Carnet du Pérou (Fabcaro)

Fabcaro © 6 Pieds sous Terre – 2013
Fabcaro © 6 Pieds sous Terre – 2013

Fabcaro a commencé dans Psikopat en 2003. Pendant quelques années, il y publie des gags d’une page (qui seront compilés en 2011 dans L’Infiniment Moyen © Editions Même pas Mal) et se lance en 2005 dans la réalisation de son premier album (Le Steak haché de Damoclès) qui sera édité par La Cafetière. Premier ouvrage autobiographique, un genre qu’il n’a jamais cessé d’explorer depuis car même s’il le fait de manière parfois ténue, ses albums ultérieurs trouve toujours un ancrage dans son quotidien. Adepte de l’humour et de l’autodérision, sa bibliographie est aujourd’hui conséquente et comporte aussi bien des albums qu’il a fait en solo (Talijanska, On n’est pas là pour réussir, Jours de gloire…) et que des scénarii réalisés pour Fabrice Erre ou pour des ouvrages collectifs.

Avec Carnet du Pérou, il revient à un récit autobiographique pur. Le lecteur suit donc le fil d’un voyage que l’auteur a effectué seul sans autre motivation que celle de découvrir un pays qui lui était jusque-là totalement inconnu. Ce qui a motivé ce séjour de quinze jours au Pérou, c’est la rencontre que Fabcaro fait en 2011 avec une artiste péruvienne venue en résidence en France. La force de caractère de cette femme, l’énergie qui émane d’elle et la complicité artistique qui va naître entre les deux auteurs sont autant de raisons qui ont amené Fabcaro à envisager d’aller découvrir le Pérou. Il finalise ce projet en juillet 2012. La démarche a ceci de particulier qu’il a passé très peu de temps à préparer ce séjour afin « d’en conserver toute l’authenticité, la virginité du voyageur qui a tout à découvrir, refusant d’être parasité par les clichés et les préjugés » (source : 6 Pieds sous Terre).

De fait, la découverte est totale et le dépaysement immédiat. De plus, ce voyage de quinze jours lui offre l’opportunité de réaliser un carnet de voyage, une envie qu’il avait depuis un moment. Changer un peu sa manière de faire, rajouter une corde à son arc artistique… oser, risquer bref, changer des sentiers battus et quitter la routine dans laquelle il a l’impression de s’être enfermé. Mais ce ne sont pas là les seules questions de Fabcaro.

Si ce projet intéresse 6 Pieds sous Terre, il sera publié l’année de mes 40 ans… J’y vois comme un symbole… C’est peut-être un tournant. Je crois que j’ai passé l’âge de faire des livres d’humour, il faut savoir évoluer. Je vais quand même pas faire de l’humour jusqu’à 80 ans…

Voici donc le lecteur invité à prendre son bâton de pèlerin pour suivre pas à pas l’auteur dans ce séjour au Pérou. Réaliser un carnet de voyage, un travail que l’auteur expérimente, un fil narratif qu’il suit, qu’il perd… quitte à s’égarer dans les dédales de ses pensées, s’amusant sans vergogne des associations d’idées qu’il peut être amené à faire durant ce périple ainsi que dans le travail de retranscription (structurer l’album, sélectionner les croquis, poser les transitions…). Bref, faire en sorte que l’album soit cohérent.

A l’aide d’une bichromie bleu et noir, Fabcaro a utilisé le pinceau pour décrire les instants éphémères vécus lors d’une rencontre au coin d’une rue, d’un sourire attrapé à la terrasse d’un café, d’un arrêt marqué pour admirer un paysage… Spontanéité des propos, sentiment de liberté et de bien-être communicatifs, des qualités que l’on remarque très vite durant cette lecture.

Carnet du Pérou – Fabcaro © 6 Pieds sous Terre – 2013
Carnet du Pérou – Fabcaro © 6 Pieds sous Terre – 2013

