Remember (Benjamin)

Remember
Benjamin © Xiao Pan – 2006

2004. Chine.

Un jeune dessinateur de BD se cherche et joint difficilement  les deux bouts en attendant de se faire un nom et de vivre de son Art. Difficulté à être publié, absence de reconnaissance dans son milieu artistique… il a du mal à digérer cette réalité.

Par hasard, croise une jeune fille passionnée de BD. Rapidement, elle lâche son boulot  » alimentaire  » et se remet au dessin. Elle s’entiche de lui bien qu’il soit réfractaire à l’idée de faire entrer quelqu’un dans sa vie.

La BD chinoise est chamboulée par l’arrivée de BENJAMIN qui vient révolutionner ce qui se faisait jusque là au niveau graphique. Des éléments autobiographiques servent de base au récit (qui se compose de deux nouvelles et d’une « partie bonus » présentant différentes planches en pleines pages : affiches et croquis réalisés dans le cadre de ses travaux).

Dans la première nouvelle, il est assez difficile de faire la part des choses entre ce que Benjamin a vécu et les éléments purement fictifs… l’affect y est assez oppressant. Au passage, certaines caricatures griment les incontournables du monde du 9ème Art : un rédacteur en chef exécrable et détestable qui pense que les politiques de publications des éditeurs et le recrutement de leurs auteurs sont préformatés, ne laissant qu’une place très infime à des styles innovants ; des confrères artistes qui se plient aux-dites contraintes, allant jusqu’à abandonner leurs idéaux… Quant au personnage principal, il se prend malheureusement un peu trop au sérieux et disons… que je le trouve assez suffisant. Une pseudo-leçon de morale en cours de récit le fera redescendre de son nuage, il sera ensuite dans la complainte, ce qui n’est pas mieux.

Une absence totale de transitions (transitions narratives ou jeux de couleurs sur les planches) pour marquer les différentes périodes de la vie du personnage. La lecture est ardue et il m’a été difficile de me repérer dans le temps.

Au niveau graphique en revanche, c’est magnifique. Quelle maîtrise ! Quelle force dans les dessins aussi. Les traits des personnages sont justes, parfois imprécis ou floutés mais toujours d’un grand réalisme. Des bleus-verts campent l’ambiance. Atmosphère ambiguë, à mi-chemin entre froideur et douceur, me cantonnent dans un rôle d’observateur. J’ai scruté et pris plaisir à regarder ces visuels, mais les personnages restent enfermés dans le livre, on dirait des chimères. On ne participe pas, on se contente d’être le réceptacle des dires et délires d’un auteur.

Les dessins sont retouchés au crayon optique (Benjamin s’est sérieusement intéressé à cette technique de dessin en 2002, il a écrit deux ouvrages techniques sur ce sujet). Généralement réfractaire à ces colorisations « arrangées », ici j’adhère pourtant.

« Cette BD parle de quête et de perle (…) Il n’y a que confusion et égarement » dira BENJAMIN en postface. Les mots de l’auteur, le regard critique qu’il porte sur son travail me rassurent un peu. Il décortique les événements et le contexte dans lesquels il a écrit Remember.

Pour la seconde Nouvelle de Remember : j’ai eu encore plus de mal. Les teintes bleues-noires sont plus agressives que pour la première nouvelle. C’est brutal. Jeux d’ombres avec les couleurs, personnages mystérieux et abîmés par la vie, on est sur le qui-vive. Nouvelle postface où Benjamin pose un regard critique sur ce travail autobiographique, un écrit également intéressant.

La troisième partie quant à elle, se compose d’images en pleines pages. Intitulée « Essais / Illustrations / Commentaires », l’auteur passe au peigne fin ses réalisations et les évalue. Quel est l’objectif de Benjamin avec cet ouvrage ? Il y injecte nombre d’idées préconçues circulant sur le métier.

Dans l’ensemble, on oscille en permanence entre des extrêmes. Le couple de personnages principaux de la première nouvelle tout d’abord : elle est naïve lui est blasé, elle est rêveuse quand lui est dépité. Il est versatile, tantôt haineux, tantôt mélancolique. La jeune fille tente également de s’en sortir avec cette sorte de maniaco-dépression qui la tenaille. Même constat pour les personnages secondaires à vrai dire, on les situe assez mal. Les choses ne sont jamais dites avec   discernement. C’est trop tranché en permanence (trop mielleux ou trop rigide). Un livre « coup de poing » où  l’auteur  déverse une forme de haine, un exutoire aux difficultés de ses débuts professionnels, une quête d’identité où l’homme et l’artiste se mélangent… un palliatif à un travail psychanalytique ?

pictobofpictobofUn style agressif que je soutiens difficilement. Réalisée en 4 mois, cette BD donne l’impression d’être la synthèse d’un journal de bord qui recueillerait des moments choisis, ce qui expliquerait le rythme saccadé du récit. Je n’oublie pas les points forts de cet album : un graphisme de toute beauté et un recul intéressant de l’auteur sur ses publications.

