Femmes de réconfort (Jung)

Jung © 6 Pieds sous terre & Le Diable Vauvert – 2007
Jung © 6 Pieds sous terre & Le Diable Vauvert – 2007

Les agissements visant à intimider l’ennemi sont nombreux. Bombardements, génocide, attaques chimiques… les attaquants ont toujours su faire preuve d’ingéniosité malsaine à cet égard. Il en va également ainsi pour la guerre de colonisation qui opposa le Japon et la Corée du Sud. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, le Japon a enrôlé de force plusieurs centaines de femmes et les a mises à disposition de ses soldats. Appelées « femmes de réconfort », ces victimes étaient parfois arrachées à leur famille dès l’âge de 10 ans. Déportées loin de chez elles, arrachées à leurs racines, elles étaient victimes de viols répétés.

« Les soldats japonais ont aligné toutes les femmes vierges du camp. Ils en ont choisi après les avoir examinées comme de la viande chez le boucher ».

Aujourd’hui encore, le Gouvernement japonais peine à reconnaître son délit. Profondément blessées, traumatisées, ces femmes – les Halmuny – ont pendant longtemps vécu telles des ombres, cachant leurs visages afin de dissimuler le sentiment de honte qui les ronge. Cependant, depuis 1992, elles ont décidé de se montrer au grand jour et de crier leur souffrance en manifestant chaque mercredi devant l’Ambassade du Japon à Séoul.

La démarche de Kyung-a Jung, auteure de ce manhwa, est de témoigner pour que ce fait historique ne tombe pas dans l’oubli. Mais l’auteure souhaite aussi de s’interroger « sur les circonstances qui ont abouti à cela, sur leur sens et leur impact dans la société coréenne ». En quête de compréhension, elle cherche donc à expliquer pourquoi – par exemple – « les Japonais qui rendent visite aux Halmuny retournent dans leur pays les bras chargés de documents alors que les jeunes Coréens ne prennent pas la peine de se documenter et se contentent d’exprimer tristesse et colère. Les Coréens semblent considérer cette affaire de manière encore superficielle et unilatérale ».

Mais la chape de silence se lève peu à peu. Les Halmuny n’hésitent plus à témoigner et les médias se saisissent de la question. Un sujet de société douloureux et épineux auquel le Festival International de la bande dessinée d’Angoulême avait notamment consacré une exposition en 2014.

La simplicité du dessin porte un propos cru dans lequel la honte et la souffrance sont des sentiments omniprésents. Des femmes qui, plus de cinquante ans après les faits, subissent encore le traumatisme de cette expérience humiliante. Pendant près de huit ans, elles ont été séquestrées dans des maisons closes.

Pour eux, nous n’étions pas des êtres humains. Nous étions des proies, de la nourriture qu’on mâche, qu’on avale et qu’on recrache.

14 août 1991. Le premier témoignage d’une femme coréenne est rendu public. Cet acte de courage s’est répandu comme une trainée de poudre auprès des autres victimes. Peu à peu, leurs voix se sont élevées pour dénoncer le fait qu’elles ont été les esclaves sexuelles des soldats japonais.

Javanaises, Chinoises, Européennes, sans distinction de race ni de nationalité, toutes celles qui attirent le regard… La chasse était ouverte !

Au moment de leur libération, les soldats japonais les ont contraintes à s’enfermer dans le mutisme. Si l’une d’entre elles osait témoigner, elle serait exécutée ainsi que sa famille.

Outre les témoignages de victime, le scénario donne également la parole à des acteurs militant pour la cause de ces femmes qui ont été contraintes à la prostitution. Ainsi, Kyung-a Jung a rencontré Yun Mi-Hyang (à l’époque où elle était encore secrétaire générale du Conseil coréen pour les femmes enrôlées de force comme esclaves sexuelles au service de l’armée japonaise) ou encore le compte-rendu d’une interview menée par un journaliste auprès d’un gynécologue qui avait été affecté à une base de l’armée de terre japonaise et, à ce titre, amené à examiner les femmes enrôlées pour « travailler » dans les maisons closes. Le propos est certes didactique, mais l’humanité qui ressort de cet album est réelle. Kyung-a Jung met en exergue le fait que l’Etat coréen a activement collaboré et fourni des femmes à l’armée japonaise. L’auteure ne se permet aucun détour pour traiter son sujet mais ose l’emploi de l’ironie pour rendre son propos plus incisif. Pourtant, la narration m’a semblé manquer de structuration et fourmiller de détails inutiles (ce constat est d’autant plus fort dans la dernière partie de l’ouvrage). Il en résulte une légère difficulté à se concentrer durant la lecture et ce malgré la gravité du thème abordé.

