Le Canon graphique, volume 2 : d’Orgueil et préjugés aux Fleurs du Mal (Kick & Collectif)

Kick – Collectif © Télémaque – 2013
Kick – Collectif © Télémaque – 2013

Le projet du Canon graphique est né de la volonté de Kick Russ de rassembler dans une immense anthologie les adaptations graphiques d’œuvres littéraires, tous styles confondus (théâtre, essais, poésie, fiction…). Cette envie est née du constat que de nombreux classiques de la littérature mondiale disposaient d’adaptations graphiques et qu’il serait intéressant de les réunir. Russ Kick s’attela donc à ce fastidieux travail de recensement. Alors que le projet avançait, Russ Kick et son éditeur en sont venus au constat suivant : si certaines œuvres littéraires profitent de plusieurs adaptations d’autres, en revanche, n’ont jamais été revisitées malgré leur intérêt. Le Canon graphique pourrait combler ces lacunes et rassembler à la fois des adaptations existantes et des adaptations créées à l’occasion de ce projet éditorial :

… ces œuvres livrent de fantastiques enquêtes sur des questions universelles, empaquetées dans une écriture merveilleuse et peuplées de personnages incroyables. Il n’est donc pas étonnant qu’elles servent de point de départ à tant de travaux dans le domaine des arts. J’étais très curieux de voir ce qui se passerait en demandant à quelques-uns des meilleurs artistes actuels de jouer avec les canons de la littérature, de les interpréter et de travailler dessus

(Russ Kick).

Après un premier volume qui donnait un bon aperçu de la littérature produite jusqu’au XVIIIe siècle, ce second volume du Canon graphique se consacre aux œuvres littéraires du XIXe siècle. L’ouvrage s’ouvre sur une superbe exploration de Kubla Khan, un poème de Samuel Taylor Coleridge, réalisée par Alice Duke. Le trait est léché et descriptif. Ce travail nous plonge dans un univers fascinant où le lecteur est d’abord accueilli par des paysages apaisants. Peu à peu, une porte s’entrouvre et la quiétude laisse place à l’inquiétude.

Il serait dommage de ne pas parler d’autre passages comme :

  • l’adaptation d’un extrait d’Orgueil et préjugés (Jane Austen) par Huxley King &Terrence Boyce dont vous pouvez voir et écouter un extrait sur Youtube. La commande faite par Russ Kirk à Huxley King a été une occasion, pour cette artiste, de travailler sur un personnage qu’elle affectionne tout particulièrement. Le résultat est agréable puisque les auteurs (Boyce et King) ont su trouver un moyen de soulager les illustrations de textes que l’on aurait imaginés très lourds, voire écrasant les dessins ; en effet, les éléments descriptifs sont très présents dans l’écriture de J. Austen. En revanche, je suis malgré tout restée assez extérieure à cet univers, j’aurais imaginé un intérieur plus cossu et une atmosphère plus capiteuse.
  • A voir aussi, la surprenante exploration de Salammbô (Flaubert) faite par Philippe Druillet.
  • A contempler et à méditer : le travail d’adaptation réalisé sur Frankenstein (Mary Shelley). La créature nous apparait sous l’œil bienveillant de Jason Cobley et Declan Shalvey. L’extrait contenu dans Le Canon graphique est issu d’un roman graphique (adaptation du roman de Mary Shelley) réalisé par Jason Cobley. Nous ne sommes donc pas en présence d’un travail réalisé dans le cadre d’une commande éditoriale mais bel et bien dans la démarche initiale que Russ Kick avait de construire une anthologie des adaptations existantes. Cela se ressent fortement, on perçoit que le personnage de Frankenstein a été investi au-delà de l’adaptation du passage que nous découvrons. On redécouvre également Frankenstein tel que Mary Shelley l’a créé : un individu intelligent et solitaire, qui souffre d’être rejeté par tous.
  • Enfin, on retrouve également cette fidélité à l’égard du récit original dans le travail que S. Clay Wilson a réalisé sur Blanche-Neige. Il n’est ici pas question d’adaptation mais d’illustration du texte initial des frères Grimm. En préambule, Russ Kick précise : «… ces prétendus contes de fées qui fourmillent, dans leur version originale, de violence, de cruauté, de démembrements, de morts horribles, de perversions et d’absurdité (…) » ; Le Canon graphique m’a donné l’occasion de découvrir sa vraie morale et donc de percevoir ce conte autrement.

Notons aussi que chaque adaptation présente dans le Canon graphique est introduite par Russ Kick. Ce dernier prend le temps d’analyser l’œuvre littéraire : la manière dont elle s’inscrit dans le parcours de son auteur, une courte présentation de l’intrigue et l’accueil que lui a réservé critiques et lectorat. Puis, Russ Kick réalise une courte biographie de l’artiste qui a réalisé l’adaptation que nous allons découvrir. Que ce soit par le biais d’une anecdote ou d’une volonté plus marquée chez l’artiste de travailler sur un passage précis d’une œuvre littéraire, Russ Kick exploite le moindre élément pertinent et ludique pour construire ses avant-propos. Ces préambules constituent le fil rouge du Canon graphique puisqu’ils donnent de la cohésion à l’ensemble. Ce sont aussi de parfaites transitions entre les différentes nouvelles, des temps de lecture didactiques et intéressants qui permettent au lecteur de se préparer à ce qu’il va découvrir. Ainsi, concernant le travail réalisé sur Kubla Khan, on apprend qu’Alice Duke était « à la fois fiévreuse et souffrante en réalisant cette adaptation, ce demi-délire étant sans doute le meilleur état d’esprit dans lequel se trouver pour s’atteler à cette tâche ». Mais l’avant-propos qui m’a réellement passionné étant celui qui introduit l’adaptation d’Alice au pays des merveilles (Lewis Carroll) réalisée par Dame Darcy.

