Chimichanga (Powell)

Powell © Guy Delcourt Productions – 2013
Powell © Guy Delcourt Productions – 2013

« Lula est une adorable petite fille très spéciale. Elle arbore une barbe dont elle est très fière et vit parmi les gens du cirque itinérant du Père La Ridule. Un jour, elle échange une mèche de sa barbichette magique contre un bien étrange œuf qui se transforme en un énorme monstre poilu, et foncièrement gentil, qu’elle baptise Chimichanga. Elle ne se doute pas qu’elle vient de mettre la main sur l’attraction qui peut sauver le cirque de la faillite. En revanche, elle a également attiré l’attention d’un homme d’affaire peu scrupuleux qui s’en prend à elle. Mais Chimichanga veille au grain… » (Quatrième de couverture).

On plonge très vite dans l’univers imaginé par Eric Powell, un univers décalé – pour ne pas dire déjanté – doté  de dialogues politiquement incorrects et peuplé de marginaux. Eric Powell (l’auteur de The Goon) campe rapidement une ambiance digne des univers de Tim Burton en imposant des personnalités fortes et atypiques, à commencer par celle de la jeune Lula, une gamine effrontée et barbue, dotée d’un certain sens de la répartie, d’un franc-parler redoutable et d’une bonne humeur communicative. Un rayon de soleil perdu au milieu des loosers, aux faciès parfois difformes, qui composent la troupe du cirque : Randy « l’homme de 70 kg qui a la force d’un homme de 75 kg », Horace « l’homme qui a vu Elvis (à la télé) » ou Freddy Ficelle-Raide « champion de yo-yo truqué »…

A la lecture des bonus de l’album, on apprend qu’Eric Powell s’est attelé à l’écriture de Chimichanga pour assouvir la curiosité de ses enfants, fortement intrigués par les croquis qu’il laissait traîner çà et là. Un album jeunesse qui ravira un large lectorat !

Au contact de ces mines patibulaires, le lecteur va pourtant s’enfoncer avec plaisir dans cette intrigue extravagante. On s’attache à des individus antipathiques que l’on aurait eu tendance à mépriser dans d’autres circonstances ; ils ne sont pas réellement attractifs, loin (très loin) d’être en capacité de proposer du spectaculaire aux badauds venus assister à leurs représentations. Eric Powell a créé de toutes pièces un cirque miteux et crade.

« Les caisses sont à sec. Si Chimichanga ne fait pas un tabac, on pliera le chapiteau pour de bon »…

Ces propos du Père la Ridule ne font que confirmer un constat que l’on avait déjà posé. D’ailleurs, c’est à se demander si sans l’intervention de ce généreux chef de troupe, figure paternelle très crédible, ces « artistes » ne seraient pas en train de traîner dans un caniveau quelconque à la recherche d’une piécette misérable, l’haleine chargée d’un fort relent d’alcool… On se convainc de l’existence d’une fibre artistique en chacun d’eux et on se plaît malgré tout à l’idée de déambuler dans les allées qui mènent à leur chapiteau. Car si ce cirque en est arrivé-là, c’est qu’ils sont en capacité de convaincre quiconque de payer pour profiter du spectacle. Du moins, l’auteur nous en persuade facilement… la preuve en est : l’avidité avec laquelle on tourne les pages pour découvrir ce que le sort réserve à la troupe… et à Lula plus particulièrement.

Powell © Guy Delcourt Productions – 2013
Powell © Guy Delcourt Productions – 2013

Côté graphique, on appréciera la précision et le soin accordé à chaque illustration. Les teintes sépia servent parfaitement le côté décalé de l’univers. Eric Powell accorde beaucoup d’attention au moindre détail visuel et met en scène des personnages on ne peut plus expressifs. Sans trop exagérer le trait, il fait évoluer une palette d’individus hors normes, aux personnalités bien trempées. L’ambiance de l’album repose entièrement sur les épaules de la fillette dodue (et barbue !) ; sa présence donne du peps  à cet étrange microcosme. A ses côtés, on remarque bien sûr la présence de Chimichanga, imposante créature aussi touchante que terrifiante, et celle du Père La Ridule, généreuse figure paternelle qui apporte un peu d’humanité dans cet univers déjanté.

PictoOKChimichanga offre un très beau voyage dans un monde imaginaire à la croisée entre rêve et réalité. Il nous invite à regarder au-delà des apparences et à réfléchir sur la question de la différence et de son acceptation. Lula en est le symbole puisque la fillette – réel phénomène de foire – prend pour avantage une barbichette et quelques bourrelets disgracieux. Un humour mordant qui, je pense, pourrait plaire à de nombreux lecteurs.

Les chroniques de Choco, Jérôme Tournadre (du site Daily Mars), Richard et du Tigre.

Du côté des challenges :

Petit Bac 2013 / Aliment : chimichanga

Petit Bac 2013
Petit Bac 2013

Chimichanga

One shot

Editeur : Delcourt

Collection : Contrebande

Dessinateur / Scénariste : Eric POWELL

Dépôt légal : février 2013

ISBN : 978-2-7560-2980-1

Bulles bulles bulles…

La preview sur BDGest.

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Chimichanga – Powell © Guy Delcourt Productions – 2013

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

15 réflexions sur « Chimichanga (Powell) »

  1. Je l’ai lu au moment de sa sortie et il ne m’en reste pas grand chose. Je devais faire un billet pour Lire pour le plaisir et puis je suis passé à autre chose, il faudrait que je le relise, d’autant qu’il traîne depuis des mois sur mon bureau…

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    1. J’ai bien aimé cette gamine qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Dès la première page d’ailleurs, elle remet tranquillement (mais surement) en place ceux qui la prennent un peu trop pour une gosse stupide. Joli petit décalage, un bon moment de lecture me concernant

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    1. Je n’ai pas testé avec eux. Je ne suis pas sûre que Monsieur Lutin soit à l’aise avec cet humour décalé. Et concernant le Petit Lu, trop de monstres et de gueules tordues qui le feront rire sur le moment mais susciteront beaucoup trop de questions par la suite ^^

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