PictoOKLe viol comme arme de guerre. Une abomination de plus dans le règne de l’espèce humaine. Un ouvrage instructif autant que réflexif.

L’avis de Mango et la chronique de David.

LABEL Lecture AccompagnéeUne lecture que je partage avec Marilyne à l’occasion de la Journée internationale de la femme. Ma complice de lecture présente quant à elle « Le choix », un album de Désirée Frappier (scénario) et Alain Frappier (dessin) sur le droit à l’avortement.

Du côté des challenges :

Le tour du monde en 8 ans : Corée du Sud

Extraits :

« Lors de la dernière occupation de la Mandchourie par l’armée japonaise, le coréen Luju installé là-bas parvient à ouvrir une maison de ce type mais, faute d’emplacement à louer, il improvisa des espaces avec des tentes plantées à même le sol. Dans ces « maisons culinaires » ainsi dressées à la hâte, même une centaine de « femmes militaires » ne suffisait pas et il arrivait fréquemment qu’une seule femme reçoive en moyenne 30 à 40 soldats japonais par jour » (Femmes de réconfort – Esclaves sexuelles de l’armée japonaise).

« Après le premier viol, elles apprirent enfin le mot « maison de réconfort ». Subir le viol répétitif par 10 à 20 soldats par jour était le « travail » qu’on leur avait infligé » (Femmes de réconfort – Esclaves sexuelles de l’armée japonaise).

Femmes de réconfort

– Esclaves sexuelles de l’armée japonaise –

One shot

Editeurs : 6 Pieds sous terre & Le Diable Vauvert

Dessinateur / Scénariste : Kyung-a JUNG

Dépôt légal : octobre 2007

ISBN : 978-2-35212-029-2

Bulles bulles bulles…

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Femmes de réconfort – Jung © 6 Pieds sous terre & Le Diable Vauvert – 2007

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

13 réflexions sur « Femmes de réconfort (Jung) »

    1. Je ne sais pas 😀 En tout cas, j’aime d’amour tous ces albums qui transmettent ces témoignages que certains s’échinent à vouloir étouffer. Ici, le positionnement du gouvernement japonais est assez révoltant !

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  1. Je l’avais gagné dans le cadre du premier loto BD je crois (ça remonte !). Je me rappelle avoir été très gêné par la narration et le dessin. Le sujet est intéressant mais son traitement avait rendu la lecture pénible (et au final je n’avais même pas fait de billet 😉 )

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    1. Le second Loto BD !! Pfiou, ça date, je suis allée fouiller dans les archives pour le coup (c’est ici). Tu avais eu une sacrée sélection !!!
      Je suis d’accord avec toi pour cet album. Intéressant mais oui, la lecture est ardue. Je n’accentue peut être pas assez sur ce point mais c’est bien le sentiment que j’ai eu et que je veux faire passer en disant, en fin d’article, que le scénario manque de structuration. J’ai eu du mal à terminer ma lecture. La partie consacrée au médecin gynécologue est un peu longue tout comme la dernière histoire avec cette grand-mère qui fait un séjour dans sa famille.
      Un album nécessaire cependant. On n’a rien sans rien 😀

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    1. « Couleur de peau miel »… je ne l’ai même pas sur le blog. Lu avant que je n’ouvre ce site et encore, je n’ai pas pris la peine de découvrir le tome 3 (le second tome m’avait déçue)
      Ici, c’est un sujet différent mais tout aussi intéressant 😉

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    1. A vrai dire, je ne sais pas trop. Cela faisait quelques années que je voulais l’acheter mais mon libraire ne l’avait jamais en rayon (il me proposait de le commander, mais j’aime bien tenir l’ouvrage en main avant de concrétiser). Cela dit, il ne m’a jamais dit que l’album était en rupture.
      Finalement, je l’ai acheté sur le stand de l’éditeur lors du dernier festival d’Angoulême.

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    1. J’ai beaucoup de chance 🙂 Et puis, tu n’es pas en reste. Je ne compte plus le nombre de titres que j’ai noté chez toi 😛
      L’envie de lire celui-ci avait fait suite à l’avis que Mango avait publié il y a quelques années 😉

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