Le Montespan (Teulé & Bertrand)

Le Montespan
Teulé – Bertrand © Guy Delcourt Productions – 2010

1663. Deux marquis se sont provoqués en duel. L’un en est mort, l’autre a préféré l’exil pour échapper à la justice royale car, si les duellistes sont encore nombreux à cette époque, un édit interdit cette pratique depuis plus de 10 ans. Devant répondre des actes de son défunt frère, le Marquis de Montespan se rend au procès. Françoise de Rochechouart de Mortemart, quant à elle, représente son fiancé en exil. La situation l’oblige de plus à annuler ses noces. Voyant cette belle femme aussi désemparée, Montespan la demande en mariage. Ils vivent quelques heureuses années d’un amour réciproque, partageant leur temps entre de nombreux ébats amoureux et moultes soirées à jouer aux cartes. Ils y perdent beaucoup d’argent. Préoccupé par l’état de leurs finances désastreuses, le marquis s’enrôle dans les troupes royales, pensant que son salaire suffira à redresser le budget familial.

C’est ainsi que l’histoire de notre jeune marquis se met en marche. Car si ses débuts amoureux sont assez joyeux, le reste de sa vie est pour le moins originale. Chacun de ses départs au combat est l’occasion pour sa dulcinée de batifoler à tout-va, chose qui n’inquiète pas le marquis (malgré la naissance de son fils qui survient à son retour de la guerre, soit après 11 mois de campagne). Et puis Madame de Montespan aspire au grand luxe, elle ne refusera donc pas la proposition de devenir Dame d’honneur de la Reine. Son arrivée à la Cour royale est remarquée par Louis XIV et, peu de temps après, elle devient sa maîtresse. Les tentatives du Marquis de Montespan pour récupérer sa femme sont vaines. Il entre dans la postérité en devenant le cocu le plus célèbre de l’histoire de France.

A l’origine, Le Montespan est un roman historique de Jean Teulé (publié en 2008 aux Editions Julliard et récompensé la même année par le Prix maison de la Presse et Grand  Prix Palatine du roman historique). Puis on lui propose d’adapter ce récit en bande dessinée. Une boucle qui se boucle en quelque sorte, puisque Teulé avait déposé ses plumes et crayons au début des années 90 après une dizaine d’années de carrière dans la BD (un de ses premiers albums : Virus en 1980). En 2009, il avait déjà réamorcé un retour vers le 9ème Art en écrivant la biographie de Charlie Schlingo pour Florence Cestac (Je voudrais me suicider mais j’ai pas le temps ). Un an après cet album, l’adaptation du Montespan est publiée.

« J’ai une singularité : je n’ai jamais fait le métier que j’avais choisi : je me suis intéressé à la BD par l’intermédiaire d’un dessinateur de BD qui en ayant vu mes dessins m’a poussé, alors je me suis lancé. Ensuite, durant cette période, je faisais des reportages en BD, puis un jour Bernard Rapp a vu mon travail et m’a demandé si je ne voulais pas faire la même chose à la télévision, alors du coup j’ai rendu visite au petit écran… Et puis, lors de mon passage à Canal +, une éditrice a appelé en m’affirmant que j’étais un écrivain qui s’ignorait ; nous nous sommes rencontrés et je suis devenu écrivain comme cela. J’ai fait de la BD sans le vouloir, de la télé sans le désirer et je suis écrivain sans l’avoir choisi non plus ; et à chaque fois, ça m’a plu. Je me dis que j’ai eu beaucoup de chance de rencontrer des gens qui ont su m’aider ainsi » (propos tenu par Jean Teulé lors d’une interview).

