De longues nuits d’été (Appelfeld)

Appelfeld © L’Ecole des loisirs – 2017

La Seconde Guerre Mondiale a éclaté. Elle ravive les haines.

Un homme a peur. Il est juif. Il s’attend à chaque instant à voir les soldats franchir le seuil de sa maison. Il a peur pour sa famille. Cela fait des semaines qu’ils dorment dans leur cave, qu’ils se terrent à l’abri des regards, pensant trouver-là un refuge salvateur.
Mais la menace est de plus en plus concrète c’est pourquoi, il demande à son fils de le suivre. Ils vont trouver le vieux Sergueï, un vagabond aveugle, un ancien soldat. L’homme lui confie son fils. Ce dernier a 11 ans. Il ne sait rien de la vie et comprend mal pourquoi son père lui demande de rester avec inconnu. Les premiers temps, cette vie à vagabonder de village en village le terrorise. Il était habitué à la chaleur d’un foyer, il était heureux d’aller à l’école et de voir la fierté de ses parents face à ses résultats scolaires. Désormais, un pantalon et une chemise de lin remplacent ses vêtements de citadins, une petite croix en bois pend à son cou.

Tu dois changer de nom. A partir d’aujourd’hui, on ne t’appellera plus Michaël, mais Janek. Tu es intelligent, tu comprendras pourquoi, n’est-ce pas ? A la fin de la guerre, tu retrouveras ton nom.

L’enfant et le vieil aveugle vont apprendre à se connaître. Peu à peu, une complicité naît entre eux. Au fil des mois, Janek va suivre les apprentissages de Sergueï. Chaque matin, l’enfant s’entraîne à la course. Il devient endurant, agile. Il s’adapte à sa nouvelle vie, apprend à négocier le prix des provisions qu’il achète, veille au respect des rituels du vieil homme. L’enfant devient ses yeux lorsqu’il décrit les couleurs du ciel, ses mains lorsqu’il lui prépare le thé ou allume sa pipe. Le vieil homme, quant à lui, lui transmet la sagesse dont l’enfant est dépourvu, il partage sa conception de la vie, le respect pour les autres, la tolérance, la foi en soi.

Nous n’avons pas de maison, le ciel est notre toit.

Un roman d’apprentissage dans lequel on suit l’évolution d’un enfant auprès d’un vieux sage qui devient son mentor. Au contact du vieillard aguerri, l’enfant apprend tout d’abord à écouter les conseils de l’adulte puis à les mettre en pratique. Les deux « hommes » se font confiance et une profonde affection les unit. Il s’adapte à son nouvel environnement, apprend à vivre modestement et à se contenter de peu. Un sourire, une main tendue, un rayon de soleil, un fruit sauvage. L’enfant puise sa force et son assurance dans la présence bienveillante de l’adulte. Il s’émancipe, apprend à connaître son corps, à prendre des responsabilités. Il s’en remet au vieillard pour comprendre ce qui lui était jusque-là totalement inconnu : la haine, la guerre, la foi, le respect de l’autre, le respect de soi. Ensemble, ils réapprennent à dépasser leurs fragilités respectives. Leur union fait leur force. Ils s’entraident.

En toile de fond, Aharon Appelfeld décrit la guerre, l’intolérance, l’antisémitisme, l’histoire qui se répète et l’homme qui n’en tire aucune leçon. La présence du vieil homme influence ce texte, son rythme. A l’aide de phrases parfois laconiques, l’auteur décrit un monde sans concessions dans lequel se manifestent des croyances infondées, où il est impossible de rationaliser et d’expliquer certains faits comme la Shoah. Grâce à la présence du vieil homme, Aharon Appelfeld réalise un tour de force en parvenant à installer une ambiance rassurante. Les deux personnages sont totalement démunis, dépossédés de tout bien matériels pourtant, leur foyer à ciel ouvert est un havre de quiétude. Les rituels quotidiens comme celui du thé, de la préparation du feu ou celle du repas sont autant de repères sur lesquels nous nous appuyons peut-être pour nous rassurer.

Une maison à ciel ouvert, le vagabondage comme unique repaire, comme unique rempart à la méchanceté des hommes, à leur haine des sans domicile qui leur rappelle qu’eux aussi ne sont pas à l’abri de la misère. Dans ce récit, une place importante est accordée à la religion et plus encore, à la foi. La foi en soi et quand cette foi est prête à vaciller, elle peut être secondée par d’autres, comme la foi en Dieu. Un bon support pour parler de guerre, de tolérance et de religion avec les jeunes lecteurs qui découvriront cette œuvre.

Extraits :

« – Comment fait-on pour rester digne ? demanda Janek.
– Ne pas se plaindre, ne pas être amer, se taire lorsque l’on a rien à dire, et si l’on a quelque chose à dire, être concis. Ne pas se fâcher, garder à l’esprit que les hommes sont des visiteurs en ce monde, ne pas être prétentieux » (De longues nuits d’été).

De longues nuits d’été

Roman jeunesse
Editeur : L’Ecole des loisirs
Collection : Médium
Auteur : Aharon APPELFELD
Traduction (hébreu) : Valérie Zenatti
Dépôt légal : avril 2017
288 pages, 15 euros, ISBN : 978-2-211-23047-6

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

8 réflexions sur « De longues nuits d’été (Appelfeld) »

    1. Oui, très bon support ! Il prône un respect de la différence et une belle ouverture d’esprit. Superbe histoire d’amitié en prime 😉

      J’aime

    1. Il est très beau.
      Il est également énormément question de foi religieuse. Je suis moins fan de cet aspect mais l’ouvrage n’impose rien si ce n’est de découvrir la vision d’un homme sur le monde qui l’entoure.

      Aimé par 1 personne

    1. J’ai bien aimé.
      Pour les lardons : Louka regrette qu’il n’y a pas plus « d’action ». C’est vrai qu’il y a peu de mouvements autres que les déplacements d’un village à l’autre. On est sur le « penser le rapport au monde » et se préparer à devenir un homme. C’est beau, réflexif

      J’aime

    1. Et c’est un superbe texte ! Il me fallait une occasion pour mettre un pied dans son univers. Voilà chose faite. Je vais poursuivre 😉

      J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.