A crier dans les ruines (Koszelyk)

Aujourd’hui avec ma copine Noukette on vous raconte le premier roman d’Alexandra : « À crier dans les ruines »

Koszelyk © Aux Forges du Vulcain – 2019

« Quand Léna arrive à Kiev, elle ne s’attend à rien ou plutôt à tout. Des odeurs de son enfance, la musique de sa langue natale, les dernières images avant son exil. Mais de fines particules assombrissent les lumières de la ville, la grisaille embrume ses souvenirs. Des silhouettes la frôlent et semblent appartenir à un autre temps. »

C’est l’histoire de Léna et d’Ivan. De Léna surtout. Elle est née à Pripiat en Ukraine. Ses parents sont des scientifiques au service de la Centrale. Léna a grandi tout contre Ivan. Son ami, son amour. Son âme sœur. « C’était bien plus qu’une amitié : un univers entier leur tendait les bras. » Le 26 avril 1986, Léna et Ivan ont 13 ans. Cette nuit-là, c’est le chaos. « Une nouvelle Apocalypse sur terre. » Tchernobyl. Tous les habitants doivent quitter les lieux. « Tous ces gens en déroute, les yeux effrayés par ce mal invisible. Il leur fallait abandonner tout ce qui hier constituait leur vie. Aucune photo, aucun vêtement, aucun objet. Tout sera brûlé ou laissé en l’état. Pillé par la suite. Le mal devait restait sur ses terres meurtries. Chaque personne plongerait dans l’inacceptable à pas mesurés. Un déracinement forcé… » Pour Léna, comme pour Ivan, ce sera l’exil. Surtout, ce sera la séparation. La déchirure. Il faudra appendre à vivre avec l’absence. Pour Léna, ce sera en France. Avec ses parents. Et sa grand-mère formidable : Zenka (je l’ai adoré !). Vingt ans après, Lena fera le chemin inverse. Elle reviendra. Pour essayer de retrouver « les couleurs de son enfance, sa douceur aussi. » Ce sera le choc. « Sa terre est devenue une simple attraction touristique. Sa ville natale est un cimetière dont le sol subit chaque jour les semelles des touristes. Ils écrasent une terre irradiée, calcinée par le feu. »

Cette histoire est infiniment romanesque. L’écriture est travaillée. Belle souvent. C’est un roman qui a la fragilité et la force des premiers textes, et cela lui confère une grâce particulière, ou disons que ça le rend encore plus sensible et beau, sans aucun doute. Et je dois dire que je suis bien heureuse de ce rêve d’écriture accompli par Alexandra et qui laisse présager d’autres histoires (je croise je croise !)

 

Extraits 

« Zenka pleura silencieusement sa terre meurtrie qu’elle délaissait à l’heure où les corps ne voyagent plus. A jamais une étrangère de son pays qu’elle quitte. Sa vie bien entamée devait trouver une embarcation sur laquelle se fixer. Il ne lui restait alors que cette femme en devenir, sa fragile Léna, calée  tout contre elle : une ingénue aux bras encore blancs d’innocence. Elle, elle n’était plus qu’une Vénus de Milo aux bras arrachés. Sa petite-fille deviendrait sa proue, sa poupe et son ancre. »

« Là-bas, dans l’écrin de ce jardin, elle oubliait le silence de ses parents. Le jardin de terre ensevelissait la souffrance de son âme renversée par l’exil. Le frémissement des feuilles, le cache-cache avec le soleil, les troupes de fourmis en colonne, toute la nature entourait Léna de son terreau florissant. Le monde pouvait accueillir dans ses bras la jeune fille solitaire. Ici aussi se vivaient des drames, des cataclysmes, dans l’indifférence générale des visiteurs : des fourmilières écrasées, des essaims décimés, des vies fauchées par des toiles d’araignées. »

« Plus elle lisait, plus elle devenait française. Les ballades de Léna prirent une nouvelle saveur. Brique après brique, elle se construisit un refuge fait de légendes et de monstres pérennes. Ils étaient pour elle l’aiguille magnétisée de la boussole. »

 

« Carnet de bord d’Ivan, 29 juin 1992

« Il est des images qu’on garde à l’abri, dans le creux de nos cicatrices. Elles possèdent le goût de la glaise fraîchement retournée et le bruit de la pelle qui heurte des cailloux. Ce soir, avec mon père, nous sommes revenus chez nous, dans notre jardin. Aucun oiseau pour accompagner notre cortège, aucun chien pour nous suivre à la trace. »

Pour retrouver le billet de Noukette c’est par là : (hop lien sur son billet )

Merci chouchou pour le cadeau chéri ❤

Ce roman fait partie de la sélection des 68 premières fois (les premiers romans de la rentrée de septembre 2019, à retrouver ici : https://68premieresfois.wordpress.com/ )

À crier dans les ruines, Alexandra Koszelyk, Aux Forges du Vulcain, 2019

5 réflexions sur « A crier dans les ruines (Koszelyk) »

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