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Tout d’abord, n’ayant pas lu le roman de Teulé, juger de la qualité de l’adaptation sera pour moi chose impossible. Puisque j’ai longtemps fait partie des spectatrices adeptes de films en costume (trouvant ces amples robes plus magnifiques les unes que les autres, appréciant la manière dont les rapports humains y sont souvent présentés), j’étais très tentée par l’idée de me plonger dans cette époque de l’histoire. Pourtant, je sors de l’album convaincue que j’ai tout à gagner à rester au chaud chez moi, je ne rêve plus à un hypothétique voyage dans le temps. Les ambiances graphiques sont un peu ternes, voire fades.. On a l’impression que la crasse colle au corps de chaque protagoniste. Quelques planches seulement utilisent un bleu roi magnifique venant habiller quelques décors et rehausser la monotonie de ces planches pleines d’ocres, de marrons et de verdâtres. Le trait de Philippe Bertrand donne un faux-air naïf à l’ensemble, j’ai presque été tentée de ne pas prendre ce récit au sérieux. Bref, je n’aime pas cette ambiance graphique.

Ensuite, la lecture se sera faite sans éclats de rire et sans grande compassion à l’égard des personnages, même si on s’attache à ce pauvre marquis cocufié tant de fois. On ne peut que trouver son épouse vénale et détestable, son jeune fils imbu et bouffi d’orgueil. Quant aux autres personnages secondaires, ils sont trop peu présents dans l’album pour qu’on ait réellement le temps de les voir évoluer. Le récit est fin, intelligent, ironique. Un bonne dose d’humour et de sarcasmes, des dialogues crus et piquants… mais tous ces aspects positifs ne suffiront pas à rendre la lecture de cet album agréable. La narration est saccadée et nous fait trop souvent sauter du coq à l’âne, sans possibilité de s’appuyer sur de quelconques marqueurs spatio-temporels pour se repérer (combien de mois ou d’années se sont-ils passés d’une scène à l’autre ?? où est-on géographiquement ???…).

PictomouiLe récit traine en longueur, je l’ai trouvé pathétique sur la fin. Je suis déçue de ma lecture. Après avoir lu tant de bonnes critiques aussi savoureuses les unes que les autres, je m’en étais fait une idée semble-t-il tronquée.

Les avis de Zaelle, Joelle, Choco et la chronique de Jean Christophe Ogier sur le site de France info.

Extrait :

« Honnête et poli, c’est le meilleur marquis que l’on puisse voir sur Terre. Il n’a qu’un seul défaut : l’amour tenace » (Le Montespan).

Le Montespan

One Shot

Éditeur : Delcourt

Collection : Mirages

D’après l’œuvre de Jean TEULE

Dessinateur / Scénariste : Philippe BERTRAND

Dépôt légal : février 2010

ISBN : 978-2-7560-1901-7

Bulles bulles bulles…

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Le Montespan – Teulé – Bertrand © Guy Delcourt Productions – 2010

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

27 réflexions sur « Le Montespan (Teulé & Bertrand) »

  1. Je comprends tout à fait ton point de vue. Je l’ai seulement feuilleté et je n’ai pas eu envie de le lire. Les dessins, les visages, les couleurs, le texte, rien ne me plaît dans cet album!

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    1. le texte ça va encore ^^ il y a des répliques succulentes ! Après oui, je suis vraiment déçue de l’avoir lu en fait. Je ne connais pas le roman… peut-être que ça vaut plus le coup. Tu l’as lu ?

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    1. J’avais lu Je voudrais me suicider mais j’ai pas le temps l’année dernière. Une biographie d’un auteur BD (Charlie Schlingo) assez cynique. J’avais lu d’autres avis de lecture, ça ne plait pas forcément mais je m’étais bien amusée. On est toujours sur de la biographie par contre. Sur cet album de 2009 par contre, j’avais trouvé que le dessin de Florence Cestac collait très bien au ton du récit.
      Après, j’aimerais bien lire les premiers albums de Teulé mais je n’en fait pas une priorité. A moins de tomber dessus par hasard, je me le suis noté nulle part, donc je n’y pense pas quand je vais chez le libraire…

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  2. Ah ça me rassure, j’avais lu aussi de bonnes choses là-dessus et au final, j’ai été déçue par cette BD. Ce n’est pas mauvais mais comme un goût d’inachevé et un manque de profondeur. C’est trop rapide à mon goût. Je me souviens de l’avoir refermé en me disant « bof, tout ça pour ça? ».

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    1. Pareil : « tout ça pour ça ». Parfois, je me dis que je ne devrais pas lire les chroniques d’albums que je n’ai pas lus ^^ Je me demande quel aurait été mon accueil du Montespan sans avoir des ressentis de lecteurs en tête !