Mais l’idée que je me fais d’un carnet de voyage est ici légèrement écornée. Si le récit respecte la chronologie du séjour, si l’auteur s’arrête régulièrement sur l’architecture et l’ambiance des lieux, les spécialités et trouvailles culinaires, les rencontres improvisées, regards, musiques… on est surpris que des bribes – antérieures ou postérieures au séjour – du quotidien de l’auteur viennent chatouiller le propos. Ainsi apparaissent, par exemples, les relances d’un éditeur inquiet de n’avoir aucune manière à publier ou les réflexions « pas tendres » de sa fille sur la perception et l’idée qu’elle se fait du travail de son père. Pour autant, ces incartades ne sont pas hors-sujet et ont tendance à dynamiser le récit. Chasser le naturel et il revient au galop… c’est cette question que j’abordais rapidement tout à l’heure sur cette appétence qu’à Fabcaro pour l’humour et l’emploi massif de l’autodérision permanente. Cela enrichit également la réflexion sous-jacente qui anime l’auteur, ce besoin d’aller se chercher sur des registres artistiques où il ne se connaît pas. Carnet du Pérou est finalement un risque pris, au sens propre comme au sens figuré, de remettre en cause un peu les acquis, d’ébranler quelques certitudes personnelles et professionnelles pour retrouver ce plaisir à faire. Fabcaro témoigne finalement avec beaucoup d’humilité sur cette expérience et vient questionner la motivation qui anime sa démarche artistique. Il n’hésite pas non plus à regarder dans le rétroviseur et dire, avec le recul des années, le sentiment qu’il a ressenti lorsqu’il a eu conscience d’être lu par d’autres lecteurs que ceux appartenant à son cercle de proches (amis, famille) et à son réseau.

PictoOKOn laisse facilement l’auteur nous prendre par la main. On appréciera l’humour, les tergiversations diverses et variées à la fois saugrenues, ironiques et éclairantes. Un pied en France, un pied au Pérou et la tête tentant de rassembler ces deux lieux. Dans un étonnement permanent, on part à la rencontre de coutumes locales. Au gré des points de chute du parcours touristiques, on fait halte à Lima, Ayacucho, Cusco… Faisant écho à l’auteur, on se laisse surprendre avec délice par le rythme de vie péruvien.

Une lecture commune que je partage avec les copains de kbd ! Wouh… que ça faisait longtemps !!

La chronique de David Fournol.

Du côté des challenges :

Petit Bac 2015 / Lieu : Pérou

PetitBac2015

Carnet du Pérou

One shot

Editeur : 6 Pieds sous Terre

Collection : Monotrème

Dessinateur / Scénariste : FABCARO

Dépôt légal : septembre 2013

ISBN : 978-2-35212-103-9

Bulles bulles bulles…

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Carnet du Pérou – Fabcaro © 6 Pieds sous Terre – 2013

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

28 réflexions sur « Carnet du Pérou (Fabcaro) »

  1. J’ai découvert l’auteur il n’y a pas si longtemps pour « Mars ! » avec Fabrice Erre : un tout autre genre, mais drôle sans être gras (c’est Fluide Glacial), ça m’a plu.

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    1. Je découvre à mon tour Fabcaro. Je vais continuer mais je pense plus sur les albums qu’il a fait en solo. J’en ai repéré quelques uns. Je vais tenter de faire ça dans l’ordre de leur parution afin de voir aussi comment son dessin évolue, comment son positionnement change… Tu avais aimé Mars ! ?

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  2. Heu… pas eu la même lecture que toi, du tout. C’est un filou Fabcaro, tu sais ? Tu me fais douter de ma compréhension d’un coup, ou du degré de ton billet, je ne sais pas, je ne sais plus, mais bon en tout cas on ne lit jamais assez Fabcaro, et vive le Pérou ;o))

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    1. Je sais que c’est un filou oui 🙂
      Tu n’as pas eu la même lecture que moi ? Je serais passée à côté de quelque chose ?? Pas trouvé ton article sur ton blog (je viens encore de vérifier). Tu avais accueilli les propos comment ?

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      1. Pas fait de billet, ma lecture date un peu, mais….

        *** SPOILER *** ATTENTION ! NE LISEZ PAS DESSOUS SI VOUS N’AVEZ PAS LU LA BD !!!!!

        Moi j’ai compris que c’est un faux journal de voyage, il n’est absolument pas allé au Pérou ni rien, il déconne de A à Z ;o)))

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        1. Rahhh ! Mais je suis complètement passée à côté de la lecture !! Cela dit, ça se tiendrait aussi s’il a fait ce voyage… Bon, je crois que je suis un peu trop « premier degré ces derniers temps »
          La lecture que tu as faite expliquerait deux ou trois choses un peu tordues sur lesquelles j’avais marqué un temps d’arrêt : la semaine mexicaine (en début d’album), la présence régulière de sa fille (un coup avant séjour, un coup après séjour) et l’anecdote d’une randonnée ou le guide en titre l’improvise guide pour cette excursion. Mais… mince… je dois vraiment relire !

