La danse macabre (Radomski & Taillefer)

Radomski – Taillefer © La Boîte à bulles – 2013
Radomski – Taillefer © La Boîte à bulles – 2013

« Dans une sorte de Moyen-Âge fantasmagorique, Martin erre entre le monde des vivants et celui des morts. Pendu pour avoir tué son père à coups de hache et avoir donné ses restes aux cochons, il est renvoyé sur terre pour élucider si son cas était pendable ou non. Lui ne se souvient de rien… » (extrait de la présentation éditeur).

Pour tout dire, j’ai fait la grimace lorsque j’ai reçu cet ouvrage. J’étais rebutée par le visuel de couverture, par ses tons verdâtres et violine. Face à ce dessin si torturé et son sujet si atypique… la lecture s’annonçait difficile.

Cependant, lorsqu’on y regarde de plus près, il faut reconnaître à cet album une grande capacité : il intrigue son lecteur. Tout d’abord, lorsque l’on s’arrête plus longuement sur Premier Plat, on s’aperçoit que l’homme est visiblement égaré dans ses pensées, insensible à l’étrange agitation qui l’entoure : méduses effrayantes, reptiles carnivores, morts revenus de l’au-delà… Et cette horde morbide semble si joyeuse !! Est-ce la perspective d’accueillir en leur sein une nouvelle âme ?

Ouvrons l’album…

Martin gît dans un cimetière. Il a visiblement eu droit à un enterrement bâclé. Autour de lui, trois corbeaux carnassiers veillent sur leur pitance… Un coup de bec et voilà l’homme qui se réveille ! En un battement de cil, il apprend qu’il est mort, il découvre qu’il est amnésique et que ces trois corbeaux sont en fait des anges du purgatoire…

Y a trop d’humains en attente de Jugement. Le Purgatoire est bondé, les files d’attente s’allongent, les gens grognent. Tu vas enquêter sur ta vie et sur ta mort. Comme ça, on gagnera du temps là-haut (…) afin que ton attente au Purgatoire en soi écourtée.

Intriguant n’est-ce pas ?

Radomski – Taillefer © La Boîte à bulles – 2013
Radomski – Taillefer © La Boîte à bulles – 2013

D’autant que dès la première planche, le ton narratif employé met en confiance. Le héros se confie sans ambages à son lecteur. Il ne m’en fallait pas plus pour accepter de l’écouter.

Baguenaudant en sa compagnie sur les sentiers moyenâgeux, je décidais de le suivre dans son enquête. Celle-ci le mène tout d’abord à son gibet. Malheureusement, la vision de cette potence ne produit pas le choc escompté… celui qui devait raviver sa mémoire. La seule alternative est donc de poursuivre ses investigations. De fil en aiguille et aussi hasardeuses soient-elles, celles-ci le conduisent – malgré lui – à voir le monde d’un œil neuf.

Le scénario de Yohan Radomski fait mouche. Il utilise le flegme (du personnage principal) comme un filtre par lequel il fait passer tous les éléments du scénario. L’auteur torture son personnage avec brio, il le place dans des situations inextricables et le passe au pilori des pires tourments (à commencer par les tourments sexuels). Le sang-froid du moribond a raison des obstacles de façon tout à fait surprenante, ce qui a pour effet d’accroître davantage la curiosité du lecteur.

En chemin, Martin obtiendra bien plus de réponses qu’il ne pensait recueillir. Son périple l’amènera à réfléchir à des sujets comme la mort (bien entendu), mais aussi le plaisir, la condition humaine, la cruauté, la foi, les superstitions, la folie… Moi qui m’imaginais initialement devoir accepter un album qui témoignait d’une représentation malsaine (pour ne pas dire glauque) que les auteurs ont de notre société… je me suis surprise à en apprécier les subtilités de cette vision si décalée des choses. En une douzaine de chapitre, cet ouvrage nous entraîne au son d’une ode à la vie déroutante. Il semble qu’au moment de son Jugement dernier, Martin sera en mesure de se vanter d’avoir vécu et bien vécu !

Radomski – Taillefer © La Boîte à bulles – 2013
Radomski – Taillefer © La Boîte à bulles – 2013

Force est de constater que le dessin de Yann Taillefer est un peu agressif. Le crayon semble grincer légèrement au contact du papier et il m’a été difficile d’accepter totalement cette touche de sarcasme graphique. Pourtant, il sert parfaitement les propos et illustre bien le travail d’introspection qu’effectue le personnage principal.

PictoOK… Reste à savoir si vous accepterez de vous laisser tenter par cet univers.

Du côté des challenges :

Les lieux imaginaires : le Purgatoire

Challenge Lieux imaginaires
Challenge Lieux imaginaires

La danse macabre

One shot

Editeur : La Boîte à bulles

Collection : Clef des champs

Dessinateur : Yann TAILLEFER

Scénariste : Yohan RADOMSKI

Dépôt légal : février 2013

ISBN : 978-2-84953-162-4

Bulles bulles bulles…

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La danse macabre – Radomski – Taillefer © La Boîte à bulles – 2013

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

11 réflexions sur « La danse macabre (Radomski & Taillefer) »

  1. Je crois que j’aurais du mal à accrocher à ce trait pour le moins torturé. Même si le scénario est à la hauteur, je préfère ne pas tenter le coup.

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    1. Si jamais tu as l’occasion, essayes de feuilleter. Je pense que la lecture des deux premières pages te suffira pour appréhender l’ambiance narrative. Ensuite, c’est vrai que le dessin pique un peu les yeux… ^^

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    1. L’objet est un peu déstabilisant au premier abord 😉 Mais je me suis vite laissée porter par le récit. Une lecture qui me marquera je pense

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  2. C’est vrai que la couverture rebute… et ces dessins aux traits grossiers et aux couleurs agressives n’arrangent rien… mais ce que tu en dis fait réellement envie !

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    1. Si tu décides de te plonger dans cet album, je prendrais volontiers ton avis ! Curieuse de savoir comment ton ressenti a évolué durant la lecture 😉

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