Seul grief à l’égard de ce second volume : l’absence de Zola !

Kick – Collectif © Télémaque – 2013
Kick – Collectif © Télémaque – 2013

PictoOKEn somme, ce volume m’a fait revisiter avec plaisir beaucoup de grands classiques de la littérature. Mais il m’a également permis de découvrir certaines œuvres que je ne connaissais pas : Les Six qui viennent à bout de tout des frères Grimm ou L’immortel mortel de Mary Shelley. J’ai eu beaucoup de plaisir à lire cet ouvrage, plus que je n’en avais eu en lisant le premier volume, question d’affinité littéraire certainement puisque je suis assez friande de la littérature du XIXe siècle.

Quoiqu’il en soit, chaque lecteur peut s’approprier cette anthologie comme bon lui semble : à lire d’une traite ou par petites touches, au rythme d’une adaptation par jour, ce recueil est une invitation à la lecture des grands classiques.

Le site du Canon graphique.

Une lecture que je partage avec Mango pour les BD du mercredi. Découvrez les albums partagés aujourd’hui par les autres participants en cliquant sur ce logo :

Logo BD Mango Noir

Extrait :

« Je fais une pause ici dans mon histoire… Je ne la continuerai pas plus loin. Un marin sans gouvernail ni boussole jeté au milieu d’une mer déchaînée, un voyageur perdu dans une lande immense sans point de repère ni borne pour le guider, tel a été mon sort : plus perdu, plus désespéré que chacun d’eux, puisqu’un navire à l’approche, le reflet d’une maison au loin, peuvent les sauver ; mais moi, je n’ai aucune balise hormis l’espoir de la mort » (L’immortel mortel de Mary Shelley adapté par Lance Tooks).

Du côté les challenges :

Petit Bac 2013 / Sentiment : orgueil

Petit Bac 2013
Petit Bac 2013

Le Canon graphique

– D’Orgueil de préjugés aux Fleurs du mal –

Volume 2

Anthologie en trois tomes

Editeur : Télémaque

Directeur de publication : Russ KICK

Auteurs / Illustrateurs : Collectif

Dépôt légal : novembre 2013

ISBN : 978-2-7533-0186-3

Bulles bulles bulles…

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Le Canon graphique, volume 2 – Kick – Collectif © Télémaque – 2013

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

19 réflexions sur « Le Canon graphique, volume 2 : d’Orgueil et préjugés aux Fleurs du Mal (Kick & Collectif) »

  1. La période abordée me tente davantage aussi. Typiquement le genre d’album que j’aimerais trouver à la médiathèque. Bon je crois qu’il va falloir m’armer de patience…

    J’aime

    1. Il y a du bon et du moins bon. Question d’affinités aussi avec la manière dont le roman est adapté. Mais dans l’ensemble, je n’ai pas rechigné à lire cette anthologie alors que pour le premier volume, j’avais plus peiné sur certains passages.

      J’aime

  2. Je suis très curieuse de découvrir ce genre d’ouvrage ! je le note et je le chercherai chez le libraire pour voir . Je suis sûre que ma bibli ne l’a pas !

    J’aime

    1. Je ne sais pas comment cet ouvrage a été diffusé et n’ayant eu que trop peu d’occasions d’aller en biblio ces deux dernières années, je n’ai même pas regardé si celles que je fréquentais s’étaient procurer le volume 1 du Canon. En tout cas, j’avais éludé quelques récits sur le premier tome mais pas sur celui-ci. Je n’ai pas mâché mon plaisir. Et puis l’avantage avec ce genre de recueil, c’est que l’on a beaucoup de liberté pour moduler le rythme de lecture. C’était idéal pour moi en cette période un peu chargée ^^

      J’aime

    1. Vu la liste des adaptations retenues, je pense que cet ouvrage risque de tenter quelques lecteurs ^^ Cela m’a donné envie de redécouvrir certaines œuvres en tout cas. Et puis quelques idées de lecture (les adaptations BD des ouvrages de M. Shelley et de M. Twain m’ont tapé dans l’œil ; j’espère qu’ils sont disponibles en VF, il faudra que je me renseigne à l’occasion)

      J’aime

    1. Oui. Il en a toutes les caractéristiques (éclectisme quant aux œuvres retenues, variété dans le traitement des adaptations et puis… il pèse pas loin de 500 pages en format A4 :D)

      J’aime

    1. J’espère que cela te plaira. Quelques déceptions tout de même notamment sur « Anna Karénine » et l’immersion dans les théories de Darwin (un peu trop consistant à mon gout malgré de superbes illustrations). A voir, il y en a pour tous les gouts je pense 😉

      J’aime

    1. Un ouvrage qui me servira plus tard je pense. Vu que mes loustics aiment la BD, j’aurais de quoi titiller leur curiosité s’ils rechignent à venir à certains classiques (ça ne fera pas tout mais ce sera déjà un petit début… gniarf gniarf ^^)

      J’aime

    1. Carrément !! Son poids m’a fait un peu pâlir au début mais finalement, je ne me suis pas faite prier pour le lire. Seul inconvénient : il est intransportable dans un sac à main ^^

      J’aime

  3. Ces adaptations sont-elles des adaptations d’oeuvres littéraires complètes ou bien d’extraits d’oeuvres littéraires comme vous le mentionnez pour Orgueil et préjugés ?
    Voire les deux ?

    J’aime

    1. Ce sont toutes des extraits, certains sont très succincts, d’autres plus importants. C’est un bon moyen pour se sensibiliser à certaines œuvres ou pour les revisiter

      J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.