Vu chez Paul.

Autre album de BENJAMIN : Orange.

Remember

One Shot

Éditeur : Xiao Pan

Dessinateur / Scénariste : BENJAMIN

Dépôt légal : mars 2006

ISBN : 2-940380-00-7

Bulles bulles bulles…

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Remember – Benjamin © Xiao Pan – 2006

Orange (Benjamin)

Orange
Benjamin © Xiao Pan – 2006

« C’est moi, Orange. Je suis une enfant super-vaniteuse, super-déséquilibrée, super-attachante, super-déprimée et super-sensible ».

Elle est lycéenne et fatiguée de vivre. Le jour de son suicide, elle rencontre Dashu, jeune homme au comportement quelque peu déstabilisant…

Le malaise d’une partie de la jeunesse chinoise est au cœur de cet ouvrage… A vrai dire, je trouve qu’il fait assez écho à celui de la jeunesse occidentale : des ados en mal de vivre, ils recherchent affection et reconnaissance, leur horizon professionnel est incertain… On ne coupera pas à l’inévitable «personne ne m’aime» dit plus poétiquement : « Je vis dans une souffrance terrible. Une souffrance ineffable (…) je suis entourée d’égoïstes, personne ne fait attention à moi, personne ne s’intéresse à moi ». Le rythme de récit est fluide, agréable mais rempli d’une mélancolie incroyable.

Les teintes de bleus, en majorité, seront complétées par un panel de couleurs plus large que dans Remember. Résultat : un univers plus vivant, moins haineux mais étouffé par un pessimiste latent. Tantôt paisibles, tantôt tumultueuses, les ambiances graphiques se chahutent ici. Le dessin est léché, maîtrisé. Les formes et les traits des personnages, tour à tour précis ou suggérés, laissent une grande liberté dans l’interprétation que le lecteur peut faire (degré de souffrance, force du cri poussé par le personnage, puissance du coup porté…). Aucune imprécision pourtant, le trait est juste.

La postface de Benjamin : coutumier du fait (?), il examine à la loupe son état d’esprit d’homme/auteur. Un artiste très critique sur ses productions et visiblement soucieux de donner des clés de compréhension au lecteur : contexte financier, situation affective… dans lesquels il était au moment de l’écriture de ses fictions. Une approche très intéressante, celle de Remember l’était déjà tout autant.

pictobofJe préfère de loin Orange à Remember. Ensuite, nous y retrouvons la même mélancolie et les questions existentielles de jeunes qui font le grand écart : un pied dans l’adolescence qui touche à sa fin et un pied dans la vie active qui va débuter. Les lamentations d’Orange sont omniprésentes. Cette jeune fille n’est pas disposée à être constructive et les pensées suicidaires qu’elle nourrit alimentent en permanence cette position de victime qu’elle défend farouchement. C’est typiquement le discours qui peut accrocher les jeunes fragiles… ouvrage à mettre dans des mains sûres tout de même car la manière dont la question du suicide est ici abordée peut être interprétée par certain comme une invitation.

Dans Orange et Remember, je suis impressionnée par la qualité du dessin, mais je n’adhère pas aux récits. Une certaine difficulté à doser cette ambivalence entre engouement et désaccord. Je suivrais pourtant cet auteur avec attention mais attendrais qu’il ait finit de régler ses comptes avec le post-ado qu’il a été avant de reprendre la lecture de ses albums.

Autre album de Benjamin sur ce blog : Remember.

Extraits :

« On pourrait briser notre coquille et dire en rigolant que ça va, que ce n’est qu’un jeu, qu’on n’a jamais été vivant » (Orange).

« Il m’arrive parfois de ,sortir la nuit avec toutes sortes de gens bizarres : des camarades d’école, les nouveaux mecs de mes copines, des inconnus friqués… en fait, je n’aime ni les gens louches, ni les endroits qui craignent. Mais à part transgresser les règles, qu’est-ce qui peut me prouver que je suis bien vivante » (Orange).

Orange

One Shot

Éditeur : Xiao Pan

Dessinateur / Scénariste : BENJAMIN

Dépôt légal : novembre 2006

ISBN : 2-940380-27-9

Bulles bulles bulles…

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Orange – Benjamin © Xia Pan – 2006