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  3. Je suis comme Cuné, j’ai l’impression que nous n’avons pas tout à fait compris la même chose. C’est marrant.
    Bon alors ? Pas trop de regrets de t’être jeté dans les griffes de 6 pieds 😉

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    1. Ok, je suis passée à côté de quelque chose. Mais vous savez que je n’aime pas quand je ne comprends pas !!? 😀
      Je n’ai aucun regret de m’être engagée dans cette lecture MAIS, je crois que je vais relire ^^
      Ce n’est tout de même pas en lien avec cette artiste péruvienne ce dont vous me parlez ? Parce que c’est de la supposition ça !
      Help ? :mrgreen:

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  4. Je ne connais pas du tout mais le graphisme semble sublime, les planches que je viens de voir me donne envie. Cette BD semble très expressive et payer le prix d’un livre pour voyager à l’autre bout de la Terre est plus dans mes cordes qu’un aller-retour pour le Pérou.

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  5. Alors, il y est allé ou pas ? Peu importe, l’autodérision c’est mon truc donc ça devrait me plaire.
    (il est dispo à la médiathèque en plus, yapluka !).

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    1. Y est-il allé ?? N’y est-il pas allé ?? Je ne sais plus trop. Lis-le car je crois avoir besoin d’un maximum de lumières sur cet album :mrgreen:

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  6. Huhu… amusé de voir que tu t’es faite avoir par ce génial escroc !
    Faut que tu lises ses histoires plus « biographiques », c’est très bon… et aussi Parapléjack, immonde mais si bon… et tout le reste de ce qu’il a fait, d’ailleurs !
    Un grand bonhomme de l’humour que je place pas loin d’un Bouzard (le maître) !

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    1. 🙂
      C’est tellement déjanté que je le voyais bien, au moment de mettre au propre ses notes et croquis, partir dans des délires et les intégrer à des dessins qu’il aurait fait sur place (au Pérou donc… grumpf ^^). Sur les parties de foot, par exemple, je voyais bien les gamins prendre ce qui leur tombait sous la main (sous le pied en l’occurrence) Fabcaro qui en délire tellement qu’il en fait ce qu’il en a fait. Beaucoup de délires dans un peu de « vrai ». Tout ça collait bien 🙂 Mais bon… ^^
      Je vais le lire cet auteur, histoire de cerner un peu mieux le bonhomme 😉

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    1. Contente de t’avoir donné envie de le lire. Quelques soit l’attention qu’on porte à cet ouvrage (et quelque soit la sensibilité que l’on ait à l’égard de l’humour qu’il contient), on passe un très agréable moment de lecture 😉

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  7. J’ai pour ma part adoré le décalage qu’il créée entre le carnet de voyage et son humour qu’il apporte en supplément.
    Pour autant je suis comme toi, je me suis fait avoir ^^ Ce qui me fait dire que j’adore encore plus ! Je lirai volontiers d’autres œuvres de Fabcaro du coup 🙂

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    1. Ouh, ça me rassure bien ce que tu dis là. Je me posais de sacrées questions quant au rapport que je peux avoir avec mes lectures. Pur consommateur ? Quid de l’esprit critique ?? Naïveté exacerbée ?? Bref.
      Mais je le redis, j’ai pourtant eu beaucoup de plaisir à découvrir cet ouvrage 🙂

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      1. Le plaisir, c’est important. Ben j’ai eu du plaisir à lire un carnet de voyage atypique parce qu’entrecoupé d’humour permanent… et le plaisir de me faire avoir comme un bleu par un auteur génialement inventif 🙂

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            1. Ce qui est bien, c’est qu’il y a de quoi faire ! Une jolie bibliographie que voilà… un focus ?? :mrgreen:

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  8. Bon, je lis pas ta chronique, je reviendrais après avoir lu la bd ^^ (t’as vu comme je suis bien tes conseils XD)
    en tout cas j’ai retenté le coup ce matin avec Zaï zaï zaï zaï (faut dire que je me suis planté et j’avais rien d’autre à lire…) et j’ai adoré ! Heureusement que j’ai oublié mon bouquin à la maison 😀
    maintenant faut que je me trouve le carnet du Pérou 🙂

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    1. Je suis bien contente que tu aies redonné ta chance à « Zaï zaï zaï zaï »… et non, on reparlera de « Carnet du Pérou » une fois que tu l’auras lu :mrgreen:

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