Le contrat (Eisner)

Le Contrat
Eisner © Glénat – 1993

Cet ouvrage a été publié pour la première fois sous le titre « Un bail avec Dieu » par les Humanoïdes Associés en avril 1982. Les droits ont ensuite été repris par Glénat. En 2004, c’est au tour de Delcourt de rééditer cet ouvrage sous le nom de « Un pacte avec Dieu« .

« Le Contrat » est un recueil de quatre nouvelles qui se déroulent dans un même lieu, un vieil immeuble construit en 1920 et dans lequel habitaient des familles d’ouvriers. Quatre destinées sont mise en avant, respectivement :

– celle de Frimme Hersch, un homme juif d’une cinquantaine d’années qui vient d’enterrer sa fille

– celle d’Eddie, un ex-comptable, looser de nature, qui s’est recyclé en chanteur de rue raté

– celle d’un des nombreux concierges qui se sont succédés à cette adresse, le 55 Avenue Dropsie

– et enfin celle de la communauté de cette immeuble au travers du pèlerinage estival habituel de Fannie et de sa famille. Ils se rendent chaque année dans un gîte familial, le « Cookalein » (chacun a sa chambre, la cuisine est mise à la disposition des femmes pour qu’elles préparent le repas de leur propre famille). Cette destination estivale nous permettra également de rencontrer Goldie (agent de bureau d’un fabricant de fourrure) en quête du mythique mari richissime, et Benny (tanneur) venu trouver sa richissime épouse qui le soustraira à sa condition ouvrière.

La préface de l’auteur nous accueille dans cet album petit format à couverture rigide, le temps d’environ 190 planches. Dans son introduction, Will Eisner revient sur des éléments de sa carrière et l’influence que The Spirit (« série dans laquelle il introduit ses nouvelles techniques graphiques et narratives« ) a eu sur ses productions à partir de 1940. Il explique enfin le contexte dans lequel il a réalisé Le Contrat et les objectifs de travail qu’il souhaitait atteindre. Voici quelques extraits : « Bien qu’issus de ma mémoire, les personnes et les événements de ces récits sont réels et je vous demande de les accepter comme tels (…). Le texte et les bulles sont entrelacés avec le dessin. Je vois tous ces éléments comme les fils d’un seul tissu et je les utilise comme une langue. Si c’est une réussite, il n’y aura aucune interruption de la lecture, et la narration coulera harmonieusement grâce à l’interdépendance du couple image/texte. Je dois avouer que j’éprouve un certain malaise à expliquer ce que je vous présente. Tout comme je ressens une profonde gêne à chaque fois que j’entends un artiste, un écrivain ou un musicien expliquer ce qu’il ou elle tente de faire passer dans son œuvre. C’est un peu comme si on cherchait à influencer le jugement inévitable du public… ».

Cet immeuble du Bronx va donc servir d’ancrage à la mise en scène des existences dont Will Eisner a le souvenir. Des vies modestes, aux horizons limités par de fragiles conditions salariales, des familles déracinées qui se sont amarrées en Amérique et se retrouvent, malgré elles, dans des difficultés similaires à celles qui les avaient poussées à partir… Ces personnages portent en eux les couleurs de leur pays sans en verbaliser une quelconque nostalgie. Les personnages évoluent le temps d’une trentaine de planches, excepté Frimme (première nouvelle) que l’on suit sur une soixantaine de planches. Les personnages sont assez noirs, comme si le poids de leurs souffrances était un trop lourd fardeau. Le ton est juste, cinglant et la morale que l’auteur offre de ces destinées est d’une fatalité et d’un pessimisme extrême.

Le mythe du « rêve américain » est assez présent dans cet ouvrage, tout comme la présence de nombreux rêves désillusionnés. Les ambiances graphiques sont multiples et me font penser à Toppi : les travaux d’Eisner et de Toppi – sur une autre utilisation de l’espace de la planche – permettent à l’œil de circuler plus librement, sans les contraintes imposées par nos habituels petits miquets.

PictoOKIntéressante entrée en la matière pour découvrir Eisner. Le découpage en nouvelles ne m’a pas gênée, chose rare avec ce type d’ouvrage. Il me reste à explorer le reste de sa bibliographie.

Extrait :

« Et ainsi s’achève l’été… Tels des oiseaux migrateurs les vacanciers retournent au sanctuaire de leur immeuble et leur vie quotidienne reprend » (Le Contrat).

Le Contrat

One Shot

Éditeur : Glénat

Collection : Roman BD

Dessinateur / Scénariste : Will EISNER

Dépôt légal : mars 1993

ISBN : 2-87695-204-1

Bulles bulles bulles…

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Le contrat – Eisner © Glénat – 1993

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

7 réflexions sur « Le contrat (Eisner) »

  1. J’adore ! Egalement le premier album d’Eisner que j’ai lu… avec l’utilisation des lettres comme élément graphique et son découpage sans gaufrier. C’était une vraie belle découverte !

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