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  3. Dommage que tu aies été déçue ! Je n’ai pas eu de problème avec le suivi dans la narration (où on est, à quel moment) car je connaissais l’histoire (même si je n’ai pas encore lu le roman). Et justement, les couleurs un peu ternes et « poussiéreuses » m’ont paru bien convenir à l’époque que j’ai toujours vu comme une époque « sale » (seul le cinéma nous la représente comme belle et scintillante ! mdr !). Par contre, je suis d’accord avec toi : l’histoire reste superficielle car elle se contente d’exposer les faits sans rentrer dans la psychologie des personnages mais vu le nombre de pages, je n’en attendais pas plus et j’ai donc aimé malgré tout 😉

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    1. 😆 Et oui mais c’est justement ça que j’aime bien dans les films en costumes sur cette époque : le coté grandiose et magique des choses ! ^^ Surtout quand il s’agit de la Cour du Roi Soleil !! Pour le reste, oui ils étaient sales, oui ils ne sentaient pas bons et se faisaient pipi dessus, mais bon, ici je n’ai pas aimé. C’est trop laid. 😛
      C’est vrai que le cinéma nous impose des images d’Epinal très souvent ^^

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    1. bon, alors je m’en vais aller m’acheter le roman dans ce cas. Je suis quand même étonnée parce que de toutes les critiques que j’avais lu sur cet album, j’en avais retenu que les bons côtés (on va dire ça comme ça ^^). Je pensais donc découvrir un récit bien mené et, plus généralement, un album qui dispose d’une certaine qualité. C’te claque ! C’est on ne peut plus banal en fait. Snif ^^

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  4. J’ai moi aussi été déçue par cette BD. Je n’ai pas non plus lu le livre original de Jean Teulé, mais j’imagine qu’il doit être plus intéressant et plus détaillé.

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  5. J’ai beaucoup aimé cette BD !! Cet Homme qui ne s’en remet de perdre sa femme même au profit du roi ! Quel dignité !! J’avoue je n’ai pas lu le roman, mais la BD m’a fait passé un bon moment de lecture.

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    1. Oui enfin… je ne pense pas qu’il ait été le seul dans cette situation 🙂 Je n’ai pas trouvé d’avis de lecture chez toi toi, je vais aller feuilleter de nouveau tes pages de blog pour te lire sur cette lecture

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  6. Aaaaah, dommage. Je n’ai pas lu le roman mais je trouvais l’idée d’une adaptation BD bien intéressante. Du coup, je ne sais plus trop si j’en ai envie.

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  7. Je suis en train de lire le roman et je ne savais pas qu’il existait une adaptation bd. Par contre, les dessins ne me donnent pas vraiment envie …

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    1. Comme toute adaptation, je pense qu’à partir du moment où l’on connait l’œuvre originale, on risque d’être déçu par les œuvres qui en ont découlé. Enfin… cela n’engage que moi 😆

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  8. A la lecture de ton billet, j’avouee ne pas être tenté par la lecture de la BD. Je l’avais feuilletée et comme yoshi je n’avais guère apprécié les dessins.

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    1. Je l’ai feuilleté à plusieurs occasions et l’avait reposé de nombreuses fois avant de me décider. C’est vrai que c’est toujours difficile de se faire une idée de la BD juste sur le graphisme. Regardes V pour Vendetta par exemple, j’ai mis plus d’un an à lire cette série (plusieurs abandons à moins de 5 pages du début) et, au final, c’est magistral. Il y a beaucoup d’albums comme cela où lorsqu’on a une vision d’ensemble du récit, on n’imagine pas qu’un autre style de dessin puisse illustrer aussi bien les propos de l’auteur. Je pensais que pour Le Montespan, cette alchimie se ferait et que je finirais pas y adhérer. Comme quoi… on ne connais pas toujours bien le lecteur qui sommeille en nous 🙂

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  9. Pour « Le Montespan » … je suis en retard de billet (4 articles au moins … y a du relâchement …)
    Alors prochainement quand j’aurais rattrapé tout ce retard !!
    bonne soirée Mo’

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