Station Eleven – Emily Saint John Mandel

stationeleven“Le roi se tenait, à la dérive, dans une flaque de lumière bleue. C’était l’acte IV du Roi Lear, un soir d’hiver à l’Elgin Theatre de Toronto. En début de soirée, pendant que les spectateurs entraient dans la salle, trois fillettes – versions enfantines des filles de Lear – avaient joué à se taper dans les mains sur le plateau, et elles revenaient maintenant sous forme d’hallucinations dans la scène de la folie. Le roi titubant essayait de les attraper tandis qu’elles gambadaient ça et là dans les ombres. Il s’appelait Arthur Leander et avait cinquante et un ans. Des fleurs ornaient ses cheveux. […] Ce fut à ce moment-là que la chose se produisit. »

Un point de départ, un point de rupture : la mort d’Arthur Leander sur scène. Ce soir là, le monde s’écroule. Il y aura un avant. Il y aura un après.

Un virus, la grippe de Géorgie, un nom au « charme désarmant » pour une catastrophe totale. Ou presque. 99,99% de la population se meurt. En quelques heures, quelques jours à peine. La civilisation est anéantie. Toute ? Non. Quelques personnes survivent. Pourquoi eux ?

Parmi elles, la troupe de la Symphonie Itinérante, des acteurs et des musiciens, qui cheminent sur un vaste territoire, entre les îlots de survivants. Une devise « Parce que survivre ne suffit pas ». Leur but : émerveiller les gens, ces rescapés « usés par le labeur, une existence difficile », faite de peur, de misère. Survivre. Vivre peut être. Reconstruire. Espérer. Et s’émerveiller parfois le temps d’une représentation théâtrale.

« Il y eut la grippe qui explosa à la surface de la terre, telle une bombe à neutrons, et le stupéfiant cataclysme qui en résulta, les premières années indescriptibles où les gens partirent sur les routes pour finalement se rendre compte qu’il n’existait aucun endroit, accessible à pied, où la vie continuait telle qu’ils l’avaient connue auparavant ; ils s’installèrent alors où ils le pouvaient – dans des relais routiers, d’anciens restaurants, des motels délabrés -, en restant groupés par mesure de sécurité. La Symphonie Itinérante voyageait entre les colonies du nouveau monde […]. La Symphonie jouait de la musique –classique, jazz, arrangements pour orchestre de chansons pop d’avant la débâcle – et du Shakespeare. Les premières années, il leur était arrivé de jouer davantage de pièces contemporaines, mais le plus étonnant, ce qu’aucun d’eux n’aurait imaginé, c’était que le public semblait préférer Shakespeare aux autres œuvres de leur répertoire. « Les gens veulent ce qu’il y a de meilleur au monde », disait Dieter …. »

 C’est un roman d’anticipation, de fin du monde, au petit gout de Barjavel et de son Ravage que j’avais tant aimé jeune. Mais pas que. Voire, bien plus que cela ! C’est superbement écrit, superbement mené. Un entrelacement de vies et de voix qui racontent l’avant. L’après. Toutes semblent liées à ce comédien, cet Arthur Leander. En toile de fond, une superbe et mystérieuse bande dessinée « Station Eleven ». Un à un, tous les éléments vont se mettre en place jusqu’à la chute. Faire sens. Et punaise que c’est beau !

Une lecture toutafé inhabituelle, complexe, forte avec des personnages formidables, de la tragédie, des quêtes, de la résignation, du songe, de la bravoure, de l’amour, des horreurs, des bonheurs, de la renaissance, de l’apocalypse, de la religion et son emprise sur les êtres …. Une fable terriblement humaine, magistralement écrite !

De tous les livres découverts depuis le début de la sélection ELLE il est mon préféré, mon élu ! Un roman qu’il vous faut découvrir de toute urgence 😉

Extrait

 « Parfois, les membres de la Symphonie Itinérante se disaient que leur activité était noble. Certains soirs, autour du feu, l’un deux faisait une remarque stimulante sur l’importance de l’art, et les autres dormaient plus paisiblement cette nuit-là. A d’autres moments, ça leur paraissait un mode de survie difficile et périlleux qui n’en valait pas la peine, surtout quand ils devaient camper entre deux villes, quand ils étaient chassés d’endroits hostiles sous la menace de revolvers, quand ils traversaient sous la neige ou la pluie des territoires dangereux, acteurs et musiciens armés de fusils et d’arbalètes, les chevaux exhalant des nuages de vapeur, quand ils avaient froid, peur, les pieds trempés. Ou quand, comme maintenant, l’implacable chaleur de juillet pesait sur eux et sur la forêt impénétrable, de chaque côté de la route, et qu’ils marchaient des heures durant se demandant si un prophète déséquilibré ou ses acolytes n’étaient pas à leurs trousses – en se chamaillant, aussi, pour oublier leur terrible angoisse. »

Une lecture divine et partagée avec ma copine Noukette

gplelle

 

Station Eleven, Emily Saint John Mandel, Rivages, 2016.

13 réflexions sur « Station Eleven – Emily Saint John Mandel »

    1. Punaise, j’espère que tu vas aimé ❤ parce que je sais que certains sont déçus, on en a trop causé peut être, ou trop d'attente ! Mais punaise, jte jure, belle Moka, ce livre nous a régalé toutafé :-p

      Aimé par 1 personne

    1. Oh oui, j’adore ! Bon c’est un peu chaud en ce moment de tout lire MAIS c’est chouette, ça m’oblige à lire des histoires à côté desquelles je serai passée sans nul doute 😉 ça m’oblige à sortir de ma zone de confort et c’est top !
      Et ce livre là ❤ ❤ ❤ un coup de cœur fou !
      (ai pas lu de Stephen King depuis très longtemps, je crois que j'ai passé l'âge ! )

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