISBN : 9791034732692