Quelques jours à vivre (Bétaucourt & Perret)

Bétaucourt – Perret © Guy Delcourt Productions – 2017

Unité de soins palliatifs de Roubaix.

En 2016, 295 patients ont été accueillis dans le service. La durée moyenne d’hospitalisation est de 11 jours.

C’est avec l’arrivée de Juliette – élève infirmière – que l’on fait connaissance avec l’équipe du Docteur Heuclin. Une équipe dynamique composée d’infirmiers, d’aides-soignants, d’une psychologue et de bénévoles (visiteurs médicaux).

Très vite, nous découvrons les rituels quotidiens de l’unité. La journée commence par une réunion matinale durant laquelle les équipes débriefent : l’équipe de nuit fait le relai à l’équipe de jour en parlant de l’état de santé de chaque patient. Une réunion conviviale avec café et croissants, boutades et complicités. Vient ensuite le moment de visiter les malades ; le Docteur Heuclin prend le temps de faire le point avec chacun d’entre eux. Le reste de la journée, l’équipe se relaye autant que possible, bienveillante et organisée, pour assurer la qualité de l’accompagnement des malades et de leurs familles.

Accompagner un individu et ses proches dans leurs derniers instants, aider les uns et les autres à libérer leur parole. Un quotidien de travail souvent douloureux, chaque décès est un « micro-deuil » pour ses soignants.

On est là pour soigner, pas pour guérir.

Je commence à bien apprécier le travail de Xavier Bétaucourt ; j’ai lu deux des trois albums qu’il a publiés sur les deux dernières années et je n’ai pas eu le soupçon d’une déception (avec une préférence marquée pour « Le Grand A » publié aux éditions Futuropolis). J’avais donc très envie de découvrir son dernier-né : « Quelques jours à vivre » .

Londres, 1948. L’infirmière Cicely Saunders accompagne David Tasma, un immigré juif polonais de 40 ans, dans ses derniers jours. Il meurt, seul, d’un cancer. Il a certes besoin d’une prise en charge de la douleur mais surtout, il a besoin de se raconter. Alors ils parlent. Ensemble, ils imaginent un havre où les mourants pourraient trouver la paix dans leurs derniers jours. A sa mort, il lègue 500 livres sterling pour créer ce lieu où les soins seraient plus personnalisés. Où l’on s’occuperait de la douleur et où l’on écouterait les malades.

Le scénario est assez riche car il prend le temps de montrer l’évolution de la prise en charge du malade au travers des siècles, la lente prise de conscience (en France) de la nécessité de mettre en place des unités de soins palliatifs. Loin d’apporter de la lourdeur au propos, ces temps de récit plus didactiques offrent au contraire une respiration dans « l’histoire » de l’unité roubaisienne. Car au cœur de cette unité, des vies sont sur un fil et l’équipe œuvre pour accompagner au mieux chaque personne jusqu’au dernier souffle.

Massages, hypnose, parole, présence, médication, caresse, baiser, rire… chaque soignant veille à sa manière, avec douceur, bienveillance, empathie et toute la technicité de sa profession. Au dessin, Olivier Perret ( « Il fera beau demain » , « Journées rouges et boulettes bleues » ) caresse à son tour les personnages et donne à l’ambiance un côté apaisant. Sans pathos et respectant l’intimité de chaque patient, il illustre avec beaucoup de délicatesse les scènes de vies qui s’offrent à nous. Il parvient à accompagner la voix de chaque personne amenée à témoigner dans cet album (en l’occurrence, il s’agit de l’équipe de soignants) et donne beaucoup de profondeur à ce récit choral. Le dessinateur s’attarde également sur de nombreux détails graphiques qui montrent la volonté des professionnels à porter jusqu’au dernier instant les corps fatigués qui sont alités dans les chambres de l’unité.

Pour avoir passé quelques jours dans une unité de soins palliatifs cet été, j’ai retrouvé dans l’album cette ambiance calfeutrée, chaude et lumineuse. Un instant de lecture suspendu entre ici et ailleurs pour mettre des mots sur la fin de vie et saluer le travail d’accompagnement réalisé par ces équipes de soignants.

Sur le même thème, j’avais aussi fort apprécié « Journal d’un adieu » de Pietro Scarnera.

La chronique d’Alice.

Quelques jours à vivre

One shot
Editeur : Delcourt
Collection : Encrages
Dessinateur : Olivier PERRET
Scénariste : Xavier BETAUCOURT
Dépôt légal : septembre 2017
128 pages, 14.95 euros, ISBN : 978-2-7560-8226-4

Bulles bulles bulles…

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Quelques jours à vivre – Bétaucourt – Perret © Guy Delcourt Productions – 2017

Auteur : Mo'

Chroniques BD sur https://chezmo.wordpress.com/

18 réflexions sur « Quelques jours à vivre (Bétaucourt & Perret) »

    1. Hâte de te lire. J’espère qu’il te plaira car c’est un album riche qui propose aussi une réflexion sur le rapport à la mort qui diffère d’une société à l’autre 😉

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    1. Je ne sais pas si tu avais eu l’occasion de lire « Le Grand A » ! Un album percutant sur la société de consommation.
      Je trouve ces « Quelques jours à vivre » assez nécessaire. On parle peu de la mort ou de la fin de vie, comme si cela ne nous concernait finalement pas. C’est tout de même un tabou, dans nos sociétés occidentales, qui nous amène à cacher « nos vieux » et à faire abstraction de ce que la fin de vie induit.

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  1. J’ai adoré cette BD, l’une des claques de la fin 2017. Du coup je note les autres titres cités, notamment Le Grand A.

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    1. Les deux mon Capitaine !! D’un côté tu as un album plutôt mordant, de l’autre un récit plutôt posé. Mais dans les deux cas, ça nous invite à réfléchir sur la société, ses valeurs, etc. Avec ici, dans cette unité de soins palliatifs, beaucoup d’humanité et d’humilité

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  2. Le Grand A est déjà dans ma WL, j’ajoute cet album car son sujet me touche et m’effraie aussi… Là on parle des autres, d’inconnus, on peut avoir connu ça de près ou de loin, mais un jour, ça risque de nous concerner, pour nous-mêmes…

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    1. Tout à fait. Les auteurs font le parallèle avec d’autres cultures aussi et on voit un peu comment la mort/le défunt/le mourant peut faire partie du cycle naturel de la vie ou, comme chez nous en Europe, on l’écarte

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  3. Oh c’est l’auteur du Grand A? Je signe, alors; de plus le thème m’intéresse. En fait j’aime les BD sur ces sujets de société.
    (pour en revenir à un débat sur facebook, tu vois, même si je ne participe pas souvent -on va dire rarement- à la BD de la semaine, je fouine quand même sur les blogs pour repérer les pépites.)

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    1. Je sais je sais ! Je t’ai déjà vu commenter de ci de là… et ici 😉
      Et concernant Xavier Bétaucourt, je suis son « actualité » depuis que j’ai lu « Le Grand A » . J’aime beaucoup sa manière d’aborder les choses et cet humour qu’il sait introduire en toutes circonstances

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    1. Ouh, j’irais bien faire un tour du côté de ce roman 😉 A l’occasion, si tu peux me glisser son titre dans un commentaire… 😉

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